S ans surprise, la loi de finances adoptée
en décembre par l’Assemblée natio- nale est austère à l’excès et – malgré quelques mesures posi- tives (fin du gel du barème de l’impôt sur le revenu, relèvements de la décote et du seuil de revenu fiscal, ou maintien de la réduction d’impôts pour frais de scolarité) – c’est la logique libérale qui l’emporte.
Avec ce budget, le gou- vernement affiche ses priorités :
• poursuivre la réduction
du déficit public, pour atteindre 3,6 % du PIB en 2014 et passer sous les 3 % en 2015 (rappelons que celui-ci a déjà été réduit de 7,6 à 4,1 % de 2009 à 2013) ;
• améliorer la situation financière des entreprises au détriment des ménages ;
• limiter les recettes et faire reculer les dépenses publiques pour stabiliser le poids des prélève- ments obligatoires avant d’entamer leur réduction.
Contreproductif
C’est une sorte de nouvelle étape dans l’austérité en période de crise qui s’ouvre, car désormais ce sont les dépenses publiques (investissements, emplois et rémunérations) qui vont supporter l’essentiel de l’« effort ». De nombreux ministères et organismes (opérateurs de l’État dans la santé, le social, la culture, la recherche, l’environnement, etc.) sont touchés, pour compenser les créations de postes dans les ministères prioritaires. En outre, les col-
lectivités – souvent en première ligne des problèmes éco- nomiques et sociaux – vont voir leurs dota- tions réduites de 1,5 milliard d’euros.
Ces choix n’augurent rien de bon. Depuis 2008, l’austé- rité et les multiples avantages financiers et fiscaux accordés aux entreprises (politique de l’offre) n’ont pas permis de sortir de la récession. En réalité, ils l’ont accen- tuée. Car lorsque les investissements et les
dépenses des
ménages et des entre- prises font défaut, c’est à la puissance publique de prendre le relais pour rétablir la confiance.
Aujourd’hui, les entreprises souffrent essentielle- ment d’un manque de débouchés, et pour ce qui concerne les exportations, les manœuvres sur com- pétitivité sont largement hypothéquées par le taux de change de l’euro. En outre, la hausse de la TVA, impôt particulièrement injuste, risque d’entraver le redémarrage de la consommation d’autant que l’abaissement à 5 % du taux réduit n’a pas été retenu par le législateur.
Maintien en récession
En 2013, l’austérité aurait amputé la croissance économique de 1,4 point de pourcentage (d’après l’OFCE). Avec une prévision de « croissance» de 0,2 % pour les deux premiers trimestres 2014, le tour de vis supplémentaire sur le pouvoir d’achat et sur la dépense publique maintiendra la France dans la récession. Notre pays, qui n’a toujours pas retrouvé le niveau de production de 2008, risque de rester enlisé et le déficit ne sera pas réduit à cause d’un nouveau manque de rentrées fiscales.
L’entêtement dans des choix budgétaires qui ont fait la preuve de leur inefficacité économique et sociale surprend et inquiète, d’autant que les récentes déclarations – du projet de réforme fiscale jus- qu’aux vœux présidentiels – annoncent la persis- tance dans cette voie. Les prélèvements obliga- toires représentent de nos jours une part certes importante du PIB, mais en période de récession, réduire ce pourcentage passe forcément par une baisse importante des dépenses publiques. C’est donc un ensemble de prélèvements en nature (santé, éducation, protection sociale, culture, aide sociale...) qui seront opérés et s’ajouteront à la crise, au détri- ment de la qualité de vie, de la culture, de la santé, de la cohésion sociale et de l’adhésion à un projet politique républicain. Triste perspective... ■
Hervé Moreau
POLITIQUE BUDGÉTAIRE
Une austérité sans précédent
Face une crise économique et sociale durable et sans précédent depuis celle de 1929, il fallait, bien évidemment, une politique budgétaire elle aussi « sans précédent», comme l’affirme le gouvernement. Mais là s’arrête le consensus.
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