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Vers une pédagogie des mémoires. Histoire, mémoires et intelligibilité des sociétés

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Vers une pédagogie des mémoires. Histoire, mémoires et intelligibilité des sociétés

HEIMBERG, Charles

HEIMBERG, Charles. Vers une pédagogie des mémoires. Histoire, mémoires et intelligibilité des sociétés. In: Legardez, A., & Simonneaux, L. Développement durable et autres questions d'actualité. Questions socialement vives dans l'enseignement et la formation . Dijon : Educagri, 2011. p. 231-247

DOI : 10.3917/edagri.legar.2011.01

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:151676

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VERS UNE PÉDAGOGIE DES MÉMOIRES Histoire, mémoires et intelligibilité des sociétés

Charles Heimberg

in Alain Legardez, Développement durable et autres questions d'actualité

Éducagri éditions | « Transversales » 2011 | pages 231 à 247

ISBN 9782844448415

Article disponible en ligne à l'adresse :

--- https://www.cairn.info/developpement-durable-et-autres-questions-d-

actual---page-231.htm

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DEUxIÈME PARTIE

L’enseignement des questions socialement vives

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Vers une pédagogie des mémoires

Histoire, mémoires et intelligibilité des sociétés

Charles Heimberg

« Il est bien plus difficile d’honorer la mémoire des anonymes que celles des personnes célèbres.

La construction historique est consacrée à la mémoire de ceux qui n’ont pas de nom » (Walter Benjamin).

Quand il est appliqué à l’enseignement et à l’apprentissage de l’histoire, le concept de question socialement vive nous mène le plus souvent à des problèmes de mémoires. Or, la distinction de l’histoire et de la mémoire, tout comme l’examen de leurs interactions, sont désormais devenus des objectifs significatifs et très importants pour la transmission de la pensée historique. De nos jours, l’accès à une intelligibilité du passé et du présent des sociétés humaines nécessite de plus en plus de savoir analyser d’une manière critique les manifestations de la mémoire dans l’espace public. Cette capacité de mise à distance implique d’appréhen- der la mémoire dans la pluralité de ses expressions ; mais aussi de savoir développer un travail de mémoire qui soit effectivement basé sur l’his- toire et sur les différentes questions qu’elle pose aux sociétés humaines.

1. Aspects scientifiques

1.1. Des questions de mémoire

Les questions socialement vives, lorsqu’elles sont posées dans le champ scolaire, sont en principe définies comme la conjonction de trois formes d’acuité observables au sein de trois domaines différents : dans les disciplines et les savoirs de référence ; dans l’espace public et au sein

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des familles ; et aussi potentiellement à l’école et dans les pratiques pédagogiques.

En ce qui concerne l’histoire, il existe de vives controverses parmi les historiens, qui ne se prolongent pas particulièrement dans l’espace public ou le champ scolaire. C’est le cas, par exemple, des interpré- tations de la Première guerre mondiale et du fait qu’elle ait pu durer si longtemps, d’une manière si tragique. Des concepts qui ont connu un succès récent dans le champ historiographique et médiatique, comme le consentement ou la brutalisation des soldats (Audoin-Rouzeau et Becker, 2000), sont vertement contestés par des historiens qui mettent au contraire en exergue la pluralité des facteurs explicatifs et des situa- tions (Cazals, 2002 ; Rousseau, 2010). Cette querelle a son importance pour l’enseignement de l’histoire dans la mesure où elle met en jeu des manières différentes de concevoir le libre arbitre et l’espace d’initiative des acteurs du passé, en particulier les plus subalternes d’entre eux. Elle questionne ainsi notre conception de l’étude de l’histoire et de ce qu’elle peut nous faire comprendre des sociétés humaines. Cependant, dans leur vie quotidienne, les élèves n’ont pas connaissance de ces querelles scientifiques et citoyennes, leurs représentations de la thématique, leurs savoirs « déjà-là » n’en étant pas spécialement nourris.

La plupart des questions socialement vives qui concernent l’histoire et le passé des sociétés humaines, et qui s’expriment dans l’espace public et dans les familles, voire potentiellement au sein de l’école, concer- nent en fin de compte des questions mémorielles et des problèmes de reconnaissance de souffrances occultées, ou ressenties comme occul- tées. Elles peuvent parfois se développer en l’absence d’un réel débat scientifique parmi les historiens. Même si elles peuvent aussi, lorsqu’elles sont visibles dans l’espace public, comme dans le cas de la mémoire de certains crimes coloniaux, susciter des postures idéologiques de l’un ou l’autre parmi eux (Lefeuvre, 2006). Elles risquent ainsi, au fil de leur traitement scolaire, de passer à côté d’une dimension qui a également de l’importance, celle du statut de l’histoire comme une science humaine qui reste attachée en permanence à une quête de vérité tout en s’ouvrant à une pluralité de possibles dans ses analyses et ses interprétations (Tutiaux-Guillon, 2003).

Par ailleurs, une bonne partie de ces questions d’histoire et de mémoires ne sont vives qu’au sein des groupes qui les concernent, ou peut-être parmi ceux qui s’efforcent au contraire de les occulter. Elles ne sont donc pas spontanément présentes dans le champ scolaire et le fait de les aborder consiste alors en premier lieu à faire acte de mémoire, à réintégrer ces mémoires blessées dans l’histoire scolaire. Ce sont ainsi des thématiques froides que des pratiques scolaires viennent en quelque sorte réchauffer. Dès lors, c’est bien de l’histoire qui est ainsi transmise, comme lorsqu’on aborde par exemple le massacre oublié des Hereros de Namibie par des troupes colonisatrices allemandes à partir de 1904,

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en examinant la question de savoir s’il s’agit d’un génocide oublié et quels sont les critères qui permettent de le déterminer.

Il existe toutefois des questions mémorielles qui se révèlent sociale- ment vives aux trois niveaux qui sont examinés, soit aussi bien parmi les historiens, au sein de la société ou des familles, que dans le cadre d’éventuelles répercussions dans le champ scolaire. En Suisse, cela a par exemple été le cas au temps de la crise dite des fonds en déshérence, au cours de la seconde moitié des années quatre-vingt-dix, à propos de l’attitude des élites économiques et des autorités suisses face au régime national-socialiste voisin (Heimberg, 2006).

Un autre critère intervient encore dans la définition du concept de ques- tion socialement vive, c’est le fait que son traitement, quels qu’en soient les acteurs, ne débouche pas a priori sur sa résolution, mais suggère au contraire une certaine incertitude pour l’avenir. C’est là un aspect qui se présente d’une manière particulière dans le domaine de l’apprentissage de l’histoire. Et qui nous ramène à toute la question de ses finalités. En effet, l’histoire est une interrogation du passé dont il est attendu qu’elle rende plus intelligibles les sociétés qu’elle examine, mais aussi la société à partir de laquelle ce passé a été interrogé.

L’exercice de la pensée historique consiste en premier lieu à reconstruire les présents du passé, en examinant comment se comportent les acteurs en fonction de leur passé, leur champ d’expérience, et de leur avenir, leur horizon d’attente qui comprend tout à la fois des espoirs, des craintes et de l’incertitude. Cette dernière dimension se pose donc d’une manière un peu différente dans le champ de l’histoire scolaire, et dans celui des mémoires, puisqu’elle doit avant tout être affirmée dans le passé. En d’autres termes, au lieu de s’en tenir à une narration lisse et artificielle- ment cohérente, il y a lieu de laisser toute leur place aux contingences et à la pluralité des possibles dans les récits du passé. Il s’agit par là d’éviter une posture téléologique qui donnerait trop d’importance à ce que nous connaissons de la suite du devenir des sociétés du passé qui sont étudiées en oubliant que les acteurs de ces événements ignoraient évidemment ce que serait leur propre avenir.

Dans le champ de l’histoire scolaire, cette première dimension de l’in- certitude, celle des acteurs du passé qui ne connaissent pas plus leur avenir que nous ne connaissons le nôtre, est encore complétée par une seconde dimension, qui se projette cette fois dans l’avenir, celle de l’effet du travail de mémoire sur la prévention des crimes contre l’humanité.

En effet, nous savons, malheureusement, que la criminalité nazie et la destruction des Juifs d’Europe n’ont pas été le fruit de l’ignorance et qu’ils ont émergé dans un contexte culturel qui avait été l’un des berceaux de l’idéologie des Lumières, mais forcément aussi des anti-Lumières (Sternhell, 2006). Ainsi, même si la transmission des crimes de masse et des passés traumatiques est indispensable sur le plan éthique, ne serait-ce que pour les intégrer aux savoirs historiques et faire en sorte

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que leurs victimes perçoivent une reconnaissance de leurs souffrances, il n’est absolument pas certain qu’elle suffise à éviter que se reprodui- sent de telles abominations dans un avenir proche ou lointain. C’est là d’ailleurs l’incertitude la plus troublante que les passeurs d’histoire et les promoteurs du travail de mémoire, et du dialogue des mémoires, ont à affronter.

Cela dit, si le concept de question socialement vive dans l’enseignement de l’histoire relève avant tout de questions relatives aux mémoires trau- matiques et à leurs manifestations, il importe de souligner combien elles sont désormais devenues de véritables objets d’étude pour les historiens.

Ils les examinent avec la même méthode critique que pour leurs autres travaux. Et ils ont forgé pour ce faire une série de concepts qui ont enrichi leur perception critique des phénomènes mémoriels.

Notons toutefois, dans le domaine de la didactique de l’histoire, l’impor- tance du constat établi par François Audigier dans ses travaux des années quatre-vingt-dix sur les « quatre R », soit le fait que les enseignants de sciences humaines et sociales (histoire, géographie, éducation civique) avaient généralement tendance à s’en tenir à un référent consensuel, à qualifier leurs propos comme étant réalistes, à transmettre à leurs élèves des résultats plutôt que des questionnements et à refuser toute dimen- sion politique en classe, au sens d’un débat contradictoire (Audigier, 1995).

Dès lors, cet intérêt récent des chercheurs pour les mémoires et leurs manifestations dans l’espace public relève peut-être de ces thématiques dont la connaissance est profondément renouvelée par les historiens sans que les résultats de leurs travaux parviennent à trouver leur place dans les contenus des apprentissages scolaires de l’histoire.

Mais voyons d’abord ce qui distingue fondamentalement l’histoire des mémoires pour mieux comprendre la nature de leurs interactions.

1.2. Ce qui distingue l’histoire des mémoires

L’histoire est une science humaine que le grand historien Marc Bloch a définie comme la science d’un changement, la science des différences (Bloch, 2006). Même si elle a d’abord été soumise aux exigences de légi- timation a posteriori des constructions nationales de la fin du xixe siècle, sa dimension scientifique tend par nature à examiner la vie collective des sociétés humaines dans le passé et le présent. Ainsi vise-t-elle, à partir de la pluralité des expériences et des identités humaines, une certaine unification des récits du passé, ou au moins leur connexion dans des constructions de synthèse qui prennent en considération la communauté de destin de l’espèce humaine. Les narrations de l’histoire se déploient ainsi sur toutes les échelles, de la perspective la plus locale à celle de l’histoire mondiale, avec tous les niveaux intermédiaires possibles.

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Tout au contraire, dans sa lutte contre l’oubli, la mémoire part du par- ticulier et du spécifique. Elle naît de l’expérience d’un individu ou d’un groupe et présente un caractère forcément pluriel et multiple à l’échelle de toute l’histoire des sociétés humaines. Potentiellement chargée sur le plan émotionnel, elle s’oppose à des occultations et fait parfois resur- gir des traumatismes qui, pour n’avoir jamais été reconnus, n’avaient jamais pu être ni dépassés, ni assimilés. Dès lors, quand une mémoire traumatique est en plus blessée d’être ainsi niée, en l’absence de tout travail de mémoire, elle finit généralement par remonter à la surface à un moment donné, au fil des générations. C’est ce que montre notamment le cas de l’État espagnol et des revendications mémorielles qu’il suscite : la classe politique n’avait pas voulu affronter le travail de mémoire qui était nécessaire au moment de son passage à la démocratie, aussi des problèmes resurgissent-ils, auxquels une loi dite de récupération de la mémoire historique ne répond que très partiellement (Rodríguez, 2007 ; Izquierdo Martín, 2009).

Ce qui distingue l’histoire des mémoires nous renvoie ainsi à toutes sortes d’aspects aussi complémentaires que différents. Mais ce qui nous importe le plus ici, c’est de souligner combien cette distinction relève d’une complémentarité potentielle. Certes, de nombreuses situations conduisent les mémoires à occulter des réalités particulières du passé et à rendre ainsi plus difficile la construction de l’histoire. Certes, certaines revendications mémorielles se laissent tenter par des formes de suren- chère qui sont parfois problématiques. Mais il ne serait pas pertinent pour autant de séparer l’histoire et les mémoires en valorisant toujours la première pour mieux stigmatiser les secondes. Au contraire, les interac- tions entre histoire et mémoires sont multiples ; elles peuvent être aussi bien fructueuses que problématiques ; et il arrive que des manifestations abusives de la mémoire dans l’espace public finissent même par profiter au développement de l’histoire en rendant ses réflexions plus visibles et en stimulant ses travaux.

C’est donc un double mouvement qui se trouve au cœur d’un travail de mémoire nourri par la connaissance de l’histoire : vers un travail de distinction de l’histoire et des mémoires, puis vers un examen de leurs interactions, quand l’histoire reconstruit et met à distance les construc- tions mémorielles, ou quand les manifestations de la mémoire stimulent une recherche historique qui ne parvenait pas à se faire entendre, ou qui s’était peut-être assoupie.

1.3. Caractéristiques et concepts autour des mémoires

Quelques concepts forgés par les historiens dans le cadre de leurs travaux sur les mémoires trouvent toute leur place dans les pratiques

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scolaires et les apprentissages de l’histoire parce qu’ils sont également au cœur de ce travail de mémoire (Heimberg, 2001).

Tout d’abord, les travaux de l’égyptologue allemand Jan Assmann ont permis de distinguer et de faire distinguer deux types de mémoires qui sont eux-mêmes complètement différents. Le premier concerne les faits du passé qui remontent jusqu’à environ 80 ans en arrière, ceux pour lesquels existent encore des témoins ou leur descendance directe. Ils relèvent ainsi d’une mémoire communicative, ou biographique, qui est soumise à la parole des témoins et aux apports potentiellement différents de l’enquête orale et de la recherche documentaire. Le second type de mémoire porte sur des faits beaucoup plus anciens, pour lesquels il n’y a plus de témoins directs depuis longtemps. Il s’agit alors d’une mémoire culturelle, qui interagit cette fois avec l’histoire par les choix thématiques qu’elle opère dans le passé, et qui correspond souvent à la quête d’une origine ou d’un passé prestigieux (Assmann, 2010).

Dans le champ scolaire, ces deux types de mémoires mènent à distin- guer deux manières bien différentes d’incarner, dans le contexte de l’apprentissage de l’histoire, le concept de question socialement vive.

Dans le premier cas, la présence de témoins encore vivants suscite des hommages, des postures de respect, des rencontres au cours desquelles se pose la question de savoir si les élèves sont capables, le cas échéant, de mettre la parole des témoins à distance. Dans le second cas, il s’agit davantage d’interroger des usages, ou des mésusages, du passé, héri- tés peut-être de cette invention de la tradition qui a connu son heure de gloire au xixe siècle (Hobsbawm et Ranger, 2006), et dont la principale finalité consiste à légitimer l’importance d’États-nations ou de cultures du présent.

La polysémie des mémoires se dévoile encore à d’autres niveaux.

Elle s’explique par rapport au fait que les mémoires se construisent à l’échelle de chaque individu et de chaque groupe d’individus, même si les enquêtes d’histoire orale montrent bien comment ces mémoires s’ex- priment le plus souvent dans une dimension collective (Joutard, 2010).

La pluralité des mémoires découle aussi, par exemple, des différents domaines dans lesquels elles se développent : à travers des traces ou des rituels, par des marques et des symboles qui caractérisent l’espace public, dans des romans nationaux ou en référence à des crimes de masse particulièrement traumatiques qui rendent impérieuse la nécessité de ne pas oublier.

Forgé par les historiens italiens autour des massacres nazis de la fin de la Seconde guerre mondiale (Heimberg, 2001), le concept de mémoire divisée rappelle combien les mémoires sont plurielles et n’ont pas voca- tion à s’unifier. Dans le bourg toscan de Civitella in Val di Chiana, où à Rome après la tuerie des Fosses Ardéatines, les mémoires des victimes,

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portées par les survivants et les familles, ont été marquées par une inter- rogation troublante, celle de savoir dans quelle mesure des opérations de la Résistance n’avaient pas provoqué ce qui avait fait leur malheur.

Ces mémoires interrogatives contrastent, sur une autre échelle, avec les affirmations mémorielles des représentants de la Résistance et de la démocratie italienne enfin retrouvée. Et cela a créé, et continue de créer, beaucoup de malentendus.

1.4. Les témoins et leurs mémoires

Les questions mémorielles, et les demandes de reconnaissance qu’elles portent en elles, se trouvent ainsi au cœur des questions socialement vives de l’histoire scolaire. Il s’agit surtout de questions controversées dans la société, beaucoup moins de débats historiographiques. Une approche de l’histoire scolaire qui privilégie les points de vue des acteurs, y compris subalternes, et la reconstruction des présents du passé permet toutefois de proposer d’autres éclairages encore.

On ne peut pas aborder la question des mémoires sans évoquer celle des témoins et de leur statut dans la construction de l’histoire. Beaucoup d’historiens s’en méfient comme ils se méfient de l’expression des mémoires. Ils fustigent l’expression affective et particulière des mémoires et de leurs porte-parole comme d’autres s’en prennent aux revendi- cations sociales, populaires et catégorielles, au sein de la démocratie (Rancière, 2005).

Le témoin n’a pas toujours raison et ses propos doivent être soumis à la critique historique ; toutefois, il apporte une dimension humaine iné- dite à notre appréhension des faits du passé. Son apport est donc des plus précieux et rien ne justifie de l’écarter (Offenstadt, 2010). Au sein de l’historiographie de la Grande Guerre, cette figure du témoin a été absente pendant plusieurs décennies, les récits de Poilus n’ayant été pris en compte par les historiens que beaucoup plus tard (Prost et Winter, 2004). Pourtant, dès la fin des années vingt, un ancien combattant fran- çais, Jean Norton Cru, avait publié une vaste anthologie critique de ces récits testimoniaux, invitant ses lecteurs à les soumettre à la critique et distinguant les récits plus authentiques disant l’horreur et la peur de la guerre de ces textes littéraires qui privilégiaient l’esthétique pour nous transmettre une image de héros violents et sans peur, de combats corps à corps et sanguinaires, fort éloignée de la réalité (Cru, 2006).

Mais comment faire en sorte que la parole du témoin, entendue sous l’effet d’une émotion provoquée par cette rencontre exceptionnelle, ne débouche pas sur une écoute tellement respectueuse qu’elle rende impossible toute mise à distance critique ? C’est là sans doute l’une des grandes difficultés de l’usage des témoignages dans la classe : l’inter- locuteur est accueilli avec toute la déférence qui s’impose et sa parole est reçue pour vraie.

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La rencontre avec le témoin rend ainsi nécessaire une séance de debrie- fing avec les élèves au cours de laquelle effectuer, autant que nécessaire, un travail de mise en contexte du récit testimonial et d’examen croisé des faits historiques dans lesquels il s’inscrit.

2. Suggestions didactiques

Dans la salle de classe, comment faire en sorte de proposer un véritable travail de mémoire aux élèves ? Comment éviter en même temps que ce temps consacré à des faits du passé, lorsqu’ils sont traumatiques, ne se réduise à un discours compassionnel et à l’injonction prescriptive de ne jamais reproduire de telles horreurs ? L’intention d’une telle action est certes louable ; mais est-elle vraiment efficace ? Et est-il pertinent de s’arrêter là ? Les quelques suggestions qui suivent proposent d’autres pistes et s’adressent à tous les enseignants, qu’ils soient spécialisés en histoire ou généralistes.

2.1. Les composantes d’une pédagogie de la mémoire

Toute pédagogie de la mémoire implique d’examiner les faits et les récits que les historiens ont forgés à leur propos. Pour prendre en compte ce passé, des documents anciens et des témoignages viennent compléter les livres d’histoire. Où ? quand ? qui ? comment ? pourquoi ? : ces ques- tions de base permettent de construire une narration synthétique qui s’efforce de développer plusieurs points de vue.

Au-delà des faits du passé émergent aussi les interprétations dont ils sont l’objet de la part des historiens. Celles-ci sont plurielles, parfois contradictoires. Toutes ne paraissent pas a priori intéressantes pour la transmission scolaire de l’histoire. Mais certaines le sont très clairement, notamment autour de certaines questions mémorielles.

Le travail de mémoire se base donc sur des faits historiques, mais il s’interroge en même temps sur les manifestations de la mémoire dans l’espace public, leurs modes d’expression, leurs formes et leurs finalités.

Il les observe, les compare à d’autres expressions mémorielles analo- gues et les met éventuellement à distance. Il interroge les politiques de mémoire qui sont développées par les autorités, ainsi que leur évolution au fil du temps. Il prend aussi en compte les individus et les groupes qui se font promoteurs de ces expressions mémorielles en considérant le besoin de reconnaissance qu’ils expriment par là.

Réfléchir aux interactions qui se développent entre l’histoire et les mémoires et croiser leurs logiques respectives ne permet pourtant pas de tout rationaliser dans notre compréhension d’un passé souvent traumatique. Alors que l’histoire est marquée par des contingences qui

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invalident nos visions lisses de l’évolution du passé, ce que l’homme a fait à l’homme, les divers crimes contre l’humanité, ne parviennent pas complètement à s’inscrire dans des explications rationnelles, même si l’histoire ne doit jamais renoncer à les chercher.

2.2. Quelques écueils de la transmission de la destruction des Juifs d’Europe

La construction de séquences portant sur les mémoires traumatiques issues des crimes contre l’humanité pose une série de questions spéci- fiques, par exemple sur le poids des « leçons » qu’il faudrait en tirer (le

« plus jamais ça ! ») par rapport à l’apprentissage des faits ; ou sur l’intérêt, et le cas échéant les modalités, de leur dimension comparatiste.

L’un des grands écueils de la transmission scolaire du passé trauma- tique, de ces crimes abominables dont le souvenir, lorsqu’il est ravivé, nous met au contact de ces questions vives situées davantage dans le camp des mémoires que dans celui de l’histoire, consiste à se laisser entraîner par l’émotion et le pathos, au détriment des apprentissages.

Certes, nul n’imagine une telle transmission sans émotions. Mais lorsque l’ensemble de la démarche se réduit à une empathie déplorante, lorsque l’identification aux victimes et à leurs souffrances est la seule perspective de la démarche didactique, il y a lieu de se demander quel est le sens réel de la démarche.

Mettre l’accent sur un travail de mémoire plutôt que sur un devoir de mémoire permet alors de mieux assurer les apprentissages qui sont nécessaires. Car la transmission scolaire de l’histoire et de la mémoire de la destruction des Juifs d’Europe, et de tous les génocides et autres crimes contre l’humanité, est bien d’abord une question d’apprentissage d’histoire. Il est ainsi important, par exemple, que les élèves puissent examiner attentivement ce qu’ont été les conditions de la genèse de ces crimes, ce qui les a rendus possibles, mais qui n’était sans doute pas forcément inéluctable.

Pour ne pas s’identifier seulement aux victimes, et pour tenter de com- prendre la nature de ces crimes, d’autres points de vue sont à examiner : ceux des bourreaux, des auteurs de ces crimes ; mais aussi ceux de leurs témoins, qu’ils aient été actifs, dans un sens ou dans l’autre, ou qu’ils aient été passifs, des bystander (Hilberg, 2006). C’est en considérant, et en croisant, chacun de ces points de vue différents que l’enseignant est le mieux en mesure de ne pas réduire les apprentissages des élèves à des injonctions moralisatrices.

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2.3. Pour une pédagogie de la mémoire dans la durée

Qu’il se présente ou non comme une question socialement vive, le passé traumatique des sociétés humaines pose un autre problème. En effet, il ne va pas de soi pour l’enseignant de parvenir à le transmettre tout au long de sa carrière à des classes sans cesse renouvelées, vis-à-vis des- quelles il assume inlassablement la responsabilité de le faire connaître.

Ainsi, comment parvenir à assumer cette tâche dans la durée ?

Pour ce faire, un élargissement de l’éventail des thèmes et des activités possibles dans la classe est sans doute un premier atout. Le choix des supports pédagogiques est aussi à interroger. Il en va de même d’une réflexion sur la territorialité de la mémoire, sur la mémoire des lieux et les lieux possibles du travail de mémoire.

L’usage de supports audiovisuels, photographies, documentaires ou films de fiction, est très courant dans les pratiques scolaires. Mais il pose la double question de leur nature et de leur complexité potentielle. Faut-il montrer des images crues des crimes de masse ? Beaucoup d’élèves ont vu le film Nuit et brouillard d’Alain Resnais, qu’on leur a montré pour que la force de ses images grave dans leur esprit l’existence de ces faits abominables. Mais tous n’ont pas appris que ces images étaient des images d’archives tournées après coup par les Alliés, voire même des images de fiction. Aujourd’hui, montrer ce film n’a de sens que pour enseigner l’histoire de l’histoire de la Déportation et du génocide, notamment pour préciser qu’à la fin des années cinquante, les victimes juives des crimes de masse nazis étaient peu présentes dans les esprits.

Il existe une territorialité des mémoires. Aussi le travail de mémoire ne se déroule-t-il pas de la même manière dans tous les pays et régions d’Europe et du monde. Par exemple, à Genève, c’est la question d’un pays témoin, bystander, qui se pose. De même que celle de la frontière toute proche qui a vu, durant la Seconde Guerre mondiale, des réfugiés juifs être accueillis et sauvés, ou être au contraire refoulés et renvoyés à leurs bourreaux.

Le travail de mémoire est enrichi lorsqu’il se développe dans des lieux de mémoire authentique, des centres d’interprétation ou des musées, qu’il s’agisse d’expositions permanentes ou de démarches temporaires. Ces visites sont des occasions de susciter l’intérêt des élèves, de les stimuler à l’apprentissage. Mais tout comme pour les rencontres de la classe avec un témoin, il est important qu’elles soient bien suivies d’une démarche de debriefing et d’une mise en contexte historique (Fink, 2009).

Parmi les lieux de mémoire authentiques, certains sont plus intéressants que d’autres parce qu’ils incarnent un aspect particulier de la problé- matique des mémoires. Par exemple, le camp de Rivesaltes (Pyrénées- orientales, près de Perpignan) a enfermé tour à tour des catégories de victimes différentes : des Républicains espagnols en 1939, des Juifs et des Tsiganes, mais aussi des militaires, pendant la Seconde guerre

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mondiale, des Harkis juste après la guerre d’Algérie, et encore des réfu- giés un peu plus tard. C’est donc un lieu qui incarne parfaitement la plu- ralité des mémoires traumatiques, qui permet d’en prendre conscience et qui incite à développer un dialogue des mémoires. La création annoncée d’un musée mémorial du Camp de Rivesaltes ouvre donc une perspective intéressante.

3. Des expériences en classe ou avec la classe

Le travail de mémoire dans le contexte scolaire ne peut pas toujours se développer par des rencontres avec un témoin, des visites de musées ou de lieux de mémoire authentiques. Les trois exemples qui suivent, brièvement présentés, peuvent donc tout aussi bien donner lieu à une présentation en classe, à partir d’une visite virtuelle ou d’une narration de l’enseignant, dans le but de donner à voir aux élèves les problématiques mémorielles qu’ils incarnent.

3.1. L’étude d’une controverse mémorielle : la Suisse des années 90 face à la crise dite des fonds en déshérence

La remise en question de l’attitude des autorités et des élites helvétiques à l’égard du national-socialisme voisin a provoqué une onde de choc au cours des années quatre-vingt-dix : refoulement de plus de réfugiés qu’il n’était nécessaire, recyclage de l’or volé à leurs victimes par les nazis, prêts massifs, échanges économiques intenses et bien d’autres constats encore : tout cela a créé un certain malaise et montré que ce n’est pas la seule mobilisation de son armée de milice qui a évité à la Suisse d’être envahie par ses voisins (Heimberg, 2006). Les travaux des historiens ont alors été vertement contestés par des groupes de pression qui préten- daient que seuls ceux qui avaient vécu directement les faits pouvaient les faire connaître. Et une partie de ceux qui avaient vécu cette époque ont en effet été blessés par ce qu’ils apprenaient, comme si c’était à eux que tous ces reproches étaient adressés.

Au cours de l’hiver 2004-2005, une exposition temporaire abrita au Château de Prangins les résultats de deux démarches parallèles : d’une part, les travaux des historiens d’une Commission indépendante d’ex- perts, présidée par le professeur Jean-François Bergier, que les autorités avaient mise sur pied ; d’autre part, une présentation interactive et thé- matisée de plusieurs centaines de témoignages filmés qu’avait réalisés une équipe de cinéastes et d’historiens (Fink, 2002).

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Ici, l’intérêt de la démarche consiste à faire suivre ces deux prises en compte parallèles d’un travail aux archives et d’une récolte de témoi- gnages, une construction d’histoire et une mise en scène de mémoires, par un debriefing portant sur les interactions entre l’histoire et les mémoires, sur ce qui les distingue et sur ce qui les rend éventuellement complémentaires.

3.2. La visite d’un lieu de mémoire : la Maison d’Izieu, mémorial des enfants juifs exterminés

À Izieu, petit village de l’Ain, le 6 avril 1944, un commando de la Gestapo commandé par Klaus Barbie a enlevé 44 enfants juifs et 7 éducateurs. 42 enfants et 5 adultes ont ensuite être gazés dans le camp d’extermination d’Auschwitz. Deux adolescents et le directeur de la maison ont été fusillés en Estonie. Il n’y aura qu’une seule survivante.

Aujourd’hui, le site a été transformé en Mémorial des enfants juifs exter- minés. Il comprend la maison qui a accueilli les enfants et une grange voisine transformée en musée. C’est un lieu de mémoire fascinant où il règne toujours l’atmosphère particulière de la campagne, voire des vacances. C’est aussi un lieu très émouvant, marqué par le contraste entre la douceur de cette atmosphère et l’horreur des faits qu’il nous rappelle.

Cette visite provoque donc beaucoup d’émotions. La maison où ont vécu les enfants est presque vide, vide de leur absence, mais pleine de leurs portraits. Il est donc important pour l’enseignant de ne pas s’arrêter là et de bien transmettre aux élèves ce qui s’est passé, et le contexte historique de cette époque, comme par exemple le fait que la fin de l’Occupation italienne avait soudain mis les enfants en danger. Il est aussi utile de montrer aux élèves en quoi cette cinquantaine de victimes est représentative de ce qu’a été le sort terrible d’une immense masse d’enfants, de femmes et d’hommes. Enfin, des plaques commémoratives que l’on peut observer sur place disent aussi les rythmes temporels de la mémoire ; le fait notamment que la maison d’Izieu n’est devenue un lieu de mémoire et un musée que très tardivement, en 1994.

3.3. L’étude d’une controverse mémorielle : Oradour-sur-Glane

À Oradour-sur-Glane, un bourg proche de Limoges, le 10 juin 1944, des Waffen-SS de la division Das Reich ont massacré toute la population. Les femmes et les enfants ont été enfermés dans l’église qui a été incendiée.

Les hommes, rassemblés en quelques groupes, ont aussi été liquidés.

Tout le village a été incendié et détruit. Le bilan, effroyable, fait état de 642 victimes. C‘est là l’un des crimes les plus emblématique de la barba- rie et de la terreur nazies sur le territoire français (Collectif, Comprendre Oradour. L’intégrale du parcours de mémoire, 2000).

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Ce crime était une opération programmée. Il s’agissait pour les nazis de régler par un geste effroyable le problème que leur posaient les groupes de résistants dans le Massif central. Ce sont des Waffen-SS qui ont exé- cuté un travail de terreur que la Wehrmacht n’avait pas fait. Destinée à intimider la Résistance et la population, la tuerie a eu lieu dans un endroit vulnérable qui n’était pas au cœur de l’activité des maquis.

L’affaire d’Oradour est devenue un imbroglio de mémoires dès lors que de jeunes soldats alsaciens enrôlés de force, des malgré-nous, se trouvaient parmi les bourreaux. Vu leur incorporation forcée, la région alsacienne ne pouvait pas accepter leur condamnation à des peines de prison ou de travaux forcés le 12 février 1953. Mais vu leur participa- tion à ce crime, la région limousine ne pouvait pas accepter davantage leur amnistie par le parlement français, au nom de l’unité nationale, le 19 février 1953 déjà. La déchirure était dès lors inévitable. Elle a été pro- fonde et durable. De même que la séparation des mémoires, pendant très longtemps, et aujourd’hui encore à bien des égards.

Plusieurs espaces de mémoire caractérisent ainsi le site d’Oradour, juste à côté du village reconstruit. On y entre par un Centre de la mémoire, un lieu d’exposition et d’interprétation géré par les collectivités locales, dans lequel le public trouve des explications. On pénètre ensuite par un tunnel dans les ruines du village de l’époque. Mais ce sont des ruines qui ne portent plus la suie de l’incendie. Ce sont aussi des ruines entretenues, comme le donnent à voir des cerclages métalliques de consolidation qui n’ont pas été masqués. Cet espace est une véritable nécropole, un symbole de la barbarie nazie et de la souffrance des Français géré par le ministère de la Culture. À l’écart, semi-enterré, un mémorial contesté, parce que construit par l’État français, présente des objets du village martyr et le nom de toutes les victimes. Mais ce n’est pas là le vrai lieu des commémorations. En effet, il y a encore un troisième espace, géré celui-là par la municipalité. C’est le cimetière du village qui contient un autre monument aux morts, beaucoup plus visible, le plus reconnu dans la région.

Le site d’Oradour mérite d’être étudié pour l’horreur des faits qu’il incarne.

Mais aussi, dans le contexte scolaire, pour cet imbroglio de mémoires qui nous montre bien l’importance de la reconnaissance et l’impossibilité de l’oubli dans des situations qui sont ressenties comme une occultation de la souffrance des victimes.

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Conclusion

Dans nos sociétés, c’est autour des mémoires que se portent naturel- lement les questions socialement vives ou sensibles qui sont propres à l’histoire et à ses usages publics. Ces mémoires sont plurielles et leurs manifestations parfois problématiques. Aussi est-il utile d’apprendre à les identifier et à les mettre à distance, mais aussi à bien considérer ce qu’elles ne laissent pas oublier.

Sur le plan scolaire, le travail de mémoire se développe en relation avec un territoire donné ou autour de cas particuliers. Au-delà d’une dimension émotionnelle qu’il ne s’agit pas d’évacuer complètement, il vise à bien mettre en exergue, à partir des faits historiques, la pluralité, les modalités de construction et les conflits qui sont observables dans le champ mémoriel.

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