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Qarassa, vestiges d'une société à mégalithes dans le Leja en Syrie du Sud, entre 3600 et 3000 avant J.-C.

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Qarassa, vestiges d'une société à mégalithes dans le Leja en Syrie du Sud, entre 3600 et 3000 avant J.-C.

STEIMER, Tara, BESSE, Marie

Abstract

During the Early Bronze Age I in the Southern Leja, the inhabitants of Qarassa took advantage of the solidified basalt flows, which could be easily dismantled into small blocks or large slabs, to build a variety of structures; they included double-apse houses, enclosures to protect their resources, and dolmens for their deceased. Besides the architectural knowledge necessary to manipulate slabs of rock weighting several tons, the adoption of plans for their monuments combined with innovations, as well as the study of artefact distribution, demonstrate that the inhabitants aimed to structure both domestic and funerary spaces, the latter being surprisingly not exclusively devoted to the dead. Despite the fact that the research carried out could not be sufficiently exhaustive due to the interruption of fieldwork, the few artefacts discovered as well as the evidence of destruction and reconfiguration of the structural assemblages indicate that the necropolis was actively used over several centuries.

The inhabitants of Qarassa, through the varied forms given to their megalithic tombs and their layout (in lines or groups), [...]

STEIMER, Tara, BESSE, Marie. Qarassa, vestiges d'une société à mégalithes dans le Leja en Syrie du Sud, entre 3600 et 3000 avant J.-C. Paléorient , 2017, vol. 43, no. 2, p. 91-113

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:101040

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Q arassa, vestiges d’une société à mégalithes dans le L eja

en S yrie du S ud, entre 3600 et 3000 avant J .- C .

T . S teimer- H erbet et M . B esse

Résumé : Au Bronze ancien I dans le sud du Leja, les habitants de Qarassa profitèrent des coulées de basalte altérées, se délitant facilement en petits blocs ou en grandes dalles selon les zones, pour construire des maisons à double abside, des enclos pour protéger leurs ressources et des dolmens pour leurs défunts. Outre un savoir-faire architectural qui comprend la manipulation de blocs de plusieurs tonnes et l’adoption de plans pour leurs monuments intégrant des innovations, l’étude de la répartition des vestiges montre qu’ils parvinrent à structurer l’espace domestique et l’espace funéraire, lequel n’était pas seulement destiné aux morts. Bien que les recherches n’aient pu être suffisamment approfondies suite à l’interruption des travaux de terrain, le peu de mobilier découvert, les traces de destruction et de réaménagement des ensembles indiquent que l’utilisation de la nécropole s’est étendue sur plusieurs centaines d’années. Par l’élaboration de formes variées pour les tombes mégalithiques, leurs aménagements particuliers en ligne ou groupés, les habitants de Qarassa ont pu afficher leur appartenance à une famille, un clan. Cette société, dont le système économique était suffisamment développé pour produire des richesses et des structures monumentales, présente toutes les caractéristiques d’une société hiérarchisée avec des commanditaires capables de mobiliser des groupes importants de bâtisseurs.

Abstract: During the Early Bronze Age I in the Southern Leja, the inhabitants of Qarassa took advantage of the solidified basalt flows, which could be easily dismantled into small blocks or large slabs, to build a variety of structures; they included double-apse houses, enclosures to protect their resources, and dolmens for their deceased. Besides the architectural knowledge necessary to manipulate slabs of rock weighting several tons, the adoption of plans for their monuments combined with innovations, as well as the study of artefact distribution, demonstrate that the inhabitants aimed to structure both domestic and funerary spaces, the latter being surprisingly not exclusively devoted to the dead. Despite the fact that the research carried out could not be sufficiently exhaustive due to the interruption of fieldwork, the few artefacts discovered as well as the evidence of destruction and reconfiguration of the structural assemblages indicate that the necropolis was actively used over several centuries. The inhabitants of Qarassa, through the varied forms given to their megalithic tombs and their layout (in lines or groups), could demonstrate their belonging to a family or a clan. This society presents all the characteristics of a hierarchized system, with patrons able to mobilise large groups of builders, as is evident from the wealth they produced and the monumental structures they built.

Mots-clés : Dolmens ; Nécropoles ; Maisons à double abside ; Enclos ; Société hiérarchisée ; Syrie du Sud ; Bronze ancien I.

Keywords: Dolmens; Cemeteries; Double-apsed houses; Enclosures; Hierarchical society; South Syria; Early Bronze Age I.

INTRODUCTION

Notre connaissance des sociétés à mégalithes du Levant, identifiées dans la vallée de l’Oronte en Syrie jusqu’à Shawbak

en Jordanie, a été longtemps limitée par le caractère ponctuel de la fouille de quelques tombes et le nombre insuffisant de prospections systématiques. C’est dans le cadre de la mission conjointe franco-syrienne et dans le but d’enrichir le projet

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d’atlas des sites pré- et protohistoriques de Syrie du Sud qu’un inventaire exhaustif des types de tombes, de leur répartition et des diverses formes d’occupation du sol et d’habitats a pu être mené dans le Leja (Braemer et al. 2008 et 2011).

Dix-huit nécropoles ont été recensées, dont 81 à tombes mégalithiques, sur le plateau du Leja, situées à proximité de 17 habitats du Bronze ancien, dont 11 sites2 dotés de maisons à double abside. Dans cette région, les tombes relevées sont en pierre, le plus souvent monumentales. Les chambres funéraires ont des formes variées (rectangulaire, quadrangulaire, circu- laire, ovale) et sont fréquemment recouvertes d’un tumulus.

Ces tombes, hors sol, en pierres brutes, sont désignées sous le terme de « dolmens »3. Les habitats connus, situés à proximité des dolmens, sont des villages constitués de maisons à double abside du Bronze ancien I, entre 3600 et 3000 avant J.-C., ou des maisons rectangulaires non datées (Braemer et al. 2008 et 2011). Il y a également des nécropoles isolées, comme celle de Sijin. Des prospections menées de 2003 à 2010 dans le Leja ont permis de mesurer la densité de ces monuments (Steimer- Herbet et Criaud 2008) et, en 2007, de réaliser la fouille par- tielle d’un ensemble funéraire et d’un dolmen sur le site de Qarassa.

Nos connaissances des bâtisseurs de dolmens sont fondées principalement sur l’étude du bâti. Il peut s’agir ici de sépul- tures, d’enclos ou d’habitats, lorsque le lien entre ces diffé- rentes structures est avéré. L’autre source d’analyse provient de leur répartition spatiale. Suite aux nombreux pillages de la nécropole de Qarassa, les données bio-anthropologiques sont trop fragmentaires pour être prise en compte comme élément d’étude de ces bâtisseurs. Cet article, veut mettre en lumière la corrélation chronologique et architecturale des maisons à double abside et des dolmens en Syrie du Sud. Pour cela nous présentons des données nouvelles sur la nécropole de Qarassa dans le sud du Leja. La variété des formes des tombes, les innovations architecturales, la structuration de l’espace funé- raire et de l’espace domestique permettent de décrire plus pré- cisément les commanditaires et les bâtisseurs de ces monuments (fig. 1).

1. Sijin, Mtuneh, Eib, Kreim, Qarassa, Qirata, Sharaya, Mtuhr.

2. Zbib, Sharaya, Sahr, Rahil, Qirata, Qarassa, Mtuneh, Mardumé, Kreim, Eib, Bustan.

3. Terme qui a l’avantage d’être évocateur pour les lecteurs et que nous conservons.

LE LEVANT

Les sociétés à mégalithes sont identifiées pendant toute la période du Bronze ancien (3600-2000 BC) sur l’ensemble du Levant. Les plus grandes nécropoles, regroupant 400 à 1 500 dolmens, sont recensées du nord au sud à Qatina près de Homs, Hijaneh près de Damas, Khirbet al-Umbashi dans le Kraa, Rukkad/‘Ain Dakar, Zawiyeh esh-Shurkiyeh et Shamir dans le Jaulan, Jebel Mutawwaq ou Kufr Yuba dans l’Ajlun (Steimer-Herbet 2004-2005 et 2004) (fig. 1). Il en existe aussi de plus petites, pour ne citer que la Syrie du Sud : celles de cinq monuments comme à Qirata, de 20 monuments à Mtuhr, de 150 monuments à Sharaya ou de 232 monuments à Qarassa4. Il existe enfin des tombes isolées. Pendant de nombreuses décennies, il a été malaisé d’établir un lien chronologique entre les dolmens et les habitats connus au Levant. On trouve en effet les combinaisons suivantes : des dolmens isolés, des dolmens proches de tells du Bronze ancien et du Bronze moyen, ainsi que des dolmens proches de villages de maisons à double abside. Cependant, les découvertes récentes de l’équipe de Juan Muniz et Andrea Polcaro à Jebel Mutawwaq, en Jordanie (Polcaro et al. 2014 ; Muniz et al. 2016), ne laissent plus aucun doute sur la relation entre les dolmens et les villages constitués de maisons à double abside5 du Bronze ancien I (3600-3000 av. J.-C). Jebel Mutawwaq est un village qui se développe sur une colline et couvre 18 ha. Selon une estimation de C. Nicolle (2012 : 437), la densité des maisons pour 1 000 m2 est évaluée entre 10 et 14, soit 360 à 504 foyers.

Le village est entouré d’un mur d’enceinte. Ce mur est inter- rompu par plusieurs portes. Quatre groupes de tombes, totali- sant 534 dolmens, ont été recensés autour du village. Celui situé à l’est a fait l’objet, en 2012-2013, d’une fouille de six dolmens par une équipe hispano-italienne dirigée par J. Muniz et A.  Polcaro. Outre les nombreux tessons de céramique du Bronze ancien I (BAI) recueillis en surface de la nécropole, la fouille du dolmen  317, qui n’avait pas été pillé, a livré un mobilier lithique similaire à celui découvert dans le temple aux Serpents situé dans la partie est du village (Polcaro et al.

2014 ; Fernandez-Tresguerres 2011 ; Fernandez-Tresguerres et Junceda Quintana 1991). La mission hispano-italienne a également mis au jour tout un réseau de chemins pavés amé- nagés entre le village et certaines tombes dolméniques parti- culièrement bien conservées (Polcaro et al. 2014 : 14). Jebel

4. Résultats des prospections menées dans le cadre de la mission conjointe franco-syrienne entre 2003 et 2010.

5. Des villages constitués de maisons à double abside ont aussi été observés sans la présence de dolmens, comme à Mardumé dans le Leja.

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Mutawwaq n’est pas un cas isolé et de nombreux villages constitués de maisons à double abside ont été recensés ces vingt dernières années sur l’ensemble du Levant Sud, le long de la côte méditerranéenne, dans le Jaulan et dans la zone qui nous intéresse dans le cadre de cet article, le Leja (Nicolle et Braemer 2012).

LE LEJA

Le Leja est un plateau de basalte, incliné de l’est (850 m) vers l’ouest (600 m), de forme triangulaire. Il est limité par la plaine du Hauran au sud, la plaine de Damas au nord, la Batanée à l’ouest et le Jabal al-Arab à l’est. La zone reçoit aujourd’hui peu de pluie (moins de 250  mm par an).

F. Braemer et J.-C. Échallier (1995 et 2004), en se fondant sur SYRIE

JORDANIE Qatina

Hijane Khirbet al-Umbashi

‘Ain Dakar Shamir

Zawiyeh

Jebel Mutawwaq Kufr Yuba

Qarassa Sharaya Mengez

Nécropole de dolmens Village du BAI

Nécropole et village

100km 0

Fig. 1 – Carte de situation des grandes nécropoles de dolmens (Qatina, Hijane, Khirbet al- Umbashi, Sharaya, Shamir, ‘Ain Dakar, Zawiyeh, Qarassa, Kufr Yuba, Jebel Mutawwaq) et des villages de maisons à double abside du Bronze ancien I [BAI] (Sharaya, ‘Ain Dakar, Jebel Mutawwaq) dans le Levant (commons.wikimedia.org).

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l’ensemble des études pédologiques, paléobotaniques et paléozoologiques réalisées dans ce secteur, concluent que le climat a relativement peu changé depuis le 3e  millénaire.

Ainsi, le Leja se plaçait dans le domaine de transition entre les régions à agriculture sèche et la steppe vouée principale- ment au pastoralisme. La plupart des sites funéraires et domestiques du Bronze ancien I sont localisés en bordure des plaines. Les deux plus importants sont Qarassa au sud et Sharaya au nord (fig. 2). À Qarassa comme à Sharaya, l’ha- bitat utilise les matériaux du plateau de basalte pour se déve-

lopper entre plaines et ressauts. On a pu observer près des sites la présence d’enclos en pierre aménagés autour de zones d’effondrement des bulles de basalte ; les sols des enclos, constitués d’altérites basaltiques, récoltaient les écoulements des pluies et les sédiments éoliens. Ces petites parcelles ont été exploitées comme enclos, soit pour les animaux, soit comme jardins, car la nature du sol et l’humidité y sont favo- rables (Nicolle et al-Maqdissi 2006 : 125). Quant aux dol- mens, ils sont exclusivement construits sur les coulées de lave. Au Bronze ancien  I, comme aujourd’hui, la nappe Fig. 2 – Image satellite du Leja en Syrie du Sud avec la localisation des sites d’habitat de maisons

à double abside et des nécropoles de dolmens du Bronze ancien I (Google Earth).

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phréatique affleure près des sites, formant des étangs et des résurgences tout au long de l’année. Il existe également des cours d’eau souterrains qui bordent la façade nord-ouest du triangle de basalte ainsi que sa base au sud.

Au sud du Leja, le site de Qarassa (Qarassa, coord.

36°41’11’’ N ; 32°83’65’’ E, alt. moyenne 740 m) a été prospecté en 2005. Cette partie du Leja s’est révélée être particulièrement riche en vestiges pré- et protohistoriques. Rien que pour le vil- lage moderne de Qarassa, il y a deux tells, l’un au sud, occupé au Bronze ancien, au Bronze moyen et à l’âge du Fer, l’autre au nord, occupé du PPNB ancien au Chalcolithique. Au nord du tell Nord, on relève la présence d’un habitat dispersé fait de maisons à double abside du Bronze ancien I et une vaste nécro- pole de dolmens (fig. 3). En 2006, un relevé au GPS6 des mai- sons à double abside en contrebas du tell Nord et d’une partie de la nécropole a été réalisé sur une emprise de 14 ha. En 2007, la nécropole a fait l’objet d’un relevé plus complet, soit environ

6. T. Steimer-Herbet (Palm GPS).

144 ha, avec l’aide de topographes7 et d’une couverture aérienne de photographies réalisées avec un cerf-volant (Y.  Guichard, CNRS). Les tombes occupent toute la zone où le basalte est à nu, sur environ 800 m vers le nord, en allant vers le village de Duweir au nord-ouest et de Najran au nord-est. Il s’étire sur 1 800 m d’est en ouest. La campagne de 2007 a permis l’étude architecturale et le relevé pierre à pierre d’une quinzaine de tombes et d’une maison à double abside, ainsi que la fouille partielle de l’ensemble funéraire F1-59 avec quatre tombes fouillées et le dolmen T1778.

7. Un relevé détaillé par deux topographes (Benjamin Boge, Philippe Terree - ESTP) en 2007, complété par un relevé au GPS Trimble (G. Davtian) en 2008 et des points GPS ponctuels (T. Steimer-Herbet).

8. Étude anthropologique réalisée par Émilie Perez et Émilie Buttarelli (CEPAM).

Fig. 3 – Image satellite des vestiges pré- et protohistoriques du village de Qarassa dans le Leja, en Syrie du Sud (Google Earth).

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QARASSA

ORGANISATION SPATIALE DES VESTIGES

Sur la zone cartographiée de 2006 à 2007, 232 dolmens ont été localisés (dont 206 étudiés), ce qui fait de Qarassa la nécro- pole la plus importante du Leja. Cette forte concentration de dolmens se situe principalement sur les premières crêtes de basalte au nord du tell Nord du Néolithique et du Chalcolithique.

En contrebas du tell, d’importants travaux agricoles ont fait disparaître des maisons à double abside repérées en 2006. En 2007, seule une maison avec son enclos était encore visible et a pu être relevée et photographiée. La prospection effectuée dans les champs tout autour du tell Nord a fourni de nombreux tes- sons du Bronze ancien  I, attestant une présence plus impor- tante de maisons à double abside avant l’extension du village moderne. La séparation entre la zone domestique et la zone

funéraire n’est pas marquée par un mur d’enceinte, comme à Sharaya (nord du Leja – Syrie) ou à Jebel Mutawwaq (Jordanie).

La maison conservée est située à une trentaine de mètres d’un petit ensemble de trois dolmens, ces derniers sont assez isolés par rapport au reste de la nécropole. Il faut encore parcourir une trentaine de mètres plus au nord pour que commence véri- tablement la zone funéraire. La densité de la nécropole varie : sur une bande de 900 m d’est en ouest par 500 m du nord au sud, on peut compter jusqu’à 23 dolmens à l’hectare sur une surface globale de 45  ha. Ce n’est pas le cas hors de cette bande, où on ne retrouve plus que cinq dolmens à l’hectare en moyenne à l’ouest, à l’est et au nord. La distribution spatiale des dolmens n’est pas régulière; ils sont regroupés, accolés les uns aux autres ou simplement espacés de quelques mètres (fig. 4).

L’organisation de la partie centrale de la nécropole est assez originale avec deux murs parallèles orientés EO et des murs NS. S’il est impossible de dater ces murs, l’appareil et les

0 250m T232

T234

T236T237 T224 T235 T241 T19

T18 T231

T108

T179 T180 T183

T185

T177

T152 T128 T82T84

T1 T3 F1-59

Maisons Natoufiennes

Maison du BA I

Qarassa Village moderne T2

Dolmen Mur Enclos Légende :

Fig. 4 – Qarassa dans le Leja. Répartition générale des dolmens, des enclos et des murs de la zone funéraire (T. Steimer-Herbet).

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techniques d’assemblages sont identiques à ceux des dolmens ou des maisons à double abside. Le mur au sud court d’est en ouest en passant par les points culminants d’une crête. Il est interrompu tous les 100 m en moyenne par un dolmen monu- mental. Lorsque l’on se tourne vers la zone funéraire depuis la zone domestique, légèrement en contrebas de la crête, les dol- mens forment une barrière visuelle accentuée par la ligne continue du mur. La topographie a probablement joué un rôle

5m 0

T1

T2

T3

Porte

Porte Maison

Plateformes T97

T96 T91

T92 T93 T94 T95

0 50m

Enclos 59

b. a.

Fig. 5  – Qarassa. Plan schématique du groupe de dolmens près de la maison à double abside : les dolmens T1 et T2 sont reliés par un mur et le dolmen T3 est associé à un mur orienté S/E-N/O (T. Steimer-Herbet).

Fig. 6 – Qarassa. Schéma de l’unique enclos funéraire, F1-59. Il regroupe les dolmens T91 à T97 et trois plateformes (T. Steimer-Herbet).

important pour l’édification des dolmens monumentaux. En revanche, pour le reste des dolmens de la nécropole, leur loca- lisation ne semble pas répondre à une règle précise.

L’organisation est discontinue, les tombes sont parfois isolées, parfois groupées en paquets de deux à sept dolmens. On a pu observer que des dolmens sont associés à des murs (fig. 4 : T108, T179, T235 ; fig. 5 : T3), d’autres reliés entre eux par un mur (fig. 4 : T179-T180, T232-T234, T241-T224 ; fig. 5 : T1-T2), et des dolmens sont regroupés dans un enclos, appelé enclos funéraire F1-59 (fig.  6 : T91a-b-T92-T93-T94-T95-T96-T97).

Depuis la zone d’habitat, plusieurs passages ont été aménagés dans les murs pour accéder à la zone funéraire (fig. 4). Plus à l’ouest, un chemin encadré par deux murs a été relevé. Il appar- tient à une phase plus tardive de l’occupation de cette partie de la nécropole, ses murs s’interrompant aux dolmens en les res- pectant (fig. 4 : T235) ou parfois en les détruisant (fig. 4 : T236, T237). La chronologie des murs n’est pas établie pour l’en- semble de la nécropole de Qarassa, mais les premiers indices d’organisation permettent d’établir des parallèles avec les murs et les chemins décrits par A. Polcaro dans la nécropole de Jebel Mutawwaq (Polcaro et al. 2014).

L’ARCHITECTURE DOMESTIQUE

La maison à double abside de Qarassa, M170, est le dernier vestige du village du Bronze ancien  I. Il s’agit d’une maison caractéristique de cette période dans le Levant Sud. Elle est constituée de murs longitudinaux droits et parallèles, d’un ou de deux parements se rejoignant par un mur courbe aux

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extrémités (fig. 7). Les dimensions intérieures sont de 9 m de long pour 3 m de large. Elle est construite selon une orientation EO. La porte ouvre en direction du sud, le jambage situé à l’est a été déplacé. La maison est associée à un enclos de 20 x 20 m (E136), lequel est légèrement décentré vers l’ouest par rapport à la maison. Un accès à l’enclos a été aménagé devant la façade sud de la maison. Toute la partie sud de l’enclos a été endom- magée par des travaux récents. Construite sur le substrat basal- tique, la maison M170 n’est conservée que sur une seule assise.

Cette maison correspond au plan connu de Jebel Mutawwaq à Byblos, décrit par C.  Nicolle (Nicolle et Al-Maqdissi 2006).

Dans le Levant, la longueur moyenne des maisons à double abside oscille entre 12 et 15 m pour des largeurs de 2,5 à 3 m en dimensions internes. Ce qui classe la maison de Qarassa parmi les maisons à double abside de dimensions modestes. À Sharaya, au nord du Leja, l’excellent état de conservation des maisons a permis de relever des exemples de murs en pierre sèche conservés sur 2 m de hauteur. Se fondant sur les décou- vertes anciennes de Sidon-Dakerman au Liban, C. Nicolle pro- pose comme couverture de ces maisons à double abside un clayonnage recouvert de terre argileuse (Nicolle et al-Maqdissi 2006 : 130), proposition appuyée par F.  Braemer et S.  Sorin

(2010 : 91), dont l’étude des toitures en Syrie du Sud montre que celles-ci sont en terre et charpente de bois en bordure du Leja.

Au centre du Leja, il existe cependant un village, Mardumé, dont les toitures – en encorbellement – des maisons à double abside, sont en basalte. Il n’est pas inintéressant de relever que cette communauté devait fonctionner vraisemblablement selon un modèle social et économique différent, car elle n’a pas choisi d’inhumer ses défunts dans des dolmens.

Il n’existe pas de chronologie assez fine pour le Leja et pour l’ensemble du Levant Sud pour pouvoir analyser les rythmes et les chemins de transmission de ces formes (Braemer et Sorin 2010 : 99).

LES ENCLOS

À Qarassa il existe également de nombreux enclos. Leur densité dans la zone funéraire est importante ; un relevé systé- matique porte leur nombre à 156 entités. Ils se raréfient au fur et à mesure que l’on s’éloigne des dolmens et des zones d’af- fleurement du cours d’eau souterrain. L’étude architecturale des enclos a pu montrer que certains d’entre eux sont contem- T69

T70

T28 T29

Etang

T30 T32 T31 Enclos

Enclos

Enclos Enclos

T73 T72 T74 T33 T34

T35

50m 0

Fig. 7 – Qarassa. Photographie prise au cerf-volant de la partie centrale de la zone funéraire, avec des enclos, des murs, des dolmens et un étang (Y. Guichard).

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porains des dolmens, les murs des tumuli s’appuyant contre les murs des enclos, alors que d’autres sont postérieurs. Leurs matériaux de construction proviennent de la destruction des dolmens situés à proximité (T66, fig. 8 et E24, fig. 9).

Il y a quatre types d’enclos : les enclos de jardin, les enclos d’arbre, les enclos à animaux et les enclos de citerne. Les enclos de jardin sont fermés par des murs relativement élevés, montés sur deux, voire trois assises de pierres, probablement surélevés par des branchages d’épineux comme on peut encore l’observer aujourd’hui. Ce type d’enclos possède un accès (porte ?). À l’intérieur, le sol, dont la couverture végétale et la terre ont disparu, est formé de petites pierres d’un module de 15 à 20 cm. Les enclos d’arbre sont plus petits, souvent situés en contrebas d’une butte ; leurs murs sont conservés sur une assise. Au centre, on peut observer un cercle de pierres de 1,5  m de diamètre correspondant à l’emplacement de l’arbre.

Complétés en élévation par des branches d’épineux, ces enclos étaient utiles pour préserver l’arbre des petits ruminants. De même, l’absence d’épierrage à l’intérieur du cercle de pierres devait permettre de conserver plus longuement l’humidité. Les enclos à animaux sont beaucoup plus vastes, et sont situés sur des espaces dégagés et épierrés. Les enclos de citerne, c’est-à- dire des murs entourant de grandes cavités naturelles où l’eau devait être accessible pendant l’hiver, servent à protéger les animaux.

L’ARCHITECTURE FUNÉRAIRE

Les dolmens de Qarassa sont, au premier regard, tous sem- blables. Dès lors que l’on s’attarde sur leur morphologie, on remarque cependant plusieurs variantes architecturales. Les dolmens sont construits en pierre sèche avec des blocs de basalte non taillés, d’un module plus ou moins régulier de 50 x 50 x 50 cm correspondant au débitage naturel des blocs dans la dégradation d’une coulée de basalte (Bessac 2010). Dans cer- tains cas, leurs dimensions sont plus imposantes, comme dans celui de la tombe monumentale T91a-b de l’ensemble funéraire F1-59, où les blocs atteignent plus de 1,3  x 1  m pour 0,5  m d’épaisseur. Cinq formes de chambres ont pu être observées : rectangulaire, circulaire, ovale, quadrangulaire, trapézoïdale, hémicirculaire. Neuf chambres sur les 206 observées ne sont pas recouvertes d’un tumulus, soit deux circulaires (n° 82-86) et sept rectangulaires (n°  30-32-81-83-84-137-181). En règle générale, les chambres sont recouvertes d’un tumulus dont les limites sont constituées d’un ou plusieurs murs. Ces murs des- sinent un contour de forme quadrangulaire (1), en quart de cercle (10), circulaire (24), en demi-cercle (137) ou ovale (25).

À l’origine, le tumulus s’élevait au-dessus de la chambre, soit 1 à 2 m de haut. Le remplissage de pierre permettait de pro- téger les chambres des pillages (tabl. 1-3).

Les dolmens ont des dimensions qui varient peu. On dis- tingue cependant deux groupes : les tombes monumentales (10

E24

T66

0 5m

Fig. 8 – Qarassa. Photographie prise au cerf-volant de la maison à double abside n° 170 (Y. Guichard).

Fig. 9 – Zone funéraire de Qarassa. Schéma de l’enclos E24 adossé au dolmen T66 (T. Steimer-Herbet).

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recensées), dont le grand côté du tumulus est égal ou supérieur à une dizaine de mètres, et les petites tombes.

Parmi les neuf dolmens sans tumulus ni couloir d’accès, deux sont à chambre circulaire et sept à chambre rectangu- laire. Seules les dimensions d’un dolmen rectangulaire de cette catégorie ont été relevées lors de la prospection.

Le tableau ne serait pas complet si l’on ne mentionnait pas le cas de deux dolmens à double chambres, l’un avec un tumulus circulaire (T21) et l’autre avec un tumulus en demi- cercle (T91).

Deux types de couverture de la chambre ont été recensés : par dalle ou en encorbellement. Pour les couvertures en encor- bellement, les corbeaux sont souvent bloqués par les boutisses de l’enceinte et peuvent couvrir des surfaces importantes de 4,64 m par 1,90 m, soit près de 9 m2.

Seize dolmens possèdent des portes et des structures d’accès à la chambre, localisées dans le mur d’enceinte du tumulus. La longueur du couloir qui mène à la chambre est égale au rayon du tumulus. Le nombre des dolmens à porte est probablement plus élevé, mais l’état de conservation ne permet

pas toujours de les identifier. Treize portes ont pu être obser- vées sur des tumuli en demi-cercle (10 sont orientées vers l’est, 2 au sud-est, 1 au nord-est), trois sur des enceintes ovales, toutes orientées en direction de l’est. Un dolmen sans tumulus, de forme rectangulaire, est ouvert à l’est.

Les dimensions des portes, 60  cm de côté, sont relative- ment modestes. Elles permettent à peine le passage d’un indi- vidu adulte. Elles pouvaient facilement être bloquées par un bloc de basalte dont le gabarit est de cet ordre. C’est une des raisons pour lesquelles nous avons des difficultés à les repérer.

Pour l’orientation des tombes, le relevé systématique de l’axe de la chambre, de l’axe du mur rectiligne du tumulus ou de l’ovale d’un tumulus montre que ce qui fait l’unité dans la diversité, c’est l’axe du tumulus. Sur 74 exemples considérés, l’axe qui prédomine est 340-160°, soit NNO–SSO. En règle générale, l’orientation de la chambre suit celle du tumulus.

Quatre cas seulement montrent une petite divergence de 20 à 30° par rapport à l’axe du tumulus (figs. 10-11).

Si l’on considère le tumulus, la typologie des chambres dol- méniques de Qarassa est plus complexe. À l’échelle locale et Tableau 1 – Décompte quantitatif et qualitatif des chambres et des tumuli des dolmens de Qarassa dans le Leja.

206 dolmens

étudiés Tumuli (formes)

Sans tumulus Chambre (formes) Quadrangulaire Quart de cercle Circulaire Demi-cercle Ovale

Ovale 1 2 18 5

Rectangulaire 1 2 26 6 7

Quadrangulaire 2 1

Trapézoïdale 1 6 1

Circulaire 1 1 1 2

Demi-cercle 1

Indéterminée 7 14 86 13

Total 1 10 24 137 25

Tableau 2 – Dimensions externes des tumuli des dolmens de Qarassa.

Dolmens étudiés (197) Dimensions externes (en m)

Tumuli (forme et nombre de

monuments) Long. moy. Min. Max. Larg. moy. Min. Max. Haut. moy.

conservée Min. Max.

Circulaire (24) 4,1 2,2 8,3 4,2 2,7 7,5 0,6 0,5 1,2

Demi-cercle (137) 4,7 2 9,7 3,7 2 7,8 0,9 0,3 1,5

Ovale (25) 5,2 1,9 8,8 3,8 1,3 6,2 0,6 0,4 0,9

Quadrangulaire (1) 3,5 3,9 0,4

Quart de cercle (10) 3,9 2,9 5 3,9 2,5 4,5 0,6 0,2 1

Tableau 3 – Dimensions externes d’un dolmen sans tumulus de Qarassa.

Dolmen simple rectangulaire

Longueur :

Moy. Min. Max. Largeur :

Moy. Min. Max. Hauteur :

Moy. Min. Max.

1,2 1,1 1,4 0,8 0,6 1 0,5 0,5 0,5

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(13)

1m T18 0

T82 T84

T108

0 1m

0 1m

Fig. 10 – Qarassa, vues planimétriques, coupes et photographies des dolmens T18, T82, T84, T108 (T. Steimer-Herbet).

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T231

T185

T183

T179

T128

0 1 m

Fig. 11 – Qarassa, vues planimétriques et coupes des dolmens T231-T185-T183-T179-T128 (T. Steimer-Herbet).

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régionale, nous avons pu recenser de nombreux parallèles. Par exemple, les dolmens à chambres rectangulaires et à tumulus en demi-cercle ont été décrits à Sharaya, Mtuneh, Qirata dans le Leja, mais aussi à Jebel Mutawwaq. En revanche, les dol- mens à double chambre et à tumulus en demi-cercle et ceux à chambre ovale et à tumulus en demi-cercle constituent deux types nouveaux, identifi és à ce jour uniquement dans la nécro- pole de Qarassa. C’est ce qui a conduit à la fouille de 2007 sur l’ensemble funéraire F1-59 et le dolmen T177.

FOUILLES DE L’ENSEMBLE FUNÉRAIRE F1-59

En septembre 2007, nous avons focalisé nos travaux sur l’ensemble funéraire F1-59. Unique à l’échelle du Levant, cet ensemble correspond à un enclos funéraire au sein duquel sont regroupées plusieurs structures, des dolmens et des plate- formes (fi g. 12). L’ensemble est situé sur la marge nord de la nécropole. Il est localisé sur une éminence rocheuse au milieu de champs aujourd’hui abandonnés. À une trentaine de mètres au sud-ouest se trouve un étang qui est entouré de structures de formes et dimensions variées, auxquelles il est diffi cile d’attri- buer une fonction (plateforme ?). Un mur, conservé sur deux assises, établit une séparation entre des tombes au pied de la butte au sud de F1-59 et celles aménagées dans les buttes de basalte autour de l’étang.

L’ensemble funéraire F1-59 (fi g.  6) réunit 10 monuments : 1 tumulus monumental en demi-cercle regroupant 2 dolmens à chambres rectangulaires (T91a, T91b), 4 petits dolmens à chambre circulaire et tumulus en demi-cercle (T95, T92, T93,

T94), et 2 dolmens (T96 et T97) fortement arasés dont les ves- tiges permettent de distinguer les contours des tumuli et les chambres mais pas leurs formes exactes. Entre les dolmens T96 et T97 se trouvent trois plateformes peu élevées, constituées de petits blocs. Les dolmens et les plateformes sont encerclés d’un grand enclos en pierre sèche de 100  m de large sur 150  m de long, soit 15 000  m2. Cet enclos funéraire a été partiellement détruit au sud-est par l’aménagement récent de champs et une porte a été aménagée à l’est à une période non défi nie. Dans cette partie se trouve également une maison ovale associée à un petit enclos ; elle est postérieure à l’enclos funéraire9. Au moment de la découverte du dolmen  T91, le tumulus présentait de nom- breuses dépressions, notamment au-dessus des chambres ; les dalles de couverture avaient été déposées sur le côté, et les chambres pillées comme la plupart des dolmens de la nécropole.

Lors du ramassage de surface dans l’enclos a été mis au jour un matériel allant du Bronze ancien à l’époque médiévale.

S’il est impossible d’établir une chrono-stratigraphie entre les plateformes, les dolmens et l’enclos, on peut toutefois le faire avec l’ensemble des dolmens T91a-b, T92, T93, T94, T95 (fi g.  13).

Par son implantation topographique et sa monumentalité, le

Fig. 12  – Qarassa, vue générale de l’ensemble funéraire F1-59 depuis l’est ; l’enclos au premier plan et l’ensemble de dolmens au deuxième plan (T. Steimer-Herbet).

T95

T94 T91

T93 T92

Chambre nord

Chambre sud

Zones fouillées 0 5m

T91b

T91a

Fig. 13 – Qarassa, plan de détail des dolmens T91a-b-92-93-94-95 dans l’ensemble F1-59 (T. Steimer-Herbet).

1. Elle est probablement médiévale si l’on se réfère au mobilier mis au jour lors de la fouille.

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dolmen  T91a-b a été construit en premier et les quatre autres, sans jamais toucher ce dernier, rayonnent tout autour de son tumulus à 2 et 5 m de distance.

Le tumulus T91a-b est visible à 200 m de distance, notam- ment depuis les crêtes de basalte au sud (fi g. 14 et 15). Sa hau- teur et ses dimensions le classent dans la catégorie des tombes monumentales de la nécropole. Il s’agit d’un monument à double chambre rectangulaire recouvert d’un tumulus en demi- cercle. Aucune trace de taille des blocs n’est visible ; les

0 1 m

Fig. 15 – Qarassa. Photographie vue depuis le nord de la chambre sud de T91a (T. Steimer-Herbet).

Fig. 14 – Qarassa. Photographie vue depuis l’est du tumulus de T91a-b (T. Steimer-Herbet).

constructeurs ont simplement délité les dalles ou les blocs dans une carrière située à une cinquantaine de mètres du monu- ment, et les ont soigneusement agencés sur le sol naturel en les calant avec des petites pierres pour les mettre à niveau9. La longueur du mur droit du demi-cercle (orienté NS) est de 9,75 m pour une épaisseur de 0,5 à 0,7 m. Sa hauteur conservée pour la partie sud est de 1,23 m et pour la partie nord de 0,55 m.

Le demi-cercle a un rayon de 7,40 m (dimensions externes). Le mur est constitué de dalles mégalithiques choisies par les bâtis- seurs pour leurs formes régulières. La dimension de l’une des dalles de la première assise est de 1,30 m de haut par 1,15 m de large et 0,40 m d’épaisseur. L’assise supérieure, quant à elle, est constituée de blocs plus petits, qui mesurent ca 0,5  x 0,5  x 0,4/0,5 m. La hauteur de l’enceinte dépassait largement la hau- teur des chambres. Les pillages ont désorganisé les parties internes du tumulus, mais quelques zones sont encore intactes et ont livré des informations intéressantes sur l’enchaînement des gestes des bâtisseurs.

Pour la mise en place des éléments architecturaux de la tombe, tumulus et chambres, l’ordre le plus vraisemblable serait que les éléments de la chambre ont été dressés en pre- mier, puis le tumulus. L’observation de l’assemblage des blocs du mur rectiligne du tumulus permet de suivre le sens de pose des blocs : les dalles ont été posées du nord vers le sud. Le remplissage du tumulus s’est fait en même temps ou avant la mise en place des blocs de la seconde assise. La fouille de

9. Ces observations ont été faites par J.-C. Bessac.

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l’angle sud-est du tumulus – une partie intacte – a permis de comprendre comment les bâtisseurs ont procédé. Sous l’assise supérieure se trouve une série de pierres « en charge », c’est-à- dire disposées les unes sur les autres pour bloquer les pierres du parement extérieur. Le remplissage entre le mur du tumulus et les orthostates des chambres, en contact direct avec le subs- trat rocheux, se compose de gros blocs posés à plat. Ensuite le remplissage est plus aléatoire et la taille des blocs varie. Le remplissage dans la partie supérieure est formé d’un mélange de cailloux et de terre. Les blocs du premier lit de pose ser- vaient à stabiliser le mur du tumulus mais aussi les orthostates des chambres.

Deux chambres rectangulaires distantes d’un mètre sont situées à 1,5  m du mur droit du tumulus. L’orientation de la chambre au sud suit celle du mur (335°), alors que celle située au nord est légèrement décalée vers le NO (340°). Les chambres rectangulaires sont limitées par deux orthostates parallèles et sont couvertes d’une ou plusieurs dalles de couverture. Chaque orthostate pèse 1,25  tonne ; ils sont relativement plats sans aspérité. Les pillages ont fait disparaître les traces de dalles ou de murs pour les petits côtés. Il est probable que les chambres étaient fermées sur les quatre côtés. À l’extérieur de la chambre, un rang de blocs de 0,5 x 0,5 x 0,5 m servait à maintenir les orthostates de chant. La chambre au sud, celle qui a fait l’objet de la fouille, mesure en interne 2  m de long ; relativement étroite (0,35 m), sa largeur d’origine est difficile à évaluer car l’un des orthostates est tombé. La hauteur sous dalle est de 1  m. La seconde chambre était en partie visible, mais nous n’avons pas pu la fouiller car elle nécessitait trop de manuten- tion pour la dégager. Les dalles de couverture des deux chambres ont été déplacées à la période romaine, plusieurs objets de cette période ont en effet été abandonnés par les pil- leurs. Si les vestiges qui ont été observés dans la partie NE, à cheval sur le mur droit du tumulus, en sont les restes, les élé- ments de couverture sont plus minces que les orthostates.

Comme dans d’autres dolmens de la nécropole, les dalles de couverture pouvaient être juxtaposées les unes aux autres. Vu les perturbations observées dans le tumulus, le remplissage a dû faire l’objet de plusieurs explorations de la part des pilleurs pour trouver de nouvelles chambres.

Pour la chambre au sud du tumulus, il est évident que l’ab- sence de dalle de couverture sur les orthostates, cumulée à la pression du remplissage perturbé du tumulus, sont des facteurs qui ont favorisé l’effondrement de l’orthostate ouest sur l’or- thostate est, en se fragmentant en trois parties. Le choc a légè- rement fendu l’orthostate est.

Très peu de sédiments conservés sous les blocs de l’orthos- tate appartenaient à la phase de mise en place de la chambre.

0 2cm

a b c

d

Fig. 16 – Qarassa, petit mobilier. Chambre sud T91a : a) boucle en argent ; b) perle en cornaline ; d) micro-perles en stéatite – Cham- bre T92 : c) perle en cornaline (T. Steimer-Herbet).

Ont été découverts une boucle d’oreille en argent dans la poche de sédiments perturbés, quelques esquilles osseuses ainsi que de la faune non identifiable en contact avec le substrat. Hors de la chambre, à quelques centimètres de l’orthostate est et tou- jours sur le socle rocheux, se trouvait une dent humaine, plu- sieurs fragments de bronze et des micro-perles bleu/vert dont une en stéatite blanche et une perle tubulaire blanche. Dans les interstices naturels du sol de la chambre se trouvaient des éclats de silex. Les parties intactes du tumulus se trouvaient dans les angles, contre les parois internes du mur. C’est à l’angle sud-est, dans les pierres de blocage, qu’une perle en cornaline a été mise au jour (fig. 16).

La présence d’une dent humaine et de quelques esquilles osseuses confirme le caractère funéraire de la chambre sud.

Cette inhumation était accompagnée d’un dépôt d’offrandes.

Le mobilier, peu abondant, apporte néanmoins quelques indices chronologiques, notamment avec la perle en cornaline, une rondelle percée par foret rotatif, des micro-perles en stéa- tite à profil rectiligne et des cylindres qui peuvent être attribués au Bronze ancien, et qui sont à rapprocher du mobilier de la

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nécropole dolménique de Mengez au Liban (Steimer-Herbet 2000 : 18). La boucle en argent en revanche appartient à la période romaine.

Quatre petits dolmens T92, T93, T94 et T95 ont été construits à proximité de T91a-b. Ils étaient en partie recou- verts par les éboulis du tumulus.

– Le dolmen T95 est formé d’une chambre circulaire et d’un tumulus en demi-cercle orienté Nord-Sud (fig.  17). Les dimensions intérieures de la chambre sont de 1,95 m (NS) par 1,80 m (EO) pour une hauteur de 0,6 m. Les blocs sont relati-

a b

Fig. 17 – Photographie vue du sud du dolmen T95 (a) et détail de l’aménagement de la mise à niveau des blocs du tumulus (b) (T. Steimer-Herbet).

Fig. 18 – Qarassa. Photographie vue de l’est du dolmen T92 (T. Steimer-Herbet).

vement petits (0,5 x 0,5 x 0,5 m) comparés aux blocs du mur du tumulus (0,7 m de haut). L’espace entre la chambre et le mur du tumulus est rempli de petits cailloux. De même, une couche de petites pierres scelle la chambre. Dessous la terre est sombre et argileuse. Quelques fragments indéterminés de restes humains étaient éparpillés sur la surface de la chambre en contact avec le sol naturel au nord-ouest, ainsi que des petits fragments d’un os plat (scapula ou crâne) au sud, un métatarse, une dent com- plète et deux fragments de dents, ainsi qu’une perle en stéatite blanche au nord en contact avec les parois.

– Le dolmen T92 possède une chambre circulaire sous un tumulus quadrangulaire (fig. 18). Les dimensions intérieures de la chambre sont de 1,10  x 0,90  m pour une hauteur de 0,6 m. Les blocs du mur du tumulus sont larges de 0,5 à 0,6 m.

Les dimensions externes du tumulus sont de 3,5 m (NS) par 3,9 m (EO). Le mur du tumulus est constitué de petits blocs de 0,4 x 0,4 x 0,5 m sur deux assises. Ce mur était recouvert par- tiellement de pierres provenant de la démolition de T91a-b. La chambre était fermée par six blocs allongés et posés à la verti- cale scellant ainsi les vestiges, lesquels étaient pris dans un sédiment argileux compact brun. Au nord-ouest de la chambre a été trouvée une petite perle en cornaline (6 mm de diamètre), de forme irrégulière, avec un trou percé au foret (fig. 16 : c).

Des restes humains, très fragmentés, étaient éparpillés sur l’ensemble de la chambre. Au sud-est de la chambre, le membre supérieur gauche, très dégradé, était en connexion anatomique : seules les épiphyses distales de l’humérus et de l’ulna ont pu être prélevées. Ces ossements reposaient sur le substrat grossièrement aménagé avec de la terre pour combler

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les fosses naturelles. La fouille de la périphérie de la tombe a livré des éclats de silex et des tessons de céramique.

– Le dolmen T93 se trouve à 2,40 m de T91a-b. Les blocs provenant de la démolition de T91a-b s’appuient sur le mur nord du tumulus de T93. La chambre est ovale et le tumulus en quart de cercle. Une partie du mur droit, orienté Nord-Sud, a été détruit. La hauteur du tumulus est proche du mètre alors que celle de la chambre est de 0,47 m. Les dimensions internes de la chambre sont de 1,90 m (NS) par 1,40 m (EO). Les blocs utilisés pour la chambre sont plus petits (0,5 m) que ceux du tumulus (0,8/0,9 m).

– L’intérieur de la chambre du dolmen T94 n’a pas été dégagé, mais l’absence de couverture permet d’observer que la morphologie est identique à celle de T92, une chambre circu- laire dans un tumulus quadrangulaire. Il se trouve à 3  m de T91a-b. Le tumulus mesure 4,80  m (NS) pour 4  m de large (EO).

Trois plateformes ont pu être identifiées d’après les photo- graphies réalisées au cerf-volant par G. Davtian ; elles ont été dessinées sur le plan général de l’ensemble F1-59 (fig. 6). Bien que très arasées – leur forme n’est pas définissable –, elles sont orientées Est-Ouest. Un mur externe, bien visible à l’est, bloque un remplissage de petites pierres et de terre. La hauteur des plateformes n’excède pas 0,3  m. Elles présentent des simili- tudes avec celles relevées au sud près de l’étang et leur fonction nous est également inconnue.

Les tombes T96 et T97 sont plus difficiles à décrire. Il ne subsiste que quelques vestiges de la première assise. Leurs formes sont néanmoins plus faciles à cerner à l’aide de la pho- tographie au cerf-volant. Elles possèdent une chambre dont

la forme est perturbée et un tumulus grossièrement circu- laire. Le matériau a vraisemblablement servi pour la construc- tion de T91a-b ce qui nous donne quelques indices sur les modifications et les réaménagements de l’ensemble funéraire F1-59.

FOUILLE DU DOLMEN T177

Loin d’être un cas unique comme l’ensemble  F1-59, le dolmen  T177 fait partie des 18 dolmens à chambre ovale et tumulus en demi-cercle recensés à Qarassa. Ce type de dolmen est inconnu à ce jour dans les autres nécropoles dolméniques du Levant.

Le dolmen T177 est situé dans un creux du terrain au nord- est de la nécropole (fig. 4). À proximité de l’édifice, à l’est, se trouve un espace plat délimité par un long mur. D’autres murs sont également présents au nord-est, reliant tombes et enclos

« jardins ». Le dolmen T177, tout en étant au cœur de la zone funéraire, est cependant isolé. Il est formé d’une chambre ovale et d’un tumulus en demi-cercle dont le mur droit est à l’est (fig. 19). L’orientation du dolmen, chambre et tumulus, est NS.

Les dimensions externes du tumulus sont de 8  m (NS) par 4,90  m (EO) et les dimensions internes de la chambre de 4,64 m par 1,90 m. La hauteur conservée du mur ouest est de 1,80 m avec 4 assises de blocs et une dalle en corbeau, dernier vestige de la couverture en encorbellement de la chambre. Une porte à l’est donne accès à la chambre funéraire par un couloir de 1,40 m de long. Outre le mur en pierre sèche de la chambre, le tumulus est constitué de deux murs contigus : le parement

50cm 0

a

0 50cm

b

Fig. 19 – Tombe T177. Vues de l’extérieur au nord (a) et de l’intérieur au sud (b) (T. Steimer-Herbet).

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extérieur mal conservé dont la partie nord-ouest a disparu et le mur intérieur accolé à celui de la chambre. L’espace entre les deux murs du tumulus et celui de la chambre est rempli de terre et de petites pierres.

La tombe a été pillée par la toiture car la porte était tou- jours scellée au moment de la fouille (fig.  20). Les restes humains présents dans la tombe n’étaient plus en connexion anatomique. Ils étaient repoussés contre le mur de la chambre puis pris dans un sédiment foncé et argileux. Au nord-est de la chambre se trouvaient des vertèbres et des côtes, au sud- est, un fragment de mandibule et des dents en contact avec un fragment de jarre. Un nettoyage minutieux du sol de la chambre a permis de mettre au jour des esquilles d’os écra- sées sur le basalte. Le ou les défunts ont été déposés sur le substrat. Près de la porte se trouvait un fond de jarre posé à plat, un des rares fragments encore en place. Le mobilier, constitué de 14 pots et d’une fusaïole, est relativement riche comparé aux autres dolmens fouillés en Syrie du Sud. Cet ensemble céramique est homogène et, si l’on se réfère aux planches publiées par F.  Braemer (2011 : 234-238) et C.  Fiaccavento (2012), il se situe à la transition du Bronze ancien I - Bronze ancien II avec quelques pièces du Bronze ancien III (figs. 21-22).

CONCLUSION

Les données apportées par les prospections et les fouilles dans le Leja, plus particulièrement sur la nécropole de Qarassa, montrent que les hommes du Leja, au Bronze ancien I, possé- daient un sens profond du territoire et de la relation de l’édifice

avec le paysage. La séparation entre l’espace domestique, situé près des terres agricoles de la plaine et des sources d’eau pérennes, et l’espace funéraire, localisé sur les escarpements de basalte, est marquée par une distance de ca 50 m. Cet espace funéraire n’est pas un lieu réservé exclusivement aux défunts ; une partie des activités de la vie quotidienne s’y déroulait puisque c’est dans cette zone que se trouvaient des jardins, des arbres10 et que la couverture végétale, suffisamment dense, offrait d’excellentes zones de pâtures pour les troupeaux.

L’implantation des maisons et des tombes résulte d’une gestion organisée des ressources du territoire. La communauté de Qarassa exploitait un vaste terroir en alternant agriculture, pas- toralisme et arboriculture. Sa situation en bordure du plateau du Leja est également un atout car elle se trouve sur des axes de communication qui lui permettent d’échanger ses produc- tions et de se procurer des biens comme des perles en cornaline ou en stéatite et des objets en bronze. Il n’en existe aucune trace dans les secteurs fouillés, mais ces populations devaient cher- cher à se procurer du sel, du bitume, de l’obsidienne car tous ces produits circulaient à cette époque entre la vallée du Jourdain et le Nord-Nord-Est de la Syrie.

Le plateau basaltique du Leja, avec ses affleurements de surface qui se délitent facilement, fournit en quantité un maté- riau de qualité. Les blocs sont prélevés sur place ou dans un périmètre proche. Les habitants de Qarassa ont su profiter de ce matériau et montrer, avec la construction des dolmens, des maisons à double abside et des enclos, l’étendue de leur savoir- faire architectural. Ils maîtrisent la traction de blocs pesant

10. La culture de l’olivier, du figuier, du pistachier et de l’amandier est attestée dans la région dès le Néolithique (Galili et al. 1997 ; Willcox 2004 : 234 ; Stordeur et al. 2010 : 46).

Fig. 20 – Qarassa, porte de la chambre du dolmen T177. a) Vue depuis l’intérieur ; b) bloc qui scellait l’entrée (T. Steimer-Herbet).

a b

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(21)

Qa07-F2-T9-D20

Qa 07-F2-T9-D15

Qa 07-F2-T9-D19 Qa 07-F2-T9-D10

Qa 07-F2-T9-D14

Qa 07-F2-T9-D16 Qa 07-F2-T9-D3

Qa 07-F2-T9-D6

Qa 07-F2-T9-D13

Qa F2-T9-D12

Qa 07-F2-T9-D1 Qa 07-F2-T9-D2

Qa 07-F2-T9-D16 Qa 07-F2-T9-D17

Qa 07-F2-T9-D11

Qa 07-F2-T9-D5

Qa 07-F2-T9-D4

0 5 cm

Fig. 21 – Qarassa. Céramique du mobilier du dolmen T177 (dessins C. Gomy).

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jusqu’à plusieurs tonnes et leur manipulation en élévation sur plus de 2 m de haut (couverture des chambres et mur externe des tumuli). À Sharaya, les maisons à double abside sont conservées sur des hauteurs similaires (Nicolle et Al-Maqdissi 2006). Pour ces déplacements, ils ont forcément dû s’approvi- sionner en rondins de bois et en cordes dans les steppes arbo- rées du Leja, du Jaulan ou dans les forêts d’altitude du Jebel al-Arab11. Les éclats de silex découverts dans les interstices du substrat des chambres indiquent aussi que les bâtisseurs se sont servis de ces outils pour leurs travaux. Une autre tech- nique, innovante pour la région, est l’agencement rayonnant des blocs pour des bâtiments avec double abside et des tumuli

11. Chênes verts ou à feuilles caduques, pins, genévriers, pistachiers (Willcox 2004 : 234).

0 5m

Porte

A A'

A A'

Fig. 22 – Qarassa. Vue planimétrique et coupe du dolmen T177 (dessin T. Steimer-Herbet).

en demi-cercle ou en quart de cercle. Enfi n, les poussées architectoniques sont bien maitrisées, notamment avec la mise en œuvre des couvertures en encorbellement des chambres funéraires. À Qarassa et à Sharaya, cette avancée technique n’a été utilisée que pour les monuments à vocation funéraire.

L’observation du plan des dolmens à Qarassa a révélé 18 formes. Pour les maisons, le seul cas conservé sur ce site ne permettait pas de pousser plus loin l’examen. En revanche, à Sharaya où les maisons à double abside sont bien conservées, plusieurs types de maisons, notamment celles avec des dépen- dances extérieures (pièce attenante sur le long côté) ont pu être recensées12.

Chaque projet architectural laisse percevoir d’un peu plus près le contexte social et culturel des sociétés à mégalithes et, dans le cadre de cet article, la société de Qarassa. Pour les sociétés n’utilisant pas l’écriture, il est impossible à l’archéo- logue de proposer des explications concernant la variété des formes des dolmens : seule l’expérience ethnologique nous permet de formuler quelques hypothèses. À Sumba (Indonésie), chez les sociétés modernes à mégalithes, la présence ou l’ab- sence d’un tumulus, sa forme, les décorations de la chambre, la présence d’une stèle, sont autant d’éléments pour distinguer une famille d’une autre (Steimer-Herbet 2013). Il est tout à fait possible que les 18 formes identifi ées de chambres et de tumulus soient une manière de distinguer à quelle famille de Qarassa elles se rattachaient.

À travers la répartition des structures, cette société exprime un véritable souci de structuration de son espace domestique et de son espace funéraire. Ce comportement a été observé dans le village de Sharaya au nord du Leja, où les maisons sont regroupées à l’intérieur d’un mur d’enceinte. Des maisons ont été abandonnées un peu en marge du village, libérant ainsi un espace domestique occupé depuis le Chalcolithique. Les bâtis- seurs de dolmens n’ont pas seulement réoccupé l’espace, ils ont également réutilisé les blocs des habitations abandonnées (Steimer-Herbet 2006). À Qarassa, comme à Sharaya, les commanditaires des tombes souhaitaient rapprocher leurs défunts de leurs lieux de vie sans toutefois les inclure dans le mur d’enceinte comme on a pu l’observer chez les populations de Sumba en Indonésie ou chez les Mérina de Madagascar (Steimer-Herbet 2013 ; Joussaume et Raharijaona 1985). Cette séparation est aussi très marquée au Bronze ancien  I à Jebel Mutawwaq où un mur d’enceinte sépare la zone des dolmens du village (Muniz et al. 2014). À ‘Ain Dakar, dans le Jaulan

12. Observations personnelles réalisées en 2006 lors des prospections menées dans le cadre de la mission conjointe franco-syrienne.

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syrien, à seulement une journée de marche de Qarassa, un dolmen se trouve dans la cour d’une maison à double abside (Steimer-Herbet and Zuobee 2014). L’absence de contact entre la structure du dolmen et celle de l’enclos ainsi que l’absence de fouille ne permettent pas de conclure qu’ils ont été utilisés simultanément.

Cependant, plusieurs indices montrent que, au cours de cette période, les sociétés à mégalithes ont eu besoin, au tra- vers de cette architecture si particulière, de créer et de maté- rialiser des liens entre, d’une part, les vivants et leurs ancêtres et, d’autre part, entre les familles. La nécropole de Qarassa possède un réseau de murs formant des limites bien précises et des chemins. Il est encore prématuré d’en donner la signifi- cation mais la tendance est à la structuration du territoire entre les familles. On constate également la mise en œuvre, exceptionnelle, d’un enclos funéraire F1-59 regroupant plu- sieurs chambres funéraires avec, au centre, une tombe monu- mentale autour de laquelle sont installés plusieurs petits dolmens. Ailleurs dans la nécropole, on trouve des chaînes alternant murs et dolmens, c’est le cas pour les dolmens monu- mentaux situés sur la première crête mais aussi pour des spé- cimens de dimensions plus modestes. L’enclos funéraire et les murs reliant les dolmens, souvent considérés comme des élé- ments architecturaux annexes, participent au regroupement des individus, à la matérialisation de la structure du clan ou de la tribu.

En règle générale dans le Levant, la nature du matériau dicte la taille du monument. Dans le Leja où le basalte se délite en blocs de 50 x 50 x 50 cm, on aurait pu s’attendre à la géné- ralisation des petites tombes ; pourtant à Qarassa, on a pu relever des dolmens aux dimensions exceptionnelles. Les bâtisseurs ont réussi à se procurer de grandes dalles, doublé voire triplé les proportions des monuments et utilisé la topo- graphie pour les mettre en valeur. L’ensemble funéraire F1-59 est également situé de telle sorte à attirer l’attention. Outre les différences de morphologie des dolmens, deux classes de monuments sont identifiables : les dolmens monumentaux dont le nombre n’excède pas la dizaine et les autres, soit 194 petits

dolmens. Ces dimensions différentes impliquent naturellement des différences de traitement. On sait que les dolmens dans le Levant Sud sont des tombes collectives dans lesquelles le Nombre Minimum d’Individus n’excède pas la vingtaine d’in- dividus (Yassine 1985 ; Dubis et Dabrowski 2002 ; Schath et al.

2011 ; Polcaro et al. 2014)13. Le regroupement de dolmens dans l’ensemble F1-59 met en évidence le caractère hiérarchique entre T91a-b et les dolmens T92 à T95, qui donne implicite- ment une importance différente aux familles qui y sont inhu- mées.

Au Bronze ancien I, les sociétés qui occupent les bords du Leja évoluent dans un environnement favorable avec des res- sources variées, elles sont situées sur des axes de communica- tions et font probablement partie d’un vaste réseau d’échanges.

La nécropole de Qarassa nous livre l’image d’une société à mégalithes du Leja. L’apparition du mégalithisme a toujours été associée à la croissance des richesses (Testart 2014 ; Steimer-Herbet 2013). Le mégalithisme, par la nature collec- tive de sa mise en œuvre, est un ferment social. La manipula- tion des blocs, la mise en œuvre d’ouvrages collectifs (enceinte, enclos, murs, etc.) resserrent en effet la cohésion communau- taire et marquent les identités. Les commanditaires des dol- mens monumentaux devaient être suffisamment riches pour assumer la mise en œuvre de ces édifices exceptionnels et le cas de l’ensemble F1-59, avec les petits dolmens disposés autour d’une grande tombe, doit correspondre à ce que décrit Jean Guilaine (2003) comme des dépendants. Les commandi- taires de Qarassa, comme ceux des autres sites du Levant men- tionnés dans cet article, ont, en tout état de cause, profondément et durablement modifié les paysages du 4e  millénaire avant notre ère.

Tara STEIMER-HERBET

Marie BESSE Laboratoire d’archéologie préhistorique et d’anthropologie

(UniGe – Genève) 66, boul. Carl-Vogt 1211 Genève 4 – SUISSE Tara.steimer@unige.ch Marie.besse@unige.ch

13. M. De Vreeze, Social Structures in Stone: The Damiyah Dolmen Field and its Regional Relevance with Special Focus on the Early Bronze Age.

Unpublished Master Thesis. Leiden University, Faculty of Archaeology, 2010.

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