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Expériences surnaturelles. La modernité fait-elle une différence ?

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1 Article paru dans Revue des Sciences Sociales, n° sur « Penser le religieux », n°49, 2013 : 82-89.

E XPERIENCES SURNATURELLES . L A MODERNITE FAIT - ELLE UNE DIFFERENCE ?

Christophe Pons Idemec-CNRS-AMU cpons@mmsh.univ-aix.fr

Un débat important de l’anthropologie religieuse actuelle porte sur l’exceptionnalité supposée du christianisme. « Quelle différence le christianisme fait-il ? » Telle est notamment la question introductive du livre important qu’a dirigé Fenella Cannell (2006) sur la relation de l’anthropologie au christianisme d’une part et sur l’identité de cette religion-là d’autre part. Sa réflexion, féconde, a fait date dans l’histoire de la discipline. D’une certaine manière, le débat concerne le statut que l’individu occupe au sein des sociétés contemporaines et réactualise un hiatus ancien des sciences sociales entre, d’un côté, l’approche durkheimienne conférant une autonomie aux choses sociales indépendamment des individus qui constituent la société et, de l’autre, celle qui veut reconnaitre la primeur de l’individu sans lequel la chose sociale ne pourrait exister

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. Qu’il soit d’Europe ou d’ailleurs, par rapport à une période historique antérieure – d’ailleurs non nécessairement lointaine –, l’individu aurait donc pris aujourd’hui une place nouvelle au sein de sa société. Toute son existence aurait suivi un processus de

« désengoncement » général. Il ne serait plus soumis aux autorités qui naguère l’obligeaient et il pourrait désormais fouler de nouveaux territoires au cours d’un cheminement qui lui serait personnel. Dans le religieux, cette transformation aurait de profondes implications : les grandes églises auraient perdu le monopole de leur légitimité historique et les champs religieux

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Pour une manière heuristique de penser ce hiatus et la place que doit y tenir l’anthropologie, voir Albert Piette

2011.

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2 auraient fait l’objet d’une parcellisation progressive, au fur et à mesure des velléités individuelles. Paradoxalement, ce processus général aurait aussi généré la création d’églises nouvelles qui, tout en prétendant libérer les individus d’affiliations pesantes et traditionnelles (famille, village, culture, religion et superstitions…), les replongeraient du même coup dans de nouvelles structures cléricales quelque fois encore plus coercitives. Toutefois, le phénomène ne concernerait pas seulement les choses religieuses. Tous les secteurs de la vie sociale seraient en réalité concernés et le processus serait accéléré par d’autres transformations majeures liées à la croissance des populations, aux modes de vie urbains, aux déplacements des hommes et à leurs nouvelles références globalisées. La sociologie actuelle voit dans cette configuration son nouveau lieu de travail. Selon elle, une caractéristique majeure de la modernité est d’avoir imposé à l’individu l’impératif d’être quelqu’un d’original. Cet avènement d’une

« individuation » aurait conduit à l’injonction d’une « invention de soi » (Kauffman 2004).

Particulièrement dans cette région qu’on nomme Occident, l’idée que les sociétés modernes aient imposé à l’individu le devoir d’être original s’est lentement constituée jusqu’à devenir une évidence normative du sens commun, et le socle liminaire de théories historiques et sociologiques (Ehrenberg 1998). C’est sous cet angle que de nombreux travaux ont porté sur les formes narratives de l’invention de soi (Ricœur 1990).

Et c’est là que se pose la question du rôle qu’aurait pu jouer le christianisme dans cette longue histoire transformative. Pour nombres d’auteurs, dont certains sont chrétiens mais d’autres non, la formation de l’identité moderne a de toute évidence des racines chrétiennes.

C’est notamment ce que révèle Charles Taylor (1998) en examinant fort magistralement comment, dans l’Occident chrétien, s’est peu à peu affirmé ce qu’il nomme « le mythe d’une intériorité singulière », soit l’idée que l’identité individuelle repose sur une nature profonde et des ressources cachées au fond d’un « vrai soi » qui existerait dès l’origine, qui ne ressemblerait à aucun autre et qui devrait être respecté. En interrogeant les conditions historiques de la formation de l’identité moderne, Taylor sonde les profondeurs temporelles de cette conception mystique du « vrai soi ». Mais il rend compte aussi de la manière dont elle a essaimé dans la modernité, et la matrice mystique selon laquelle est pensée, aujourd’hui dans les sciences sociales, l’identité individuelle. En effet, la conception selon laquelle l’individu doit bâtir un « soi construit » qu’il affirme contre des identités assignées depuis l’extérieur est souvent tenue pour signifiante du processus d’individuation de l’identité individuelle moderne.

Elle témoigne de l’autonomie et de l’indépendance que le sujet revendique vis-à-vis de déterminismes extérieurs ; il s’agit bien d’une individuation dans le sens d’individualisation, l’individu se distinguant des autres de la même espèce ou du groupe, de la société dont il fait partie. A ce niveau, la notion d’individuation connaît une grande variabilité selon les sociétés, certaines ayant été davantage que d’autres des sociétés d’individus. Rien de péjoratif à cela, il s’agit simplement d’un constat. L’individualisme n’est pas une tare moderne – ou une qualité, c’est selon – qu’il faudrait regretter ou bien approuver au regard d’un passé plus holiste. Si les sciences sociales continuent quelque fois à entretenir ces conceptions essentialisées il faut cependant les dépasser car les notions d’individualisme et de communautarisme (ou holisme) se sont pas des états inflexibles mais plutôt des formes sociales dont il convient précisément d’examiner les glissements, oscillations et graduations. Mais à un autre niveau, individuation doit s’entendre au sens de prise de conscience d’une individualité profonde, entière et indivisible, que la personne s’efforce de rechercher au tréfonds d’elle-même. C’est là que le

« soi construit » est amené à découvrir son « vrai soi » », pris comme une ontologie de

référence, une essence singulière et première. Ici le terme d’individuation renvoie à une

acception archétypale et pleinement mystique. On la retrouve dans certaines conceptions de

l’idée d’inconscient, comme par exemple chez Carl Gustav Jung. Elle consiste à croire en un

soi original, essentialisé – et désocialisé –, qu’il s’agirait de retrouver par une introspection

personnelle et aussi, bien sûr, par l’expérience profonde et intime de la rencontre divine (Pons

2009a).

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3 Cette individuation, adossée à un mythe d’origine du soi, est probablement de plus en plus présente dans les constructions d’identités religieuses individuelles au sein des sociétés contemporaines. C’est ce que j’ai essayé de montrer à partir d’une étude des personnalités des médiums d’Europe du Nord, en Islande, en suggérant que la modernité accélérait la fabrique des identités individuelles mystiques (Pons 2011). Mais le point important est de savoir si ce phénomène, cette sorte de fièvre mysticiste dans laquelle notre époque semble plongée, serait dû à un héritage et à une matrice chrétienne comme le suggère Charles Taylor, ou bien à une situation contemporaine de modernité qui accorde de plus en plus de place à l’individu. La question est en réalité immense, mais sans doute fondamentale pour penser le fait religieux aujourd’hui. Dans mes travaux je me suis efforcé d’appréhender le phénomène comme inhérent à la modernité, le christianisme en étant affecté au même titre que d’autres religions.

Les raisons de ce point de vue sont sans doute en partie idéologiques. Mais elles sont aussi liées au fait qu’une grande part de mes recherches n’ont pas strictement porté sur des figures chrétiennes mais sur des personnages dissidents des catégories occultistes et coutumières du champ religieux : possédés de famille, voyants, médiums guérisseurs, néo-shamans, etc. Ce n’est que dans un second temps que j’ai poursuivi la même réflexion auprès des chrétiens, prosélytes et engagés, des églises néo-évangéliques de type pentecôtiste et charismatique (Pons 2011a). Chez les médiums comme chez les chrétiens, avec quelques variations inhérentes à leurs cosmologies différentielles, j’ai fait le même constat de cette construction des identités individuelles au moyen de techniques mysticistes leur permettant de se recentrer sur eux- mêmes. Souvent, j’ai pu aussi constater que c’était une lente et progressive désaffiliation sociale qui les conduisait à entreprendre cette invention de soi procédant par une entreprise spirituelle.

Ce serait donc bien en somme une certaine modernité qui en serait la cause. C’est elle qui, en obligeant l’individu à ce recentrement sur lui-même, aurait ouvert les voies à cette mystique égocentrée. Or, si c’est là un point important sur lequel je voudrais insister, c’est parce qu’il y a quelques dangers à penser que le christianisme est cause de ce phénomène moderne de recentrement sur l’individu. C’est en effet accorder beaucoup d’influence à la religion plutôt qu’au processus religieux, c’est faire du christianisme une sorte de méta-référence d’intelligibilité, une source primordiale d’éclairage toute saturée de sens. Ce sont ici les quelques points que je souhaiterais discuter.

Interventions divines

Dans un travail récent sur les manières d’ethnographier les interventions divines, Galia Valtchinova (2009) décrit ainsi leur modèle générique. D’abord, nous dit-elle, on trouve un individu – plus rarement un petit groupe de personne – qui va revendiquer avoir fait l’expérience d’une intervention divine (une vision, une apparition, un rêve ou tout autre expérience du type des near-death-experience). La dite expérience va ainsi à chaque fois faire l’objet d’une transformation narrative et devenir un témoignage performatif. Mais il faut ensuite que le groupe social s’empare de ce témoignage, c’est-à-dire qu’il le repère et lui donne sens jusqu’à ce qu’il prenne une dimension sociale. Dans les sociétés catholiques et orthodoxes – majoritairement issues du bassin méditerranéen – où se concentrent les observations du travail collectif réuni par Galia Valtchinova, les interventions divines peuvent prendre de véritables ampleurs sociales avec des effets politiques, nationaux voire même transnationaux de relative grande envergure. Elles trouvent ainsi un tel écho dans la société que la hiérarchie cléricale (d’abord locale) est quelque fois amenée à les reconnaitre. Ensuite elles génèrent souvent des pèlerinages, des commémorations, des fabriques de lieux saints, de patrons protecteurs, etc.

Ces interventions divines relèvent de l’exceptionnalité ; elles sont des micro-événements

« imprévisibles », souvent à caractère prophétique, qui s’inscrivent structurellement dans la

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4 société ; elles mettent en scène l’inattendu du miracle. A regarder la géographie de leurs occurrences on est tenté de suggérer qu’elles surgissent plutôt dans les sociétés catholiques ou orthodoxes à la fois d’Occident, d’Orient et d’Amérique latine. Des équivalences tout à fait similaires sont d’ailleurs à noter dans l’Islam, pour l’essentiel aussi sur les mêmes régions (Boissevain 2006). Galia Valtchinova souligne que certaines de ces expériences événementielles individuelles peuvent « avorter », c’est-à-dire ne pas avoir d’écho dans la société. William Christian remarquait déjà, quant à lui, que tôt ou tard et de manière générale, si certaines d’entres elles ne sont pas entendues, d’autres finissent cependant pas l’être, de sorte que la société et ses autorités légitimes ne peuvent sans cesse refuser d’entendre ces voix divines qui s’élèvent par le peuple. C’est en cela aussi qu’elles s’inscrivent dans une « common visionary culture » des régions catholiques et orthodoxes qui savent en faire la lecture et l’usage collectif (Christian 1998).

Parallèlement à ces premières formes d’interventions divines qui ont donc été étudiées par des anthropologues et des historiens du monde catholique et orthodoxe, on peut distinguer un second type d’interventions divines qui prend de plus en plus d’ampleur au sein du christianisme, mais cette fois dans le protestantisme des églises évangéliques au sens large. Ici aussi ces interventions divines prennent une ampleur sociale, politique et nationale, mais selon une modalité toute différente. Car à la différence des premières qui sont des évènements exceptionnels, survenant de manière extraordinaire à quelques rares individus que la société doit légitimement reconnaître pour accréditer le témoignage, les interventions divines du second mode se « ramassent à la pelle ». Elles sont les expériences quotidiennes du plus grand nombre, vécues collectivement à l’occasion de chaque culte. Les formes de ces expériences connaissent quelques variations selon les dénominations, leur doctrine, leur liturgie et leur style.

Mais pour toutes ces églises du protestantisme moderne, l’intervention divine de Dieu – et de son fils Jésus – au creux d’une expérience profonde et intime, demeure le principe premier d’une conversion et d’une pratique dont l’apprentissage est à la portée de tous. Ici donc, point d’élus occasionnels, mais des millions de candidats à l’expérience quotidienne de l’intervention divine. La géographie des occurrences de ce second mode d’intervention divine varie remarquablement et témoigne de l’expansion mondiale de ces christianismes évangéliques. Or, cette démocratisation de l’intervention divine est pour le moins paradoxale du point de vue notamment de la place, nouvellement supposée autonome, que ce christianisme accorderait à l’individu. Par rapport aux premières interventions divines qui sont exceptionnelles et collectivement réappropriées dans les mondes catholiques et orthodoxes, celles-ci prennent de l’influence par une sorte de collectivisme de masse, mondialisé, s’appuyant sur la reproductibilité routinière d’une intervention divine individualisée. En somme, la rupture historique et l’influence de cette forme religieuse repose sur une démocratisation de masse qui reste pourtant l’outil de reconnaissance de l’individu moderne, et pour ainsi dire de ses « droits universels » à être sauvé. Paradoxalement encore, nonobstant cette routinisation de masse de l’expérience divine, les chrétiens des églises évangéliques ne rompent pas non plus avec l’idée de l’exceptionnalité de la rencontre. Alors qu’ils savent que leur intervention divine est une méthode dont ils peuvent même énoncer la recette, et que le culte en est le lieu quotidien de mise en scène, ils continuent d’affirmer l’exceptionnalité de leur rencontre avec le divin, voire même de la décrire comme un événement inattendu.

Comparativement à l’histoire longue des interventions divines de la première forme,

celles-ci sont bien d’apparition récente (Robbins 2004). De ce point de vue, il me paraît moins

opportun de se demander en quoi est-ce qu’elles témoigneraient d’une spécificité profonde du

christianisme que d’interroger ce qui a pu se produire, il y a peu, pour générer de telles

nouveautés dans l’histoire récente des « techniques relationnelles » avec les êtres divins.

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Une anthropologie du christianisme

Pour une part de l’anthropologie cependant, ces églises du protestantisme moderne, leur méthode et leur rhétorique qui s’étendent à travers le monde comme une traînée de poudre témoigneraient bien à la fois d’une nouveauté historique et d’une spécificité singulière du christianisme (Cannell 2006 ; Engelke & Tomlinson 2006 ; Van der Veer 1996…). Ce christianisme là se diffuse à travers le monde avec une étonnante capacité à se laisser ingérer par toute culture, par tout système de sens. Il semble être un christianisme malléable, adaptable, passant et s’inscrivant partout car il s’appuie sur une confiance accordée en chaque individu, considéré comme apte à vivre l’intériorité de la rencontre avec Dieu. Cette différence par rapport à toute autre religion serait cause de son succès, de sa modernité et des ruptures profondes qu’il occasionnerait. Sur le fond, cette capacité d’adaptabilité ne serait pas propre au protestantisme mais au christianisme. Dans le catholicisme aussi on la trouverait, y compris de manière théorisée au travers du concept théologique d’inculturation, issu du télescopage du langage théologique de l’incarnation et du concept anthropologique d’acculturation. Comme le rappelle André Mary, ce concept souvent repris non sans profond malentendu par les anthropologues, confirme, sous couvert de relativisme culturel, l’essentialisme de la posture du catholicisme (Mary 2008). Mais bien que d’origine catholique, le concept a bel et bien pris une ampleur sans commune mesure avec le protestantisme, ce que la discipline missiologique, au carrefour de l’histoire, de la théologie et de l’anthropologie, s’est donnée pour objet d’étude depuis déjà quelques années (Jacquin & Zorn 2001). Ce trait, qu’illustre au plus haut point le fait que ses textes sacrés soient traduisibles dans toutes les langues (Engelke & Tomlinson 2006 : 21), ferait du christianisme une religion de statut particulier parmi les monothéismes et le protestantisme (évangélique) apparaîtrait, sous cet éclairage, comme la branche du christianisme qui aurait poussé le plus loin cette qualité de modernité. L’enjeu serait dès lors de considérer cette spécificité du christianisme et d’en faire l’anthropologie, ce que la discipline n’aurait pas encore véritablement mené. C’est le point de vue par exemple de Fenella Cannell qui, après avoir travaillé chez des catholiques philippins, s’est tournée vers l’étude du mormonisme aux Etats-Unis (Cannell 1999 ; 2005). Longtemps, dit-elle, le Christianisme ne fut guère étudié pour lui-même car les anthropologues, dans la tradition de Clifford Geertz, s’intéressaient davantage aux cultures locales qui l’hébergeaient. C’est généralement même par défaut que les anthropologues ont porté leur attention sur le christianisme, forcés de le faire parce que les populations qu’ils étudiaient se convertissaient. Et pour beaucoup de ces anthropologues, le christianisme était supposé connu parce que la plupart des anthropologues provenaient eux- mêmes de sociétés chrétiennes (Cannell 2006 :12). Ce constat ne concerne pas seulement l’anthropologie des sociétés lointaines. En Europe, la même histoire disciplinaire peut se lire au travers par exemple du concept de religion populaire en tant que religion-survivance résistante.

Joël Robbins (2003) fait aussi le même constat en notant que l’anthropologie est déterminée par

une pensée de la continuité qui s’avère être particulièrement handicapante pour prendre la

mesure des changements, des ruptures et des adaptations que le christianisme génère depuis

déjà de nombreuses décades. Cette critique de la « continuity thinking » qui hante la discipline

anthropologique comme un spectre réaffirme – avec pertinence et actualité – un constat qui

avait déjà été établi, notamment pour l’Europe, avec la critique de l’intérêt de la discipline pour

les survivances et la religion populaire, que Michel de Certeau pointait à travers la beauté du

mort (de Certeau 1980). Mais Robbins va plus loin en supposant une différence de fond entre

la discipline anthropologique, ainsi marquée par la matrice d’une « continuity thinking », et le

Christianisme qui serait à l’inverse pétri d’une matrice de pensée de la discontinuité ; le

Christianisme se nourrit d’occasions de rupture, nous dit Robbins et il y a urgence à considérer

cette singularité pour que l’analyse anthropologique puisse saisir les caractéristiques propres de

cette religion (2007).

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6 La plupart des auteurs travaillant sur le christianisme des églises protestantes constatent cette idée essentielle de rupture ou discontinuité. Comme le souligne Simon Coleman qui a longtemps travaillé en Suède sur un « mouvement de foi » pentecôtiste dénommé Le mot de la vie (2000), cette caractéristique de la rupture est aussi l’un des plus grands défis auxquels ce christianisme évangélique se confronte car il est dans une constante situation d’impatience, inhérente au fait de sa projection dans une durée eschatologique à venir qui légitime la rupture de chacun dans le temps présent. Ce christianisme doit en somme sans cesse rendre intelligible à la fois la fin temporelle de l’individu d’avec sa vie d’avant, et l’imminence d’un début spirituel annoncé qui cependant ne vient pas. Un indicateur tout à fait signifiant de ce rapport singulier au temps, et du jeu qui en est fait, ressort d’ailleurs dans les cultes au travers d’un usage extrêmement abondant des glissements temporels, entre d’une part le temps présent de la vie triviale de l’individu, et d’autre part le temps mythique de la vie biblique de Jésus. Les déplacements entre ces deux temporalités sont une technique efficace de translation des figures car Jésus entre régulièrement dans la temporalité de vie de l’individu et celui-ci expérimente aussi – bien que plus rarement – une projection dans le temps biblique de Jésus. J’ai eu plusieurs fois l’occasion d’observer ce processus dans les églises islandaises mais aussi au travers des expériences personnelles de leurs fidèles. Or, les modalités d’expérimentation de cette projection dans le temps biblique de Jésus (la forme narrative, le type d’apparition, le mode de déplacement spirituel et de réveil, le lieu et le contexte d’expérimentation, etc.) reprenaient généralement des modalités cognitives d’expérimentations surnaturelles qu’on retrouvait ailleurs et notamment dans les formes coutumières d’intercession avec les défunts.

Pour une part de l’anthropologie donc, il s’agirait de prendre à présent la mesure du changement historique de physionomie du christianisme qu’illustre la diffusion mondiale de ces protestantismes, et conduire enfin une véritable anthropologie du christianisme pour lui-même.

Le projet est audacieux et pour beaucoup, l’actualité religieuse des sociétés contemporaines rend effectivement compte de l’importance qu’il y a à considérer cette influence remarquable du protestantisme. Toutefois, il faut se soucier de ne pas confondre ce phénomène d’expansion du protestantisme avec le Christianisme lui-même. Chris Hann en a fait récemment la remarque en attirant l’attention sur le risque de prendre la partie pour le tout (2007 ; 2012). Il constate en outre que les promoteurs de cette « nouvelle anthropologie du christianisme » sont essentiellement des anglo-saxons, eux-mêmes issus de sociétés héritières du protestantisme, et qui travaillent plutôt dans des régions du monde majoritairement touchées par le protestantisme. Hann déplore en somme un amalgame où le protestantisme vaudrait pour tout le christianisme, amalgame qui lui est d’autant plus défavorable qu’il travaille pour sa part dans le monde chrétien orthodoxe oriental. Ainsi, comme lui, nombre de chercheurs travaillant sur le christianisme catholique et orthodoxe ne se reconnaissent nullement dans les critères de l’exceptionnalité du christianisme énoncés par les premiers : soit ceux de l’intériorité – par l’expérience individuelle de l’intervention divine en soi –, de la rupture – ou de la discontinuité – et de la malléabilité ou adaptabilité moderne. Les christianismes orthodoxes et catholiques, à l’inverse, reposent sur les critères de continuité, de tradition, d’iconophilie et de ritualisme.

Bref, autant de points qui selon les critères de la nouvelle anthropologie, les dissocieraient du

christianisme. Pas étonnant dès lors qu’ils ne trouvent pas leur place au sein de ce projet d’une

anthropologie nouvelle du christianisme. Mais au-delà du risque de prendre la partie pour le

tout, il y a ensuite un autre écueil à formuler l’hypothèse de la différence d’une religion. Car

l’hypothèse d’une différence du christianisme n’encourt-elle pas le risque de la hiérarchisation,

de placer cette religion-là dans un statut à part, de singularité, non assimilable à toute autre

forme religieuse ? L’hypothèse peut-elle poser cette différence autrement qu’en supposant que

pour les autres formes religieuses, le triptyque intériorité-rupture-modernité ne serait pas au

rendez-vous ? Et in fine, cette hypothèse de la différence, adossée à une observation du

christianisme campé sur son triptyque, ne risque-telle pas de cheminer sur un sentier parallèle à

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7 celui du discours idéologique chrétien évangélique, lui-même assuré de sa différence en se plaçant tout en haut sur l’échelle d’un évolutionnisme spirituel ?

Intériorité

Pour plusieurs anthropologues, l’intense expérience intérieure est le processus majeur de singularisation distinctive du christianisme et si c’est aujourd’hui au travers du protestantisme qu’elle s’étend à travers le monde, elle serait pourtant plus ancienne. En interrogeant les manières dont on se dit chrétien, Peter Van der Weer (1996) note par exemple que les formes narratives de la conversion connaissent peu de variations mais insistent toujours sur cette même idée de l’expérience intime, inattendue et radicale, dont le modèle de référence serait celle, soudaine, de Paul dans le nouveau Testament. Historiquement, cette idée d’une rencontre spirituelle se situant au cœur de l’intériorité profonde du sujet a surgi avec enthousiasme à la Réforme, puis a pri une ampleur quasi mystique au temps des piétismes européens du 18

ème

siècle. Chez les groupes les plus radicaux de l’époque (piétistes, quiétistes, haugianistes, transcendantalistes, etc.), l’expérience se mua en un « mysticisme » (Daiber 2002) qui fut dénoncé comme illuminisme ou enthousiasme par les tenants de l’orthodoxie protestante, et dont l’expression était l’expérience immédiate de la possession en soi-même du divin.

Aujourd’hui, elle s’affirme comme l’expérience primordiale de tout chrétien évangélique, une sorte de modus operandi qui distinguerait l’humanité en deux : les sauvés qui le vivent et les autres. Mais plus encore, on l’a dit, cette intense expérience de la rencontre de Dieu aurait aussi accompagné, en Occident, l’avènement d’une conception moderne de l’individu, c’est-à-dire le processus de subjectivation de la personne et de développement de l’identité individuelle. Car cette expérience religieuse supposait la remise en cause de l’autorité ecclésiale comme seule entité légitime d’intercéder entre le temporel et le spirituel ; elle supposait également un degré minima d’individuation des acteurs qui devaient être capables d’une subjectivation suffisante afin d’entreprendre l’exercice de l’introspection ; elle supposait enfin une mise entre parenthèses de la vision figée et coercitive des cosmologies traditionnelles, selon laquelle les hommes subissaient l’ordonnancement du monde sans pouvoir agir d’aucune sorte sur lui.

Ainsi s’affirmerait le lien entre christianisme et découverte de l’intériorité subjective de la personne, découverte du « Soi » / « Self ». Fenella Cannell argumente ce point en soulignant que Michel Foucault avait vu ce rôle particulier joué par le Christianisme dans la constitution moderne du « soi » ; dans la confession chrétienne, explique-t-elle, Foucault identifiait l’une des techniques majeures de production du savoir légitime : celui d’une vérité supposée reposer au creux de cette intériorité qui déjà projette l’individu dans la notion moderne de psychologie (2006 : 19). Cannell rappelle que c’est encore la même idée qui motivait l’analyse des variétés de l’expérience religieuse par James (1902), celle des mysticismes par Troeltsch (1911), celle de la formation de la conception moderne du « moi » par Mauss (1938), plus récemment celles des sources modernes du « soi » par Taylor (1998).

Cette idée d’une découverte de « soi » que provoquerait la rencontre intime et intense

avec le divin, entraînant une rupture radicale dans la vie du sujet qui serait tout à coup projeté

dans la modernité d’une nouvelle temporalité historique, ne manque pas d’argument. Le

problème, cependant, est de savoir à qui en revient le mérite ? Cette singularité de l’expérience

spirituelle qui conduit à penser son intentionnalité propre, de manière distinctive, incombe-t-

elle au principe même de l’expérience religieuse, ou aux religions monothéistes, ou encore au

seul christianisme ? Mais peut-on seulement poser la question sans risquer une inévitable

hiérarchisation des formes religieuses ? Dans plusieurs études, cette exceptionnalité supposée

du christianisme se fixe effectivement comme une toile théorique d’arrière fond dans l’analyse

des conversions au christianisme. Et sous cet angle, les sociétés qui paraissent les moins

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8 touchées par la modernité ou qui semblent s’être tournées le plus tardivement au christianisme, deviennent objets de forts enjeux théoriques et théologiques. Car si, dans ces sociétés plus qu’ailleurs, l’introduction du Christianisme a effectivement accompagné une découverte de l’individu par lui-même, une découverte de son intériorité et intentionnalité propre, une découverte de sa subjectivité qui l’affranchirait de son appartenance (supposée organique) à son groupe lignager et culturel, alors la thèse de la différence du christianisme trouverait quelques arguments. De nombreux travaux interrogent ce point en cherchant à savoir si le christianisme a transformé les individus et en a fait des sujets, des personnes aptes à se distinguer de leur groupe, à se désaffilier de leurs attaches familiales et à se réinventer indépendamment. Mais l’affaire n’est cependant pas si simple et plus les ethnographies se multiplient, plus les perspectives se diversifient. Le danger, bien identifié, est d’amener les sciences sociales à suivre une voie parallèle à celle de l’idéologie chrétienne qui voit, dans sa doctrine, le facteur de progrès de la modernité (« modernité » étant cette fois entendue au sens de ce qui est le plus avancé individuellement, socialement et spirituellement). Cette perspective rejoint alors la

« vision » des convertis qui dénoncent généralement l’obscurantisme et l’idolâtrie de leur état et société d’origine, et clament que le christianisme les a libérés en les rendant enfin responsables.

Or, il ne fait guère de doute que ce point de vue indigène, aisément récoltable çà et là chez de nombreux convertis chrétien du monde entier, remet en exergue tout un évolutionnisme social qui se formule ici dans le champ du spirituel. Ce point n’est donc pas sans poser quelques questions d’ordre éthique à la discipline, que certains ont déjà relevé (Hann 2007 : 386). Pour Fenella Cannell, la relation de causalité entre le christianisme et la modernité est sans doute le nœud majeur qui génère les plus forts désaccords entre les anthropologues contemporains : “I would not claim (…) that Christianity is rightly seen as inevitably a modernizing force, even if in some parts of the Protestant world processes akin to what Weber described as

« rationalization » are in progress. It seems to me in fact that the proposition is placed the wrong way around. It may be that the history of modernity is inextricably bound up with the history of Christianity, but this does not mean that the meaning of Christianity is sufficiently explained by the history of modernity” (2006: 38). Mais que faut-il entendre par cette idée de « meaning of Christianity » ? Le christianisme peut-il avoir un sens ? Ou plutôt, est-ce du ressort de l’anthropologie d’interroger quel est le sens d’une religion ?

Techniques des liaisons surnaturelles

Le triptyque intériorité, rupture et modernité place les anthropologues face à des enjeux éthiques à partir desquels resurgissent peut-être leurs opinions et idéologies personnelles. Pour ma part, je crois possible de repérer ce processus ailleurs que dans le christianisme.

Les enjeux de rupture de temporalité par exemple, dans lesquels se projette le protestantisme évangélique, ne lui sont pas spécifiques mais se retrouvent dans toute dissidence prophétique désireuse d’initier une nouveauté spirituelle. Comme cela a fort bien été relevé, le grand problème de toutes ces églises néo-évangéliques est leur durée, leur routinisation. D’une certaine manière, dès qu’elles se pérennisent, elles perdent une grande part des caractères du triptyque. Mais n’est-ce pas là le lot de toute mystique dès lors qu’elle veut survivre à ses initiateurs ? Il est plus que probable que le phénomène soit moins lié au christianisme lui- même qu’à la période historique actuelle car tous les mouvements religieux proposant un renouveau à travers le monde (et ils sont nombreux, quelles que soient les sociétés et leurs traditions religieuses) s’affrontent aux mêmes difficultés – et en font aussi les mêmes usages – inhérentes à leur rapport à la durée et à leur projection dans le temps.

Un autre écueil est l’association du christianisme à la modernité parce qu’elle serait une

religion de l’individu. Que la modernité produise des sociétés où l’individualisme soit un mode

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9 majeur, cela est probablement juste. Mais l’individualisme n’est pas pour autant une propriété distinctive de la modernité. Une telle perspective est héritière d’un évolutionnisme social qui associe les sociétés non-chrétiennes, donc non modernes, aux sociétés d’organisation communautariste, et qui voit une sorte de progression d’évidence dans le passage de la gemeinschaft à la gesellshaft (Tönnies 1922). Or, l’anthropologie, forte de ses ethnographies, a pu montrer que l’individualisme n’était pas un état mais une qualité qui s’applique partout et toujours sur les individus de toutes les sociétés, selon toutefois des formes sociales diverses.

C’est ainsi qu’on peut découvrir partout et en tous temps des sociétés qui poussent loin les singularités distinctives de leurs membres, tandis que d’autres prennent un grand soin à créer les conditions de leur homogénéisation. Pour les contextes européens, je me suis efforcé de montrer cela à partir d’une analyse croisée des organisations sociales en Islande et aux îles Féroé (Pons 2009). Ces deux sociétés, pourtant si proches, ont paradoxalement développé des systèmes génériques d’organisation très différents qui ressortent, au final, comme des modèles idéaltypes de société individualiste (Islande) et communautariste (îles Féroé). Le plus remarquable est que d’aussi loin que les sources historiques nous permettent d’en juger, ces distinctions paraissent fort anciennes de sorte que les profondes transformations des XIXème et XXème siècles n’ont finalement que très peu modifié ces profils distinctifs. Dans ces deux sociétés, les églises nouvelles du protestantisme néo-évangélique ont su prendre leur place mais elles n’ont pas non plus transformé ces modèles d’organisation qui étaient préalablement en place. C’est en réalité plutôt le contraire qui s’est produit. En Islande, les églises qui se sont les mieux développées sont des structures pyramidales qui savent particulièrement insister sur un individualisme de distinction qu’incarne la figure originale du Chef d’église, tandis qu’aux Féroé, les églises sont des communautés qui se sont davantage appuyées sur un individualisme de conformation où la figure exemplaire est celle de « l’homme bon ».

L’intériorité n’est pas non plus affaire de modernité. Elle est antérieure à la modernité et elle a toujours été plutôt bien pensée, souvent perçue comme un lieu réceptacle de choses susceptibles de la pénétrer, positivement ou négativement. Cette idée se retrouve fréquemment réemployée dans le protestantisme évangélique des églises pentecôtistes qui insistent sur l’idée de nourrir cette intériorité des choses positives (l’Esprit Saint) qui vont l’épanouir.

Dès lors, s’il y a bien effectivement dans la conversion un processus d’intériorisation qui

induit une conscience de sa propre personne et de son intentionnalité, ce processus n’incombe

pas au christianisme mais est accéléré par la modernité contemporaine où l’individu vit une

situation de « désengoncement ». Le lien fort d’affinité qui s’affirme aujourd’hui serait donc

moins celui qui associe le christianisme à la modernité que le religieux à la modernité. C’est par

exemple la perspective de Wouter Hanegraaff qui propose de penser la modernité non pas

comme une théorie du recul et de la marginalisation du religieux dans la société, mais plutôt

comme un fait historique de transformations et de métamorphoses au cours desquelles le

religieux n’est plus aussi strictement piloté par la religion institutionnelle de référence mais

accorde de la place à d’autres régimes d’autorités. Ceci lui permet d’interroger les raisons pour

lesquelles la magie a survécu à la modernité (2003). Le phénomène d’intériorisation-rupture-

modernité décrirait ainsi une tendance contemporaine de toute forme religieuse, le processus

en question étant une « technique mysticiste » qu’on retrouverait réquisitionnée à la fois dans les

monothéismes – l’islam notamment n’est pas en reste – comme dans des formes religieuses où

les cosmologies font intervenir plusieurs entités. Sur ce dernier point, la mise à plat des religions

à un dieu avec celles à plusieurs dieux nécessite encore un décloisonnement que

l’anthropologie religieuse n’a guère contribué à faire. Ainsi que le souligne Luc de Heusch

(2006), elle a plutôt longtemps forcé les distinctions entre par exemple les sociétés « à

possessions » qui ne pouvaient être aussi des sociétés « à chamanismes », lesquelles ne

pouvaient êtres des sociétés « à mystiques », etc. Ces catégorisations étanchéifiées ont suivi un

raisonnement par hiérarchisation du même type de celui qui voudrait que l’expérience

intérieure et intense qui révèle l’individu à lui-même ne puisse opérer qu’avec un seul dieu. Je

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10 rejoins sur ce point Luc de Heusch lorsqu’il suggère qu’il serait plus judicieux de penser les continuums et les variations/glissements plutôt que les catégorisations idéales typiques et étanches. Selon lui, il convient de saisir l’ensemble des techniques qui permettent aux hommes de tisser des relations avec des êtres invisibles (mystique, chamanisme, possession, etc.) et de les appréhender comme une palette de modalités dont ceux-ci font usage avec dosages et mélanges. L‘anthropologie de cette forme vorace de technique mysticiste est donc encore à faire. J’entends ici « technique mysticiste » comme une manière personnelle de se lier spirituellement avec le divin ou surnaturel. Cette technique, que Van Der Veer définit fort justement comme une « technology of the Self » (1996), surgit sitôt que doit naître une relation privilégiée entre deux êtres dont l’un est humain et l’autre invisible. Peu nous importe ici de savoir qui génère cette relation (laissons cela aux théologiens et aux positivistes) l’essentiel étant pour nous – en tant qu’observateur des choses sociales – d’interroger cette relation à chaque fois qu’elle a lieu. Or, cette relation – qui suppose toujours une très intense expérience intérieure – connaît un réel regain dans les sociétés actuelles qui connaissent les effets de la modernité. Mais une différence essentielle distingue cette forme de relation de celle d‘une

« passion de l’un » (Dierkens & Beyer de Ryke 2005) telle qu’on la trouve plus classiquement dans la mystique chrétienne. Ici les prétendants à l’expérience spirituelle ne cherchent plus à fusionner avec l’être divin pour disparaître en lui dans une jouissance de l’amour absolu. Chez eux, la valence de la liaison n’est plus celle de la fusion identificatrice, mais celle de l’alliance avec un partenaire, avec lequel ils forment un couple. En somme, par rapport au modèle de la mystique chrétienne, il y a inversion du sens de l’attraction puisque l‘individu n’est plus aspiré par l‘entité spirituelle qui l’absorbe (Dieu), mais il opère cette fameuse individuation, c’est-à- dire ce retour sur lui-même – à la supposée “vraie identité” ou “soi original” – via la relation tissée avec ce partenaire spirituel qui le révèle. Cette “technique mysticiste“ est en somme centrifuge, toute tournée vers l‘individu.

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