www.imstat.org/aihp 2008, Vol. 44, No. 2, 280–292
DOI: 10.1214/07-AIHP101
© Association des Publications de l’Institut Henri Poincaré, 2008
Vitesse de convergence dans le théorème limite central pour des chaînes de Markov fortement ergodiques
Loïc Hervé
I.R.M.A.R., UMR-CNRS 6625, Institut National des Sciences Appliquées de Rennes, 20, Avenue des Buttes de Couësmes CS 14 315, 35043 Rennes Cedex, France. E-mail : Loic.Herve@insa-rennes.fr.
Reçu le 23 mars 2006 ; accepté le 2 décembre 2006
Résumé. SoitQune probabilité de transition sur un espace mesurableE, admettant une probabilité invariante, soit(Xn)n une chaîne de Markov associée àQ, et soitξune fonction réelle mesurable surE, etSn=n
k=1ξ(Xk). Sous des hypothèses fonc- tionnelles sur l’action deQet des noyaux de FourierQ(t ), nous étudions la vitesse de convergence dans le théorème limite central pour la suite(√Sn
n)n. Selon les hypothèses nous obtenons une vitesse enn−τ/2pour toutτ <1, ou bien enn−1/2. Nous appliquons la méthode de Nagaev en l’améliorant, d’une part grâce à un théorème de perturbations de Keller et Liverani, d’autre part grâce à une majoration de|E[eit Sn/√n] −e−t2/2|obtenue par une méthode de réduction en différence de martingale. LorsqueEest non compact ouξest non bornée, les conditions requises ici surQ(t )(en substance, des conditions de moment surξ) sont plus faibles que celles habituellement imposées lorsqu’on utilise le théorème de perturbation standard. Par exemple, dans le cadre des chaînesV-géométriquement ergodiques ou des modèles itératifs Lipschitziens, on obtient dans le t.l.c. une vitesse enn−1/2sous une hypothèse de moment d’ordre 3 surξ.
Abstract. LetQbe a transition probability on a measurable spaceEwhich admits an invariant probability measure, let(Xn)nbe a Markov chain associated toQ, and letξbe a real-valued measurable function onE, andSn=n
k=1ξ(Xk). Under functional hypotheses on the action ofQand the Fourier kernelsQ(t ), we investigate the rate of convergence in the central limit theorem for the sequence(√Sn
n)n. According to the hypotheses, we prove that the rate is, either O(n−τ/2)for allτ <1, or O(n−1/2). We apply the spectral Nagaev’s method which is improved by using a perturbation theorem of Keller and Liverani, and a majoration of
|E[eit Sn/√n] −e−t2/2|obtained by a method of martingale difference reduction. WhenEis not compact orξis not bounded, the conditions required here onQ(t )(in substance, some moment conditions onξ) are weaker than the ones usually imposed when the standard perturbation theorem is used in the spectral method. For example, in the case ofV-geometric ergodic chains or Lipschitz iterative models, the rate of convergence in the c.l.t. is O(n−1/2)under a third moment condition onξ.
MSC :60J05–60F05
Mots-clés :Markov chains ; Rate of convergence in central limit theorem ; Spectral method
1. Introduction
Dans ce papier on désigne par(E,E)un espace mesurable, parQune probabilité de transition sur(E,E)admettant une probabilité invariante, notéeν, par(Xn)n≥0une chaîne de Markov sur(E,E)associée àQ, et enfin parξ une fonctionν-intégrable deEdansRtelle queν(ξ )=0. On poseSn=n
k=1ξ(Xk).
L’objet de ce travail est d’étudier la vitesse de convergence dans le théorème limite central (t.l.c.) pour la suite de variables aléatoires(ξ(Xn))n≥0. La méthode que nous utilisons s’inspire des techniques de perturbations d’opérateurs qui ont été introduites par Nagaev [23,24] et largement appliquées depuis, voir [10]. On trouvera dans [13] un exposé général de cette méthode et de nombreuses références.
Les hypothèses porteront sur le noyau Q et les noyaux de Fourier Q(t ) associés à Q et ξ; en substance, on supposera que, sur un certain espace de Banach, Qvérifie une hypothèse de forte ergodicité et que Q(t )satisfait aux conditions du théorème de perturbations d’opérateurs de Keller–Liverani [19]. Comme il apparaît déjà dans [14]
(dans le cadre des modèles itératifs) et dans [15] (en vu d’obtenir un théorème local), le théorème de Keller–Liverani remplace avantageusement les énoncés classiques de perturbations d’opérateurs, notamment lorsque l’espace d’états Eest non compact ou queξ est non bornée. Ainsi, dans [14] et [15], nous avons pu établir des théorèmes limites sous des hypothèses de moments polynomiaux là où habituellement étaient requis des moments exponentiels.
Les résultats de vitesse de convergence dans le t.l.c. sont présentés au paragraphe 2. On appliquera ensuite (Sec- tion 3) ces résultats dans le cadre des chaînesV-géométriquement ergodiques et des modèles itératifs Lipschitziens.
Pour illustrer les résultats obtenus, considérons l’exemple classique sur Rd des processus autorégressifs Xn= AnXn−1+bn sous les hypothèses suivantes : A1est presque-sûrement une contraction stricte etE[b13]<+∞.
Alors, siX0a un moment d’ordre 2 et siξ est uniformément lipschitzienne surRd (par exemple siξ(x)= x), la vitesse de convergence dans le t.l.c. est enn−1/2(cf. corollaire 3.2). La condition de moment d’ordre 3 surb1est la condition attendue en référence au théorème de Berry–Esseen pour v.a.i.i.d.
Notations. SiX etY sont des espaces de Banach,on désigne parXle dual topologique deX,parL(X)l’espace des endomorphismes continus deX,et parL(X, Y )l’espace des applications linéaires continues deXdansY.Ces espaces sont munis des normes subordonnées.On note·,·le crochet de dualité surX×X.
Pourp≥1on noteLp(ν)l’espace de Lebesgue usuel associé àν.On note1=1Ela fonction identiquement égale à1surE.
La probabilité initiale de la chaîne sera appeléeμ0.La loi normale centrée,de varianceσ2,est notéeN(0, σ2).
Enfin les noyaux de Fourier associés àQetξ sont définis par t∈R, x∈E, Q(t )(x, dy)=eit ξ(y)Q(x, dy).
2. Hypothèses et énoncés des résultats
Rappelons queν désigne une probabilitéQ-invariante. Les espaces de Banach sur lesquels on fera opérerQsont composés de fonctions mesurables de E dans C. Étant donné un tel espace (B, · ), nous dirons que Q est B-géométriquement ergodique si :
1∈B,Bs’envoie continûment dansL1(ν),Q∈L(B), et il existeκ0<1,C≥0 tels que
∀n≥1,∀f ∈B, Qnf−ν(f )1≤Cκ0nf. Sous cette condition, si ξ∈B, alors la série
n≥0Qnξ converge absolument dans Bcarν(ξ )=0. Dans ce cas on poseξ˘=+∞
n=0Qnξ, et si en outreB⊂L2(ν), on note σ2=νξ˘2
−ν (Qξ )˘ 2
et ψ=Qξ˘2
−(Q˘ξ )2−σ21.
Hypothèse (H). Il existe un espace de Banach(B, · )tel queB⊂L3(ν),ξ∈B,et vérifiant en outre les conditions suivantes:
(H1) QestB-géométriquement ergodique.
(H2) On a+∞
p=0ν(|Qpψ|3/2)2/3<+∞.
(H3) On asup{ν(|eit ξ−1||f|), f∈B,f ≤1} =O(|t|)quandt→0.
(H4) Il existe un intervalle ouvertIcontenantt=0tel que,pourt∈I,on aitQ(t )∈L(B),et il existe des constantes κ <1,C≥0tels que
∀n≥1,∀t∈I,∀f∈B, Q(t )nf≤Cκnf +Cν
|f| ,
et enfin le rayon spectral essentiel deQ(t )opérant surBest≤au réelκ. On observera que la seule condition de moment surξ estν(|ξ|3) <+∞.
Théorème 2.1. Supposons queμ0=νetσ2>0.Sous l’hypothèse(H),la suite(√Sn
n)nconverge en loi versN(0, σ2) avec une vitesse de convergence au moins enn−τ/2pour toutτ <1,
à savoir:∀τ <1, sup
x∈R
P Sn
σ√ n≤x
−N(0,1)
]−∞, x]=O n−τ/2
.
Hypothèse (H). On a (H) sur B, avec B contenu dans un espace de Banach ( B, · ∼) tel que Q est B-géométriquement ergodique etsup{Q(t )f −Qf∼, f ∈B,f ≤1} =O(|t|)quandt→0.
Théorème 2.2. Supposons que l’hypothèse(H)soit satisfaite,et queσ2>0 etμ0∈B∩B.Alors la vitesse de convergence dans le t.l.c.est enn−1/2.
Sous la condition (H1), siQ(·)est de classeC3deIdansL(B), le théorème de perturbations standard permet d’éta- blir une vitesse enn−1/2dans le t.l.c. [10]. Cependant, l’hypothèse précédente requiert que le noyauξ(y)3Q(x, dy) opère continûment surB[10,13], et siξ n’est pas bornée, cette condition peut être assez restrictive. En fait, ce pro- blème apparaît déjà si l’on impose àQ(·)d’être continue deI dansL(B). Les conditions (H3), (H4), mieux adaptées au casξnon bornée, permettront d’appliquer le théorème de perturbations de [19].
Remarques.
1. La condition(H1)est équivalente au fait queQest quasi-compact surB,avec1comme valeur propre simple et dominante.
2. Supposons que Q soitB-géométriquement ergodique et que B⊂L3(ν), ξ ∈B.Soit (B2, · 2)un espace de Banach contenant les fonctionsg2,g∈B.S’il existeA >0tel que l’on ait,pourf ∈B2,ν(|f|3/2)2/3≤Af2, et siQestB2-géométriquement ergodique,alors on a(H2).En effetξ˘,Q˘ξ et1 sont dansB,doncψ∈B2.Par définition du nombreσ2et par invariance deν,on aν(ψ )=0,par conséquent
n≥0Qnψ2<+∞,et(H2)en découle.
3. Soit(Bγ)0<γ≤γ0 une famille d’espaces de Banach,croissante pour l’inclusion.Les théorèmes1, 2sont particuliè- rement bien adaptés lorsque,pour toutγ∈ ]0, γ0],QestBγ-géométriquement ergodique et queQ(t )vérifie(H3), (H4)surBγpour|t|petit.Dans ce cas la principale difficulté réside dans le choix de paramètresγ1< γ2< γ3tels que,siB=Bγ1,alorsQvérifie surB2=Bγ2 les conditions de la remarque2 (afin d’obtenir(H2)),et vérifie(H) avecB=Bγ3.Les exemples du paragraphe3font intervenir de telles familles d’espaces.
4. Si,pourt ∈I,l’inégalité de(H4)est satisfaite et si l’ensemble Q(t )({f ≤1, f ∈B})est relativement com- pact dans(B, ν(| · |)),alorsQ(t )est quasi-compact à itérés bornés surB[16],et la propriété dans(H4)sur le rayon spectral essentiel deQ(t )est alors automatiquement satisfaite[11].Cette remarque appliquée avect=0 permet dans certain cas d’établir(H1)lorsqueQvérifie en outre des hypothèses d’irréductibilité et d’apériodicité garantissant que1est une valeur propre simple et l’unique valeur propre de module1deQ.
5. SiB=B,alors l’hypothèse(H)se réduit à(H)etQ(t )−QL(B)=O(|t|).Comme déjà mentionné,cette dernière condition est assez restrictive lorsqueξ est non bornée,voir la section3.
6. Une vitesse de convergence enn−τ/4pour toutτ <1a été établie dans[4]pour des chaînes de Markov station- naires,à espace d’états compact,associées à un opérateur de transfert markovien.Dans[4]il n’est pas supposé queQa une action quasi-compacte,et les conditions surξ sont assez faibles.Voir également[17].Mentionnons que la fonctionψintroduite au début du paragraphe est déjà utilisée dans les arguments de[4].
7. Grâce à(H1),la conditionξ∈Best commode pour définirξ˘,et la conditionB⊂L3(ν)assure alors queξ˘∈L3(ν).
Cette dernière propriété n’est utilisée que dans la section4.1.
Siξ /∈B,les théorèmes2.1, 2.2restent vrais,à condition de renforcer la condition(H2)comme suit:il existe ξ˘∈L3(ν)telle que ξ˘ −Q˘ξ=ξ,et la fonctionψ,que l’on peut alors définir comme au début du paragraphe, vérifie+∞
p=0ν(|Qpψ|3/2)2/3<+∞.
La preuve des théorèmes 2.1 et 2.2, présentée en section 4, est proche de celle utilisée dans [15]. Plus précisément, on appliquera dans un premier temps, en s’inspirant de [17], une méthode de réduction en différence de martigale pour établir, sous les condititions (H1), (H2), que sup|t|≤√n|t|−1|E[eit Sn/(σ√n)] −e−t2/2| =O(√1
n). Grâce à cette
majoration, on verra que la valeur propre dominante perturbée deQ(t ), fournie par (H1), (H3), (H4) et les résultats de [19], vérifie le développement limité requis pour l’application des techniques usuelles de transformée de Fourier.
3. Exemples
Dans les deux exemples traités dans ce paragraphe, on désigne par(E, d)un espace métrique non compact tel que toute boule fermée deE soit compacte. On munitEde sa tribu borélienneE, et l’on notex0un point quelconque deE.
3.1. Application aux chaînesV-géométriquement ergodiques
SoitV une fonction mesurable deEdans[1,+∞[telle queV (x)→ +∞quandd(x, x0)→ +∞, et soit(Xn)n≥0une chaîneV-géométriquement ergodique [21] (chap. 16), à savoir : il existe une probabilitéQ-invariante,ν, telle que ν(V ) <+∞, etQestBV-géométriquement ergodique, oùBV est l’espace des fonctions mesurables surE, à valeurs complexes, vérifiant
fV =sup
V (x)−1f (x), x∈E
<+∞.
On supposera en outre que la tribuE est à base dénombrable, et que(Xn)n≥0est apériodique etψ-irréductible vis- à-vis d’une certaine mesure positiveψ σ-finie. Rappelons que, siξ2est dominée par un multiple deV, alors(√Sn
n)n converge en loi versN(0, σ2)[21].
Corollaire 3.1. Si|ξ|3est dominée par un multiple deV,siσ2>0et siE[V (X0)]<+∞,alors(ξ(Xn))n≥0vérifie le t.l.c.avec une vitesse enn−1/2.
On observera que ce corollaire s’applique en particulier quand la loi initiale est la masse de Diracδxen un point quelconquexdeE.
Les chaînes géométriquement ergodiques étant fortement mélangeantes [21] (chap. 16), voir également [18], la conclusion du corollaire peut être établie, dans le cas stationnaire, grâce au théorème de Bolthausen [3] sous l’hypo- thèseν(|ξ|3+ε) <+∞, et l’on peut également appliquer [6] qui étudie la vitesse de convergence en normeL1dans le t.l.c.
Dans le cadre spécifique des chaînesV-géométriquement ergodiques, on trouvera dans [8], sous des conditions de moment assez fortes, des résultats de vitesse de convergence dans le t.l.c. (cas stationnaire) sous forme d’inégalités de Paley, et dans [20] des développements d’Edgeworth sous la conditionξ bornée. Enfin [25] établit une vitesse en (lnnn )βlorsqueξ est dominée par un multiple deVα(0< α≤12), avecβ=2(α+11).
Démonstration du corollaire 3.1. SoitW=V1/3,U=V2/3, et soientBW,BUles espaces obtenus comme ci-dessus en remplaçantV respectivement parW etU. Notons queν∈BW carν(W ) <+∞, queξ ∈BW, et enfin queBW
s’envoie continûment dansL3(ν)carν(W3)=ν(V ) <+∞. Nous allons montrer queQvérifie l’hypothèse (H) avec B=BW,B=BV.
Comme Q est V-géométriquement ergodique par hypothèse, il l’est également relativement à W, voir [21]
(lemma 15.2.9 et theorem 16.0.1). D’où (H1). Pour les mêmes raisons Q estU-géométriquement ergodique. En outreBU s’envoie continûment dansL3/2(ν)carν(U3/2)=ν(V ) <+∞. D’où (H2) (cf. remarque 2 avecB2=BU).
Par ailleurs (H3) résulte de l’inégalité|eit ξ−1| ≤ |t||ξ|, et on a clairementQ(t )∈L(BW)pour toutt∈R. La propriété (H4), établie en appendice, résulte d’un travail récent de Hennion [12]. Enfin sif ∈BW, alors
Q(t )f −Qf≤Qeit ξ−1|f|
≤ |t|Q
|ξ|W
fW≤ |t|ξWQ W2
fW,
d’oùQ(t )f−QfV ≤ |t| ξWQW2V fW. Ce qui précède prouve (H). Comme par hypothèseμ0(V ) <+∞,
on aμ0∈BW∩BV, et le corollaire découle du théorème 2.2.
3.2. Application aux modèles itératifs lipschitziens
On désigne parGun semi-groupe de transformations lipschitziennes deE, et parGune tribu surG. On suppose que l’action deGsurEest mesurable. Pourg∈G, on pose
c(g)=sup
d(gx, gy)
d(x, y) , x, y∈E, x=y
.
Soit(Yn)n≥1une suite de v.a.i.i.d. à valeurs dansG. On noteπleur loi commune. Étant donnée une variable aléatoire X0à valeurs dansE, indépendante de la suite(Yn)n, de loiμ0, on considère la suite(Xn)n≥0définie pour toutn≥1 parXn=YnXn−1.
Alors(Xn)n≥0est une chaîne de Markov de probabilité de transition(Qf )(x)=
Gf (gx)dπ(g).
On suppose dans ce paragraphe qu’il existe une constanteC≥0 telle que l’on ait
∀(x, y)∈E2, ξ(x)−ξ(y)≤Cd(x, y).
Supposons que
Gc(g)2dπ(g) <1 et
Gd(gx0, x0)2dπ(g) <+∞. Alors la suite(√Sn
n)n converge en loi vers une gaussienneN(0, σ2), voir [2].
SoitΓ (g)=1+c(g)+d(gx0, x0). On renforce ici la condition précédente en supposant qu’il existe un entier n0≥1 tel que
G
Γ (g)3
1+c(g)1/2
dπ(g) <+∞ et
G
c(g)1/2max
c(g),13
dπ∗n0(g) <1, (∗)
où l’on a désigné parπ∗n0 la loi deYn0· · ·Y1.
Sous ces hypothèses, on sait qu’il existe une unique probabilitéQ-invariante,ν, et queν(d(·, x0)3) <+∞(appli- quer le théorème I de [14] avec la distanced(x, y)1/2).
Corollaire 3.2. Sous l’hypothèse(∗),siσ2>0etE[d(X0, x0)2]<+∞,alors(ξ(Xn))n≥0vérifie le t.l.c.avec une vitesse enn−1/2.
Le cadre ci-dessus contient celui des modèles itératifs [7], en particulier celui des processus autorégressifs définis par une v.aX0à valeurs dansRd, puis parXn=AnXn−1+bn(n≥1), où(An, bn)n≥1 est une suite de v.a.i.i.d. à valeurs dansMd(R)×Rd, indépendante deX0; on a notéMd(R)l’espace des matrices réelles carrées d’ordred.
Dans ce contexte une vitesse en √1
n dans le t.l.c. a été établie dans [22] lorsqueA1 est presque-sûrement une contraction stricte et queb1vérifie une condition de moment exponentiel. Dans [5] une vitesse enn−τ/2(τ <1) est obtenue pour une large classe de fonctionsξ, sous la même condition surA1et sous l’hypothèseE[b1p]<+∞
pour toutp∈N. Les résultats de [22] ont été étendus dans [14] sous une condition de contraction en moyenne sur A1et sous la condition de momentE[b18+ε]<+∞(ε >0), où · désigne indifféremment une norme deRd et la norme subordonnée associée surMd(R). Du corollaire 3.2 nous déduisons par exemple le résultat suivant.
Corollaire 3.2. SiA1<1presque sûrement,siE[b13]<+∞etE[X02]<+∞,alors(ξ(Xn))n≥0vérifie le t.l.c.avec une vitesse enn−1/2(sous réserve queσ2>0).
SupposonsAn=0, d=1, etξ(x)=x−E[b1]. Alors Xn=bn pour tout n≥1, donc Sn=(b1+ · · · +bn− nE[b1])/n, et nous retrouvons ainsi la même conclusion que le théorème de Berry–Esseen, sous la même condition de moment d’ordre 3.
Démonstration du corollaire 3.2. Pour simplifier nous supposons quen0=1 dans la condition (∗). Soitλ∈ ]0,1]
quelconque, soitpλ(x)=1+λd(x, x0)1/2(le réelλsera choisi ultérieurement), et pourγ >0, soitLγ l’espace de Banach des fonctionsf deEdansCtelles que
mγ(f )=sup
|f (x)−f (y)|
d(x, y)1/2pλ(x)γpλ(y)γ, x, y∈E, x=y
<+∞,
muni de la normefγ=mγ(f )+ |f|γ, où l’on a posé|f|γ=supx∈E(|f (x)|/pλ(x)γ+1).
On a clairement ξ ∈L1, et sif ∈L1, alors ν(|f|3)1/3≤ |f|1ν(p6λ)1/3, avec ν(p6λ) <+∞. DoncL1 s’envoie continûment dansL3(ν).
Lemme 3.1. On a(H1) (H3)avecB=L1,et(H2).
Démonstration. (H3) résulte de|eit ξ −1| ≤ |t||ξ| ≤ |t|[|ξ(x0)| +Cd(x, x0)]et de la définition de| · |1. On a ν∈ L1∩L3carν(pλ4) <+∞. En choisissantλsuffisamment petit, l’ergodicité géométrique deQrelativement àB=L1, puis à L3, résulte des conditions (∗) et de [14] (théorème 5.5 appliqué avec la distance d(x, y)1/2).1 En outre si f ∈L3, alorsν(|f|3/2)2/3≤ |f|3ν(p6λ)2/3≤ f3ν(p6λ)2/3, etL3contient les fonctionsg2,g∈L1. D’où (H2) (cf.
remarque 2 avecB2=L3).
Lemme 3.2. Q(t )est un endomorphisme continu deL1pour toutt∈R,et enfin on a(H4)pour|t|petit.
Démonstration. On pose δλ(g)= max{c(g),1}1/2 +λd(gx0, x0)1/2. On a supx∈E(pλ(gx)/pλ(x)) ≤ δλ(g) et δλ(g)2≤2Γ (g). Soitf ∈L1. De la définition dec(g)et de l’inégalité|eia−eib| ≤2|b−a|1/2(a, b∈R), on obtient en posantA=π(c1/2δλ2)
Q(t )f (x)−
Q(t )f
(y)≤ f (gx)−f (gy)dπ(g)+ f (gy)eit ξ(gx)−eit ξ(gy)dπ(g)
≤A m1(f )d(x, y)1/2pλ(x)pλ(y)+2AC1/2|t|1/2|f|1d(x, y)1/2pλ(y)2.
On peut évidemment supposer qued(y, x0)≤d(x, x0)(sinon, inverser le rôle joué parxety), de sorte quepλ(y)2≤ pλ(x)pλ(y), et il vient queQ(t )f ∈L1, avec
m1
Q(t )f
≤Am1(f )+2AC1/2|t|1/2|f|1.
On a clairement|Q(t )f|1≤ |f|1π(δ2λ), de sorte queQ(t )a une action continue surL1.
Pour établir l’inégalité de (H4), on utilise le fait que les normes·1et·ν=m1(·)+ν(|·|)sont équivalentes [14]
(Section 5). Alors, d’après l’inégalité ci-dessus, il existe une constanteD >0 telle que m1
Q(t )f
≤Am1(f )+D|t|1/2
m1(f )+ν
|f|
=
A+D|t|1/2
m1(f )+D|t|1/2ν
|f| .
On aν(|Q(t )f|)≤ν(Q|f|)=ν(|f|). DoncQ(t )fν≤(A+D|t|1/2)fν+(D|t|1/2+1)ν(|f|). Le réelλfixé dans la preuve du lemme 3.1 est tel que A=π(c1/2δλ2) <1. Soit alorst0tel que κ=A+D|t0|1/2<1, soitC= D|t0|1/2+1, et soitttel que|t| ≤t0. Il résulte d’une récurrence évidente queQ(t )nfν≤κnfν+1C−κν(|f|), ce qui prouve l’inégalité de (H4).
Il reste à établir dans (H4) la propriété relative au rayon spectral essentiel deQ(t ). On aν(|Q(t )nf|)≤ν(Qn|f|)= ν(|f|), et la boule unité de(L1, · ν)est relativement compacte dans(L1, ν(| · |))(utiliser le théorème d’Ascoli et le théorème de Lebesgue, cf. [14], Lem. 5.4). La propriété souhaitée résulte alors de l’inégalité de (H4) et de [11].
On a déjà vu queQestL3-géométriquement ergodique. Enfin on a :
Lemme 3.3. Il existeE >0tel que,pourf ∈L1,t∈R,on aitQ(t )f −Qf3≤E|t|f1. Démonstration. Soitf ∈L1. Il existeD >0 tel que|ξ| ≤D p2λ. D’où
Q(t )f
(x)−Qf (x)≤ eit ξ(gx)−1f (gx)dπ(g)≤D|f|1|t|pλ(x)4π δ4λ
,
1À cet effet le réelλdoit être fixé tel queπ(c1/2δ6λ) <1, oùδλ(g)=max{c(g),1}1/2+λd(gx0, x0)1/2, ce qui est possible grâce aux conditions (∗) et au théorème de convergence dominée.
donc|Q(t )f −Qf|3≤D|f|1|t|π(δλ4). En outre, en posantA˜=π(c1/2δλ4),B˜=π(cδλ2), on a Q(t )f
(x)−Qf (x)
− Q(t )f
(y)−Qf (y)
≤ ˜ADm1(f )|t|d(x, y)1/2pλ(x)3pλ(y)+ ˜BC|t||f|1d(x, y)pλ(y)2.
On a pλ(y) ≤ pλ(y)3 et d(x, y)1/2 ≤ λ1(pλ(x) +pλ(y)) ≤ 2λpλ(x)pλ(y)≤ 2λpλ(x)3pλ(y), par conséquent
m3(Q(t )f−Qf )≤(ADm˜ 1(f )+2λBC|f˜ |1)|t|.
Les lemmes précédents montrent queQ(·)vérifie (H) avecB=L1etB=L3. Enfin, commeμ0(p4λ) <+∞par hypothèse, on aμ0∈L1∩L3. Le corollaire 3.2 résulte du théorème 2.2.
4. Démonstration des théorèmes 2.1, 2.2
4.1. Une inégalité sur les fonctions caractéristiques
On suppose dans ce paragraphe que X0 suit la loi ν, que les conditions (H1), (H2) sont satisfaites, et enfin que B⊂L3(ν),ξ∈B. Les élémentsξ˘,σ2etψont été définis au début du paragraphe 2, et pourn≥1 on pose
Un= ˘ξ (Xn)−Qξ (X˘ n−1) et Tn=U1+ · · · +Un.
Proposition 4.1. Siσ2>0,alors il existe une constanteC >0telle que l’on ait
∀n∈N∗,∀t∈
−√ n,√
n , E
eit Tn/(σ√n)
−e−t2/2≤C√|t| n.
Admettons pour le moment cette proposition. En utilisant la méthode de Gordin [9], nous allons en déduire le résultat suivant.
Corollaire 4.1. Siσ2>0,alors il existe une constanteC >0telle que l’on ait
∀n∈N∗, ∀t∈
−√ n,√
n , E
eit Sn/(σ√n)
−e−t2/2≤C |t|
√n.
Démonstration. Soit Vn=Q˘ξ (X0)−Qξ (X˘ n). Grâce à l’équation de Poissonξ˘ −Q˘ξ =ξ, on obtient que Sn= Tn+Vn. Par ailleurs, de la stationnarité de(Xn)net du fait queξ˘∈B⊂L1(ν), il vient que supnE[|Vn|]<+∞. Enfin on a
E
eit Sn/(σ√n)
−e−t2/2=E
eit Tn/(σ√n)eit Vn/(σ√n)
−e−t2/2
≤E
eit Tn/(σ√n)
−e−t2/2+Eeit Vn/(σ√n)−1,
avecE[|eit Vn/(σ√n)−1|] ≤σ1√|tn| supnE[|Vn|]. On conclut alors grâce à la proposition.
Démonstration de la proposition 4.1. On noteFn=σ (X0, . . . , Xn)pourn≥0. Alors(Un)n≥1 est une suite sta- tionnaire d’accroissements de martingale relativement à(Fn)n, etE[|U1|3]<+∞carξ˘∈B⊂L3(ν).
Pour simplifier nous considérons le casσ2=1, et nous adaptons au cadre markovien les majorations présentées dans la preuve du théorème 6 de [17] (pp. 41–44). À cet effet on poseT0=0, Wn=Un2−1 pour n≥1, et l’on rappelle que eix=1+ix−x22 +u(ix), avec|u(ix)| ≤|x6|3.
En écrivantE[eiλTn] =E[eiλTn−1eiλUn], puis en appliquant la remarque précédente avecx=λUn, et enfin en obser- vant queE[eiλTn−1Un] =E[eiλTn−1E[Un|Fn−1]] =0, il est facile de voir par récurrence que pourt∈Retn≥1
E
ei(t /√n)Tn
−e−t2/2=An(t )+Bn(t )+Cn(t ) avec
An(t )=
1− t2 2n
n
−e−t2/2, puis Bn(t )=
n−1
k=0
1− t2
2n k
E
ei(t /√n)Tn−k−1u
i t
√nUn−k
,
et enfin Cn(t )= −t2 2n
n−1
k=0
1− t2
2n k
E
ei(t /√n)Tn−k−1Wn−k
.
Soitt∈ [−√ n,√
n]. On a
0≤ −An(t )≤e−t2/2−en(−t2/(2n)−3t4/(8n2))≤
1−e−3t4/(8n)
e−t2/2≤3t4
8ne−t2/2≤C1√|t| n, Bn(t )≤
n−1
k=0
1− t2
2n k |t|3
6n√ nE
|Un−k|3
=1 3E
|U1|3√|t| n. Pour la majoration deCn(t ), on utilise le lemme suivant.
Lemme 4.1. Pourk≥≥1 on aE[Wk|F−1] =(Qk−ψ )(X−1),oùψ est la fonction définie au début de la sec- tion2.
Démonstration. On aUk2= ˘ξ2(Xk)−2ξ (X˘ k)Qξ (X˘ k−1)+(Q˘ξ )2(Xk−1). Comme(Xn)n≥0est une chaîne de Markov, on aE[˘ξ (Xk)Qξ (X˘ k−1)|F−1] =E[(Qξ )˘ 2(Xk−1)|F−1], puis
E
Uk2|F−1
=Qk−+1ξ˘2(X−1)−Qk−(Qξ )˘ 2(X−1).
D’oùE[Wk2|F−1] =E[Uk2|F−1] −1=Qk−(Qξ˘2−(Qξ )˘ 2−1)(X−1)=Qk−ψ (X−1).
D’après (H2) on sait queC3=+∞
p=0ν(|Qpψ|3/2)2/3<+∞, donc+∞
p=0ν(|Qpψ|) <+∞. Effectuons mainte- nant surWune réduction en différence de martingale, à savoirW=Y+Zpour≥1, avec
Y=+∞
p=0
E[Wp+|F] −E[Wp+|F−1]
et Z=+∞
p=0
E[Wp+|F−1] −+∞
p=1
E[Wp+|F].
Y estF-mesurable, et E[Y|F−1] =0. CommeT−1 estF−1-mesurable, on obtient E[eit T−1Y] =E[eit T−1 × E[Y|F−1]] =0, d’oùE[eit T−1W] =E[eit T−1Z]. Par conséquent, en posantZ=+∞
p=0E[Wp+|F−1], il vient E
eit T−1W
=E
eit T−1Z
−E
eit T−1Z+1
. (E)
On aZ=+∞
p=0(Qpψ )(X−1)(lemme 4.1), et comme+∞
p=0ν(|Qpψ|) <+∞, il vient E
eit T−1Z
=
+∞
p=0
E eit T−1
Qpψ (X−1)
=
+∞
p=0
E
eit (U2+···+U) Qpψ
(X) par stationnarité de(Xn)n≥0
=+∞
p=0
E
eit (T−U1)E[Wp++1|F]
=E
eit (T−U1)Z+1
(par le lemme 4.1).
De l’égalité (E) on déduit que E
eit T−1W≤EZ+ 1eit (U−U1)−1≤ |t|EZ+13/22/3
E
|U−U1|31/3
avecE[|Z|3/2]2/3≤C3, puis par stationnaritéE[|U−U1|3]1/3≤2E[|U1|3]1/3. Par conséquent|E[eit /(√n)T−1W]| ≤ 2E[|U1|3]1/3C3√|t|
n, et finalement|Cn(t )| ≤2C3E[|U1|3]1/3√|t|n. 4.2. Un théorème de perturbations
Théorème 4.1. Supposons que les conditions(H1), (H3), (H4)soient satisfaites.
Soit0< τ <1.Il existe un intervalle ouvertJ⊂I centré ent=0,et des applicationsλ(·),v(·),φ (·)etN (·)à valeurs respectivement dansC,B,BetL(B)tels que l’on ait,pourt∈J,n≥1,etf ∈B,
Q(t )nf =λ(t )n φ (t ), f
v(t )+N (t )nf, (D)
avec en outre les propriétés suivantes:
(a) φ (t ), v(t ) =1,φ (t )N (t )=0,N (t )v(t )=0,Q(t )v(t )=λ(t )v(t ),etlimt→0λ(t )=1.
(b) ν, v(t ) =1,et il existeC >0etρ <1tels que l’on ait pourt∈Jetn≥1 (b1) ν,|v(t )−1| ≤C|t|τ,
(b2) |φ (t ),1 −1| ≤C|t|τ, (b3) ν,|N (t )n1| ≤Cρn|t|τ. (c) λ(·)est continue surJ.
Démonstration. Soit t ∈I, n≥1, f ∈B. On a |Q(t )nf| ≤Qn|f|, donc par invariance de ν, ν(|Q(t )nf|)≤ ν(Qn|f|)=ν(|f|), puis pourt0∈I eth∈Rtel quet0+h∈I
νQ(t0+h)f−Q(t0)f≤νQeihξ−1|f|
=νeihξ−1|f| . D’où sup{ν(|Q(t0+h)f−Q(t0)f|),f ∈B,f ≤1} =O(|h|)d’après (H3).
Les deux propriétés précédentes et la condition (H4) permettent d’appliquer le théorème de Keller–Liverani [1, 19].2Pour les assertions (a) et (b) nous appliquons ce théorème ent0=0. Sous la condition (H1), celui-ci assure la décomposition (D) et l’assertion (a). Le point (b) est une conséquence de résultats intermédiaires contenus dans [19]
dont nous rappelons les principaux arguments.
Précisons que le réel appelérdans [19], théorème 1, est choisi ici tel que lnκln−κlnr =τ, oùκ est le réel de (H4).
Donc 0< r <1. SoitΓ1(resp.Γ0) un cercle orienté de centrez=1, de rayon suffisamment petit (resp. de centre z=0, de rayonρ tel quer < ρ <1). D’après [19], théorème 1, il existeC >0 telle que l’on ait pourz∈Γ0∪Γ1, t∈J,f ∈B,
νz−Q(t )−1
f −(z−Q)−1f≤C|t|τf. (∗∗)
SoitΠ (t )=2i1π
Γ1(z−Q(t ))−1dz. AlorsΠ (t )est un projecteur de rang 1 sur le sous-espace propre Ker(Q(t )−λ(t )) tel queΠ (0)f=ν(f )1, et l’on peut définir
v(t )=
ν, Π (t )1−1
Π (t )1 et φ (t )=Π (t )∗ν,
oùΠ (t )∗est l’opérateur adjoint deΠ (t )(on verra ci-dessous queν, Π (t )1 =0 pour|t|petit de sorte quev(t )est bien défini). Le premier point de (b) est évident.
On aΠ (t )1−1=Π (t )1−Π (0)1=2i1π
Γ1[(z−Q(t ))−11−(z−Q)−11]dz, d’où νΠ (t )1−1≤ 1
2π
Γ1
νz−Q(t )−1
1−(z−Q)−11dz≤C|t|τ.
2Les résultats de [19] sont présentés avec une norme auxiliaire| · |surBvérifiant| · | ≤ · , mais on peut montrer que ceux-ci subsistent lorsque
| · |est remplacée par une semi-norme, en l’occurrence iciν(| · |).