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Étude de la dynamique des dômes de fourmis rousses des bois (Formica lugubris) dans une parcelle forestière perturbée du massif du Dévoluy

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Étude de la dynamique des dômes de fourmis rousses des bois (Formica lugubris) dans une parcelle forestière perturbée du massif du Dévoluy

Analysis of wood-ant (Formica lugubris) mound dynamics in a disturbed forest compartment in Devoluy (southern French Alps)

GérardBOUDJEMA1, Guy LEMPÉRIÈRE2, Magali DESCHAMPS-COTTIN3

1 Projet IS2INRIA-Rhone-Alpes, 655, Avenue de l'Europe, 38334 Montbonnot Tél. : 04 76 61 55 13 - gerard.boudjema@inrialpes.fr

2 Laboratoire de Biologie des Populations d’Altitude, UMR CNRS 5553, Université Joseph Fourier, BP53-F, 38041 Grenoble Cedex 09

Tél. : 04 76 51 46 00 - guy.lemperiere@ujf-grenoble.fr

3 Laboratoire de Systématique Evolutive, UPRES Biodiversité, Université de Provence, 13331 Marseille Cedex 03

Résumé

L'évolution de la taille des dômes de fourmilières de Formica lugubris a été étudié dans une parcelle forestière de type mélézin au col de Matacharre. (massif du Devoluy). La position et le volume épigé des dômes ont été suivis sur 10 années. Durant l'étude, deux perturbations majeures du paysage ont eu lieu : une coupe claire touchant une surface importante de la parcelle, puis une tempête créant une zone de chablis en lisière.

Les méthodes d'analyse utilisées ont montré que les dômes avaient une évolution rapide et fortement déterministe. Des transferts de volume sont observés entre dômes proches et entre groupes de dômes proches (amas). On peut penser que l'exploitation du milieu par les fourmis suit une dynamique non-linéaire, mise en évidence par les modèles, cette dynamique conduisant à des variations naturelles importantes des volumes observés à différentes échelles (dômes, amas et super-amas de dômes). Les perturbations entraînent la désertion des fourmis des zones considérées pour plusieurs années et on observe également la formation de nids géants (anormalement gros pour le site) à proximité des zones touchées, l'année qui suit la modification du paysage.

Les fourmis semblent s'adapter par la fuite aux modifications du paysage, si celles-ci restent modérées ou ponctuelles l'ensemble de la colonie semble peu affectée. Si le paysage est radicalement modifié, comme s'est le cas lors des coupes claires, la colonie peut être profondément affectée. On prescrira donc une gestion du paysage forestier contrôlée, basée sur des interventions ponctuelles et fragmentées.

Abstract

Both the activity and the spatial/temporal mound dynamics of the wood ant (Formica lugubris, Hymenoptera: Formicidae) were monitored for eight consecutive years in a larch forest of the southern French Alps. The impact of landscape disturbance due to silvicultural practices on the colony structure was analyzed using several methods. The volumes of all mounds formed by ants were estimated (“pseudovolume”), including deserted mounds (“necrovolume”). Mound dynamics were visualized, and we tried to extract the deterministic

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component of variations using linear and nonlinear autoregressive models that included information about the neighbourhood's state. After selecting significant variables, we computed a neural network model including variables related to several spatial scales and time lapses and conducted an analysis of residuals. The worst predicted data with higher positive residuals were located around perturbed landscapes, and data with higher negative residuals were observed in perturbed areas (forest clear-cuts and wind-throws). Our study shows that ants are sensitive to such landscape perturbation. We recommended that clear- cutting be replaced by a number of tree-per-tree thinning operations so as to limit the disturbance to ant colonies.

Mots-clés : Formica lugubris, gestion du paysage, mélèze, modélisation non-linéaire, dynamique spatiale.

Keywords: Formica lugubris, landscape management, Larch stand, non-linear modelling, spatial dynamics.

Introduction

L’exploitation durable d’un écosystème passe par le respect de ses capacités de régénération et le maintien des équilibres entre ses éléments. Les fourmis en temps qu’organismes ingénieurs et prédateurs jouent un rôle important à différentes échelles d’espace et de temps, notamment par l’accumulation de matière organique au niveau des dômes. Elles peuvent avoir des effets à long terme sur la structure des sols et sur le pouvoir de régénération de la forêt (donc la structure future du paysage). Lorsque les forestiers pratiquent des coupes claires ils opèrent une transformation majeure du paysage et perturbent l’écosystème de manière importante. Notre étude vise d’une part à étudier comment évoluent les volumes et les activités des fourmilières de fourmis rousses des bois dans une parcelle de mélézin et d’autre part à mettre en évidence l’impact éventuel de pratiques sylvicoles intensives sur leur dynamique (impact qui pourrait entraîner des effets néfastes à plus long terme sur le paysage). La possibilité d’utiliser les fourmis rousses comme bioindicateurs est discutée.

Différentes études ont été menées dans les Pyrénées (Torossian et al., 1968, 1979, 1984), dans le Jura suisse (Gris et Cherix, 1977) et plus récemment dans les Vosges (Nageleisen, 1998) dans lesquelles les auteurs notent des effets possibles des pratiques sylvicoles, mais ces études effectuées le plus souvent dans des hêtraies-sapinières ne montrent pas d’évolutions importantes de la structure des colonies.

1. Matériel et méthodes

L’étude se situe dans une forêt de type mélézin, Larix decidua Mill., au col de Matacharre, Montmaur, Hautes-Alpes, 44°35’32’’ Lat M, 5°55’18’’ long E, 1660 m).

L’espèce étudiée est la fourmis rousse des bois (Formica lugubris).

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Une parcelle de 1 hectare a été suivie régulièrement entre 1991 et 1998 dans le cadre d’un programme GIP-ECOFOR. Elle présentait de 30 à 40 dômes de fourmis selon les années. L’âge des arbres de la parcelle a été estimé à 90 ans avec un nombre moyen de 600 arbres/ha.

La présence des dômes de fourmis a été cartographiée par des quadras de 10 m x 10 m, leur activité (estimée qualitativement) et leur volume épigé (pseudovolume) ont été mesurés.

Pour le calcul du volume épigé la formule suivante à été utilisée : V = 2/3 * Π * D/2 * d/2 * h

Avec :

- Π : 3.14116,

- D : grand diamètre en m (+/- 0.05 m), - d : petit diamètre en m (+/- 0.05 m),

- h : hauteur (calculée comme la valeur moyenne de hmax et hmin) en m (+/- 0.05 m).

2. Analyse des données et résultats

L’évolution spatio-temporelle de la taille (et du volume) des dômes montre une importante variabilité au cours du temps. Cette variabilité apparaît à différentes échelles, à l’échelle du dôme, du groupe de dômes voisins (de 2 à 8 voisins) et d’agrégats de groupes locaux ou « clusters » (définis par des zones spatialement marquées d’activités importantes) et ne semble pas aléatoire. Un mécanisme de vases-communiquants ou de puits-sources paraît se produire aux différentes échelles. Pour tenter de confirmer l’aspect déterministe de la dynamique des observations nous avons construit différentes variables explicatives soumises à une analyse statistique sélective (volumes passés des dômes, volumes passés de plusieurs dômes selon leurs niveaux de voisinage et volumes passés des groupes géographiques de dômes).

Les dômes sont reliés par des pistes de telle façon qu’on peut considérer qu’ils ont une disposition approximativement circulaire (figure 1). Il est alors possible de les représenter dans un espace à une dimension, sur une ligne, tout en conservant les propriétés de connexion et de voisinage.

Les dômes sont symbolisés par les points numérotés. Les jonctions représentent les pistes « stables » observées sur le terrain reliant entre elles les fourmilières (celle en tirets pointillés est observée uniquement la dernière année de l’étude). La zone hachurée correspond à la surface ayant subie une coupe claire en 1991. Les surfaces délimitées par des petits points situent les groupes de fourmilières définis par les moyennes mobiles pondérées (voir texte, et légende de la fig.2). Les bandes grises sont des chemins forestiers ou coupe-feu. La zone définie par des petites croix indique le châblis de 1995.

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Figure 1 : Plan de la parcelle forestière

En considérant cette structure de voisinage simplifié à une dimension, les clusters ont été définis en calculant pour chaque dôme di des moyennes mobiles pondérées (triangulaires) de ses 8 voisins, sommées sur toutes les années. Une succession de bosses et de creux est observée au niveau de la variation des di

(figure 2). Les minima sont utilisés pour définir les frontières des «clusters»

émergents de la dynamique naturelle des dômes

Par cette méthode empirique on caractérise l’existence de groupes de dômes plus ou moins actifs, qui semblent se répartir en gradients. Cinq groupes sont ainsi définis, dont les étendues approximative sur le terrain sont délimitées par des pointillés (figure 1). Ces agrégats sont probablement la résultante de facteurs écologiques ou physico-chimiques délimitant certaines zones du paysage plus ou moins favorables à l’établissement et au maintien des dômes.

On définit ainsi les zones plus ou moins actives. Les minima de la courbe (flèches) sont pris comme limites des groupes locaux de fourmilières, numérotés de I à V.

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Figure 2 : Graphe présentant les valeurs des moyennes mobiles pondérées (sommées sur toutes les années), sur 8 voisins, de chaque dômes di.

2.1 Analyse statistique de la variation des volume épigés des dômes par régression multiple pas-à-pas

Nous avons testé l’hypothèse d’une dépendance des états passés des dômes et de leurs voisinages pour expliquer la dynamique complexe observée sur le terrain (dont les mécanismes resteront toutefois à définir).

L’analyse par régression multiple pas-à-pas (Scherrer, 1984) du volume d’un dôme l’année t à été menée en proposant en entrées les différentes variables explicatives des volumes de dômes, groupes et clusters passés (auxquels on a appliqué différents changements de variables non-linéaires : logarithmique et polynômial jusqu’au degré 3). Certaines variables sont éliminées par la procédure de sélection statistique si elles sont non-corrélées ou redondantes. Pour chaque année, des modèles statistiquement significatifs sont sélectionnés confirmant ainsi l’existence de mécanismes déterministes, mais leur pouvoir explicatif et leur structure en terme de variables sélectionnées varient. La quantité de variation expliquée par chaque modèle varie de 10 à 70 % d’une année à l’autre. La méthode pas-à-pas sélectionnant les variables en partant de la plus corrélée et en testant à chaque pas leur significativité, peut conduire à des modèles différents du fait des corrélations pouvant exister entre les variables d’entrée. Mais par ailleurs,

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le modèle global (calculé sur tous les dômes de toutes les années) montre un pouvoir explicatif de seulement 9,3%.

Ainsi, la redondance et les corrélations existant entre les différentes variables explicatives ne semblent pas suffire à expliquer l’hétérogénéité des modèles et de leur pouvoir explicatif.

La première hypothèse est que des mécanismes non-linéaires plus complexes avec interactions des variables sont en jeu et la seconde, que certaines années les perturbations du milieu ont des effets drastiques sur la dynamique propre du système de dômes. Nous avons donc poursuivi nos investigations par une analyse non-linéaire.

2.2 Modélisation non-linéaire de la dynamique des dômes

Pour étudier l’hypothèse de relations non-linéaires un modèle de type réseau de neurones a été ajusté sur les données globales. Il s’agit d’un modèle mathématique, ayant une très grande plasticité, capable d’ajuster tout type de fonctions continues (pour plus de détails voir : Anderson et Rosenfeld,1988 ; Hertz et al., 1991)

Les variables retenues dans les différents modèles de l’analyse « linéaire » sont mises en entrée du réseau de neurones, soit :

L’état passé (D(t-1), D(t-2)) du dôme considéré, les quatre voisins les plus proches V4(t-1) et l’état des deux «clusters» définis précédemment les plus proches de celui contenant le dôme G1(t-1), G2(t-1). L’ajustement est réalisé sur 200 dômes (soit 40 dômes localisés dans la parcelle par 5 années, de 1994 à 1998)

Le modèle neuronal (moyen) montre un pouvoir explicatif d’environ 75 % contre 9% pour le modèle linéaire (avec transformations non-linéaires simples) étudié précédemment.

L’aspect fortement déterministe de l’évolution des volumes des dômes dans le contexte de cette parcelle de mélézin paraît à nouveau confirmé par l’importance du pourcentage de variation expliqué toutes années confondues.

D’autre part, l’analyse des résidus (différences entre les valeurs réelles et les valeurs prédites) du modèle neuronal moyen met en évidence un impact des perturbations du paysage sur la prédictibilité du volume des dômes. La majorité des résidus négatifs, c’est-à-dire des dômes dont le volume était prédit en croissance par le réseau neuronal, se situe dans une zone où la coupe claire a été effectuée. La taille des dômes de cette zone décline très fortement dès 1992 et ne commence à remonter vraiment qu’en 1998. A l’opposé la majorité des dômes à forts résidus positifs, c’est-à-dire dont l’accroissement n’est pas expliqué par le modèle, se situe tout autour de cette zone perturbée par la coupe claire.

2.3 Analyse de la distribution des volumes des dômes

La distribution des tailles de dômes a été analysée sur l’ensemble des données, des fortes irrégularités de l’histogramme (multi-modalité) ou des valeurs extêmes pouvant être significatives de changements ou d’accidents dans la dynamique du système. Différents modèles ont été testés grâce au logiciel « Extreme »

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(développé par l’équipe IS2 à l’INRIA-Rhônes-Alpes). Le modèle retenu par les tests est un modèle exponentiel (loi de Weibull). Parmi les dômes mesurés, deux ont des volumes supérieurs à 4m3. Or, la probabilité d’en observer un de ce volume selon la loi exponentielle, est de l’ordre de 1/10000. On peut donc considérer que ces deux dômes ont des volumes anormalement importants. Leur localisation et leur année de présence (n°12 en 1993 et n°33 en 1996) nous montrent que ces dômes géants résultent du déplacement massif des fourmis vers un site plus favorable suite à un bouleversement du paysage (coupe claire de 1991 pour l’un et tempête de 1995 ayant créé une zone de châblis pour l’autre ).

Conclusion

L’analyse statistique et la modélisation nous ont permis de confirmer d’une part, l’aspect déterministe de la variation spatio-temporelle des dômes de fourmis rousses des bois Formica lugubris dans la parcelle de type mélézin étudiée.

L’analyse des résidus du modèle non-linéaire et la présence de dômes de volumes anormalement élevés suite à une coupe claire en 1991 et une tempête en 1995, nous ont permis de mettre en évidence la sensibilité des fourmis aux perturbations du couvert forestier.

La somme annuelle des volumes épigés des dôme à tendance à diminuer. Mais bien que l’on puisse penser que la répétition d’aléas et la persistance durant plusieurs années d’une zone perturbée finissent par affecter la santé de la colonie, dans le contexte de dynamiques non-linéaires, il ne parait guère possible d’utiliser de manière simple la mesure des volumes épigés des dômes comme bioindicateur d’une altération de l’écosystème forestier. L’émergence de dômes géants en bordure des zones perturbées semble dans notre cas un meilleur indicateur, mais il est probable que ce critère soit spécifique à la formation végétale et aux conditions locales dans lesquelles se trouvent les fourmis. En effet, dans le contexte du mélézin la dynamique des fourmilières semble bien plus rapide et réactive qu’au niveau des hêtraies-sapinières. Les fourmis semblent ici réagir très rapidement aux l’altérations du milieu en déplaçant leurs dômes dans des zones plus favorables. L’exploitation de parcelles forestières en coupes claires a tendance à éliminer toutes les zones refuges sur de grandes surfaces. Nous préconiserons donc aux agents forestiers d’opérer des coupes locales arbre par arbre plutôt que des coupes claires, pour maintenir l’activité et la santé des colonies de fourmis des bois et garantir la conservation à long terme de la complexité du paysage et des équilibres de l’écosystème.

Bibliographie

Anderson A. J., Rosenfeld E., 1988. Neurocomputing: Foundation of research, MIT press, Cambridge.

Gris G., Cherix D., 1977. Les grandes colonies de fourmis des bois du Jura (groupe Formica rufa). Mitt. Schweiz. Entomol. Ges.; Zürich, 50 : 249-250.

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Hertz J., Krogh A., Palmer R. G., 1991. Introduction to the Theory of Neural Computation. Addison-Wesley.

Nageleisen L.M., 1998. Les Fourmis rousses dans le Nord-Est de la France.

Revue Forestière Française; LI, 4: 487-495.

Scherrer B., 1984. Biostatistique. Gaëtan Morin ed.

Torossian C., Peponnet F., 1968. Rôle de Formica polyctena Först dans le maintien des équilibres biologiques forestiers des forêts de feuillus du plateau de Lannemezan. Ann. Epiphyties, 19(1) : 97-111.

Torossian C., Roques L., 1979. Etude des fourmis du groupe Formica rufa des Pyrénées catalanes françaises. Bulletin SROP, II(3) : 243-262.

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Rapport annuel du Conseil Scientifique Régional de l’Environnement de Midi- Pyrénées, 33-35.

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