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La morphogenèse du nid chez les fourmis: une étude expérimentale et théorique chez la fourmi Lasius niger

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Academic year: 2021

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La morphogenèse du nid chez les fourmis:

une étude expérimentale et théorique chez la fourmi Lasius niger

Etienne Toffin

Thèse présentée en vue de l’obtention du grade académique de Docteur ès Sciences Directeur de thèse : Jean-Louis Deneubourg

Service d’Écologie Sociale Université libre de Bruxelles Septembre 2010

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III

Merci

à Jean-Louis Deneubourg, pour avoir su m’entourer de son savoir tout en laissant la place pour que j’exprime mes idées et mes réflexions. Merci à lui pour cette position qui invite à la créativité, à la recherche, qui invite à penser.

à Claire Detrain, pour sa présence en tant que co-auteur d’article et de présidente de mon comité d’accompagnement, prodiguant assistance et rigueur pour m’aider à maintenir le cap et à ne pas m’éloigner des échéances.

aux amis du labo et en particulier à Alex, Pablo, Anselmo et Bertrand, pour ces années d’échanges d’idées autour de nos recherches, mais aussi pour les liens d’amitié tissés au détour des journées de travail.

aux gars de l’atelier du NO, ces hommes de l’ombre, pour leurs coups de main précieux.

à toute ma famille, à mes parents, à mes beaux-parents et à mes amis, qui de près ou de loin, ont su m’entourer de leur soutien chaleureux, de leurs encouragements dans les moments de doute, et de leur affection précieuse tout au cours du temps. . .

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à Grand-Pa, mon beau-grand-père, qui portait toujours un regard inté- ressé et bienveillant sur mon travail. Désolé Grand-Pa, j’ai pas fini ma thèse à temps. . . mais j’ai enfin su mettre le point final dont vous m’aviez parlé.

à Rose, ma petite fleur de fille, pour son sourire qui chaque matin me pousse à aller de l’avant.

à Marie, ma femme, ma toute. Tu m’as accompagné dans cette épopée, interminable et tortueuse comme l’Odyssée, qui a eu parfois un amer goût de mésaventure tant elle a pu cannibaliser notre quotidien. Malgré cela, durant cette longue période où tant de questions et de doutes surviennent, ton amour et ta douce énergie m’ont toujours aidé à tenir bon et à (re)trouver un sens à tout ça. Maintenant ça y est Marie, c’est vraiment terminé, on peut y aller !

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V

À l’attention du lecteur non-averti

Si cette thèse de Doctorat est le sésame me permettant de défendre mes travaux et d’accéder au titre convoité, c’est le caractère didactique du texte qui aura servi de filigrane à la rédaction. Le corps du manuscrit (Chapitres3–6) est constitué d’articles publiés dans des revues spécialisées, ou encore en cours de rédaction. Ces chapitres sont rédigés en anglais et contiennent des termes et des méthodes de travail faisant référence à des concepts et à une base bibliographique spécifiques à la discipline rendant leur accès difficile pour des “non-initiés”. Pour pallier à cela, et dans un souci de partage et de diffusion à un public plus large, j’ai tenté de rédiger une introduction et une discussion qui permettraient à tout un chacun de mieux appréhender le sujet traité en le rendant plus tangible.

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VII

Crédit des illustrations

Seule une partie des photos illustrant l’introduction de la thèse sont de ma propre production. Dans les autres cas, le crédit photographique est bien évidemment mentionné. Ces photos sont pour la plupart protégées par copyright. Certaines d’entre elles sont pour leur part disponibles librement sur internet, notamment via le site de partage de photosFlickr, sous licence Creative Commonsc. Les droits et obligations qu’impliquent ces licences sont mentionnés par les pictogrammes suivants :

b Paternité

e Pas d’utilisation commerciale d Pas de modification

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Table des matières

1. Introduction 1

1.1. Fonction des nids . . . 2

1.1.1. Approvisionnement en nourriture . . . 2

1.1.2. Homéostasie des individus et de la colonie . . . 4

1.1.3. Protection contre les agressions . . . 7

1.2. Modularité des architectures. . . 8

1.3. Mécanismes de construction . . . 10

1.3.1. Les stimuli environnementaux . . . 12

1.3.2. Le gabarit. . . 13

1.3.3. La stigmergie . . . 15

1.3.4. L’auto-organisation. . . 16

1.3.5. Interactions entre les différents mécanismes . . . 22

1.4. Les nids de fourmis . . . 24

1.4.1. Les nids excavés . . . 25

1.4.2. Problématique . . . 28

1.5. Objectifs et organisation de la thèse . . . 32

Bibliographie . . . 35

2. Matériel et Méthodes 49 2.1. Fourmis . . . 49

2.1.1. Présentation de l’espèce . . . 49

2.1.2. Méthode d’élevage . . . 50

2.2. Préparation des fourmis avant les expériences . . . 51

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2.3. Dispositifs expérimentaux . . . 51

2.3.1. Creusement horizontal . . . 51

2.3.2. Creusement vertical . . . 53

2.3.3. Substrat de creusement . . . 55

2.4. Mise en place d’une expérience . . . 56

2.5. Mesure et analyse des données . . . 57

2.5.1. Détourage des photographies du nid . . . 57

2.5.2. Caractérisation de la morphologie du nid . . . 60

2.5.3. Analyse statistique . . . 63

Bibliographie . . . 64

3. Shape transition during nest digging in ants 67 3.1. Introduction. . . 70

3.2. Materials and methods. . . 71

3.2.1. Ants biology . . . 71

3.2.2. Digging setup. . . 72

3.2.3. Experimental measures . . . 72

3.2.4. Analysis of nest shape and morphological transition . 73 3.2.5. Statistical characterization of the transition point. . . 73

3.2.6. Comparison between 50 and 300 ants experiments . . 74

3.2.7. Simulations . . . 74

3.3. Results. . . 76

3.3.1. Excavation dynamics. . . 76

3.3.2. Morphological growth . . . 77

3.3.3. Simulations . . . 82

3.4. Discussion . . . 83

Bibliographie . . . 90

4. Excavated substrate modulates growth instability during nest buil- ding in ants 97 4.1. Introduction. . . 100

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TABLE DES MATIÈRES XI

4.2. Material and methods . . . 102

4.2.1. Ants . . . 102

4.2.2. Digging setup . . . 102

4.2.3. Experimental procedure . . . 104

4.2.4. Shape characterization . . . 104

4.2.5. Statistical analysis . . . 105

4.3. Results. . . 106

4.3.1. Morphological growth . . . 106

4.3.2. Excavation dynamics. . . 108

4.3.3. State change model . . . 111

4.3.4. Simulations . . . 116

4.3.5. Effect of density . . . 117

4.4. Discussion . . . 118

Bibliographie . . . 124

5. Template effect of gravity during nest morphogenesis in ants 131 5.1. Introduction. . . 134

5.2. Methods . . . 136

5.2.1. Ants . . . 136

5.2.2. Experimental setup. . . 137

5.2.3. Experimental procedure . . . 139

5.2.4. Shape characterization and statistical analysis. . . 140

5.3. Results. . . 142

5.3.1. Excavation dynamics. . . 142

5.3.2. Morphological transition. . . 144

5.3.3. Orientation of excavation. . . 146

5.3.4. Tip splitting. . . 147

5.4. Discussion . . . 151

Bibliographie . . . 156

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6. Theoretical study of nest morphogenesis under geometrical and den-

sity constraints 165

6.1. Introduction. . . 167

6.2. General Digging Model. . . 169

6.3. Global population and excavation dynamics . . . 173

6.4. Nest containing two cells. . . 175

6.4.1. Stability of isotropic growth. . . 175

6.4.2. Selection under constraints of negative feedbacks . . . 177

6.5. Nest composed of twenty cells . . . 180

6.6. Discussion . . . 182

Bibliographie . . . 185

7. Discussion 189 Bibliographie . . . 206

A. Annexes à l’article dePNAS 215 A.0.1. Individual cell size . . . 215

A.0.2. Digging dynamics equation . . . 216

A.0.3. Random choice of a cell . . . 219

Bibliographie . . . 221

B. Annexes à l’article deProceedings of the Royal Society B 223 B.1. Substrate characterization . . . 223

B.1.1. Simulations . . . 224

B.1.2. Determination ofη3andc3 values with simulations. . 226

Bibliographie . . . 227

C. Annexes à l’article pourJournal of Theoretical Biology 229 C.1. Estimation of pellet area. . . 229

D. Résultats d’expériences préliminaires réalisées durant la thèse 231 D.1. Augmentation de la population occupant le nid . . . 231

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TABLE DES MATIÈRES XIII

D.2. Effet de la taille du groupe sur la stabilité de l’activité . . . . 232 D.3. Effet de la distance de dépôt des excavats sur la structure du

nid . . . 232 Bibliographie . . . 235

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Chapitre 1.

Introduction

La construction d’abri est un comportement largement répandu dans le règne animal (Hansell, 2005). Les édifices produits sont d’une importance majeure de par la variété de leurs fonctions et de leurs propriétés. Le propos que nous développerons dans ce travail se concentrera sur la construction chez les insectes sociaux, et tout particulièrement les fourmis.

Les insectes sociaux sont connus pour l’organisation de leurs sociétés.

Ces dernières vivent dans des nids élaborés, dont la taille dépasse de très loin celle des individus qui les édifient, le rapport d’échelle pouvant atteindre 104 à105chez les termites du genreMacrotermes(Grassé,1984). Ces struc- tures offrent à l’ensemble de la colonie de nombreuses possibilités de régu- lation ou d’homéostasie1(Turner,2000). Une autre caractéristique majeure de ces architectures est le grand nombre d’individus impliqués dans leur élaboration. Cet aspect implique dés lors l’existence de mécanismes de co- ordination et de régulation de l’activité bâtisseuse.

1. L’homéostasie est la capacité que peut avoir un système à conserver son équilibre de fonctionnement en dépit des contraintes qui lui sont extérieures.

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1.1. Fonction des nids

Les différentes fonctions que peuvent remplir les nids des insectes so- ciaux peuvent être classées en trois grandes catégories : approvisionnement en nourriture, contrôle de l’homéostasie du groupe, protection face aux agressions extérieures.

1.1.1. Approvisionnement en nourriture

L’approvisionnement en nourriture des sociétés est grandement amélioré par différentes utilisations du nid, permettant de limiter les effets néfastes des périodes de disette (p. ex. hiver, sécheresse. . . ). Le nid autorise tout d’abord un stockage de nourriture. C’est le cas par exemple des abeilles, ou encore des fourmis. Les premières sont bien connues pour stocker du miel et du pollen dans leur ruche, ce qui leur permet notamment de passer la période hivernale (Michener,1974) (Fig.1.1a). Le stockage a lieu a proximité des larves chez Apis mellifera, alors qu’il est isolé dans des pots destinés à cet effet chezMeliponinae. Les secondes peuvent quant à elles conserver d’importantes récoltes de graines dans leurs nids qui servent alors de greniers (fourmis moissonneuses, p. ex. du genre Messor; Fig. 1.1b) (Délye,1971;

Tohmé,1972). Les fourmis de l’espèceSolenopsis invictaconservent même des proies séchées pour les consommer par la suite (Gayahan & Tschinkel, 2008). C’est dans la partie épigée du nid2, le dôme, qu’a lieu ce stockage, sa température élevée et sa faible hygrométrie en font un lieu de conservation idéal.

2. Un nid souterrain est systématiquement constitué d’une partie hypogée, ce terme définissant le nid situé sous la surface du sol. Il est aussi possible qu’une construction se développe à la surface du sol, que ce soit de manière active par construction ou passivement par le simple dépôt des déchets de l’excavation, on parle dans ce cas de structure épigée.

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INTRODUCTION 3

Figure 1.1.:Les nids procurent une sécurité par rapport à l’approvisionnement de la société en nourriture, permettantale stockage de miel et de pollen parApis mellifera(Photo©Helga R. Heilmann),bla création de grenier chez les fourmis du genreMessor (Messor minor hespi- rius, Photo ©Alexander Sonmark), c la capture de proies de très grande taille parAllomerus decemarticulatus – on voit apparaître par chaque orifice du tunnel la tête d’une ouvrière – (Photo©Jérome Orivel), ou encoredla culture de mycélium par les fourmis champi- gnonnistes (Photo©Alex Wild).

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Certaines espèces produisent quant à elle leur propre nourriture. Les fourmis du genre Atta vivent en symbiose avec un champignon qu’elles cultivent sur un compost de feuilles (Hölldobler & Wilson, 1990). Cette culture a lieu dans des chambres de dimensions importantes où l’on cultive exclusivement le champignon (Fig. 1.1d). De la même manière, de nom- breuses espèces de termites se nourrissent principalement d’un champignon qu’elles cultivent dans des chambres du nid appelées meules (Grassé,1984).

Enfin, la capture de proie est aussi possible au moyen de constructions élaborées par les ouvrières. La fourmiAllomerus decemarticulatus (Dejean et al., 2005) construit des tunnels sur les branches de la plante Hirtella physophora sur laquelle elle vit (Fig.1.1c). Ces structures sont constituées d’épines de l’arbuste, enchevêtrées et “collées” les unes aux autres au moyen d’un mycélium dont la fourmi assure le développement. Le piège se referme sur les proies (p. ex. criquet) qui ont le malheur de chevaucher la construc- tion : les mandibules des fourmis à l’abri dans le tunnel capturent la proie qu’elles écartèlent. Cette construction permet ainsi de capturer des proies de dimensions importantes.

1.1.2. Homéostasie des individus et de la colonie

Turner(2000) considère que les constructions animales sont une exten- sion de l’organisme de leurs occupants : la structure agit comme un organe supplémentaire qui sert d’intermédiaire avec l’extérieur afin de mieux réguler les échanges énergétiques avec le milieu environnant.

De nombreux nids permettent une régulation de leur climat interne. Par exemple, les termites du genre Macrotermes ou les fourmis du genre Atta font face à une nécessité de contrôle de l’atmosphère de leur nid. En effet, la culture massive du champignon dont ils s’alimentent est la source d’un intense dégagement de chaleur et de CO2qui doivent tous deux être évacués

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INTRODUCTION 5

(Fig.1.2a,b). Les termitières sont adaptées à cette nécessité de ventilation : les chambres à meule qui se trouvent au niveau du sol sont surmontées d’une multitude de canaux verticaux montant à travers la cheminée principale du nid. Cette cheminée est en contact avec les pores situés sur la surface externe de la termitière. L’air chaud émis par le champignon monte par convection, et s’échappe par les pores. Ce déplacement d’air chargé des déchets du mé- tabolisme permet alors une entrée d’air sain et riche en O2(Lüscher,1961).

Quant aux nids de fourmis, ils possèdent une multitude d’orifices menant vers l’extérieur, certains d’entre eux ayant une fonction inhalante, les autres une fonction exhalante (Fig.1.2c). C’est la dépression créée par les courants d’airs qui permet une aspiration de l’air chargé de CO2 vers l’extérieur et un renouvellement de l’atmosphère du nid (Kleineidam & Roces,2000;Klei- neidamet al.,2001).

La température à l’intérieur du nid est aussi très importante : si une croissance optimale du couvain3 nécessite des températures particulières, des températures trop basses ou trop élevées pourraient avoir des consé- quences néfastes pour la colonie (Porter,1988;Hölldobler & Wilson,1990).

Il est donc important de pouvoir faire face aux brusques variations de tem- pérature, tout en ayant la possibilité de prolonger dans le temps les condi- tions favorables à la colonie. Le dôme qui surmonte le nid de nombreuses espèces de fourmis joue un rôle d’accumulateur de chaleur (Fig.1.2d), en recevant les rayons du soleil, la quantité accumulée dépendant de son orienta- tion (Scherba,1962;MacKay & MacKay,1985;Cole,1994;Penick & Tschin- kel,2008;Vogtet al.,2008). Le déplacement du couvain au sein du nid ou du dôme, en fonction du moment de la journée et de la température, est alors un moyen de choisir activement des conditions optimales de tempé- rature (Cole,1994;Bollazzi & Roces,2002;Penick & Tschinkel,2008). Le

3. Le couvain désigne l’ensemble des membres d’une colonie d’insectes qui n’ont pas encore atteint leur état final. Ce terme s’applique à tout type d’insecte comme les fourmis et les abeilles avant leur éclosion. Le couvain est constitué des oeufs, des larves et des nymphes.

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Figure 1.2.:Le nid joue un rôle de tampon face aux variations de l’environne- ment et facilite le maintien de l’homéostasie de la colonie.a,bChez les termites du genreMacrotermes, les meules à champignon et les larves qui se trouvent tout en bas du nid produisent une importante quantité de chaleur, qui est évacuée par convection au moyen de canaux de ventilation (Fig. badaptée deDarlington,1984).c Une multitude d’orifices émergent du nid de la fourmiAtta vollenweideri, assumant le rôle de conduites d’aération (Photo©Alex Wild).dLe dôme entourant l’entrée du nid de la fourmi de feu (genreSolenop- sis) permet d’accumuler la chaleur du soleil et alors d’allonger la période profitable au développement du couvain (Photo©Christian Grantham).

dôme permet alors d’étendre la période (à l’échelle de la journée et des sai- sons) durant laquelle la température est propice à la colonie.

De la même manière,Messor ebeninuschoisit la profondeur qui correspond

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INTRODUCTION 7

le mieux à ses besoins en humidité, s’enfonçant plus en profondeur dans son nid lors de périodes sèches (Tohmé,1972).

1.1.3. Protection contre les agressions

Construire un nid permet aussi de protéger la société des menaces ex- térieures, notamment des prédateurs. Il aussi été montré chez les termites du genreCubitermesque le réseau de chambres et de galeries présentait une faible connectivité (Iniestoet al.,2001;Pernaet al.,2008a,b), ce qui permet, notamment par le scellement de certaines galeries (Dejean & Feneron,1999), d’isoler les zones infiltrées par des envahisseurs dont la progression se trouve endiguée (Deligne & Pasteels,1982). Chez la guêpePolybia emaciata, c’est le choix du matériau de construction qui permet d’améliorer la protection face aux prédateurs : cette espèce construit des nids en terre, contrairement àPolybia occidentalis qui utilise du papier. L’impact de ce changement de matériau se manifeste lors d’expériences durant lesquelles le nid est agité : P. occidentalisréagit systématiquement par des comportements d’attaque, alors que P. emaciata ne manifeste que rarement cette réaction au profit de la fuite vers l’intérieur du nid (O’Donnell & Jeanne, 2002). Ces résul- tats suggèrent que le changement de réaction aux agressions observé chezP.

emaciatas’est fait en réponse à l’utilisation d’un matériau de construction plus robuste.

Certaines architectures permettent aussi de limiter les dégâts liés aux aléas climatiques. Ainsi, le réseau de chambres et galeries excavées par la fourmiMessor sancta se révèle être relativement robuste à la destruction de nœuds (c.-à-d. toute intersection de galeries ; Buhl et al., 2004b) : la déconnection totale et l’isolement de portions du nid sont très rares et les ouvrières peuvent continuer à se déplacer dans l’ensemble de la structure.

Les conséquences des éboulements éventuels sont donc moins importantes

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pour la colonie. La fourmi champignonniste Mycocepurus smithii cultive quant à elle le mycélium de manière à ce que celui-ci ne touche jamais le fond de la chambre dans lequel il est cultivé (Rabelinget al.,2007). Cette organisation semble permettre de mettre hors-d’eau les cultures lorsque le nid est inondé.

Les différentes propriétés que nous venons de décrire sont sous-tendues par l’architecture des nids4. Nous allons donc procéder à une description sommaire de la variété architecturale des nids des insectes sociaux.

1.2. Modularité des architectures

Le nid des insectes sociaux est une structure modulaire constituée d’élé- ments architecturaux fondamentaux (Theraulazet al.,2003). Ces différentes pièces de base sont ensuite assemblées les unes aux autres en proportions et dispositions variables, de nombreuses espèces ayant une configuration qui leur est propre. Des modules identiques sont parfois assemblés en grand nombre et de manière répétée, formant une superstructure dont la taille dé- passe largement celle de ses constituants. Enfin, il arrive que des structures annexes se greffent à l’ensemble, apportant généralement des fonctionnalités propres et l’opportunité de manifester des comportements spécifiques origi- naux.

La majeure partie des guêpes sociales construit des cellules en papier. Ac- colées les unes aux autres, ces dernières forment alors une structure appelée rayon (Jeanne,1975) qui est généralement fixée sous un support (p. ex. une branche) au moyen d’un pédoncule. Le nid peut être constitué d’un unique

4. La morphologie des organes illustre bien ce lien forme-fonction : faible épaisseur des surfaces d’échange (peau, paroi intestinale), structure arborisée des organes sécré- toires (glandes, poumons – dès lors que l’on considère comme analogue à la sécrétion l’expulsion d’air par le poumon –), réseau dense et fortement interconnecté des organes à métabolisme important et impliquant des flux conséquents et largement distribués (foie, os).

(25)

INTRODUCTION 9

Figure 1.3.:Composés des mêmes modules de base, la cellule en papier, les nids peuvent revêtir une multitude de configurations qui sont bien souvent caractéristiques de l’espèce. C’est ainsi queale nid dePolistes galli- cusest composé d’un seul rayon de cellules surmontant un pédoncule (Photo©Nicolas Vereecken), alors quebcelui deAngiopolybia pal- lensest constitué de rayons horizontaux superposés et protégés par une enveloppe (Photo©Pablo Servigne).

rayon, comme c’est le cas dans le genrePolistes(Fig.1.3a), la croissance du nid ayant lieu par apposition de nouvelles cellules sur l’enveloppe extérieure et le renforcement du pédoncule. L’espèceAgelaia areataa complexifié cette architecture en “enroulant” le rayon de cellules, à mesure que celui-ci croît, autour de son support de fixation. Enfin, certaines espèces, telles queChar- tergus chartarius, produisent des nids bien plus imposants, composés d’une enveloppe extérieure abritant une superposition de compartiments horizon- taux contenant chacun un rayon (Fig.1.3b). Chaque étage communique avec les autres par un orifice central, l’orifice de la dernière cavité construite – la plus inférieure – constituant l’entrée du nid. L’extension de ce dernier se fait par l’ajout d’un nouveau rayon sur sa face inférieure, puis par le développement de l’enveloppe externe afin de clore l’édifice. Les guêpes du genre Polybia reproduisent une architecture similaire, mais en maçonnant l’enveloppe externe à l’aide d’argile.

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La partie hypogée des nids terricoles5 des termites et de fourmis est quant à elle constituée de chambres et de galeries (Grassé,1984;Hölldobler

& Wilson,1990). Ces éléments sont arrangés suivant des configurations al- lant d’une simple structure arborisée à une organisation en réseau (Tschin- kel, 2003). À ces éléments primordiaux s’ajoutent des structures annexes telles que les chambres à meule (termites ;Grassé, 1984) et à champignon (fourmi ;Verzaet al.,2007), nécessaires à la culture du mycélium et permet- tant un comportement prophylactique de compartimentation des cultures et des déchets.

L’espèce de termite Apicotermes lamani construit sous terre des nids que l’on qualifie de polycaliques (Grassé, 1984) : chaque nid est constitué de plusieurs sous-unités appelées calies que relient des tunnels de communi- cation (Fig. 1.4c). Chacune d’entre elles est de forme ovoïde et constituée d’argile maçonnée – une des signatures de la construction par les termites –, ce qui lui confère une grande robustesse (Fig.1.4a). L’intérieur de la calie est séparé en étages par des planchers horizontaux. Les termites changent de niveau au moyen de rampes obliques traversant parfois plusieurs étages successifs (Fig.1.4b). ChezApicotermes arquieri, ces rampes sont de forme hélicoïdale.

Les nids élaborés par les insectes sociaux comprennent donc des struc- tures fondamentales, dont l’agencement peut suivre une règle bien parti- culière. Les individus impliqués dans la construction obéissent donc à des mécanismes qui leur permettent de coordonner leur activité bâtisseuse.

1.3. Mécanismes de construction

Il est difficile d’imaginer que la construction collective d’un nid puisse avoir lieu selon un plan (blueprint) ou sous la direction d’un leader coor-

5. Par nid terricole, on entend les nids creusés dans le sol.

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INTRODUCTION 11

Figure 1.4.:Apicotermes lamani construit de vastes nids souterrains formés ad’une structure de base appelée calie (Photo©Gilles Mermet).b Celle-ci renferme une succession d’étages horizontaux qui sont inter- connectés au moyen de rampes de communication (Fig. adaptée de Desneux,1956).cPlusieurs calies (figurées en orange) sont connec- tées ensemble par des tunnels souterrains (Fig. adaptée deGrassé, 1984).

donnant l’activité. En effet, ces scénarios nécessitent une perception de la structure dans son ensemble, une comparaison du plan et de la réalisation, et la mise en place d’un comportement adapté aux différences constatées.

Considérant le grand nombre d’individus impliqués dans la construction, ces concepts se révèlent tout à fait inadaptés. En effet, de telles configurations impliqueraient dès lors l’existence de réseaux de communications complexes à mettre en place pour ces sociétés (Seeley,2002). De plus, la coordination

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par un leader sous-tend l’existence d’une hiérarchie de décision qui ne semble pas être observée chez ces insectes.

A contrario, il est communément accepté que la coordination et la ré- gulation de la construction se font sur base d’une perception locale de la qualité de l’environnement, la structure faisant elle-même partie du milieu.

Plusieurs grands mécanismes de coordination de l’activité de construction ont été proposés, permettant d’expliquer une grande variété d’architectures.

1.3.1. Les stimuli environnementaux

Le plus simple des mécanismes contrôlant l’activité repose sur l’exis- tence dans l’environnement de gradients d’origine chimique ou physique. Les individus réagissent à ces hétérogénéités en dirigeant leur travail d’excava- tion en direction des zones qui rencontrent leur préférence, et/ou au contraire éviter les milieux qui leur sont défavorables. Ainsi,Hangartner(1969) a mis en évidence chez la fourmiSolenopsis geminata une stimulation à l’excava- tion par le CO2, quand la concentration de celui-ci est suffisamment élevée mais pas toxique. La fourmiAcromyrmex ambiguusmontre quant à elle une tendance très stricte à obturer les orifices inhalants de son nid véhiculant un air sec. Ce comportement lié à la régulation climatique du nid est d’une grande importance dans la culture du mycélium qui exige une forte hygro- métrie. Il a aussi été montré chez cette même fourmi que la température du sol influence de manière très significative le comportement de creusement, notamment au niveau de la sélection du site où a lieu l’excavation (Bollazzi et al.,2008). Enfin, la fourmiMessor ebeninuspréfère continuer son travail d’excavation dans les zones ou le sol est plus humide (Tohmé,1972).

Ces préférences indiquent combien les individus sont sensibles à l’hétéro- généité du milieu environnant. De simples différences au sein du milieu d’un paramètre parmi de nombreux influençant la dynamique et l’orientation de

(29)

INTRODUCTION 13

la construction, peuvent alors avoir un effet important sur la morphologie du nid.

Ces réponses ne semblent en rien différentes de ce qu’on connait des espèces solitaires (Hansell,1984). Mais les hétérogénéités de l’environnement peuvent être à l’origine d’une coordination plus intense et plus structurée, via un mécanisme appelé gabarit.

1.3.2. Le gabarit

Le gabarit (template) repose sur l’existence d’une hétérogénéité au sein d’un milieu, à laquelle les individus répondent en manifestant une préfé- rence pour certaines qualités de l’environnement. L’hétérogénéité peut par exemple consister en un gradient de température, une zone plus chaude dont l’éloignement se traduit par une diminution de la température. Les mouches de l’espèce Phormia terranovae répondent à un tel gradient en s’arrêtant dans les zones où la température avoisine les 30C, formant alors un agré- gat (Camazineet al.,2001).A contrario, les zones de température plus élevée ou trop basse sont évitées par les insectes.

La construction de la loge royale par les termites de l’espèce Macro- termes subhyalinusest un exemple typique de l’utilisation d’un gabarit lors de la construction collective (Fig.1.5;Bruinsma,1979;Bonabeauet al.,1998; Camazineet al.,2001). Dans ce cas, les ouvriers construisent une chambre, la loge royale, qui isolera le couple royal de l’extérieur. La taille de cette loge est adaptée à la taille de la reine physogastre qui l’occupe. Pour cela, les termites impliqués dans la construction se basent sur le gradient de phéro- mones émises par la reine. Décroissant à mesure que l’on s’éloigne de cette dernière, la concentration de phéromone atteint une valeur seuil stimulant le dépôt par les ouvrières, les valeurs inférieures et supérieures ne provo- quant qu’une faible réponse. Ainsi, le dépôt des agglomérats de terre a lieu

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de façon préférentielle dans un cordon bien délimité autour de la reine, à une distance suffisante pour permettre le déplacement des termites autour de cette dernière. Le mur ainsi produit se déploie en trois dimensions, se voûte et finit par former une chambre totalement fermée.

Figure 1.5.:La chambre royale deMacrotermes suhyalinus, protégeant la reine physogastre se trouvant au centre. (Photo©François Malaisse)

Le gabarit est aussi observé chez les fourmis de l’espèceTemnothorax albipennis qui construisent leur nid dans une cavité où elles érigent un mur autour de la zone qu’elles occupent (Frankset al.,1992). Durant la construc- tion, la colonie qui compte quelques centaines d’individus forme un agrégat central. Les ouvrières impliquées dans la formation du mur d’enceinte re- viennent vers leurs congénères les mandibules chargées d’un caillou. Dès qu’elles ont atteint l’agrégat, elles font demi-tour et s’éloignent du groupe en prenant la direction opposée. Elles déposent alors leur charge à une dis- tance bien déterminée (environ la longueur d’une ouvrière) de la colonie dont le mur formé par les dépôts successifs épouse alors la forme. Progressi- vement, les dépôts se font sur le côté extérieur du mur, tout particulièrement

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INTRODUCTION 15

là où des cailloux ont déjà été déposés. Ce mécanisme de construction per- met aussi une augmentation de la taille du nid avec l’accroissement de la population qui l’occupe (Franks & Deneubourg,1997).

Aussi, bien que le gabarit puisse être couplé à des effets d’amplification, basés sur des règles comportementales telles que “je stationne là où mes congénères se trouvent” ou “je dépose ma charge là où d’autres ont été dé- posées”, ce phénomène peut être observé chez des individus isolés (cf.1.3.5).

1.3.3. La stigmergie

La stigmergie est un mécanisme de coordination de l’activité bâtisseuse qui a été proposé parGrassé(1959) pour expliquer la formation d’architec- tures élaborées. On distingue deux processus différents, qualifiés de stigmer- gies qualitative et quantitative.

La stigmergie qualitative repose sur l’association d’un comportement de construction donné à une configuration bien particulière de l’environne- ment. La structure en cours de construction sert ainsi de stimulus, qui invite les constructeurs à changer qualitativement de programme pour aboutir à une architecture donnée. C’est ce mécanisme qui serait à l’œuvre lorsque les guêpes construisent leur nid (Theraulaz & Bonabeau,1995a,b). Ces der- niers sont constitués d’unités fondamentales, les cellules, dont l’agencement les unes par rapport aux autres est une signature de l’espèce bâtisseuse.

Plusieurs ouvrières peuvent intervenir dans l’élaboration d’une cellule. Une fois celle-ci terminée, la configuration dans l’espace des cellules déjà fabri- quées indique où en débuter une nouvelle. De cette façon un motif fonda- mental se répète pour former la superstructure qu’est le nid.

La stigmergie quantitative correspond elle à l’amplification d’un com- portement par la construction. Par exemple, un termite tranportant un ag-

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glomérat d’argile a une probabilité de le déposer spontanément. Tout dépôt représente une hétérogénéité dans l’environnement qui va inciter les autres ouvriers à se débarrasser de leur charge à cet endroit. Aussi, la stimulation au dépôt augmente avec la taille de l’hétérogénéité : les dépôts successifs amplifient donc la croissance de cette hétérogénéité, qui devient de plus en plus attractive et prend la forme d’un pilier. Par ailleurs, si un autre pilier venait à se développer à proximité du premier, la construction s’orienterait alors sur une convergence des deux structures, par des dépôts localisés sur leur face supérieure, pour former une arche (Grassé,1959).

Ainsi, dans ces deux cas de stigmergie, c’est bien par l’état de l’envi- ronnement que se coordonne la construction du nid. Aussi, si tout comme le gabarit, la stigmergie qualitative peut avoir lieu même lorsqu’un individu construit seul, la réciproque est rare pour la stigmergie quantitative. En effet, la dilution dans l’environnement des dépôts d’un seul individu empêche le phénomène d’amplification et la focalisation de l’activité en un point donné, l’ensemble des dépôts se faisant alors de manière homogène dans l’espace.

1.3.4. L’auto-organisation

L’auto-organisation est une famille de mécanismes très largement ré- pandus, et que l’on retrouve dans une grande variété de systèmes, qu’ils soient de nature physique, chimique (Nicolis & Prigogine,1977) ou biolo- gique (Camazineet al.,2001). Par auto-organisation, nous entendons dire que certaines structures, telles que les rayures du zèbre ou les déplacements cohérents des bancs de poissons, résultent d’interactions locales avec le mi- lieu – la perception des individus étant toujours limitée à une partie de l’ensemble – et de nombreuses interactions entre individus, plutôt que d’une direction externe ou d’un contrôle global et centralisé. Ce concept a donc pour vocation d’expliquer, sur base des comportements observés au niveau

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INTRODUCTION 17

microscopique (échelle des molécules, des individus), comment des motifs structurés apparaissent au niveau macroscopique (échelle du système, sé- grégation des individus et de leur activité dans l’environnement).

Dans le cadre des sociétés animales, le système considéré doit rem- plir plusieurs conditions pour que puisse se mettre en place un phénomène d’auto-organisation.

- La réalisation d’un comportement par un individu stimule la répé- tition de cet acte par ses congénères. C’est ce qu’on appelle une boucle de rétroaction positive (positive feedback), et qui est à l’origine du phér- nomène d’amplification. Plusieurs signaux peuvent être à l’origine de ces boucles, comme par exemple l’émission de phéromones ou encore le dépôt de matériaux de construction en un point donné (cf.1.3.3).

- Un grand nombre d’interactions doit avoir lieu entre les individus.

Chez les insectes sociaux, le nombre des interactions dépend directement du nombre d’individus impliqués, on parle alors de phénomène densité- dépendant. Si la densité d’individus est trop faible, la boucle de rétro- action positive ne peut s’exprimer suffisamment pour que le système se structure à l’échelle macroscopique, aucun motif particulier n’apparait ; la dynamique du système peut aussi tout simplement s’éteindre, faute de stimulation suffisante des individus qui se consacre à une autre tâche.

- Une composante aléatoire doit exister à un niveau ou un autre dans le système (déplacement aléatoire des individus, erreurs, changement aléa- toire de comportement. . . ). C’est elle qui conduit à une exploration de nouvelles solutions, et permet au système de sortir de l’homogénéité et de former des structures ou encore d’en changer.

Dans la majorité de ces systèmes, une ou plusieurs boucles de rétroaction négative (negative feedback) limitent la dynamique du système, l’empêchant de s’emballer sous l’effet de la boucle positive. La compétition entre diffé- rentes zones d’activité se partageant un même groupe d’individus, ou encore

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l’épuisement des ressources limitant l’activité, peuvent être à l’origine de ces boucles négatives.

Avant l’avènement de l’auto-organisation dans le domaine biologique (Ca- mazineet al.,2001), plusieurs travaux s’étaient déjà penché sur l’impact de la taille du groupe sur l’efficacité au travail des individus et leur propension à participer à une tâche (Chen,1937a,b). Les différents effets observés ont été rassemblés sous le terme desocial facilitation(Clayton,1978). Par ailleurs, Grassé (1959) avaient montré dans ses travaux les effets d’amplification et de focalisation de l’activité en réponse à l’apparition d’hétérogénéités dans le milieu. L’auteur avait aussi souligné l’importance du nombre d’individus impliqués pour observer une structuration du travail (phénomène densité- dépendant). Ces différentes études présentaient, indépendamment les uns des autres, les différents ingrédients nécessaires à l’émergence d’un processus auto-organisé. Les mécanismes qualifiés d’auto-organisés n’ont été énoncés de manière cohérente et formelle que par après (Deneubourg & Goss,1989;

Bonabeauet al.,1997).

Une base auto-organisée a été mise en évidence dans de nombreux com- portement collectifs, parmi lesquels le fourragement ou la construction.

Le fourragement est une activité qui consiste en la collecte de nourri- ture pour la colonie. À une première phase d’exploration de l’environnement succède une phase d’exploitation des ressources alimentaires mises en évi- dence. Les sources de nourriture étant hétérogènes de par leur richesse et leur position par rapport au nid, des choix doivent se faire pour maximiser la profitabilité du fourragement. Ce sont entre autres les choix bien souvent

“rationnels” des insectes sociaux, c’est-à-dire menant (entre autres) à l’ex- ploitation exclusive des ressources les plus profitables (Pasteelset al.,1987;

Deneubourget al.,1990a;Beckerset al.,1992), qui ont amené à l’utilisation du terme d’intelligence collective.

Le fourragement par recrutement de masse est le plus répandu chez les four-

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INTRODUCTION 19

Figure 1.6.:L’auto-organisation est impliquée dans un grand nombre de phé- nomènes collectifs en biologie. a La fourmi Lasius niger est bien connue pour le recrutement de masse qu’elle opère lors du fourra- gement. Les phéromones déposées au retour de la collecte de nour- riture permettent de recruter et d’orienter des ouvrières vers la(es) source(s) alimentaires. b Lorsque le trafic d’ouvrières sur le pont remplis certaines conditions, le choix d’un chemin peut se mettre en place, même au sein d’un environnement homogène (Photos Audrey Dussutour).c–d Les fourmis du genreŒcophylla construisent des nids arboricoles constitués de feuilles collées par de la soie (Photos

©Alex Wild).eL’élaboration de ce nid passe par la formation, sur une base auto-organisée, de chaînes d’ouvrières afin de rapprocher les feuilles qui serviront de structure (Photos©Paul Martin).

mis et s’organise comme suit (Fig.1.6a). Lorsqu’une ouvrière découvre une source de nourriture, elle s’y alimente, en évaluant la qualité par la même occasion. Lors de son retour au nid, elle dépose sur le sol des phéromones en quantité proportionnelle à la richesse estimée de la source. Lorsque ses

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congénères sortent du nid pour participer au fourragement, ils se dirigent vers la source alimentaire en suivant la piste chimique, qu’ils renforceront en déposant des phéromones à leur retour. En cas de choix entre plusieurs sources de richesse différente (p. ex. différentes concentrations), la piste la plus concentrée en phéromones est sélectionnée, menant à l’exploitation de la source de nourriture la plus riche (Hölldobler & Wilson,1990).

La phéromone déposée par les fourmis est une substance chimique volatile, caractérisée par son temps de demi-vie. La piste doit donc être renforcée pour être maintenue : si la fréquence de dépôt venait à diminuer, l’exploi- tation de la source de nourriture peut cesser. La fréquence de dépôt peut diminuer notamment par un amoindrissement du flux de fourmis. De même, si trop peu de fourmis sont impliquées dans le fourragement, aucune sélec- tion ne peut émerger (Nicolis & Deneubourg,1999).A contrario, si le flux d’ouvrières est suffisamment important – mais sans pour autant générer de l’encombrement –, un choix de piste peut s’opérer, même en cas de sources de qualités similaires (Fig.1.6b). On se rend compte que la phéromone joue le rôle de mémoire de la colonie, une mémoire collective6.

Nous retrouvons donc ici les principaux ingrédients des systèmes auto-orga- nisés : une boucle positive basée sur le dépôt de phéromones attractives, l’évaporation de ces dernières constituant la boucle négative, et une dépen- dance de la sélection de source à la densité.

Chez les abeilles, on retrouve la même logique de recrutement vers les sources de nourriture, à la différence que la phéromone de piste est rem- placée par la danse des ouvrières. Cette danse permet à une exploratrice de recruter des congénères en leur indiquant la direction par rapport au soleil et la distance au nid d’une ressource alimentaire. Il s’avère que la pro- babilité d’effectuer la danse est proportionnelle à la richesse de la source (boucle positive). Aussi, la probabilité pour une abeille de cesser l’exploi-

6. Le terme mémoire est utilisé de manière analogue pour caractériser les propriétés systèmes physico-chimiques

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INTRODUCTION 21

tation d’une ressource pour suivre une autre abeille recruteuse augmente avec la pauvreté de la ressource (boucle negative). C’est le jeu de ces deux probabilités qui permet à la colonie de ne choisir que les sources les plus profitables (Camazine & Sneyd,1991;Seeley,1996).

Dans le domaine de la construction, la théorie de la stigmergie quanti- tative développée parGrassé(1959) rentre dans la famille des phénomènes auto-organisés. On y retrouve bien une dépendance à la densité d’individus, ainsi qu’une boucle négative basée sur la stimulation du dépôt de maté- riau de construction par les dépôts antérieurs.Bruinsma(1979) a pour sa part mis à jour l’existence d’une phéromone agissant sur la boucle néga- tive, mais constituant aussi une boucle négative de part son évaporation au cours du temps. L’analyse de Deneubourg (1977) montre bien qu’en considérant la construction chez les termites sous l’angle de mécanismes dits auto-organisés, il est possible de comprendre et de prédire l’émergence d’une structure organisée selon les conditions.

La construction du nid chez les fourmis arboricole du genreŒcophylla repose aussi sur un comportement auto-organisé (Fig. 1.6ce). Ces four- mis construisent des nids dans l’arbre qu’elles occupent en collant ensemble des feuilles, au moyen de la soie sécrétée par les larves (Ledoux,1950). Ces feuilles ne sont pas détachées de leur branche, mais simplement rapprochées les unes des autres. Pour cela, une ouvrière s’accroche au bord de la feuille supérieure. Elle sert alors de base à la formation d’une chaîne constituée d’autres fourmis accrochées les unes aux autres par les tarses : ce processus est qualifié d’auto-assemblage. Lorsque la chaîne atteint la seconde feuille située en contrebas de la première, la traction pour les rassembler peut être appliquée. La formation des chaînes est elle aussi gouvernée par des mé- canismes d’auto-organisation, puisque la probabilité de joindre une chaîne augmente avec sa taille (boucle positive) et la probabilité de la quitter di- minue avec le nombre de fourmis formant la chaîne (boucle négative) (Lioni

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& Deneubourg,2004). La densité d’ouvrières joue aussi un rôle majeur, la formation de chaîne nécessitant un flux d’arrivée suffisamment important.

1.3.5. Interactions entre les différents mécanismes

Les méthodes décrites ne sont pas compartimentées et étanches les unes aux autres. Au contraire, les mécanismes présentent entre eux un degré de recroisement plus ou moins important. Toutefois, ces quelques définitions permettent de découper le processus de construction et de décrire plus aisé- ment l’ensemble des méthodes utilisées pour coordonner le travail et aboutir à une architecture cohérente.

Aussi, comme certains exemples le montrent, les comportements qui entrent en jeu durant la construction du nid ne sont pas utilisés de manière exclusive pour cette activité. Leur simplicité en fait des “standards” que les insectes utilisent dans différents contextes (Theraulazet al.,2003). Un des comportements les plus versatiles est le couple prise/dépôt, que l’on retrouve dans la construction (Fig.1.6a, mais aussi dans le soin au couvain (Fig.1.6b; Franks & Sendova-Franks,1992), le transport de nourriture (Hart & Rat- nieks,2000) ou encore l’évacuation des déchets (Fig.1.6c;Theraulazet al., 2002). . . en somme dans toute activité impliquant un tri d’items (Deneu- bourget al.,1991).

De plus, ces règles de base peuvent aussi être associées les unes aux autres, créant avec un nombre restreint de comportements une multitude de réponses et d’architectures. Ainsi, Deneubourg avait proposé (1977) un mo- dèle théorique permettant de reproduire certains résultats deGrassé(1959) et de décrire chez les termites les conditions d’apparition dans un milieu homogène d’une structure globale cohérente, en l’occurrence des piliers ré- gulièrement distribués dans l’espace. Ce même modèle a été complété par la suite (Bonabeauet al.,1998) en y ajoutant des hétérogénéités dans l’en-

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INTRODUCTION 23

Figure 1.7.:Le comportement de prise et de dépôt est très répandu chez les four- mis, s’exprimant sur une grande variété d’items commeales excavats de sol (Lasius niger),ble couvain (Lasius niger; Photo Stéphanie Depickère) ou encorecles cadavres d’ouvrières (Pheidole pallidula; Photo c b e d McKillaboy). d L’agrégation d’ouvrières est aussi basée sur la même logique et présente des similitudes dans la distri- bution des agrégats.

vironnement, telles que des pistes chimiques, ou encore un flux d’air. Dans le cas des pistes chimiques, les termites construisent des murs bordant cette dernière, à cause d’une part du flux d’ouvrière et d’autre part de la phéro- mone qui inhibent tous deux le dépôt. Quant au courant d’air, ce dernier provoque une élongation des piliers qui se transforment en lames, telles que Grassé a pu les décrire.

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De la même manière, les travaux surTemnothorax ont montré que la formation de l’entrée des nids (construits selon un gabarit, cf.1.3.2), bien souvent unique, était due aux flux entrants et sortants d’ouvrières impli- quées dans la construction (Franks & Deneubourg,1997). Les trajectoires d’entrée et de sortie favorisées sont celles qui traversent les zones du murs en cours d’érection présentant une densité moindre en matériaux de construc- tion. Aussi, lorsqu’une ouvrière trouve sur sa route un caillou, sa tendance à le ramasser augmentera avec son degré d’isolation. Ainsi, certaines portions de mur voient leur densité en matériau diminuer, ce qui tend à amplifier le passage d’individus en ce point. Le flux d’ouvrières inhibant le dépôt de cailloux, au moins une entrée se maintien naturellement, de par la résis- tance qu’elle oppose à la construction. Cet exemple illustre bien comment, une structure peut être issue d’un même processus qui permet à la fois sa fabrication et l’exercice d’une fonction particulière (Fleury,2001).

Tout cela nous indique bien que la construction collective n’implique pas nécessairement de complexité comportementale pour expliquer des architec- tures diversifiées. Au contraire, ce sont des règles simples qui, combinées ensemble, génèrent une variété structurale.

1.4. Les nids de fourmis

Les fourmis sont représentées dans pratiquement tous les climats, s’éta- blissant dans une grande variété de milieux (Hölldobler & Wilson, 1990).

La diversité des nids reflète cette souplesse : nids arboricoles de carton, nids constitués d’un empilement de milliers d’aiguilles de conifère, nids instal- lés sous une pierre ou dans une cavité, nids souterrains. . . Notre travail se focalisera sur les nids terricoles, plus particulièrement leur partie hypogée.

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INTRODUCTION 25

1.4.1. Les nids excavés

Lors du creusement, les fourmis déposent les excavats à la surface du sol, formant la partie épigée du nid. La forme la plus simple que peut revêtir cette partie est celle d’un cratère régulier sur sol horizontal (Fig.1.6a;Weh- ner,1970;Tofilski & Ratnieks,2005;Verzaet al.,2007;Robinsonet al.,2008; Tofilski & Ratnieks,2008), qui est tronquée et prend l’allure d’un croissant quand le nid est excavé le long d’un pente (Frankset al., 2004;Tofilski &

Ratnieks, 2008). Aussi, si le dépôt a lieu sur un sol suffisamment humide (observation personnelle), la partie épigée a alors une architecture structure de type spongieux (Fig.1.6b,c;Cole,1994;Greenet al.,1999;Gayahan &

Tschinkel,2008), contenant son propre réseau de chambres et de galeries.

Des cheminées sont aussi obervées chez certaines espèces (Fig.1.6d;Klei- neidamet al.,2001;Cassillet al.,2002).

La partie hypogée du nid excavé a été très largement documentée chez les fourmis, révélant l’existence d’une grande diversité d’architectures. On trouve tout d’abord les nids présentant une architecture très stéréotypée et propre à l’espèce qui les habite (Tschinkel,1987,2003;Mikheyev & Tschin- kel, 2004; Solomon et al., 2004; Forti et al., 2007;Cerquera & Tschinkel, 2010), dont les chambres s’enchaînent avec une grande régularité, le long de galeries verticales et parfois même hélicoïdales (Fig.1.9). À l’opposé se trouvent les structures complexes, denses matrices de galeries et de chambres entrecroisées et interconnectées, à l’apparente désorganisation et imprédicti- bilité aux niveaux inter et intra-spécifiques (Wanget al.,1995;Cassillet al., 2002;Halleyet al.,2005). Bien entendu, ces extrêmes sont séparés par une continuité de structures variées (Délye,1971;Tohmé,1972;Tschinkel,2004, 2005; Rabelinget al.,2007; Verzaet al.,2007), au schéma supportant de plus ou moins grandes variations.

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Figure 1.8.:La partie épigée du nid revêt une multitude de formes, a dont la plus simple est un cratère régulier produit sur terrain sec (Photo

© Alex Wild). À mesure que l’humidité croît et se maintient, on peut observer l’apparitionbdes structures cohésives érigées,cvoire des piliers ouddes cheminées, autant de constructions intermédiaires des structures en éponge.

Toutefois, si bien des architectures semblent ne se rejoindre que par leur caractère imprévisible, plusieurs invariants semblent avoir été mis à jour. Ainsi, plusieurs études ont pu montrer chez différentes espèces une adéquation forte entre le volume du nid et le nombre de ses occupants, que ce soit sur le terrain (Mikheyev & Tschinkel,2004;Tschinkel,2004,2005) ou en laboratoire (Rasse & Deneubourg,2001;Buhlet al.,2004a;Halleyet al., 2005). Une diminution du nombre de chambres avec la profondeur a aussi été mise en évidence chez plusieurs espèces (Cassillet al.,2002;Tschinkel,2003;

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INTRODUCTION 27

Figure 1.9.:La diversité inter-spécifique des nids est très importante, et contraste avec la présence de structures redondantes telles que chambres et ga- leries. Nids deaAphaenogaster ashmaedi,bDorymyrmex bossutus, cPheidole morrissi,dAphaenogaster floridanus,ePogonomyrmex badius. Le repère blanc représente une longueur de 10 cm. (Photos c b e dWalter Tschinkel ;Tschinkel,2004;Tschinkel,2010).

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Mikheyev & Tschinkel,2004;Tschinkel,2004). Il s’avère donc que malgré un caractère apparemment imprévisible de l’excavation, les structures hypogées présentent une stabilité fonctionnelle, suggérant une régulation durant leur développement. Cette régulation semble être due à l’interaction entre la forme et le volume du nid et la dynamique de creusement (Deneubourg &

Franks,1995;Buhlet al.,2005). Il est donc nécessaire pour comprendre ces aspects de déterminer la morphogenèse du nid7.

1.4.2. Problématique

Aussi, malgré tout l’intérêt porté à cette question, la construction col- lective du nid hypogé chez les fourmis reste un phénomène opaque. Ce problème est en grande partie du à la nature souterraine de nids excavés, rendant l’observation durant leur élaboration impossible. Jusqu’à présent, l’étude de l’architecture des nids souterrains se cantonnait à la description de structures figées à un temps donné, obtenue par moulage au plâtre notam- ment (Williams & Lofgren, 1988;Tschinkel,2003;Mikheyev & Tschinkel, 2004;Cerquera & Tschinkel,2010;Tschinkel,2010). Certaines de ces études ont permis par un protocole judicieux de coupler étude architecturale et in- ventaire de population, décrivant la distribution des ouvrières et du couvain au sein du nid. Toutefois, la morphogenèse du nid reste inaccessible à ces méthodes, puisque la structure acquise ne reflète qu’un seul état du nid, qui n’existe plus une fois moulé. . . Des auteurs ont aussi essayé de palier à ce problème en photographiant la structure tridimensionnelle du nid à dif- férents moments en ayant recours à la tomographie8 (Halley et al.,2005;

Perna et al., 2008a). Cependant, aussi grands puissent être les avantages de cette méthode (rapidité de l’acquisition, protocole non destructif, grande

7. La morphogenèse est le processus dynamique de développement de formes. Ce terme s’applique dans différents champs, tels que l’embryologie, la géomorphologie, ou encore l’urbanisme

8. La tomographie est la technique d’imagerie à l’origine du scanner médical.

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INTRODUCTION 29

souplesse dans l’acquisition des mesures), l’intervalle de temps important séparant les mesures n’a pas permis aux auteurs de décrire précisément la morphogenèse du nid chez les fourmis.

Sudd s’est longuement penché au cours de travaux précis et d’une grande valeur sur la construction du nid souterrain, en utilisant des dispositifs de creusement en deux dimensions (2D) qui lui permettaient d’observer les com- portements constructeurs et l’évolution du nid au cours du temps. Il s’est notamment intéressé à la structure des galeries creusées par des individus isolés ou en duo (Sudd,1970a,b,1971), et à la quantification de l’effet de la gravité sur l’orientation durant le creusement (Sudd,1972). Si ces études ont permis de décrire précisément les comportements individuels de creusement des ouvrières, les tentatives de simulation informatique9mettant à profit ces mesures ont échoué à reproduire des structures proches de la réalité (Sudd, 1975). L’un des problèmes de la méthodologie de Sudd tient notamment à l’isolement complet des ouvrières, plusieurs travaux ayant montré la dépen- dance à la densité de nombreux phénomènes collectifs (Deneubourget al., 1990b;Detrainet al.,1991;Beekman et al.,2001;Couzin & Franks,2003;

Sempoet al.,2009;Theraulazet al., 2002;Dussutour et al., 2005). Aussi, l’approche générale de segmentation systématique d’un comportement col- lectif en comportement individuels empêche de voir le phénomène dans sa

9. Le terme de simulation désigne un procédé selon lequel on exécute un programme informatique sur un ordinateur en vue de simuler un phénomène réel, par exemple pour étudier l’usure d’un roulement à billes, produire des prévisions météorologiques ou en- core générer un comportement collectif. Dans ce dernier cas, les comportements des individus “virtuels” sont régis par un modèle, c’est-à-dire un ensemble de règles com- portementales, décrivant par exemple leur déplacement au sein d’un espace ou leur mode d’interaction avec leur environnement physique et/ou social. Lors d’une simulation, on définit alors au moyen de paramètres la qualité des comportements (p. ex. la vitesse de déplacement, le temps moyen de prise d’un grain lors de l’excavation, la sensibilité aux phéromones) et de l’environnement (p. ex. la taille moyenne des grains extraits, leur cohésion). Le degré d’adéquation entre les structures obtenues expérimentalement et celles générées par la simulation permet de mesurer la validité du modèle utilisé et donc d’estimer le niveau de compréhension du phénomène étudié. Une fois le modèle validé, il est alors possible de produire des prédictions, des résultats que l’on serait susceptible d’obtenir dans des conditions non encore investiguées par l’expérimentation.

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globalité et d’en comprendre les mécanismes à des niveaux dépassant celui des individus (échelle macroscopique).

Si les travaux de Buhl et al. (2004a,b, 2005, 2006) ont permis d’étu- dier en profondeur la dynamique de mise en place du réseau de galeries durant l’excavation, et à un niveau plus macroscopique, le protocole utilisé reste trop éloigné de la réalité naturelle (mouvement de creusement cen- tripète) pour espérer cerner le processus de morphogenèse à l’œuvre lors de la construction. Toutefois, les résultats obtenus par ces mêmes travaux, comme l’arrêt spontané de l’activité reproduit dans des simulations (Buhl et al.,2005), montrent bien que le parti pris d’étudier la construction d’un point de vue plus global, notamment au niveau dynamique, et en sortant de l’approche classique de description des seuls comportements individuels, peut être tout à fait adapté et apporter des résultats probants.

Enfin, les nids de fourmis arborent des structures qui présentent de nombreuses similarités visuelles avec certains systèmes physico-chimiques (Fig.1.10;Ball,1999). Par exemple, la séparation des galeries en branches évoque le phénomène de digitation de fluides visqueux (Kawaguchiet al., 1997,1998) ou celui de front de combustion (Ziket al.,1998). La structure spongieuse du dôme invite quant à elle à la comparaison avec des motifs tels que les structures de Turing (Rietkerk & van de Koppel, 2008). De telles similarités suggèrent que les seules contraintes mécanique et géométrique s’appliquant à la morphogenèse doivent jouer un rôle bien plus important que ce qui a été considéré jusqu’à présent, l’influence des comportements ayant reçu toute l’attention des études précédentes. Cette approche d’in- tégration des contraintes spatiales a déjà permis d’expliquer avec succès différents phénomènes collectifs, tels que la formation de cimetières chez les fourmis (Theraulazet al.,2002).

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INTRODUCTION 31

Figure 1.10.:La similitude entre certaines structures de nids et des phéno- mènes physique, chimique ou biologique est parfois frappante.

Ainsi, la présence d’embranchements sur certaines galeries par- tage invite à la comparaison avecales systèmes de digitation vis- queuse (d’aprèsKawaguchiet al.,1998),bles fronts de combustion (d’aprèsZiket al.,1998), la croissancecde coraux (d’aprèsMerks et al.,2003) ou dde bactéries (Photo©Eshel Ben-Jacob).e Les ébauches de structures en éponges présentent quant à elles un as- pect similaire à celui des brousses tigrées (Photo c b aNicolas Barbier)

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1.5. Objectifs et organisation de la thèse

Les objectifs de la thèse sont d’une part de caractériser la morphoge- nèse du nid souterrain chez les fourmis et en particulier Lasius niger, et d’autre part de déterminer les influences respectives des comportements et de l’environnement sur les étapes décrites.

De là, nous pouvons mettre en avant plusieurs questions et hypothèses de réponse à cette problématique :

1. La formation des modules de base de tout nid, les chambres et galeries, tient-elle d’un seul et même comportement de construction accompa- gné de transition au niveau collectif, ou y a-t-il un comportement de construction associé à chaque structure ? (Chapitre3)

2. Une grande diversité de morphologies découle de la variété des mi- lieux colonisés. À quels niveaux de la morphogenèse (p. ex. groupe de fourmis, comportements individuels, interactions entre ouvrières) la nature de l’environnement impacte-t-elle l’excavation pour provoquer l’apparition de cette variété de structures ? (Chapitres3,4&5) 3. Existe-t-il des invariants dans les mécanismes impliqués dans la construc-

tion du nid, quel que soit la nature du milieu ? (Chapitres3,4&5) 4. Le volume d’un nid est dépendant de la taille de la colonie qu’il abrite.

Quel impact le nombre d’ouvrières (Chapitres3&5) et la dynamique d’excavation (Chapitres3&4) ont-ils sur la morphogenèse du nid ? Nous avons tenté de répondre à ces questions en menant plusieurs études.

Tout d’abord, nous avons réalisé des expériences d’excavation de nids en 2 dimensions (2D) (Chapitre3), ce procédé permettant d’observer l’évo- lution de la forme du nid tout au long du creusement. Aussi, nous avons mené les expériences en utilisant deux tailles de groupe pour déterminer l’éventuelle dépendance à la densité du phénomène. Ces travaux ont été

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