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A ma fille Isabelle, qui naquit la même année que ce livre.

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A ma fille Isabelle, qui naquit la même année que ce livre.

Couverture : Mouette en Méditerranée (Photographie de l'auteur) L'oiseau blanc semble noir au crépuscule des dieux, mais son aile immaculée signera les aubes futures. P.L.

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Pierre LANCE

LE

SPIRITUALISME ATHEE

Deuxième édition revue et complétée

Numéro 95 bis spécial de « L'Ere nouvelle » 50 rue Richer — 75009 PARIS

Diffusion CED

Distribution EA Diff, 80480 Bacouël-sur-Selle

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© Pierre Lance et « L'Ere nouvelle » 1992 — Tous droits réservés.

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DU MEME AUTEUR CHARLES DE GAULLE, ce chrétien nietzschéen (« La Septième Aurore », 1965, épuisé) MYTHOLOGIE CELTIQUE

(« L'Hespéride », 1973, deux rééditions, épuisé) LES DEUX FRANCE DE GISCARD (« L'Hespéride », 1975, épuisé) AU DELA DE NIETZSCHE (« La Septième Aurore », 1976, épuisé) DÉMOCRATIE GAULLOISE (« La Septième Aurore », 1977, épuisé)

LA DÉFAITE D'ALÉSIA, ses causes dans la société celtique, ses conséquences dans la société française. (« La Septième Aurore », 1978)

LE CRÉPUSCULE DES IDÉOLOGIES (« La Septième Aurore », 1978)

L'ORIGINE PAIENNE DES PRÉNOMS, étymologie et sens de 361 prénoms et calendrier païen (« Editions Arista », 1985, « Ed. Modernes Média», 1989) LA PRODIGIEUSE AVENTURE DE LA MORT

Préface d'Arthur Conte (« L'Ere nouvelle », 1987) POUR ASSISTANCE A CIVILISATION EN DANGER (« L'Ere nouvelle », 1988)

LA NAISSANCE DES DIEUX – Le Peuple Electeur, tome I (« L'Ere nouvelle », 1988)

LA GAULE ÉTERNELLE – Le Peuple Electeur, tome II (« L'Ere nouvelle », 1988)

LA GLOIRE DU VERSEAU – Le Peuple Electeur, tome III (« L'Ere nouvelle », 1989)

RÉFLEXIONS D'UN HORS-LA-LOI (1ère edition 1968) Deuxième édition revue et complétée (« L'Ere nouvelle », 1989)

L'AVENIR DES GAULOIS (articles de la revue « L'Hespéride », 1966-1978) (« L'Ere nouvelle », 1990)

EN COMPAGNIE DE NIETZSCHE (articles de la revue « Engadine », 1969- 1977) – (« L'Ere nouvelle », 1991)

Depuis 1980, Pierre Lance est rédacteur en chef de la revue de prospective

« L'Ere nouvelle », 50 rue Richer, 75009, Paris. (95 numéros parus)

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AVERTISSEMENT

Rédigé en 1962, publié pour la première fois en 1966, « Le spiritualisme athée » est le tout premier livre que j'écrivis.

Le titre me vint d'emblée, d'abord parce qu'il énonçait tota- lement la philosophie qui m'habitait depuis mon plus jeune âge, et qui me portait d' instinct a voir de l'esprit partout et de dieu nulle part. Ensuite parce qu'il renvoyait dos à dos déistes et matérialis- tes, qui éprouvent la même terreur de l'esprit et sont, de ce fait, les uns anxieux de lui donner un maître et les autres empressés à le mettre sous clef.

Quant aux irréfléchis qui m'objectaient, dès son énoncé, que ce titre était « contradictoire », puisqu'il était entendu (par les sourds, je présume) que le spiritualisme supposait le déisme, je leur rappelais que les prêtres chrétiens ne cessaient de fustiger urbi et orbi le « matérialisme athée » en ficelant toujours soigneusement les deux termes, prouvant ainsi eux-mêmes qu'ils étaient séparables.

Je ne faisais somme toute que leur emboîter le pas, en les prenant au piège de leur propre formule.

Oeuvre de débutant et d'apprenti, ce livre présente un grand nombre d'imperfections que je prie mon lecteur de bien vouloir excuser. Le relisant trente ans plus tard, avant la présente réédi- tion, je mesure à la fois le chemin que j'ai parcouru et la perma- nence de mes conceptions. Au cours de cette relecture, je me suis demandé maintes fois si je ne devais pas le réécrire complètement, mais j'y ai renoncé pour plusieurs raisons.

D'abord parce que de nombreux lecteurs, parmi ceux qui ont bien voulu accompagner fidèlement ma quête depuis plus d'un quart de siècle (ce malgré l'indifférence granitique dans laquelle l'a tenue le microcosme éditorial et médiatique parisien) m'ont

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souvent témoigné la véritable « affection » qu'ils portaient à ce premier ouvrage. Aujourd'hui encore, certains ne craignent pas d'affirmer qu'il est mon meilleur livre (ce que je conteste absolu- ment), sans que je puisse discerner si c'est parce qu'il est le plus simple (pour ne pas dire simpliste), ou bien parce qu'il se confond dans la mémoire de ces témoins avec un souvenir de jeunesse tou- jours enjolivé, ou avec l'enthousiasme d'une découverte inattendue, peut-être avec les deux.

Je n'ai pas voulu non plus le refaire parce que — outre le travail et le temps que cela eut représenté — je n'étais nullement certain de parvenir à fignoler ce texte sans le trahir, sans y inclure involon- tairement toutes sortes de développements qui en eussent altéré la spontanéité originelle. Le résultat en eut été un nouveau livre et non celui-là. Or, si d'aventure l'œuvre de toute ma vie était appelée à laisser quelque trace dans l'histoire de ce siècle, il ne serait pas négligeable que l'on puisse repérer les étapes de mon chemine- ment. La chronologie des textes produits par un auteur est une donnée importante de l'ensemble qu'ils forment. Elle permet au lecteur de choisir « sa » période, celle qui convient le mieux à son tempérament ou à son propre stade d'évolution. Elle permet aussi à l'analyste de distinguer l'enchaînement successif des ancrages d'une pensée vivante et de suivre à mesure ce qui s'élève progressi- vement de la racine à la branche. Ainsi la dernière page d'un écri- vain, comme la plus haute feuille de l'arbre, se trouve mieux com- prise en tant qu'aboutissement d'une longue recherche commencée dans la fougue maladroite des premiers élans.

Si l'on en croit Henry de Montherlant : « Tout homme n'agit et n'écrit que pour développer deux ou trois idées ». A l'évidence, je n'ai pas échappé à cette règle et force m'est de constater, en re- lisant ce premier livre, que s'y trouvent en germe quasiment toutes les conceptions que j'ai tenté d'affiner, de compléter, de nuancer ou de fortifier dans mes livres suivants. Mais dans ce long et grand effort de communication envers ses semblables que représentent les milliers de pages d'une existence d'écrivain, chaque livre a sa genèse et sa destination propres. Chacun est en quelque sorte le langage particulier avec lequel l'auteur s'adresse, en fonction de ses affinités du moment, à l'un des « peuples » qui l'entourent, c'est-à-dire à tel milieu, à telle sensibilité ou à telle génération.

On ne développe que trois idées, soit. Mais on les « télégraphie » à cent publics divers et de plus on n'est jamais sûr d'avoir « trouvé ses mots ».

Adolescent, je me disais toujours que j'écrirai des livres, car je ne cessai d'imaginer la société humaine plus belle que je ne la voyais. Plusieurs fois j'entamai un gros cahier présomptueux dont je ne parvins à noircir que quelques pages. Une nécessaire matura-

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tion intérieure était encore inaccomplie. Et puis, par un bel été de 1962, alors que j'étais en vacances en Auvergne, à trois portées de javelot de la colline de Gergovie, une frénésie subite s'empara de moi et un torrent de mots jaillit de ma tête, en désordre. Me jetant sur tous les morceaux de papier qui me tombaient sous la main, j'essayai de canaliser tant bien que mal ce geyser imprévu. Il en sortit les pages suivantes, à peine disciplinées, dont le lyrisme, sou- vent naïf et parfois pompeux, ainsi que la « bonne volonté » un peu trop prosélyte sont les fruits de la jeunesse et de l'éveil titu- bant d'une vocation neuve, que quelques laborieux efforts d'agen- cement ne réussirent qu'à alourdir, surtout dans les premiers cha- pitres. (L'introduction, bien pesante elle-même, ne fut rédigée que quatre ans plus tard et j'ai ajouté en fin de volume le texte d'une conférence donnée en 1967 pour la présentation du livre).

C'est à peine retouchées et seulement élaguées de quelques- unes des erreurs ou maladresses les plus grossières que je redonne aujourd'hui au public ces pages tâtonnantes, travail d'amateur im- patient dont peut-être l'idéalisme et la sincérité sauront le séduire malgré tout. Si j'en regrette parfois la forme, je ne renie rien des fortes intuitions qui le firent naître et me rivèrent pour longtemps à mon établi.

P.L.

18 janvier 1992

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INTRODUCTION

SPIRITUALISME ET MATERIALISME

« On ne met pas du vin nouveau dans de vieilles outres. » Jésus de Galilée L'hypothèse philosophique que je développe dans ce livre (écrit en 1962) a pour but de montrer comment, à mon sens, malgré les défauts de son optique physique ou intellectuelle, l'Homme peut atteindre à un degré de connaissance qui le ferait entrer dans « l'in- timité de l'univers », sans avoir recours à la pratique du mysticisme, et même d'autant mieux qu'il se garde d'y recourir.

Mon postulat est le suivant : en associant à l'intelligence l'intui- tion et la sensibilité, l'être humain a toutes chances de pénétrer l'âme du Monde, laquelle n'est pas d'une essence différente de la sienne propre.

Puisque, dans cette hypothèse, je reconnais l'existence d'un principe animateur subtil, propre à tout être vivant, se différenciant dans ses manifestations, mais toujours universellement semblable à lui-même en tant que volonté d'expansion, d'affermissement et de progrès, principe de surcroît éternel, puisque ne pouvant s'effacer dans un être sans se trouver aussitôt absorbé par un ou plusieurs autres, il s'agit bien de spiritualisme.

Cependant, comme je refuse d'admettre que ce principe subtil (qu'on peut appeler âme aussi bien que fluide ou électricité) est soumis à une volonté quelconque supra-humaine, moins encore à une toute-puissance surnaturelle, pour la raison qu'il m'apparaît lui- même en tout être comme source naturelle de puissance et de vo- lonté promises au service égocentrique de chacun ; comme enfin

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j'affirme que plus une âme est forte et moins celui qui en dispose est enclin à la déléguer ou à la soumettre, ce qui revient à dire que mieux l'esprit habite l'homme, moins il est disposé à servir ou cons- truire autre chose que cet homme-là, ce qu'il fera, si nécessaire, en- vers et contre tout, il s'agit bien d'athéisme.

Or, ce spiritualisme et cet athéisme, non seulement ne sont pas incompatibles, mais sont en ma pensée — et sans aucun doute en celle de bien d'autres hommes — si complémentaires que l'un amène l'autre immanquablement.

Toutefois, dira-t-on, ce spiritualisme-là est-il bien le spiritualis- me ?

C'est le moment, peut-être, de nous pencher sur quelques défini- tions.

Le Nouveau Larousse illustré définit ainsi le spiritualisme :

« Doctrine qui enseigne l'existence de l'esprit comme réalité subs- tantielle », et le matérialisme : « Système qui réduit tout ce qui existe, y compris l'âme humaine, à l'unité de la matière ». Ainsi, tandis que le spiritualisme, qui professe notoirement l'unité du Monde, n'hésite pas à montrer l'âme comme substance, le matéria- lisme fait tout procéder, y compris l'âme, de la substance matérielle dont il proclame la parfaite unité.

Si l'on s'en tient à ces définitions, tout le monde paraît finale- ment d'accord et la querelle est ailleurs. Elle n'est pas entre spiritua- lisme et matérialisme, du moins au sens des définitions précédentes, elle est entre déisme et adéisme. Et c'est bien parce qu'ils le savent que les mystiques, après s'être persuadés que déisme et spiritualisme sont synonymes — ce qui est faux — ont englobé tous leurs adversai- res sous la fameuse formule du « matérialisme athée » et ont si bien ficelé le mariage de ces deux mots que bon nombre d'athées ont accepté de croire qu'ils étaient des matérialistes, alors même qu'ils ne l'étaient pas. Comme nous disait Paul Valéry : « Le grand triom- phe de l'adversaire est de vous faire croire ce qu'il dit de vous ».

Qu'importe après tout, diront certains, si la querelle entre spiri- tualisme et matérialisme peut être résorbée. Mais s'il est vrai qu'elle peut l'être quand on se fie au dictionnaire, force nous est de consta- ter qu'il n'en est rien dès lors que nous voyons ceci : bien plus que des doctrines ou des systèmes, spiritualisme et matérialisme sont avant tout des attitudes et des états d'esprit fondamentalement opposés.

— Il y aurait donc véritable querelle ? Mais elle est ailleurs, nous avez-vous dit.

— Elle est ailleurs, oui, car cette querelle des attitudes est en effet d'abord entre le déiste et l'adéiste, mais nous la retrouvons en- suite entre le spiritualiste et le matérialiste, parce qu'une certaine démarche intellectuelle a porté peu à peu les deux premiers à

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s'identifier aux deux seconds. Et c'est là que tout se complique. En effet, tandis que spiritualisme et matérialisme prenaient peu à peu un sens philosophique, et même politique, assez éloigné de celui que commande leur étymologie, ils prenaient parallèlement un sens

« populaire » qui les approchait de ceci : le spiritualiste, c'est le poè- te, et le matérialiste, c'est le goinfre. Il est d'ailleurs bon de noter que cette signification populaire est en fait beaucoup plus près que les autres de la vérité philosophique. Si l'on désire tenter de clarifier la situation, il convient, avant toute chose, de séparer nettement déisme et spiritualisme, dont on doit tout juste admettre qu'ils peuvent, en un même homme, se su- perposer, sans que cela soit automatique, ni même, à vrai dire, fré- quent. Pour ce faire, il faut rendre aux mots spiritualiste et matéria- liste leur véritable sens, lequel, on en conviendra, ne peut être que celui-ci : Spiritualiste : « qui aide au triomphe de l'Esprit ». Maté- rialiste : « qui aide au triomphe de la Matière ». Toutefois, si claires que soient ces définitions, une autre diffi- culté surgit : que sont donc esprit et matière sinon les deux faces d'un même Cosmos dont personne ne conteste l'unité fondamen- tale ? Eh bien on doit convenir qu'esprit et matière ne sont pas différents en substance (et nous retombons sur le parfait accord au- quel nous conduisait le dictionnaire) mais que, de cette même subs- tance, ils représentent deux états différents, esprit désignant celui d'énergie, de liberté, de sensibilité, matière désignant celui d'inertie, de fatalité, d'insensibilité.

Dès lors, nous y voyons plus clair. Tout étant relatif, un homme sera spiritualiste à proportion qu'il sera libre, énergique et sensible, qu'il se soucie ou non de religion, qu'il se soucie ou non de marxis- me. Mieux même, s'il arrive qu'une Eglise ou un Parti restreignent sa liberté de pensée, annexent son énergie ou aveuglent sa sensibilité, ils détruiront son spiritualisme naturel, sans que les principes décla- més changent rien à l'affaire.

Ainsi, et quoi qu'il faille, certes, différencier un dieu-idéal de l'Eglise qui le représente, le croyant, du fait même qu'il se sent dis- posé à soumettre son esprit aux intentions supposées de la divinité, hypothèque dangereusement son spiritualisme par sa seule attitude.

Dans le même ordre d'idées, un communiste n'est pas matéria- liste parce qu'il se réclame d'une idéologie qui se dit telle, il l'est seulement dans la mesure où il soumet son esprit à un dogme, quel que soit ce dogme et d'où qu'il vienne. Le dogme, on le sait assez, paralyse le jugement de l'individu, fausse ses observations, empêtre ses intuitions, tend par conséquent à diriger l'âme humaine vers la pesanteur et l'inertie, autrement dit matérialise la Personne.

Bref, le matérialiste, c'est le bigot, quel que soit le totem autour duquel il tourne. Ainsi donc, non seulement il ne suffit pas d'aller à la messe pour pouvoir se dire spiritualiste, mais il est parfaitement évident que plus on y va par conformisme et plus on s'éloigne du spiritualisme authentique. Et c'est ici que nous allons rejoindre le

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sens populaire : celui qui multiplie les prières, les psaumes et les dé- roulements de chapelets par simple désir d'accumulation quantita- tive s'éloigne de plus en plus de la parcelle d'esprit qu'ils ont pu jadis receler, et se conduit exactement comme un goinfre qui absor- be des masses d'informes nourritures sans se soucier de rechercher ce qu'elles peuvent contenir de bon ou de mauvais pour son corps et pour son esprit. Et ceci nous amène à une autre définition : le maté- rialisme, c'est ce qui fait passer la quantité avant la qualité, le nom- bre avant le remarquable, la foule avant la Personne. C'est pourquoi une foule relève toujours du matérialisme, qu'elle s'assemble sur la place Rouge ou sur la place Saint-Pierre de Rome.

Et maintenant, il serait bon peut-être d'étudier succintement la formation puis la déformation de quelques-unes des grandes doctri- nes de l'humanité. Nous constaterons alors un curieux phénomène : elles furent toutes spiritualistes à l'origine et matérialistes ensuite, sans que revête une importance quelconque leurs déclarations de principe quant à ce qu'elles voyaient sous les mots « esprit » et

« matière ». De surcroît, c'est indépendamment de cela qu'elles se révélèrent déistes ou adéistes, et même, on ne peut manquer de voir qu'elles sont, pour la plupart, devenues de plus en plus déistes à mesure qu'elles devenaient de plus en plus matérialistes.

Ainsi, lorsque Moïse s'efforce d'arracher les Hébreux au culte du Veau d'Or, ou de Baal, ou de Moloch, pour tenter de leur faire simplement vivre une certaine morale, il se révèle parfaitement spi- ritualiste. Si certains auteurs ont pu prétendre que la doctrine de Moïse était matérialiste, puisqu'elle ne semble pas se soucier du principe de l'âme, cela n'a guère de poids si nous admettons que le spiritualisme est surtout contenu dans l'attitude rénovatrice et ré- formatrice de la pensée. (Et il est bon de se souvenir aussi qu'à l'ori- gine, Baal et Moloch n'étaient pas des « dieux », mais de purs sym- boles philosophiques).

Lorsqu'à son tour Jésus de Galilée fait trembler sur leurs bases les temples du Judaïsme (devenu entretemps, et sur tous les plans, terriblement matérialiste), tente de réveiller ses contemporains, pétrifiés dans le bigotisme autour de la loi de Moïse et abandonnant leur âme sur l'autel de Jéhovah (ou sur celui du Jupiter romain) ; lorsqu'il prêche que chaque homme soit son propre temple et qu'il s'écrie : « Ayez du sel en vous-même ! » ; lorsqu'il défend expres- sément à ses disciples de l'appeler fils de Dieu (comme les Evangiles nous l'apprennent), et qu'il se donne lui-même et avant tout comme Fils de l'Homme, né de l'Esprit, il se montre, bien sûr, authentique- ment spiritualiste. Mais lorsque ses croyants, après l'avoir déifié, construisent partout de nouveaux temples, imposent de nouveaux dogmes et freinent tant et plus le libre mouvement de la pensée, ils se révèlent matérialistes jusqu'à la moelle, quand même ils pronon- ceraient cent mille fois par jour les mots Ame et Esprit.

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Lorsque le prince Gautama fuit les plaisirs « matérialistes » de son milieu social et se retire dans la méditation pour tenter d'appro- fondir les grandes questions humaines ; lorsqu'il réapparaît à la vie publique en se disant Bouddha (de la racine budh : comprendre), c'est-à-dire « Celui qui a compris » — « pour établir, à ce qu'il sem- ble — nous dit le Larousse —, que son omniscience était le résultat de l'étude et non le produit d'une révélation surnaturelle, et pour montrer qu'il n'avait aucune prétention à une origine divine » ; lors- qu'il s'applique à répandre dans la société indienne des idées nou- velles sur le salut de l'humanité, il se montre spiritualiste sans con- teste. Que le bouddhisme, tout comme le brahmanisme, ait affirmé

« l'éternité et l'indestructibilité de la matière élémentaire », dont il fait procéder toutes choses, cela n'enlève rien au spiritualisme de Siddhârta Gautama. Ce n'est pas parce que la doctrine bouddhiste est, en philosophie, dite « matérialiste », qu'elle engendre le maté- rialisme chez l'homme. Bien au contraire, en prétendant montrer le chemin de la non-réincarnation dans la matière, en voulant faire voir comment l'homme peut se dégager des liens de la Matière pour atteindre le pur Esprit (et peu importe ici ce qu'on doit penser de ce

« comment »), elle semble affirmer le principe que la Matière doit devenir de l'Esprit. Il est donc abusif de la dire matérialiste simple- ment parce qu'elle voit l'Esprit comme but au lieu de le voir comme origine. Cependant, le bouddhisme est effectivement devenu un ma- térialisme, puisqu'il est devenu lui aussi un frein de l'esprit. Il est devenu une idéologie codifiée imposée au fil des générations, et quoique Gautama disait à ses auditeurs : « Ne croyez pas une chose parce beaucoup en parlent. Ne croyez pas sur la foi des sages des temps passés... Ne croyez rien parce que je vous l'ai enseigné...

Soyez votre propre flambeau, soyez votre propre refuge... Ne cher- chez la sécurité en nul autre qu'en vous-même » (cf. Le Bouddha, par André Migot. Club français du Livre).

Or, tandis que l'enseignement spiritualiste de Bouddha devenait peu à peu une idéologie matérialiste, cet homme qui niait toute divinité et condamnait les prières et les temples fut lui-même divi- nisé par ses disciples et depuis vingt-cinq siècles, en de nombreux temples, on lui adresse force prières. Nous avons ici l'exemple frap- pant d'un spiritualisme athée qui a dégénéré en matérialisme déiste.

Mais l'époque moderne n'est pas sans nous montrer elle-même de telles décadences. Il importe peu qu'Engels et Marx aient engen- dré un système de pensée dit matérialiste, car ce n'est pas cela qui porte atteinte en l'Homme au succès de l'Esprit. Au reste, dans la mesure où quelques-uns des principes qu'ils énoncèrent pouvaient contribuer à libérer les humains de certaines ploutocraties despoti- ques et de tutelles économiques pesantes qui étaient très précisé- ment des entraves au mouvement de la pensée, on peut dire que leur démarche offrait certains caractères de la « lutte pour l'Esprit ». On doit d'ailleurs se souvenir que celui dont ils firent leur principal

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ennemi : le capitalisme, est lui-même une forme assez virulente du matérialisme. (A noter ici que le capitalisme n'est pas nécessaire- ment, comme on le croit trop souvent, le corollaire de la propriété privée ; il n'en est que l'excroissance). Si le marxisme a manifeste- ment échoué dans ses projets de libération de l'Homme, il est bon de remarquer que c'est surtout parce que ses « bigots » se sont appliqués à le rendre dogmatique, à en faire un système rigide, et parce qu'ils se sont contentés de substituer un despotisme à un autre (je parle ici du despotisme des structures plutôt que de celui des personnes). S'il est certain que le communisme est effective- ment matérialiste, ce n'est pas nécessairement pour les raisons que l'on nous donne. Peu nous chaut qu'il accepte ou rejette l'idée de l'immortalité de l'âme. Ce qui compte, c'est de savoir dans quelle proportion il sert ou dessert le progrès effectif de l'âme humaine, car c'est seulement à cela que l'on peut juger du spiritualisme d'un mouvement. Lorsque le communisme tend à devenir une mystique bureaucratisée, et lorsqu'il écrase par ses diktats la liberté de pensée des individus, il est évidemment matérialiste. Mais lorsque les sa- vants soviétiques donnent à l'humanité de nouveaux moyens de comprendre et de pénétrer l'Univers et offrent à l'esprit humain de nouvelles possibilités de développement, ils sont tout à fait spiritua- listes, qu'ils aient ou non dans leur poche une carte du Parti.

Lorsque Frédéric Nietzsche écrit son Zarathoustra, il dresse par- mi nous un monument de spiritualité, une véritable épopée de l'es- prit, dans laquelle il se déclare d'ailleurs aussi farouchement athée qu'antichrétien. Mais lorsque le nazisme, tout en se réclamant du spiritualisme nietzschéen, organise une gigantesque bureaucratie coercitive et s'applique à paralyser par ses dogmes l'esprit d'un peu- ple entier, voire celui de toute l'Europe, il se révèle parfaitement matérialiste, dans le même temps d'ailleurs qu'il renonce à se dire athée et ne rêve d'amoindrir le déisme chrétien qu'au bénéfice du paganisme germanique ressuscité.

Ainsi donc, nous voici tenus de discerner en quoi se différen- cient, se complètent ou s'opposent les notions de spiritualisme, de matérialisme, de déisme et d'athéisme (que nous devons aussi distin- guer des « morales » : morale chrétienne, morale bouddhiste, mora- le marxiste, morale nietzschéenne..., etc..., qui sont encore autre chose).

Il semble, en premier lieu, que tout le monde soit d'accord sur cette vision de l'Univers : le Cosmos est Un — c'est-à-dire que toutes ses parties communiquent entre elles et s'influencent mutuellement sans qu'aucune puisse cesser de jouer un rôle dans le mouvement général ; il est éternel et infini.

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A partir de là, deux conceptions s'opposent : la première consi- dère que le Cosmos est une mathématique incommensurable au sein de laquelle se mesurent toutes les forces, qui provoquent toutes les réactions et engendrent tous les phénomènes, sans autre arbitrage que celui des circonstances, des concurrences et des proportions.

C'est l'athéisme. Du fait que cette conception exclut tout refuge et toute sécurité, elle est celle qui demande le plus de courage et d'é- nergie. La seconde considère que le Cosmos est soumis à une volonté directrice et organisatrice appelée « Dieu », volonté qui est censée régenter le Monde selon des principes d'une perfection absolue, si absolue qu'ils sont, pour cette raison même, totalement inintelligi- bles. C'est le déisme. Cette conception, qui suppute un protecteur infaillible, étant la plus rassurante, elle tente principalement les âmes fatiguées ou inquiètes.

Indépendamment de ces concepts, qui ne mettent pas en ques- tion l'unité du Cosmos — qu'on le dise avec ou sans Dieu — appa- raissent deux attitudes philosophiques qui disputent de savoir si l'Univers est esprit ou s'il est matière. En fait, elle semblent d'ac- cord sur le principe qu'il est tous les deux à la fois et s'opposent en ceci seulement : l'une professe que l'esprit engendre la matière, l'au- tre est d'avis que c'est la matière qui enfante l'esprit.

Or, il se trouve que, selon la conception athée du mouvement transformateur perpétuel de l'Univers, les deux phénomènes se pro- duisent simultanément, ici la matière nourrissant l'esprit, et ailleurs l'esprit transformant la matière. De surcroît, il apparaît qu'ils sont inséparables, la matière n'étant rien autre que le point d'appui subs- tantiel de l'esprit, et l'esprit n'étant rien autre qu'une certaine pro- priété dynamique de la matière, le tout se réduisant à l'association Inertie-Energie qui compose chaque être ou chaque objet.

En fin de compte, il apparaîtrait que les êtres-objets qui consti- tuent le Cosmos peuvent s'élancer en deux directions différentes : l'une vers plus d'esprit, l'autre vers plus de matière ou, si l'on préfè- re, l'une vers un état dynamique, l'autre vers un état statique, sans qu'il soit rien changé en somme à ce qui les compose. Etant donné que l'état dynamique, ou état « spirituel », est celui qui offre le plus de puissance, d'efficience et de liberté, on est en droit de le considé- rer comme l'état supérieur de la matière vivante, l'état vers lequel on doit tendre.

Partant de ce principe, nous voilà en effet contraints de considé- rer toute transformation d'esprit en matière comme une décadence et une dégradation, et toute mutation de matière en esprit comme une ascension et un progrès.

Etre spiritualiste, ce n'est donc pas essentiellement s'imaginer que l'esprit est à l'origine du Monde, car il pouvait y être ou n'y être pas sans que cela change rien à notre soif de lui, dans l'état ac- tuel des choses et les circonstances où nous sommes. Si l'esprit était

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Déisme et spiritualisme sont-ils synonymes ?

Certes non, affirme l'auteur, qui entend démontrer que les conceptions désignées par ces deux termes sont tout-à-fait indépen- dantes l'une de l'autre. Pierre Lance part ici en guerre contre la trop fameuse formule du « matérialisme athée », au moyen de la- quelle on a voulu étiqueter — abusivement selon lui — les libres penseurs de tous horizons, ainsi confondus dans ce qui est seule- ment « une certaine forme de l'athéisme ». Or, nous dit-il, on peut parfaitement ne pas être « croyant » sans être pour autant « maté- rialiste ».

Ceci posé, l'auteur nous entraîne à la découverte de l'Unité du Monde et nous incite à exercer notre intuition, notre « sens cosmi- que », pour mieux comprendre et vivre la spiritualité partout mani- festée. Dans ce dialogue avec l'Univers, le croyant sera libre de voir un dialogue avec Dieu, quoique Pierre Lance aille jusqu'à considérer l'idée même d'un dieu comme une entrave spirituelle. Cette der- nière opinion, au reste, n'est pas absolument nouvelle, mais elle est formulée ici d'une manière terriblement actuelle et dramatique, car liée au problème de l'avenir du monde humain et remettant en question le fondement même de notre civilisation.

ISBN : 2-909349-10-1 90 F

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Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement

sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

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