LA THÉORIE DU BALLAST
Professeur-Docteur Franz LEHMANN
Zeitschrift fur
Tierern!hrung
und Futtermittelkunde Band 5, 1941, pages 155-173André VOISIN
La notion de ballast n’est pas mentionnée dans les ouvrages anciens sur l’alimentation des animaux. Elle
n’apparaît
que récemment dans les manuels et les tables d’alimentation desanimaux,
sanscependant
être étudiée etexpli- quée
deplus près.
Deplus,
il semble que cette notion n’est pastoujours
consi-dérée avec la
prudence voulue ; aussi,
meparaît-il
nécessaire de bien voir sonimportance
et de déterminer sonorigine. Je
serai malheureusement pourcela, obligé
deparler
de ma propre personne, car c’est moi-mêmequi,
au cours demes conférences à
Gëttingen
sur la théorie de l’alimentation desanimaux,
ai fait ressortir pour lapremière
fois la notion fondamentale de ballast.J’appelle
cc ballast » La substanceorganique
nondigestible
de l’aliment. Il secalcule en additionnant les
parties digestibles : Albumines,
matières grasses, fibrescellulosiques ( 1 )
et matières extractives nonazotées, puis
on déduit cetotal de la matière
organique
trouvée paranalyse.
La
conception
de ballast a sonorigine
dans des considérationspédago- giques.
Au cours des conférences où on doitparler
des normes des alimentsfourragers,
le chiffre « matière sèche » est celui le moins facile à définir.Je
cher- chais donc unesimplification.
Elleapparut d’elle-même, quand,
au lieu de la" matière sèche »,
je pris
commepoint
dedépart
de mesexplications,
la « subs-tance
organique
totale ». Celle-cipeut
facilement être mise enparallèle
avec laa substance
organique digestible
».Il
s’y ajouta
alorsqu’Emil
Wo!,!!qui, pendant
des dizainesd’années,
calcula presque seul toutes les normes
fourragères, indiquait toujours
dans sestables : « substance
organique
totale » et non la matière sèche.Je
me suis doncreporté
aux tables de WOLFF et en déduisis d’abord lepetit
tableau suivant :( 1
) Le terme " fibres cellulosiques » correspond en général au mot fiançais cellulose a. Dans le
texte, nous avons cru cependant préférable de laisser le mot " fibres » tout court.
(Note du Traducteur)
Ainsi,
la ration d’entretien et la ration deproduction
donnent un chiffreidentique
pour la matièreorganique
nondigestible.
Ceci était évidemmentsurprenant,
maisl’explication
n’était pas difficile.Je suis,
comme Emil Wo!,x!, unreprésentant
despremiers temps
de lathéorie de l’alimentation du
bétail ;
et à cetteépoque,
nous étions en liaisonétroite avec le paysan et ses méthodes de travail. En ce
temps-là,
les stationsexpérimentales
se trouvaient dans les fermesmêmes,
et les normesfourragères
étaient déduites à
partir
des méthodes d’alimentation paysannes. Les chiffres de nospremières
tables d’alimentation étaient en réalité déduits des rations réelles que des cultivateurs avertis donnaient à leurs animaux.Quand
ils’agit
de fournir à un boeuf sa seule rationd’entretien,
le cultiva- teur essaie de le nourrir leplus économiquement possible,
c’est-à-dire avec de lapaille,
desmenues-pailles
et dufourrage,
tout en lui donnant le moinspossible
d’aliments à forte
digestibilité, qui
sonttoujours
chers.Or,
tous les aliments bonmarché,
courants à laferme,
sont des aliments riches en ballast. Les nour- ritures données pour l’entretien seul contiendront donc autant de ballast que l’animalpeut absorber,
et ceciapparaît
dans le chiffre de 4,3kg
de ballast pourun animal d’un
poids
de 500kg.
Mais,
si on veutqu’un
boeuf prenne de la viande ouqu’une
vache donne dulait,
il faut leur fournir unebeaucoup plus grande quantité
de matièresdiges-
tibles.
Seule,
laquantité
de ballast nepeut
êtreaugmentée,
car avec q.,3kg
deballast,
lacapacité d’absorption
de ballast de l’animal adéjà
atteint sa limite.C’est ce
qui explique
que dans monpetit
tableau I, les normes de la ration pour la vache en lait contiennent exactement la mêmequantité
de substanceorganique
nondigestible
que la rationd’entretien,
à savoir q.,3kg.
La rationdu boeuf à
l’engrais
contient 4,5kg
de substanceorganique
nondigestible,
chiffre
qui,
parconséquent,
est encore peuéloigné
du chiffre de la ration d’en-tretien. ,
Il est intéressant de noter
qu’Emil
!’i’or,FF! divisel’engraissement qui
duregénéralement
3 à 4 mois en troispériodes.
Nous avonstoujours
eu difficile àcomprendre
cette division. Eneffet,
Emil WoLF!indique
les matières nutritivessuivantes
(tableau II)
comme nécessaires pour les boeufs de 5ookg
au cours deces trois
périodes :
Ces chiffres sont au
premier
abordincompréhensibles,
à moins d’en étudierl’origine :
l’éminent etremarquable
savant EMm Wo!,x! les avait déduits de sesexpériences pratiques
basées sur les méthodes usuellesd’engraissement
descultivateurs.
Or,
à cetteépoque,
les cultivateurs avertis divisaient leurengrais-
sement en troispériodes.
Du reste, d’autresspécialistes
de l’alimentation de cetteépoque
ont fait demême ;
c’est le casde
SE’r’rEGnsT dans son ouvrage sur l’alimentationqui
futpublié
en1 8 72 .
L’explication m’apparut
clairementquand je
calculais les rations de Wor.FFen « substance
organique
totale n et en déduisis la substanceorganique diges- tible,
cequi
me donna le ballast. Le résultat de mon calcul est donné dans letableau III : ’ ’
La
quantité
deballast,
au cours de ces troispériodes,
décroît de 4,5kg
à 3,75kg puis
3,45kg. Car,
au fur et à mesure quel’engraissement
progresse et que les cavités de l’abdomen seremplissent
degraisse,
lacapacité d’absorption
de ballast devient
plus
faible. Parconséquent,
si on veut finirparfaitement l’engraissement,
c’est-à-dire maintenirjusqu’à
la fin un accroissementquoti-
dien constant de
poids,
il faut donner au boeuf un alimentplus
pauvre enballast,
sans
cependant
diminuer laquantité
de substancesorganiques digestibles.
Aujourd’hui,
on neparle plus
de diviserl’engraissement
en troispériodes ;
ce
n’est
du reste pasnécessaire,
car au fur et à mesure quel’engraissement
pro- gresse, les bêtes veillent elles-mêmes à manger moins depaille.
Du reste, nos calculs ont leurs limites : la
quantité
de ballast absorbé n’est pas un chiffre constant ; elle décroîtquand l’engraissement
avance. Nous trou-verons en outre d’autres facteurs de variations de ce chiffre fondamental.
Le ballast dans l’alimentation des vaches laitières
L’ancienne norme pour une vache de 5oo
kg,
si onnéglige
les chiffres pour chacun des éléments nutritifsindividuels,
était la suivante :On
pourrait
être tenté decalculer
la substanceorganique
nécessairepour produire
i litre delait,
et d’utiliser ces normes pour calculer les rations néces- saires aux vaches très fortesproductrices.
Nous trouvons alorsqu’il
faut par litre de lait 0,4kg
de substanceorganique digestible,
et onpourrait
alors dres-ser une table où on
indiquerait
les besoins de la vache suivant saproduction
de
lait ;
c’est ce quej’ai
fait et que l’on a faitdepuis
mes conférences à l’Uni- versité deGôttingen
eni8 95 .
Comme la
quantité
de ballast demeure constante etégale
à q,3kg,
iln’y
aque la
quantité
absorbée de substanceorganique digestible,
à savoir 4,okg
par 10 litre de lait
qui augmente.
Laquantité
d’aliments fournis doit doncpermettre
de satisfaire cetteaugmentation
de besoins en substanceorganique digestible.
Ceciapparaît
très nettementquand
on calcule le coefficient dediges-
tibilité de la substance
organique
de l’alimentfourni,
comme nous l’avons fait dans le tableau IV.Ce tableau est très
instructif,
surtout si on compare les coefficients dediges-
tibilité dw tableau avec ceux d’aliments courants : celui du
fourrage
est de6
1
%
et de lapaille
40%.
Pour fournir à un bovin sa ration
d’entretien,
il suffit d’unmélange
defourrage
et depaille
avec un coefficient dedigestibilité
de 5i%.
I,a vache
qui
donne io litres de lait nepeut déjà plus
satisfaire ses besoinsavec du
fourrage,
mais doit recevoirun
aliment avec un coefficient dedigesti-
bilité
plus
élevé.Dans le cas de la vache donnant 20litres de
lait,
le coefficient dedigesti-
bilité de l’aliment fourni doit être de 74
%
c’est-à-direplus
élevé que celui du son, pourlequel
le coefficient est de 72%.
Pour les vachesqui
donnent 30litres delait,
il faut unfourrage
avec un coefficient de 79%. Rappelons
que les pro- vendes de céréales ont un coefficient dedigestibilité
de 81-82%.
Quand
laquantité
de laitproduit augmente,
la vacheexige
non seulementun aliment
plus
riche en matièresnutritives,
mais elleexige également
uneautre
espèce
d’aliments. Il faut donner de moins en moins defourrage
et depaille.
Une alimentation rationnelle desgrandes laitières,
c’est-à-dire une ali- mentationqui
ne fasse pasperdre
dupoids
à lavache, exige
desquantités
énormes d’aliments concentrés.
Ce
principe, qui
est facilement démontré par le calcul duballast,
est au-jourd’hui parfaitement
connu de tous lesagriculteurs. Mais, maintenant,
oncalcule
différemment, grâce
aux travaux deK ELLNER ,
les besoins en éléments nutritifs. On résume le besoinglobal
en éléments nutritifs dans un seulchiffre,
la «valeur amidon », et onindique
en mêmetemps
le besoin en albuminediges-
tible.
Comme besoin en substances
nutritives,
pour 10 litres delait, je prends
les chiffres suivants :
J’en
déduis le tableau V.D’après
ces chiffres debase,
nous pouvons déterminer lesmélanges
d’ali-ments
permettant
de satisfaire à ces besoins. Comme alimentgrossier
volumi-neux, on utilise la
paille
et lefourrage,
que nouscomplétons
par unmélange
de tourteaux. Nous fournissons en outre, des
pulpes
et des pommes de terre séchées ainsi que du son de blé. Le tableau VI vousindique
les rations :I,’attention que nous avons
apportée
à ne pasdépasser
laquantité
maximade ballast se révèle par la
suppression
de lapaille
au-dessus de io litres de laitet par la diminution
progressive
de laquantité
defourrage.
Pour la rationd’entretien,
lefourrage
et lapaille
suffisent.Mais, déjà,
avec 10 litres delait,
il faut
beaucoup
réduire laquantité
depaille.
Pour les vaches avec 30litres delait,
laquantité
defourrage
doit deplus
être très restreinte. Le calcul pourune vache de 40 litres est
déjà
d’une certituderelative ;
il est douteuxqu’une
vache donnant 40 litres de lait
puisse
absorber la ration contenant 3kg
de four-rage.
Le ballast des aliments
I,es calculs ne
peuvent
être faits de manièreprécise
que si nous étudions deplus près
les richesses en éléments nutritifs de nosprincipaux
aliments four- ragers. Deplus,
nousdevons,
pour cesaliments, indiquer
le ballast en mêmetemps
que leur richesse en unités amidon et en albuminedigestible.
Ces chiffresse déduisent facilement des tables de Kx!,!,n!R.
Je
les aiindiqués pendant
desdizaines d’années aux élèves de mes cours, mais ne les ai
jamais publiés. Malgré cela,
mes chiffres ont été utilisés dans de nombreuses tables.J’indique
dans letableau VII les richesses des éléments
employés
dans le tableau VI.I,e
mélange
de tourteaux étaitcomposé
comme suit :La «
Proportion
de ballast »(Ballastverhaltms)
L’introduction de la notion de ballast
complique
indubitablement le calcul des rations.Il n’est pas facile d’introduire ce nouvel élément dans nos tables habituelles
ce
qui
nousoblige
à tenircompte
de trois éléments au lieu des deux élémentsqui s’y
trouvent.Aussi,
est-il nécessaire desimplifier
leplus possible
nos cal-culs ;
pourcela,
il est nécessairequ’on puisse juger rapidement
de la teneur enballast, qu’elle
soit forte ou faible. Lacomparaison
est assez facilequand
ils’agit
d’aliments secs ; mais devient difficile avec des aliments riches en eautels que des
fourrages
verts ou des betteravesfourragères. Aussi,
pour faciliter lescalculs,
recommandons-nous l’introduction de la «proportion
de ballast »(Ballastverhâltnis), qui indique
combien l’aliment contient de ballast pour100 unités amidon. Ce chiffre s’est révélé dans la
pratique
fortprécieux,
etje l’indique depuis quelques
années dans mes tables.A titre
d’exemple, je
donne dans le tableau VIII, cetteproportion
pour les alimentsportés
dans le tableau VII.La quantité de ballast absorbée est-elle une constante ?
La théorie du ballast
s’appuie
sur leprincipe
suivant : chez les bêtesadultes,
laquantité
de ballast absorbée est constante. Comme le ballastrepré-
sente la
partie
nondigestible
des substancesorganiques absorbées,
leprincipe peut
encores’exprimer
de la manière suivante : laquantité
de substance orga-nique
contenuequotidiennement
dans la fiente est une constante dans le casd’une alimentation rationnelle. Il en résulte donc que ce
principe
doit être faci-lement vérifié par des essais
pratiques.
Or,
nous avonsdéjà
constaté uneexception
à ceprincipe :
c’est dans le casde boeufs à
l’engraissement qui
étaientpourtant
des bêtesadultes ;
eneffet, quand l’engraissement
avance, lapossibilité d’absorption
de ballast par l’ani- mal diminue.Dans le cas des
vaches,
il semble que cephénomène
ne seproduit
pas. Eneffet,
les aliments fournis et calculésd’après
laproduction
de lait ne couvrentque les besoins de la vache sans
l’engraisser
et parconséquent,
sans amenerun
remplissage
des cavités de l’abdomen. Le chiffre de 4,3kg
de ballast absorbé seraitcependant
malcompris,
si on legénéralisait.
Il n’est pas valable pour tous lesbovins,
mais est différent suivant les individus. Ildépend probablement
de la manière dont l’animal a été
élevé,
mais il demeure constant pour un ani- mal donnéquelle
que soit la nature des aliments fournis. Nous pouvonséga-
lement affirmer avec confiance que le chiffre du
ballast,
àpart
ces variationsparticulières,
est une constante. Nous pouvons pour cette affirmation nous appuyer sur les chiffres d’Emil WOI,FFqui
les avait déduits demultiples
obser-vations.
Par contre, les nombreuses recherches
théoriques
etpratiques, qui
ontété entreprises depuis,
ne confirment pas le chiffre élevé de ballast absorbé quenous
indiquons.
Onpeut
constater que ces recherchesindiquent
des chiffres de ballast absorbéplus faibles,
et ceci estcompréhensible.
Des essaisprécis
d’ali-mentation
supposent
que les aliments fournis seront absorbés suivant certainesrègles quantitatives ;
or, cetteabsorption quantitative précise
nepeut
se faireque si le total du ballast contenu dans les aliments absorbés est au-dessous de la
quantité
limite de ballast absorbable. Ceci est enparticulier
le cas dans lesexpériences
dedigestibilité
et de métabolisme. Mais de tellesexpériences
necorrespondent
pas aux conditions d’alimentationréelles,
tellesqu’elles
sepré-
sentent à l’étable. Dans ce cas, les aliments
grossiers volumineux, plus
exacte-ment la
paille
et lamenue-paille,
ne sontjamais complètement
absorbés par l’animal. Onprésente toujours
à l’animalbeaucoup plus
depaille qu’il
n’enmangera parce que les
bovins,
et les moutonspeuvent
ainsi choisir et manger lapartie
la meilleure.Or,
cequi
rend douteux et difficiles nos essais scienti-fiques d’alimentation,
c’estqu’ils s’éloignent
des méthodes d’alimentation pra-tique
bonmarché,
utilisées par nosagriculteurs.
D’autre
part, quand
on étudie les rations réelles que donnent nos culti- vateurs aux vaches àl’étable,
on trouve d’énormes différences suivant la mé- thode de nourriture dans les différentesfermes,
que ce soit une nourriture éco-nomique
à base depaille
ou une nourriture riche en aliments àdigestibilité
élevée.
Je
connais parexemple
un cas, où des vaches de 500kg
donnaient 12litresde
lait,
en recevant une ration contenant8,8 kg
depaille
avec z 5z2 g d’unités- amidon. Cettequantité
depaille pouvait
êtremangée
par lavache,
parce que celle-cipossédait
lacapacité
d’absorber unequantité
de ballastbeaucoup plus
élevée que les q.,!
kg théoriques.
Poursimplifier,
supposons que la vache pro- duisait 10 litres delait,
de manière àpouvoir
faire unecomparaison
avec nosnormes
précédemment indiquées. D’après
ces normes, nous avons besoin pour10litres de lait de 5 500 unités
amidon,
soit pour :Les mêmes normes
exigent :
Il en résulte que
plus
laproduction augmente
moins les aliments fournis ont besoind’apporter
d’éléments nutritifs par litre de lait. C’est du reste pour cela que l’on s’efforce de sélectionner des vaches àgrande capacité
laitière.Notre cultivateur avait suivi une autre voie. Il se contentait de rendements
plus
faibles en lait et avait choisi des vachesqui
avec ce rendementfaible,
étaientcependant capables
d’absorber8,8 kg
depaille.
Dans cettepaille
setrouvent 1 522 g d’unités-amidon
qui pratiquement
ne lui coûtentrien,
car illes aurait utilisés normalement comme litière. Les 10 litres de lait
exigeaient
comme matières nutritives
payées
la différence :autrement
dit,
pour un litre delait,
ondépensait 39 8
gd’unités-amidon,
alors que nous venons de voirqu’avec l’absorption
normale de 4,3kg
de ballast etune
production
de 20 litres delait,
nous avions besoin pour un litre de lait de4
00 g d’unités-amidon.
Or, nous avons vu dans le tableau VI que pour obtenir 20 litres de
lait,
avec
l’absorption
normale de 4,3kg
deballast,
iln’était,pas possible
de donnerde la
paille
dans la ration. Il y a donc une autre manière de réduire leprix
derevient du lait.
Malgré
toute lapropagande
pour la sélection et l’entretien de vaches à hautrendement,
lespetits cultivateurs, qui
forment lamajorité
enAllemagne
centrale etméridionale,
s’obstinent à nourrir leurs vaches de la manière dont nous venons deparler,
sans sepréoccuper
du faible rendement enlait
qu’ils obtiennent,
parcequ’ils préfèrent
éviter d’acheter des aliments con- centrés coûteux et aiment mieux utiliser les alimentsproduits
à la ferme. Le calculgrossier
que nous venons defaire, explique
donc une théorie du ballastqui
estappliquée
chez nos paysansdepuis
lestemps
lesplus
reculés.La théorie de ballast amène à
apprécier
les aliments concentrés(y compris
les betteraves et les pommes de
terre)
suivant leprincipe
suivant :plus
un ali-ment est
digestible
ou inversementplus
est faible la «proportion
de ballast nplus grande
sera laquantité
depaille
que l’on pourra faire absorber à la vache.Exemple :
Nous nous fixons comme but de
remplacer
le son de blé par unmélange
depommes de terre séchées et de tourteau de
soja.
Les normes alimentaires sont:D’après
le calcul des éléments fondamentaux nutritifs etd’après
le vieuxprincipe
que deux aliments oumélanges
ont la même valeur nutritivequand
ilspossèdent
la mêmequantité
d’unités-amidon pour le même teneur enprotéines digestibles,
nous trouvons le résultat suivant :Ce
mélange
a donc la même richesse enprotéine digestible
et valeur amidon que le son de blé. Mais si nous considérons leballast,
le calcul seprésente
autre-ment : les deux aliments de
remplacement
sont pauvres en ballast et par con-séquent permettent d’employer
dans la ration de lapaillle
d’avoine. Enfait, l’équivalence
réelle à tous lespoints
de vue avec le son sera réalisée par le mé-lange
suivant :La
question
du ballastapparaît
ici sous unjour
essentiellementpratique,
et ceci devient encore
plus
évidentquand
on considère leprix
des aliments.Il est du reste à noter
qu’il
nes’agit
pas d’un calcul de rentabilité mais d’unexemple.
Au début de 1937 lesprix
desaliments
citésplus haut,
étaient les sui- vants enAllemagne
centrale pour 100kg :
Le
mélange
de 39,okg
de pommes de terre séchées et 19,0kg
de tourteaude
soja qui, d’après
lepremier exemple équivaut
à 100kg
de son revient à9 ,
72 RM. Mais
si,
conformément à la théorie duballast,
onajoute
à cepremier mélange
de lapaille
d’avoine pour obtenir unmélange
avec la même teneuren ballast que le son, nous obtenons le deuxième
mélange
avec2 6,o kg
depommes de terre
séchées, 1 8,6 kg
desoja
et5 8, 2 kg
depaille
d’avoine. Si noussupposons que cette
paille
estgratuite,
lemélange
coûte 7,32 RM. Nous voyons donc que ce deuxièmemélange représente
parrapport
aupremier
une économiede 2,41 RM.
La notion de valeur amidon se déduit de deux sources : 1° à
partir
deséléments nutritifs
digestibles ;
2° àpartir
du coefficient d’utilisation(W ERTIG - KEIT
)
résultant des recherches de KELLNER et calculé ensuite par lui pour les différents aliments au moyen d’un calculglobal.
Ceci nous a amené à essayer de faire nos calculs en
négligeant
cecoefficient d’utilisation
(WE R T I G K EIT)
et en nous basantuniquement
sur leséléments nutritifs
digestibles,
comme cela étaitl’usage
avantl’époque
deKELLNER. _
K
ELLNER
juge
très défavorablement lapaille,
parce que c’est un aliment riche en fibres et avec un faible coefficient d’utilisation(W!R2IGxEi’r). Mais,
nous venons de voir dans
l’exemple
ci-dessus que c’est seulement en introdui- sant de lapaille
dans la ration que nous réalisons unmélange
entièrementcomparable
au son. Ceci nous amène donc àenvisager
nos calculs avec unautre
point
de vue. Nous déduisons des tables de K!r,!.NER les chiffres sui- vants :Si nous utilisons ces
chiffres, l’équivalence
du son est donnée par un mé-lange
de :ig,
9 kg pommes de terre sèches 23
,o kg de tourteau de soja 6
3 ,
0 kg de paille d’avoine.
Si nous nous basons sur les
prix indiqués ci-dessous,
en considérant lapaille
commegratuite,
cemélange
coûte 7,02 R. M. L’économie réalisée est de 2,
70 R. M. Nos chiffres concordent bien avec ceux de KELLNER.
Nous pouvons donc réaliser nos calculs sans faire de rectification tenant
compte
du coefficient d’utilisation(Wertigkeit),
mais ensupposant qu’il
serapossible pratiquement
àl’agriculteur
de faire absorber au ruminant laquantité
maxima de
paille
et que, dans laréalité,
leprincipe
suivant soit valable : si l’animal est saturé en ballast d’une manière constante ettotale,
onpeut,
sans correction tenantcompte
du coefficient d’utilisation(Wertigkeit),
calculer lavaleur alimentaire d’un aliment à
partir
du total des élémentsnutritifs,
c’est- à-dire de la somme des éléments nutritifsdigestibles.
Nous ne pousserons pas
plus
loin cetteidée ; mais,
elle nous amène à con- sidérer lerapport
entre le ballast et le coefficient d’utilisation(Wertigkeit).
Ballast et coefficient d’utilisation (Wertigkeit)
Les recherches fondamentales de KELLNER sur le métabolisme des bovins à
l’engrais
amenèrent unesurprise
éclatante.Après qu’il
eut déterminé la valeurde chacune des substances nutritives
séparément,
à savoir : albuminedigestible,
matière grasse, et
fibres,
en cequi
concerne leur efficacité surl’engraissement
des
boeufs,
il décidad’essayer
les aliments eux-mêmes et découvrit unprincipe
tout à fait nouveau
qui peut s’exprimer
comme suit :Des aliments à haute
digestibilité,
c’est-à-dire avec un coefficient dediges-
tibilité de
8o-go %
des substancesorganiques,
avaient une actionégale
oupresque
égale
auxmélanges
des substances nutritives pures. Onpouvait
dansce cas, calculer le
poids
de viande etgraisse (ou
en calorieséquivalentes) pris
par l’animal à
partir
desquantités digestibles d’albumine,
matières grasses ethydrocarbones,
à l’aide des chiffres standards déterminés par lui à la suite deses recherches. Ces aliments sont donc totalement valorisés par l’animal.
Mais, quand
on utilise des aliments moinsdigestibles,
c’est-à-dire danslesquels
lecoefficient de
digestibilité
des substancesorganiques
est inférieur à 70, la quan- tité de viande etgraisse
calculée comme devant êtreprise
par l’animal necorrespondait plus
à celle réellementprise.
Ce dernier chiffre était inférieur auchiffre
théorique.
Il y avait donc une chute de rendement dansla&dquo;j3roduction.
Ceci amena KELLNERà une nouvelle
conception,
celle du « Coefficient d’utilisa- tion »(Wertigkeit).
Ce coefficient décroît d’autantplus
que le coefficient dedigestibilité
estplus faible,
comme le montre le tableau sommaire suivant :On
peut représenter
ces chiffres de manière inversée enindiquant
au lieude la
proportion
de substancesorganiques digestibles,
laproportion
nondiges- tible, comparée
à la chute deproduction.
On a alors :Or,
la substanceorganique
nondigestible
est le ballast. Nous en déduisons donc leprincipe
suivant : la chute deproduction
croît en mêmetemps
que la teneur en ballast. Il n’est pasquestion
deproportionnalité
entre les deux fac-teurs, mais ce
parallélisme
nous donne le droit de penser que nous avons trouvélà,
la cause de cephénomène
inattenduqu’est
la chute deproduction.
K!!,r,rr!Rn’a pas suivi cette
voie,
mais a rendu les fibresresponsables
duphénomène.
Il ne
s’agissait
pas pour lui de déterminer si les fibres tellesqu,’il les
détermi-nait par
l’analyse chimique
étaient la cause de la chute deproduction.
Il vou-lait surtout trouver un facteur
mathématique,
luipermettant
de déterminerla valeur d’utilisation des nombreux aliments
qu’il
nepouvait
soumettre à desessais
pratiques
demétabolisme,
de manière à calculer laquantité
réelle deviande et
graisse
que ces alimentspermettaient
à l’animal de former. Il fut doncamené à définir la « correction pour teneur en fibres
» conception qui
n’est pas très heureuse.Les discussions sur la
partie
fibreuse ontdéjà
unelongue
histoire. Les an- cienschimistesyanalystes
attachaient une grosseimportance
à la cellulose carils la considéraient comme la
partie
nondigestible
deshydrocarbones.
Ceciles amena à diviser les
hydrocarbones
en deuxcatégories :
les fibres insolubles et nondigestibles,
et d’autrepart,
tout cequi
était soluble et parconséquent
totalement
digestible.
HENNEBERG réussitcependant
à démontrerqu’une partie
des fibres contenues dans lesfourrages
et lespailles
étaitdigestible.
Mais,
par contre, trouva que l’extractif non azoté n’étaitjamais
totalementdigestible
et en déduisit une relationcompensatrice
presque oubliéeaujour-
d’huiqu’il appela « compensation » (« compensation
» enfrançais
dans letexte).
L’extrait
non azoté trouvé paranalyse
est la somme de l’extrait nonazoté
digestible et
de la fibredigestible.
Onpeut
donc renverser leprincipe qui prend
alors une formeplus pratique :
le chiffre trouvé pour la fibre paranalyse
est la somme de l’extrait non azoté non
digestible
et de la fibre nondigestible.
Ce chiffre de la fibre trouvé par
analyse représente
dans la réalité(et
enparticulier
avec lesfourrages
et lespailles)
laplus grande partie
de la substanceorganique
nondigestible.
Pour savoir si on doit choisir comme chiffre de base le ballast ou la fibre del’aliment,
il faut d’abord connaître dansquelle
mesureen dehors des
hydrocarbones digestibles
il y a lieu de tenircompte
de lapartie
non
digestible
des deux autres groupes d’éléments nutritifs à savoir lesprotéines
et les matières grasses. Si les chiffres pour les fibres et le ballast sont à peu
près parallèles,
il est évident que le chiffre pour le ballast est un peuplus
élevé quele chiffre de fibres déterminé par
analyse.
Mais naturellement on ne s’est pas contenté de ces considérations et on a
essayé
de déterminer deplus près
les causes de cette étonnante chute de pro- duction. On y fut aidé par les observations que fit ZUNTZ dans ses recherchessur le métabolisme du cheval.
K!!.!,rr!ER avait d’abord déterminé la
production
due aux substances nutri- tives pures.Or,
les substances nutritives pures sedistinguent
des aliments réels à deuxpoints
de vue :W Les aliments réels doivent être
broyés.
Il y a donc à tenircompte
du travail de masticationqui correspond
à unedépense
de substances nutritives.2
0 Les aliments réels se
distinguent
des substances nutritives pures uti- lisées par KELLNER dans sesessais,
en cequ’ils
ne sont pas entièrementdiges- tibles,
mais contiennent en mêmetemps
enquantités plus
ou moinsgrandes
des éléments non
digestibles.
Ces éléments sont le ballast. ZUNTZ avaitdéjà
donné des coefficients de diminution de la valeur alimentaire
analogues
à ceuxde KELLNER. Il avait alimenté un cheval avec du foin de
prairie
et avait déter-miné combien de calories sont nécessaires pour le travail de
digestion
d’unepart,
et pour le travail de mastication d’autre
part.
Unkg
de foin séché à l’air néces- sitait pour le travail de mastication et sontransport
à travers l’intestin unedépense
de40 6
calories. Onput
déterminer par un essai direct que le travail de masticationabsorbait 1 6 7 calories,
de sortequ’il
restait 239 calories pour letransport
du ballast à travers l’intestin. Si nous traduisons cela en unités-ami-don,
nous trouvonsqu’un kg
de foinexige
ladépense
de70 ,8
unités-amidon pour le travail demâchage.
Comme letransport
de 310 g environ de ballast à travers l’intestinreprésentait
unedépense
de 239calories,
onpeut
en déduireque le
transport
de i g de ballastexige
0,771 caloriescorrespondant
à la con- sommation de 0,327 unités-amidon.Ces chiffres n’ont évidemment
qu’une
valeurrelative,
maisje
les ai tou-jours
utilisés dans mes cours pour mieux fairecomprendre
à mes élèves lephé-
nomène de la chute de
production.
Ces chiffres nepouvaient cependant
per- mettre des conclusionsdéfinitives,
car il aurait fallu alors avoir l’audace de supposerqu’on pouvait
admettre que les conditions étaient les mêmes chez les ruminants que chez les chevaux.Toutefois,
les deux chiffres de ZUNTZm’ame- nèrent à dresser une tablequi
montre l’influence du ballast sur le coefficient d’utilisation(Wertigkeit),
valeurqui
reflète la chute deproduction.
Il est dureste à remarquer que les chiffres obtenus par moi étaient en bonne concordance
avec les chiffres calculés par KELLNERet
qu’on
trouve dans ses tables.Pour
simplifier,
nous avonssupposé
que dans le cas des aliments séchés à l’airlibre,
l’eau et les cendresrepréseentent
un total de 20%,
c’est-à-dire que les substancesorganiques représentent
80%
dupoids
de l’aliment.Donc,
sinous supposons que ces substances
organiques
ont unedigestibilité
de ioo%,
la
quantité
totale de substances nutritives est de 80%,
en admettant poursimplifier
que laquantité
deprotéines digestibles
estégale
à laquantité d’hy-
drocarbones
digestibles (la petite quantité
de matière grasse étant inclue dans le chiffred’hydrocarbones).
I,e tableau IX
indique
les teneurs en unités-amidon et ballast au fur et àmesure que le coefficient de
digestibilité
décroît. On retranche des substances nutritives totales laquantité
d’unités-amidoncorrespondant
au travail de trans-port
dansl’intestin,
à savoir pour i g de ballast 0,327 unités-amidon.Nous considérons comme aliments très
digestibles
ceuxqui
ont un coeffi-cient de
digestibilité
de go et 80%, lesquels n’exigent
aucun travail sensible de mastication. Apartir
d’unedigestibilité
de 70%
nous trouvons des aliments tels que le son et lesfourrages grossiers
et volumineuxqui,
enplus
du travailde
transport
dans l’intestinexigent
un travail de mastication.D’après
ce quenous avons
indiqué plus haut,
nous estimons que le travail de mastication dei o0o g d’aliments
correspond
à unedépense
standard de y g d’unités-amidon.Ce dernier chiffre est retranché des unités amidon restant
après
soustractionde celles
correspondant
autransport
dans l’intestin.Finalement,
il reste les unités-amidondisponibles
pour l’entretien et laproduction.
Il est à remarquer que les aliments avec unedigestibilité
de 20%
montrentdéjà
un déficit de4 ,8
unités-amidon avant même
qu’on
ait déduit les unités nécessaires pour le tra-vail de mastication. Avec les aliments
possédant
30%
dedigestibilité,
le déficitn’apparaît qu’après
soustraction desunités-amidon, correspondant
au travail de mastication. I,edanger
d’utiliser des aliments avec un coefficient dediges-
tibilité aussi faible est illustré par ces chiffres de
façon frappante.
Le tableau IX nous fournit une base pour examiner de
plus près
le coeffi- cient d’utilisation(Wertigkeit).
Ce coefficient se calcule àpartir
des substances nutritives totales et de la valeuramidon,
restantaprès
lessoustractions ;
c’est lepourcentage
des valeurs amidon restantdisponibles
parrapport
aux valeurs amidonprimitivement
fournies avec l’aliment. Le tableau Xindique
ces coeffi-cients d’utilisation déduits du tableau IX.
On voit nettement
apparaître
l’influence des soustractions. Les chiffres quej’ai
trouvés ainsi concordent bien avec ceux des tables de KELLNERet cetteconcordance fut encore
prouvée
d’une autre manière. Dans les tables de KEr.r.-NER
,
je pris
commeexemple
troisespèces
defourrage. Je
calculais le ballast àpartir
des substancesorganiques
totales etj’en
retranchais les substances orga-niques digestibles.
Ces chiffres sontportés
dans le tableau XI.Des substances
organiques digestibles,
nous déduisons suivant la mé- thode connue decalcul,
les substances nutritivestotales,
c’est-à-dire les subs-tances nutritives ayant une valorisation
complète,
c’est-à-dire un coefficient d’utilisationégal
à IOO.Puis,
on soustrait 0,327 unités-amidon par gramme de ballast pour letransport
dans l’intestin et onretranche,
en outre, 7,1 unités- amidon pour le travail de mastication par i ooo g d’aliment. On aboutit ainsiau tableau XII déduit du tableau XI.
Les valeurs que
j’ai
calculéescorrespondent
bien avec celles deK ELLN É R ,
et il