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Enseigner, un métier sous contrôle. Questions à Olivier Maulini et Monica Gather Thurler

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Enseigner, un métier sous contrôle. Questions à Olivier Maulini et Monica Gather Thurler

MAULINI, Olivier, GATHER THURLER, Monica

MAULINI, Olivier, GATHER THURLER, Monica. Enseigner, un métier sous contrôle. Questions à Olivier Maulini et Monica Gather Thurler. Cahiers pédagogiques, 2014, no. 513, p. p. 71

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:40065

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Enseigner : un métier sous contrôle ?

Entre autonomie professionnelle et normalisation du travail ESF, 2014

Interview des coordinateurs de l’ouvrage : Olivier Maulini & Monica Gather Thurler Propos recueillis par Jean-Michel Zakhartchouk, Cahiers pédagogiques, n°513/2014.

1. Au fond, quelle est votre réponse à la question : un métier sous contrôle ? Pourquoi ce titre ?

Le titre du livre est volontairement ambigu. L’enseignement est certes un métier, encore que l’expression ne fasse pas l’unanimité. Mais dans quelle mesure ce métier est-il ou non contrôlé ? Le sens commun dénonce tantôt des professeurs livrés à eux-mêmes, faisant la pluie et le beau temps dans leurs classes et dans le système scolaire, sans contrôle sérieux et contraignant de leurs pratiques par leur hiérarchie. Tantôt il s’en prend à l’administration elle-même, jugée tatillonne, obsédée par la conformité aux normes et par la mesure des performances. Le travail des maîtres serait à la fois mis sous la coupe et laissé en friche, ce qui n’aide pas à comprendre comment il évolue et se donne des obligations en réalité. Un métier sous contrôle ? Oui, si l’on juge que les programmes, les directives, les évaluations, les échelles de rémunération ou les attentes des élèves et des parents placent les professionnels sous un faisceau grandissant (et infantilisant) de prescriptions. Non, si l’on pense au contraire que les évaluations menacent surtout les élèves, que les programmes sont élastiques, que les enseignants n’appliquent pas les réformes (à tort ou à raison) mais qu’ils attendent qu’elles passent en maugréant. Les nouveaux modes de gouvernance devaient substituer un pilotage par les résultats à l’ancien modèle basé sur les normes et les procédures. Ils ont leurs défauts, qui correspondent à l’excès de leurs ambitions : mettre en évidence les insuffisances, empiler les données et les tableaux de bord, tâtonner à la recherche de nouveaux fonctionnements post-bureaucratiques. Au pire, les deux logiques peuvent se combiner et donner le sentiment aux professionnels d’être doublement, soit abandonnés, soit corsetés.

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2. La question du « contrôle du travail » n’est-elle pas souvent évitée aussi bien par les enseignants que par la hiérarchie ? Pourquoi selon vous, et quels enjeux a-t-elle dans le cadre de la « refondation » ?

La question du contrôle est forcément politique, voire idéologique. Elle a mauvaise presse dans un milieu qui a tendance à revendiquer l’autonomie pour soi et l’autorité pour les autres. C’est le présupposé de notre travail : si une école refondée, qui ne fait pas de l’efficacité un tabou, mais cherche des solutions équilibrées pour la renforcer, suppose un métier d’enseignant professionnalisé – donc gagnant en pouvoirs, en savoirs et en responsabilités – alors quel contrôle du travail pédagogique imaginer ? Et avant cela : que savons-nous des modes de contrôle actuellement opérés, de leurs effets, de la manière dont ils contribuent ou non à soutenir les progrès espérés ? Au-delà des clichés, on sait que les traditions varient d’un pays à l’autre : la France est l’héritière d’un système d’inspection basé sur des critères formels de notation et de progression dans la carrière ; il contraste plus ou moins nettement avec la combinaison autoévaluation-supervision des établissements mise en place par l’Angleterre, les commissions scolaires et le contrôle décentralisé des cantons suisses ou du Québec, la médiation des pouvoirs organisateurs en Belgique et aux Pays-Bas, la régulation par le marché des États libéraux... On constate que moins le contrôle est satisfaisant, plus il passe pour un « sale boulot », ce qui le rend encore plus impopulaire et laisse les enseignants sans garde-fou, mais aussi sans protection.

3. Peut-on dire qu’un système qui contrôle plus ses enseignants est plus efficace ?

C’est moins un problème de quantité que de qualité : que contrôle-t-on, qui le fait et de quelle façon ? En vérité, on ne peut pas ne pas contrôler. Le contrôle social s’opère qu’on le veuille ou non : s’il ne passe pas par des règles, des normes, des instances faites pour ça, il adviendra par la bande, sauvagement, par exemple lorsque des écoles ferment leurs portes par manque de résultats, que d’autres gagnent en prestige parce qu’elles excluent les élèves les plus faibles ou que les enseignants sont de plus en plus nombreux à « décrocher » ou à partir en congé maladie parce que personne n’a pu ou voulu clarifier les normes de justice et les formes de reconnaissance. Si la profession ne légifère pas elle-même, si elle ne consent pas à mettre en place des critères de qualité et des modes d’évaluation et de suivi adaptés, les « bonnes pratiques » peuvent lui être imposées du dehors, au besoin par la menace behavioriste du blaming and shaming (blâmer et humilier) ou du salaire au mérite... C’est évidemment un paradoxe, mais une profession digne de confiance l’est moins sur parole que par sa capacité à s’autocontrôler en référence à des standards partagés, et à rendre utilement compte de son activité aux usagers. Cela peut certes passer par des diplômes, des référentiels de compétences, des codes de déontologie, un travail coordonné dans les établissements, mais aussi par un donnant-donnant plus trivial, observable dans les systèmes où les élèves respectent les professeurs, les professeurs leur hiérarchie et l’école les usagers : d’un côté les marges de manœuvre concédées aux professionnels, de l’autre les gages d’expertise et d’engagement qu’ils sont – d’avance et en échange – prêts à consentir…

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