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La répression des violations du droit international humanitaire en Suisse

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La répression des violations du droit international humanitaire en Suisse

ROTH, Robert, HENZELIN, Marc

ROTH, Robert, HENZELIN, Marc. La répression des violations du droit international humanitaire en Suisse. In: Répression nationale des violations du droit international humanitaire (systèmes romano-germaniques) . Genève : Comité international de la Croix-Rouge, 1998.

p. 184-201

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:46283

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(2)

La répression des violations

du droit international humanitaire en Suisse

Robert .Roth

Professeur de droit pénal

à

la faculté de droit de l'Université de Genève

Marc Henzelin

Avocat, LLM, assistant

à

la faculté de droit

1 . Introduction

Depuis 1851, le législateur suisse a choisi, pour les infractions au droit de la guerre, de procéder par la technique du renvoi aux dispositions a,pplicables en droit international. C'est ainsi que le Code pénal militaire (ci-après CPM) fait référence aux «conventions internationales sur la conduite de la guerre>> et à celles sur la «protection de personnes ou de biens», voire aux

«lois et coutumes de la guerre reconnues» 1. Dès lors, en droit suisse, la question qui se pose n'est pas tellement si et quelles dispositions du droit de la guerre coutumier et conventionnel ont été intégrées, mais plutôt quel est le champ d'application du Code pénal militaire. C'est pourquoi, il nous a paru justifié de modifier quelque peu l'ordre des questions posées.

2. Le champ d'application du Code pénal militaire

Le législateur suisse a prévu un Code pénal militaire séparé du Code pénal ordinaire. Et, selon l'art. 218 CPM, «toute personne à laquelle le droit militaire est applicable est justiciable des tribunaux militaires».

La partie générale du Code pénal militaire (art. 1-60 CPM) s'applique de manière fermée, sans qu'aucune référence aux dispositions générales du Code pénal puisse être faite sans renvoi exprès2Par contre, la partie spéciale du Code pénal militaire est une lex specialis par rapport au Code pénal ordinaire3. Les dispositions spéciales du Code pénal militaire prennent ainsi le pas sur celles du Code pénal ordinaire lorsqu'elles

1 An. 1 09 par. 1 CPM.

2 Comme par exemple les an. 13 par. 2, 14 et 14a par. 2 CPM traitant des enfants, adolescents et jeunes adultes, ou l'an. 30b par. 1 CPM traitant des mesures de sûreté, qui renvoient à cenaines dispositions spécifiques de la partie générale du code pénal ordinaire.

3 An. 7 CPM.

(3)

pourraient s'appliquer conjointemené. Si aucune disposition de la partie spéciale du Code pénal militaire (art. 61-179a CP:M) ne s'applique, la partie spéciale du Code pénal ordinaire peut être appliquée à titre subsidiairé.

2.1 Ratione materiae

Les délits prévus par le Code pénal militaire sont ceux qui sont spécifiquement liés à la vie militaire, ainsi que ceux, généraux, qui sont commis en relation avec des intérêts militaires5.

Selon le Conseil fédéral, «les Tribunaux militaires sont [réservés] à une branche d'activité distincte. Ils doivent leur existence à l'essence même des affaires à traiter, savoir la connexité de celles-ci avec le service militairé. Il ne s'agit pas seulement d'infractions spécifiquement militaires, mais des circonstances de la vie en général ( ... ). Il connaissent, par leur spécialisation, les circonstances particulières du service militaire et ils peuvent, pour établir la vérité, apprécier avec justesse pas seulement les éléments constitutifs extérieurs, mais encore et surtout les composantes psyèhiques >?.En effet,

«sous les armes, le militaire se trouve obligatoirement placé dans des situations où il a à supporter des charges psychiques auxquelles il ne serait pas exposé dans la vie civile ou qu'il assumerait alors de son plein gré. Si l'on éliminait du tode pénal militaire tous les délits de droit commun, le coupable devrait répondre de ses actes devant un tribunal pénal civil qui lui offrirait bien la possibilité, mais non la garantie d'un jugement tenant équitablement compte de toutes les circonstances de la vie militaire»8.

2.2 Ratione personaè

2.2.1 Quant aux catégories de personnes

Plus la menace augmente sur la Suisse, plus le champ des personnes touchées et des infractions concernées s'élargit. Le champ d'application

Ambert, Grenzlinien ~ùcbeJJmi/iliiriJCbem HJJd biitgerlitbem Strafrechl, thèse Berne, 1975, p. 12; Bende!,

<<Dar materielle Mililiirrlrafmhl», ZSirR 88, 1972, p. 187.

5 Hauri, Militiirslrafgm~<; Kommmlar, Deme, Stampfli, 1983, ad. art. 7 CPM.

Le législateur suisse avait théoriquement quatre autres options, soit inclure les délits typiquement militaires, les délits mixtes, les délits contre des intérêts militaires ou tous délits civils. C'est dès lors la troisième optioh qui a été retenue. (Schumacher, Die GeltHngsbereicb des s<bwei<J~nicben Mililiirrlrajge·

setzes, thèse Fribourg, 1954, p. 36 et suiv.; Amberg, op. cil. 4, p. 14, note 6).

PP 1949 II, pp. 13-14.

8 FF 1977 II, p. 20.

(4)

ratione personae du Code pénal militaire varie en fonction du degré de menace sur la Suisse: temps normal, service actif ou temps de guerre, ce que Amberg appela les «trois cercles concentriques »9.

Ainsi, en temps normal, les personnes tombant sous le coup du Code ~énal militaire sont avant tout celles qui sont astreintes au service militaire 0, se retrouvent dans des situations comparables11 ou gui font parties de troupes professionnelles12, que ce soit en général ou pour des infractions déterminées.

Quant aux civils, ils rombent sous le coup du droit pénal militaire uniquement en cas de commission d'infractions très graves à la sécurité du pays. C'est notamment le cas pour les fonctionnaires, employés et ouvriers de l'administration militaire, pour les actes intéressant la défense nationale13. C'est également le cas pour les civils en général, pour des infractions telles la trahison par violation de secrets intéressant la défense nationale, le sabotage, voire pour des infractions à la sécurité collective :eJJcs celles contre le droit des gens dans des situations de conflit armé14. Le danger se précisant en cas de service actif décidé par le Conseil fédéral, de nouvelles caté?9ries de fonctionnaires, employés et ouvriers utiles à la défense nationale " tombent sous le coup de la loi militaire, mais cette fois quelle que soit l'infraction commisc16. Sont au,ssi concernés par le droit militaire les internés militaires, ~u sens large, d'Etats belligérants, les civils internés et les réfugiés dont l'armée a la charge17. De même, les civils se rendant coupables d'infractions relativement graves spécifiquement désignées tombent sous les rigueurs du droit militaire.

9 Amberg, op. at. 4, p. 11.

10 An. 2 ch. 1, 3, 4, CPM.

11 Soit« les personnes astreintes à sc présenter au recrutement, pour ce qui concerne l'obligation de se présenter, ainsi que pendant la durée du recrutement( ... )» (art. 2 ch. 5 CPM), ainsi que «les civils employés durablement par la troupe ou qui le sont pour l'exécution de tâches spéciales» (art. 2 ch. 7 CPM).

12 Art. 2 ch. 6 CPM.

13 Art. 2 ch. 2 CPM

1 Ledit conflit armé peut ne pas impliquer la Suisse.

15 Tels ceux qui m.vaillent dans les chemins de fer, les services de distribution d'eau, les hôpitaux etc.

16 An. 3 ch. 5 CPM.

17 Art. 3 ch. 4 CPM.

(5)

En temps de guerre18, subissent les rigueurs du droit pénal militaire les personnes qui suivent les forces armées sans en faire directement partie19,

quelle que soit l'infraction commise. De même, peuvent être poursuivis selon le droit pénal militaire les civils commettant certaines infractions spécifi'hues au temps de guerre ou portant atteinte à des choses servant à l'armée 0. Enfin, les prisonniers de guerre, les parlementaires ennemis et les personnes gui les accompagnent dans certaines circonstances, ainsi que les civils internés dans des régions en guerre ou occupées tombent également sous le coup du droit pénal militaire21.

2.2.2 Quant

à

la nationalité

des

auteurs

Les dispositions du Code pénal militaire ne précisent pas la nationalité des auteurs de l'infraction. Notamment, les termes «personnes», «personnes astreintes au service»,« fonctionnaires»,« civils»,« prisonniers de guerre»,

«parlementaires» ou autres «civils internés» des articles 2 à 4 CPM ne se réfèrent à aucune nationalité particulière.

On ne trouve également pas dans le Code pénal militaire l'équivalent des articles 5 et 6 CP, qui traitent de la compétence selon les principes de la personnalité passive, respectivement active.

Ainsi, la seule disposition du CPM gui traite de son application dans l'espace est l'art. 9 CPM, gui ne prévoit qu'une application« aux infractions commises en Suisse et à celles qui ont été commises à l'étranger», sans que la nationalité de la victime ou de l'auteur soit mentionnée22. Quant à l'art. 8 CPM, qui règle les conditions de temps, il stipule que« sera jugée d'après le présent Code toute personne qui aura commis une infraction après l'entrée en vigueur de ce

code».

Si aucune disposition d'application du CPM dans l'espace etle temps ne fait référence à la nationalité de l'auteur ou de la victime, on relève pourtant gue

18 À relever que le temps de guerre n'existe que si la Suisse elle-même est en guerre ou si le Conseil fédéral, en cas de danger de guerre imminent, met en vigueur les dispositions établies pour le temps de guerre (FF 1967 1, p. 611). Conformément au Protocol,e ll, le Code pénal militaire vise non seulement les cas de guerre ouverte entre deux ou plusieurs Etats, mais également les cas de guerre non déclarées, voire de guerre de décolonisation ou de guerre civile (art. 108 CPM), voir Popp, Kommentar

rf''"

Militiirstrafgmf<-St-Gall, Dike, 1992, ad. art. 108, N 6.

19 An. 4 ch. 1 CPM.

20 Art. 4 ch. 2 CPM.

21 Art. 4 ch. 3 à 5 CPM.

22 Pour Amberg cependant, l'art. 9 CPM a pour but tant de permettre la poursuite de militai~s suisses ayam commis des infractions à l'étranger que des infractions commises à l'étranger co111re fEtal suisse (Amberg, op. cil. 4, p. 38).

(6)

l'art. 40 CPM permet au juge d'expulser du territoire suisse tout étranger condamné selon le Code pénal militaire à la réclusion ou à l'emprisonne- ment, ce qui montre bien que le Code pénal militaire suisse n'est pas réservé aux sepls Suisses.

À défaut de disposition générale sur la nationalité de l'auteur, il nous faut dès lors examiner cette question selon chaque disposition.

Nous constatons que certaines dispositions des art. 2 à 4 CPM ne peuvent en principe être appliquées que si l'auteur est Suisse, soit notamment lorsqu'elles parlent de« fonctionnaires, emploJ:és et ouvriers de l'adminis- tration militaire de la Confédération et des cantons» 3 ou des membres du corps fédéral des gardes-frontières24.

À l'inverse, certaines dispositions ne sont envisageables que si les aut~urs sont étrangers, soit celles qui font référence aux internés militaires d'Etats belligérants qui appartiennent à leurs forces armées ( etc.)25, aux parlementai-

. t6 . . J 27

res ennemts ou aux pnsonmers ae guern .

La poursuite pénale en Suisse de criminels de guerre devrait dès lors être examinée en fonction des dispositions de droit pénal militaire qui leur sont spécifiquement appliqtbles.

3. L'incrimination des violations du droit de la guerre

3.1 Principe du renvoi aux dispositions internationales en vigueur Les crimes de guerre sont prévus pat le chapitre sixième (infractions contre le droit des gens) du Code pénal militaire28. Ce chapitre contient cependant, en plus des dispositions spéciales applicables, et malgré sa place dans la partie spéciale du Code pénal militaire, une disposition qui est une partie générale en miniature, soit l'art. 108 CPM, qui traite du «champ d'application» du chapitre sixième. Cet article couvrant tous les cas de guerre, déclarée ou non déclarée, internationale, de décolonisation ou

23 Art. 2 ch. 2, 3 ch. 5 CPM.

24 Art. 2 ch. 6 CPM.

25 Art. 3 ch. 4 CPM.

26 Art. 4 ch. 4 CPM.

27 Art. 4 ch. 3 CPM. On ne voit en effet pas comment la Suisse pourrait avoir juridiction sur des prisonniers de guene suisses à l'étranger.

28 Sur l'historique de l'intégration des infractions au droit humanitaire dans le code pénal militaire, voir Eugster, <<La protection pénale des conventions internationales humanitaires», rapport pré$enté à l'Association internationale de droit pénal, Rtvllt inlemaliona/e de droit péna4 1953, vol. 24, pp. 53-67.

(7)

interné9, nous ne nous y attarderons pas, sinon pour constater gue, conformément au droit humanitaire classique, il ne prévoit pas d'applica- tion en cas de troubles ou de tension interne ou en cas de paix. La qualification du conflit par les tribunaux saisis sera dès lors déterminante.

Contrairement à la pratique du droit pénal commun, généralement peu enclin à procéder par renvoi, mais conformément à celle du droit pénal accessoire, le chapitre sixième du Code pénal militaire ne prévoit pas tous les cas de figure pouvant constituer un crime de guerre, mais renvoie aux

«prescriptions de conventions internationales». En effet, le Conseil fédéral a considéré qu'une telle énumération« aurait été particulièrement longue et qu'elle n'aurait peut-être même pas englobé tous les cas »30. Cette méthode n'est pas récente, puisqu'elle remonte déjà au premier Code pénal militaire suisse de 1851, dont l'art. 45 punissait tout «acte contraire au droit ioternational»31.

Pour revenir au temps présent, l'article 109 par. l 1re phrase CPM se lit comme suit:

« 1. Celui qui aura contrevenu aux prescriptions de conventions internationales sur la conduite de la guerre ainsi que pour la protection de personnes et de biens,

«celui qui aura violé d'autres lois et coutumes dela guerre reconnues sera, sauf si des dispositions plus sévères sont applicables; puni de l'emprisonnement. Dans les cas graves, la peine sera la réclusion.

« 2. L'infraction sera punie disciplinairement si elle est de peu de gravité.>>

Il faut tout d'abord constater gue cette disposition fait une référence directe aux prescriptions de conventions internationales, et non pas aux conventions internationales en tant que normes32. Reste à savoir guelles sont les prescriptions de conventions internationales ou autres lois et coutumes de la guerre reconnues qui sont visées par cette disposition.

29 Le Message du Conseil fédéral prévoit nownmeot expressément l'application du code pénal militaire« lors de conflits ne présentant pas un caractère international dans les cas où les conventions sont aussi applicables (art. 3 commun au:" quntre conventions de Genève et art. 19 de la Convention de La HaJ•e)», FF 19671, p. 610.

30 FF 1967 I, p. 611.

31 Oerc, «Le Code pénal suisse et <de Droit pénal international», Rm1til de!mvoNX p11bliiJ par la f=ltédt Jroitde l'Université de Neuchâtel à l'occasion de la fondation de l' AcadéJme, Neuchâtel, Paris, 1938, p.6.

32 Sur la technique de référence de l'ordre inreme à l'ordre inteffilltional, voir Morelli, «Cours générnl de droit international public>>, Rt&lltil Ju ro11n Je f a&aJimit Je droit ùtJtmotional, 1956-I, vot 89, La Haye, A.\Y/. Sijthoff, Leyde, pp. 490-498.

(8)

3.2 Les lois et coutumes de la guerre visées par l'art. î 09 par. î, 28 phrase CPM

En précisant le sens des «lois et coutumes de la guerre» de l'art. 109 par. 1, 2c phrase CPM, le Conseil fédéral faisait principalement référence au

«Manuel des lois et coutumes de la guerre» publié par l'armée suisse33. Or, le Conseil fédéral visait là manifestement uniquement les soldats suisses agissant dans le cadre d'une guerre impliquant la Suisse. Le renvoi au Manuel ne peut cependant servir de base exclusive pour décrire les lois et coutumes de la guerre34!

n

est évident que nous n'entreprendrons pas pour notre part, dans le cadre de cette contribution, de déftnir les lois et coutumes de la guerre au niveau international.

3.3 Les conventions internationales visées par l'art. î 09 par. î, î re phrase, CPM

3. 3. 1 L'impératif de la ratification des conventions par la Suisse ll faut entendre par« conventions internationales» en tout cas toutes celles qui ont été ratifiées par la Suisse au moment de l'infraction, dont notamment les Conventions de Genève35, les Protocoles additionnels I et II36, la Convention sur la protection des biens culturels de 195437, ainsi que les conventions sur les armes de 197238 et 1980 (y compris les quatre protocoles de cette dernière)39.

On peut se demander si un renvoi à des conventions ne liant pas la Suisse au moment des faits est concevable. Nous en doutons.

33 FF 19671, p. 610.

34 On admettra cependant que, pour le soldat suisse, une infraction non tirée dudit Manuel pourrait poser des problèmes de légalité.

35 Convention I : RS 0.518.12 Convention II : RS 0.518.23 Convention ID : RS 0.518.42

Convention IV : RS 0.518.51, toutes e.ntrées en vigueur pour la Suisse le 21 octobre 1950.

36 Protocole I : RS 0.518.521

Protocole IT : RS 0.518.522, tous deux entrés en vigueur pour la Suisse le 17 août 1982.

37 RS 0.520.3, entrée en vigueur pour la Suisse le 15 août 1962.

38 RS 0.515.07, entrée en vigueur pour la Suisse le 4 mai 1976.

39 RS 0.515.091, encrée en vigueur pour la Suisse le 2 décembre 1983. Le protocole de 1993 sur les armes chimiques a été ratifié en 1995 et entrera en vigueur cette année pour la Suisse, selon les services compétents du DFAE.

(9)

En effet, l'inclusion de prescriptions dans l'ordre juridique suisse par renvoi à des conventions non ratifiées par la Suisse serait contraire à l'art. 85 ~h. 5 Constitution, qui prévoit que la ratification de traités avec des Etats étrangers est de la compétence des deux Chambres fédérales. Cette solution est d'ailleurs conforme avec le Message du Conseil fédéral qui faisait référence, en traitant de l'art. 109 CPM, aux« accords de droit public international (ayant) en Suisse ran& de lois et (étant) publiés et diffusés de manière appropriée par l'armée»4

Reste cependant la question de savoir si les prescriptions peuvent découler de conventions internationales ratifiées par la Suisse, mais non signées ou ratifiées par le pays dont l'auteur est ressortissant.

3.3.2 Cas

des

conventions non ratifiées par l'État de l'auteur de l'infraction

Il nous paraît important de distinguer si les prescriptions internationales correspondaient à du droit coutumier à l'époque des faits ou si elles n'avaient qu'une validité conventionnelle.

Si les conventions reflétaient le droit coutumier de l'époque41 ou si leurs prescriptions sont devenues de droit coutumier42, comme par exemple la majorité des prescriptions prévues par les Conventions de La Haye de 1899 et 1907 oules quatre Conventions de Genève de 1949,l'art. 109 par. 1, 1re phrase CPM se confond avec l'art. 109 par. 1 2e phrase CPM et les prescriptions internationales s'appliquent sans autre43.

Si, en revanche, les conventions n'étaient pas reconnues comme étant de droit coutumier au moment des faits, il faut distinguer le point de vue pénal suisse du point de vue international.

4

°

FF1967l,p.611.

41 «L'insertion dans un c.raité d'une règle coutumière n'empêche pas <;ette dernière de continuer comme règle couru!l1ière et de ~égir notamment les rapports entre les Etats parties à ce traité et les rapports entre ces Et~ts et les Etats tiers», Reuter, f111roduction au droit du fraité.t, Paris, PUF, 3e éd., 1995, N 165.

42 L'art. 38 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités (ci-après, Convention de Vienne) précise en effet qu'« aucune disposition des.articles 34 à 37 ne s'oppose à ce qu'une règle énoncée dans un traité devienne obligatoire pour un Etat tiers ou une organisation tierce en tant que règle coutumière de droit international reconnue comme telle>>.

43 Position défendue notamment par Andries, Van den Wijngaert, David, V erhaegen, «Commentaire de la loi du 16 juin 1993 relative à la répression des infractions graves au dtoit international humanitaire>>, Rewe de droit pénal el de crbninologie, 1994, vol. 74, p. 1124; dans Je même sens, Randall, Univmal jurùdktW11 Under l111emational Lmv, Texas Law Review, 1988, vol. 66, p. 824: <<The Geneva Conventions' penal provisions might once have had legal implications for a non party's exercise of jurisdiction over a war crime with whichit bad no connection. But rodayvirtually ail States are parties co the Ge neva Conventions and th us are bou nd direcdy. >>

(10)

a. Du point de vue du droit pénal suisse, l'art. 9 par. 1 CPM prévoit expressément que :

Le présent code est applicable aux infractions commises en Suisse et à celles qui ont été commises à l'étranger.

Un tribunal militaire suisse pourrait ainsi, par exemple, théoriquement condamner un étra!lger pour un comportement prohibé par la Suisse mais non par les Etats directement concernés par le conflit armé, notamment si l'on considère que l'art. 109 CPM se réfère aux prescriptions des conventions internationales plutôt qu'aux conventions

internationales elles-mêmes44.

Une telle application extra-territoriale nous parait cependant contraire aux principes généraux du droit pénal, dont le principe nullutn critnen sine lege, formulé en l'occurrence à l'art. 1er CPM qui prévoit que« nul ne peut être puni s'il n'a commis un acte expressément réprimé par la loi»45. Un accusé poursuivi en Suisse dans de telles circonstances pourrait ainsi objecter devant un tribunal militaire suisse de l'incompétence de ce dernier.

b. D'un point de vue international, la portée extra-territoriale d'un droit pénal national a été examinée par la Cour internationale de Justice dans l'affaire Lotus 46. Beaucoup de publications savantes ont paru sur cette jurisprudence. Cette contribution n'a pas l'ambition d'en faire une synthèse. On signale cependant que certains auteurs préconisent l'acceptation pure et simple de l'effet extra-territorial du droit pénal national, sauf si une interdiction formelle de rang international l'eh empêché7. D'autres émettent des doutes quant à la légalité d'une telle

44 Nous partons du principe que le droit interne du pays concerné reflète bien les instruments de droit international auxquels il est partie. Notamment, nous ne uaiterons pas du cas où le droit interne de l'auteur prohibe un cewûo comportement sans que cette prohibition soit imposée par le droit international coutumier ou conventionnel. Sur la technique de référence de l'ordre interne à l'ordre international, voir Morelli, up. <if. 31, pp. 490-498.

45 Même disposition que l'art. 1er CP.

46 (1927), P.C.I.J., Ser. A, n° 10, p. 23.

47 Solution notamment défendue par Co~des, « Universality of Jurisdiction Over War Crimes», Califomia Latv Review, 1945, vol. 33, p. 177-218, 180: «The holding is that an independant State has legal power to vest jurisdiction in its courts to hear and determine any criminal matter which is not prohibited by international law. ( ... )An independant State has legal power to vest jurisd.iction in irs courts to hear and determine alleged war crimes urùess it is prohibited from doing so doiog by international law. In order to establish th at, under international law, the priociple of universality does not apply to the trial and punishment of su ch war crimes, it is necessary to show th at States generally, as a matter of practice expressing a rule oflaw, have consented not to exercise jurisdiction in such cases. As independant States are involved, any such restriction must be conclusively proved, and to do this municipal law and practice must not be d.ivided. >>

(11)

extension48, alors que d'autres encore voient le problème exclusive- ment.sous l'angle du statut de la norme invoquéé9.

3.3.3

Cas des

conventions non ratifiées par l'État de la victime ou du lieu de l'infraction

Dans ce cas, et comme pour le cas de non-ratification par J'État de l'auteur, la con~ention internationale n'est pas applicable tant à l'Etat de la victime qu'à l'Etat du lieu de commission de l'infraction. Dès lors, le renvoi aux seules prescriptions des conventions internationales pose également un problème non résolu d'applic~tion extra-territoriale du droit pénal suisse.

Reste cependant le cas d'un Etat dont le droit pénal interne a intégré les dispositions pénales de conventions internationales qui ne sont pas applicables à un conflit spécifique. L'argument du p~cip~ nul/um crimen sine lege nous paraît alors moins pertinent. Par contre:>0, l'Etat en question pourrait également se plaindre d'une application extra-territoriale du droit pénal suisse.

3.3.4 Conclusion

À

ce jour, aucune solution claire ne se dégage de la pratique des États quant à la légalité de l'application extra-territoriale du droit pénal51. Certains cas d'application extra-territoriale de droit pénal posent également des problèmes diplomatiques d'importance52. Sans compter que la technique de renvoi aux dispositions du droit international crée bien souvent la confusion sur le droit matériel auquel il est fait référence.

48 Voir notamment Brownlie, Prindplu or P11blic lntemalionai.Lmv, Oxford, Clarendon Press, 4e éd., 1990, pp. 302-303.

49 Dans ce sens, RandaJJ, op. rit. 42, pp. 821-822, pour qui« the legitimacy of a jurisdiccional challenge, in part, will depend upon which multilateral convention the pros ecu ting state has relied. The wider the acceptance of a treary by members of the world communiry, the more likely that it has created customary norms binding upon nonparties that have not persistently objected >>, ainsi que Weil,

<< Towards Relative Normativiry in International Law», ThtAmmtan jo"mal of lntemationa/Law, 1983,

vol. 77, pp. 413-442.

50 Notamment si l'autre État belligérant n'a pas lui-même ratifié les conventions en question.

51 Pour un débat récent sur la question, voir notamment les travaux de la XIX" Commission de l'Institut de Droit lnternational,Am111airu de Droit llllemational, vol. 65, session de Milan, T. 1, 1993, pp. 14-188 et T. H, 1994, pp. 133-273.

52 On en veut pour preuve notamment les tensions intervenues entre l'Union européenne et les États- Unis suite à l'adoption par ces derniers des lois Helms-Bnrton et d' Amato sur les investissements à Cuba et en Iran.

(12)

3.4 Incrimination de certains comportements spécifiques

Outre le renvoi général aux prescriptions du droit international conventionnel et coutumier, le Code pénal militaire prévoit également l'incrimination de certains actes spécifiques, soit: l'abus d'un emblème international (art. 110 CPM), les actes d'hostilité contre des personnes et des choses protégées par une organisation internationale (art. 111 CPM), la violation des devoirs envers des ennemis (art. 112 CPM), la rupture d'un armistice ou de la paix (art. 113 CP:M) et les infractions contre un parlementaire (art. 114 CPM).

À noter également que la solution suisse ne fait pas la différence prévue par les Conventions de Genève entre les infractions graves et les «moins graves »53, le Code pénal militaire autorisant la poursuite pénale, quelle que soitla gravité de l'infraction. Le Code pénal militaire distingue par contre les infractions qualifiées de« peu graves »54 des autres infractions pour ce qui est des modalités de la poursuite. En effet, les infractions «peu graves»

restent punissables, mais par les commandants de troupes en lieu et place des tribunaux militaires (art. 109 par. 2 CPM).

4. La poursuite pénale des criminels de guerre 4.1 Les criminels de guerre civils suisses ou étrangers

Les civils n'entrant pas dans une des catégories spéciales prévues par les art.

2 à 4 CPM peuvent être poursuivis en Suisse pour des infractions commises au droit des gens (art. 108 à 114 CPM) sur la base de l'art. 2 ch. 9 CPM, qui prévoit que sont soumis au droit pénal militaire:

«Les civils qui, à l'occasion d'un conflit armé 55

, se rendent coupables d'infractions contre le droit des gens.»

La poursuite des criminels de guerre civils par la Suisse ne pose ainsi pas de problème.

53 An. 49, 50, Convention}; art. 50, 51, Convention II; art. 129 ec 130, Convention l1I; an. 146 ec 147 Convention IV; art. 85 Protocole 1.

54 La notion de «peu grave>> du Code pénal militaire suisse ne fait pas référence aux Conventions de Genève ou aux Protocoles, mais :a une portèe propre tirèe des dispositions de la partie spéciale du CPM. Ainsi, les cas de lésions corporclles simples ou de voies de fait, qui peuvent suivant les cas êcre qualifiêes de<< peu graves" (art. 1 24 al. 2 CP:.f).

55 Par conflit armé au sens de l'm .. 2ch. 9 CPM,il f:autentendrelesconflits prévus parl'art.108CP:'vlet oon le «temps de guerre" de l'art. 4 CPM.

(13)

4.2 Les criminels de guerre militaires suisses

Les criminels de guerre militaires suisses sont visés par l'art. 2 ch. 1 CPM, qui prévoit que sont soumis au droit pénal militaire:

« ( ... ) les personnes astreintes au service militaire, lorsqu'elles sont en service militaire, à l'exception des permjssionnaires gui commettent les infractions prévues aux articles 115 à 137 et 145 à 179lorsgu'elles ne sont pas en relation avec le service de la troupe».

À relever que les infractions contre le droit des gens ne font pas partie des exceptions prévues pour les permissionnaires. Des permissionnaires commettant des infractions aux droits des gens tomberaient ainsi sous le coup du code pénal militaire et seraient passibles des tribunaux militaires suisses.

4.3 Les criminels de guerre militaires étrangers 4.3.1 En cas de guerre impliquant la Suisse

En cas de guerre impliquant la Scissé6, l'art. 4 ch. 3 CPM prévoit que sont soumis au droit pénal militaire :

« ( ... ) les prisonniers de guerre, pour les infractions prévues par le présent code, y compris celles qu'ils auraient commises en Suisse ou à

!'~tranger, pendant la guerre et avant le début de leur captivité, contre l'Etat ou J'armée suisses, ou contre des personnes appartenant à l'armée suisse».

Faut-il lire cette disposition comme autorisant la pourscite pénale de prisoruùers de guerre en Scisse pour toutes les infractions prévues par le code pénal militaire scisse ou seulement celles commises contre l'État, l'armée suisses ou des personnes appartenant à l'armée suisse? Hauri penche clairement pour la deuxième solution57. Nous préférons la première, gui est plus conforme avec les obligations internationales de la Scisse.

4.3.2 Dans le cadre d'un conflit n'impliquant pas la Suisse

En cas de conflit auquel la Suisse ne serait pas partie, l'art. 4 CPM ne peut s'appliquer. Dès lors, il faut examiner si les criminels de guerre militaires

56 Sur la notion de guerre au sens du droit pénal militaire suisse, voir note 18 s11pra.

57 Hauci, op. tit. 5, N13, ad art. 4 CPM.

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étrangers peuvent tomber sous le coup de l'art. 2 ch. 9 CPM, ce qui supposerait que la notion de civils englobe les militaires étrangers.

Selon le Petit Larousse, le mot «civil» signifie «dépourvu de caractère militaire ou religieux»58. «Civil» s'opposerait dès lors à «militaire», et ne pourrait inclure certaines catégories particulières de militaires.

Cette opposition ressort également de certaines dispositions du code pénal militaire. Par exemple, l'art. 3 ch. 4 CPM fait clairement la distinction entre internés militaires et internés civils 59

. De même, l'art. 4 ch. 3 CPM traitant des

«prisonniers de guerre» ne peut en principe pas s'appliquer à des civils, au vu de l'art. 4 de la IIIc Convention de Genève. Nous constatons également que l'art. 4 ch. 5 CPM parle de civils internés, au sens des art. 41-43, 78 et suiv. de laW Convention de Genèvé0, qui disposent dans quelle mesure et à quelles conditions les personnes protégées peuvent être internées. Or, les militaires belligérants sont en principe visés par la Ille Convention de Genève, et non pas la IVc61, et donc les civils au sens de l'art. 4 ch. 5 CPM ne comprennent pas normalement de militaires, ou en tout cas pas de militaires en service actif.

Enfin, .et en raisonnant par l'absurde, si le terme« civil» recouvrait celui de

«militaire étranger», on devrait admettre qu'un militaire étranger serait passible du droit pénal militaire suisse en cas d'usage d'explosifs portant atteinte à des choses servant à l'armée suisse (art. 4 ch. 2 CPM). Or, non seulement une telle activité n'est pas illégale en cas de guerre, au vu du droit de la guerre, mais est sans aucun doute un but parfaitement autorisé de la guerre!

Pour admettre que l'art. 2 ch. 9 CPM vise également les militaires étrangers, il faudrait ainsi que les termes civils et militaires n'aient pas la même acception, selon qu'ils sont utilisés dans l'art. 2 ch. 9 CPM ou dans d'autres dispositions du CPM. ·

À ce sujet, le Message de 1967 du Conseil fédéral laisse entendre que des militaires étrangers pourraient tomber, pour des infractions au droit des gens, sous le coup du CPM. Il nous indique de façon peu claire à l'art. 109 CPM, que «les violations d'accords internationaux doivent être punies quand elles sont commises par des civils ou des étrangers». Il conclut cependant

58 Petit Larousse illustré 1997.

59 Voir note à ce sujet Eugster, op. cit. 28, p. 62.

60 Hauri, op. rit. 5, N19, ad. art. 4 ch. 5 CPM.

61 Art. 4 par. 4 Convention de Genève IV; Pictet, Coiii!IJe!llaires de la IV Convention de Genève, Genève, CICR, 1956, p. 50 et suiv.

(15)

que l'art. 2 CPM doit« être complété par une disposition selon laquelle sont également soumises au droit pénal militaire les personnes qui se rendent coupables d'infractions contre le droit des gens en cas de conflit armé»62.

Serait-il ainsi possible que le libellé final de l'art. 2 ch. 9 CPM soit dû à une erreur de plume du législateur? Nous en doutons, au vu des versions allemande et italienne du CPM, qui reprennent expressément la tetmlnologie de« civil»63 li faut dès lors bien admettre que l'art. 2 ch. 9 CPM ne vise a priori pas les militaires étrangers.

Cette conclusion intermédiaire nous paraît renforcée par le fait que, contrairement à la tendance actuelle, le but originel de la poursuite pénale d'infrac-tions au droit des gens par le code pénal militaire suisse n' était pas tant de contribuer à la protection de la paix internationale ou de lutter contre la criminalité universelle, que de protéger la neutralité de la Suisse. On relève certains passages de Messages du Conseil fédéral qui décrivent bien cette approche :

«Afin donc que la généralité des citoyens n'ait pas à souffrir de l'imprudence, ou de la mauvaise volonté de quelques individus, il est absolument nécessaire de statuer une peine pour les atteintes au droit des gens qui pourraient troubler les bonnes relations existant entre la Suisse et l'étrangeé4;

«le droit pénal militaire ne devrait s'appliquer que lorsque des motifs militaires l'exigent. »65

Or, dans cet esprit, les infractions commises à l'étranger par des militaires étrangers contre des étrangers ne vérifient pas réellement l'impératif de protection de la Confédération vis-à-vis des puissances étrangères. Même si cet argument n'est pas déterminant, car il n'explique à notre avis toujours pas pourquoi le législateur aurait admis la poursuite pénale des civils étrangers s'il ne s'était agi que de s'intéresser à la protection des intérêts suisses, il pourrait en revanche expliquer l'approche relativement restrictive du législateur par rapport à l'application du code pénal militaire au cas où les intérêts de la Suisse ne sont pas touchés directement.

Le seul argument qui nous paraît finalement justifier l'inclusion des militaires étrangers dans le terme «civils» est celui de l'interprétation

62 FF 1967 I, p. 613.

63 « Zivilpersonen », <<Le pers one di condizion.i civile».

64 PF 1 852, II, p. 569, Clerc, op. cit. 31, p. 8.

6$ FF 1967 I, p. 613; FF 1977 II, p. 21.

(16)

conforme du droit national avec les dispositions internationales66. Cette interprétation conforme nous semble cependant difficilement applicable dans le domaine du droit pénal, du fait des exigences très strictes de cette matière en terme de légalité et de prévisibilité.

Nous sommes dès lors bien forcés d'admettre que la notion de« civils» au sens de l'art. 2 ch. 9 CPM ne recouvre pas a priori les mmtaires étrangers, et donc que ceux-ci pourraient échapper à toute poursuite en Suisse pour des violations au droit des ~ens commises à l'étranger dans une guerre n'impliquant pas la Suisse .

5. Le Code pénal ordinaire applicable

à

titre subsidiaire Compte tenu de ce qui précède, un militaire étranger ayant commis un crime de droit des gens à l'étranger ne tombe pas sous le coup du Code pénal militaire. Reste dès lors à considérer si le Code pénal ordinaire est applicable à ce (supposé) criminel.

L'art. 7 CPM précise que:

«les personnes auxquelles te droit pénal militaire est applicable restent soumises au droit pénal ordinaire pour les infractions non prévues par le présent code».

Il ne nous dit cependant rien des personnes auxquelles le code pénal militaire n'est pas applicable.

Il faut tout d'abord relever que le code pénal ordinaire ne prévoit pas, dans sa partie spéciale, de dispositions particulières relatives aux crimes de guerre ni de renvoi général aux prescriptions de droit international comparable à l'art. 108 CPM. Reste à savoir dans quelle mesure un militaire étranger peut être poursuivi pour avoir commis ou ordonné de commettre un meurtre

66 Ce qu'exigerait notamment l'art. 27 de la Convention de Vienne. Le Tribunal fédéral traite la question selon le raisonnement de la hiérarchie des normes entre droit international et lois fédérales.

Sa pratique semble cependant assez peu cohérente (voir à ce sujet Wilhelm, Introdllçtion et force obligatoire des traité! intemdfiont111x dans fordn:juridique mim, r:hèse Lausanne, 1992, p. 177 et suiv. ; pour une analyse tout à fait récente de la problématique, voir Ziegler, « Auslegung intemationaler Vertriige im Licht spaterer Vertriige ( ... ) », PJA, 1997, p. 755· 758, ainsi que Hangartner, <<Eode oder Weiterfuhrung der Schuben-l'raxis ?>>, I'JA 1997, p. 634).

67 Contra, Popp, op. r:it. 18, ad art. 108 N 6, note 4, étant précisé que Popp ne justifie cependant pas sa position.

(17)

(art. 111 CP) ou un viol (art. 190 CP) en relation avec l'art. 6 bis CP qui prévoit que:

« 1. Le présent code est applicable à quiconque aura commis à l'étranger un crime ou un délit que la Confédération, en vertu d'un traité intemat~onal, s'est engagée à poursuivre, si l'acte est réprimé aussi dans l'Etat où il a été comnùs et si l'auteur sc trouve en Suisse et n'est pas extradé à l'étranger ( ... ) »

On peut en effet sc demander dans quelle mesure les art. 1er commun, 49, 50 Convention I, 50, 51 Convention II, 129 et 130 Convention Ill, 146 et 147 Convention IV, 85 Protocole I (qui obligent la Confédération à poursuivre certaines infractions spécifiques, tels l'homicide intentionnel, la torture, les traitements inhumains) ne sont pas précisément les crimes et délits prévus par l'art. 6 bis CP68. En faveur de cette application du code pénal aux crimes de guerre, on mentionne le fait que le législateur a cru utile d'indure en 1981 dans le Code pénal une disposition spécifiqué9 sur l'imprescriptibilité des crimes graves qui sont prévus par les Conventions de Genève. Or, on ne voit pas très bien pourquoi cette disposition aurait été prévue si le Code pénal militaire est seul applicable à ces actes. »70

Il faut toutefois relever que le champ d'application des Conventions de Genève et de leurs Protocoles est beaucoup plus strictement circonscrit que celui du Code pénal71 :les crimes ne peuvent pas être poursuivis en tout temps ni en toutes circonstances. Leur particularité est précisément qu'ils

' . , d 72

ne peuvent etre commts qu en temps e guerre .

68 À ce sujet, un rapprochement peut être envisagé avec le dispositif qui "st précisément à l'origine de l'adoption de l'art. 6 bis CP, à savoir la Convention e~e pour la répression du tc:rrocisme (RS 0.353.3). Aux rennes de l'an. 6 de c"tte Convention, les Etats contractants se sont engagés à poursuivre (en cas de non-extradition) les auteurs d'actes qualifiés terroristes au sens del'anicle 1., ; la poursuite s'effectue sur la base des dispositions ordinaires visant le meurtre, la prise d'otages ou l'utilisation d'explosifs.

69 Art. 75 bis par. 1 ch. 5 CP.

70 À relever toutefois que les art. 75 bis CP et 56 bis CPM traitant de l'imprescriptibilité de certaines infractions ont été introduits par l'art. 109 de la Loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP) et non dans le cadre d'une révision du droit de fond.

71 À l'inverse, la mÎJttllat(IJf'lldu Code pénal sur la base de l'art. 6 bis CP est restreinte par les conditions de la dtJuble inrriminatio11, de la pr!Jenn de l'accusé en Suisse et de la non·txln1dition, conditions qui ne sont pas posées par le Code pénal m.ilil2Îre.

n Ce que décrit bien le titre sixiéme du CPM: « lnfuoctions commises contre le droit des gens en cas tk t#njlil armi», ainsi que l'art. 108 CPM.

(18)

Or, comme on l'a vu 73, les tribunaux militaires ont précisément pour but de juger des affaires spécifiquement liées aux spécificités de la vie militaire. En l'occurrence, un civil étranger commettant une infraction au droit des gens serait passible du code pénal militaire et des tribunaux militaire, alors qu'un militaire étranger commettant une infraction de même type mais dans des circonstances spécifiques non seulement à la vie militaire, mais à la guerre, serait passible du Code pénal ordinaire et des tribunaux ordinaires suisses ! Le législateur n'a certainement pas voulu une telle situation. Nous sommes dès lors d'avis que l'on ne peut pas, en quelque sorte par défaut, poursuivre un criminel de guerre militaire sur la base d'infractions de droit pénal commun et que l'art. 2 ch. 9 CPM devrait être élargi par voie législative aux militaires étrangers.

6.

Ratione loci

L'art. 9 par. 1 CPM prévoit:

«Le présent code est applicable aux infractions commises en Suisse et à celles qui ont été commises à l'étranger.»

Dès lors, le Code pénal militaire consacre en principe la compétence juridictionnelle extra-territoriale pour l'ensemble des violations du droit de la guerre. Cependant, comme on l'a vu, cette compétence n'est pas absolument universelle, du fait que certaines infractions ont leur champ d'application limité en fonction de la nationalité de l'auteur, de la victime ou de l'intérêt protégé74. Qui plus est, on peut émettre des doutes sur l'application universelle de dispositions conventionnelles non reconnues par l'État de l'auteur étranger.

Pour ce qui est du cas particulier des militaires étrangers commettant des infractions contre le droit des gens dans le cadre d'un conflit n'impliquant pas la Suisse, ils sont également justiciables des tribunaux militaires suisses et passibles du droit pénal ordinaire suisse, quel que soit le lieu de l'infraction, ceci selon l'art. 6 bis CP.

7. Conclusion

Les crimes de guerre peuvent être poursuivis en Suisse, où qu'ils soient commis et quel que soit l'auteur ou la victime. L'utilisation de la technique du renvoi au.'< prescriptions du droit international en vigueur n'est

73 voir 2.1 supra.

74 Hauri, op. at. 5, ad. art. 9, I.

(19)

cependant pas simple, sans compter qu'elle peut poser des problèmes sérieux tant du point de vue de la sécurité juridique que sous l'angle du droit international. Quant au sort des criminels de guerre militaires étrangers - cas gui devrait en principe être le plus fréquent - il est pour le moins incertain. Dès lors, le Code pénal militaire mériterait de subir de sérieux aménagements, afln de régler ces questions litigieuses soulevées dans cette contribution avant qu'un cas d'application concret ne révèle la faiblesse de l'incorporation dans le droit suisse des Conventions de Genève.

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