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Arrêt cardio-respiratoire chez la femme enceinte

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Le Congrès

Médecins. Conférence d’essentiel © 2014 Sfar. Tous droits réservés.

Arrêt cardio-respiratoire chez la femme enceinte

El Mostafa Amine, Thibaut Rackelboom, Antoine Tesniere, Alexandre Mignon

Département d’Anesthésie Réanimation, Hôpital Cochin, Paris, Laboratoire de Simulation iLUMENS (www.ilumens.org)

Université Paris Descartes

Auteur correspondant : alexandre.mignon@me.com

Points essentiels

 L’arrêt cardiaque chez la femme enceinte est un évènement heureusement rare, estimé à 1 cas pour 20 000 grossesses par an. Il menace le pronostic vital de la mère et de son fœtus.

 Cet évènement expose les équipes soignantes à un stress intense auquel elles ne sont pas nécessairement bien préparées.

 Le pronostic maternel et fœtal de l’arrêt cardiaque intrahospitalier survenant dans la période du péripartum pourrait être meilleur que celui observé en dehors de ce contexte.

 Quatre grandes étiologies sont impliquées : l’hémorragie, l’embolie notamment amniotique, les cardiopathies incluant les maladies de l’aorte, et le sepsis.

 L’état de grossesse et les modifications physiologiques associées ont un impact sur la conduite à tenir.

 La réanimation cardio-pulmonaire n’a rien de spécifique, hormis qu’elle doit tenter de sauver le fœtus et sa mère par la réalisation d’une césarienne dite péri-mortem dans les 5 premières minutes de la survenue de l’arrêt circulatoire en l’absence de reprise d’une circulation spontanée.

 Cette intervention doit être réalisée en salle de naissance sans perdre de temps pour se rendre dans un bloc opératoire.

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 Des techniques d’assistance circulatoire peuvent également être utiles dans un second temps, ainsi qu’un management proactif du risque d’hémorragie et d’installation d’un syndrome de défaillance multiviscérale.

 Les équipes doivent se préparer à la survenue d’un tel accident. Des exercices de simulation, en équipe, sont utiles pour cela.

 La littérature obstétricale fournit des algorithmes et des check-lists pour bien se préparer à la survenue de cette situation de crise.

Introduction

Les arrêts cardio-respiratoires (ACR) de la femme enceinte surviennent habituellement chez des femmes jeunes, normalement en bonne santé. Ils sont heureusement très rares (environ 1 cas pour 20 000 grossesses et 1 cas pour 10 à 15 000 accouchements). Ils constituent bien sûr un drame pour la famille, ainsi qu’un niveau de stress majeur au sein des équipes soignantes, peu habituées à ce genre de situations. Deux êtres vivants sont en situation critique (la mère et le fœtus), ce qui met au défi ces équipes. Classiquement, la mortalité materno-fœtale est effroyable, surtout si bien sûr cet accident survient en préhospitalier. En revanche, la prise en charge à la maternité par des équipes sensibilisées et bien entrainées, surtout en salle de naissance, pourrait conduire à des résultats moins catastrophiques qu’attendus, en termes de survie maternelle du moins. Sans qu’on puisse relier les 2 pour l’instant, une étude conduite aux États-Unis sur 4843 arrêts cardiaques intrahospitaliers survenus entre 1998 et 2011 autour de l’accouchement, rapporte un taux de survie maternelle exceptionnellement bon, de près de 60 % [1]. Cette publication relevant des résultats meilleurs qu’attendus, mais susceptibles d’être encore améliorés, a été à la base de recommandations récentes de la Société

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Américaine d’Anesthésie Obstétricale (SOAP), elles mêmes établies à partir des recommandations formulées par l’ILCOR en 2010 [2-4].

Plusieurs spécificités de prise en charge d’un ACR survenant chez une femme enceinte doivent être connues :

 Les modifications physiologiques et anatomiques de la grossesse ont une implication directe sur la prise en charge, principalement l’absolue nécessité d’intuber immédiatement (avec parfois des difficultés, mais dont l’anticipation ne doit pas retarder le geste), et de tenter de limiter la compression aorto-cave gênant le retour veineux.

 Une démarche étiologique est essentielle pour guider la réanimation, et anticiper les complications (installation rapide d’un syndrome de défaillance multiviscérale et de troubles majeurs de l’hémostase en cas d’embolie amniotique, par exemple). Le pronostic est directement lié à la cause, à son diagnostic rapide, et aux mesures spécifiques mises en œuvre.

 Les patientes devraient pouvoir bénéficier d’une césarienne en extrême urgence, idéalement dans les 5 minutes suivant la survenue de l’inefficacité circulatoire. Cette césarienne « péri-mortem » effectuée en salle de naissance pourrait permettre de sauver le fœtus, et peut-être (bien que cela ne puisse être établi de manière définitive) améliorer le pronostic maternel.

 Enfin, la disponibilité d’un protocole, d’une modalité d’alerte spécifique (code rouge), la formation et l’entraînement des équipes médico-obstétricales sont impératifs pour tenter d’améliorer le respect des recommandations et le pronostic materno-foetal.

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L’incidence des arrêts cardiaques mortels pendant la grossesse est d’environ 1 pour 20 000 grossesses, soit une quarantaine de cas par an en France. On ne dispose pas des données concernant les arrêts cardiaques ayant survécu, ces données, du moins pour les ACR intrahospitaliers, pourront être approchées prochainement en ce qui concerne la France par les données de l’étude EPIMOMS qui a répertorié les ACR en 2013 pour 200 000 accouchements environ (1/4 des accouchements en France). Des données anciennes en France, issues de l’enquête sur la mortalité maternelle, avaient montré que les pratiques de réanimation n’étaient cependant probablement pas optimales, avec la crainte de faire comme pour tout ACR une défibrillation ou utiliser de l’adrénaline …

La nouveauté est venue des États-Unis avec l’étude de Myhre et al. [1] publiée en 2014 et rapportant le devenir de près de 5000 ACR survenus entre 1998 et 2011 dans ce pays dans le contexte d’une hospitalisation pour accouchement. A partir de l’analyse d’un registre d’hospitalisation couvrant environ 20 % des hospitalisations, le Nationwide Inpatient Sample (NIS), les auteurs ont pu décrire l’incidence des arrêts cardiaques, leur étiologie, et leurs devenirs. L’incidence est d’environ 1 pour 12 000 hospitalisations pour accouchement, et stable au cours du temps (14 ans). L’ACR concerne le plus souvent des femmes de plus de 35 ans, noires, de milieu socio-économique défavorisé, porteuses le plus souvent de pathologies sous-jacentes. Quatre grandes situations cliniques sont associées à la survenue de l’ACR : hémorragie, cardiopathie sous-jacente, embolie amniotique, sepsis. De manière intéressante, la survie est de 60 %, très supérieure à ce qui est connu de l’ACR intrahospitalier tout venant aux États-Unis en dehors du contexte obstétrical (20 %). Mieux, il s’améliore au cours du temps, sans qu’on puisse bien

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mesurer les causes de ce progrès. Le pronostic est bien sûr associé à la cause de l’ACR, dramatique pour la dissection aortique par exemple alors que très favorable pour des accidents de toxicité aux anesthésiques locaux ou lors d’un choc anaphylactique.

Tableau 1 : Cause d’ACR et survie hospitalière sur 4843 cas survenus aux

Etats-Unis entre 1998 et 2011, d’après [1].

Diagnostic n (%) Survie (%) Hémorragie du post-partum 1349 (28) 55 Hémorragie anté-partum 813 (17) 53 Cardiopathie 645 (13) 71 Embolie amniotique 645 (13) 52 Sepsis 544 (11) 47 Complications Anesthésie 379 (8) 82 Inhalation 346 (7) 83 Maladie veineuse TE 346 (7) 41 Prééclampsie/Éclampsie 296 (6) 76 AVC 212 (4) 40 Trauma 125 (3) 23

Syndrome Coronaire Aigu 150 (3) 56

Toxicité Mg 2+ 66 (1) 86

Dissection Aortique 14 (0) 0

Ce papier ne concerne que les données maternelles, et ne peut pas servir de base à une analyse détaillée des modalités de prise en charge, ni à celle du devenir maternel et néonatal si une césarienne péri-mortem par exemple a été entreprise. Il ne concerne également que les ACR déjà hospitalisés. Il a néanmoins le mérite de répertorier les grandes causes d’ACR autour de l’accouchement, et de mettre en place des démarches proactives de sensibilisation et de formation aux situations à risque et aux bonnes pratiques que nous allons maintenant détailler.

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Prise en charge

La prise en charge d’un ACR chez la femme enceinte comporte un certain nombre d’actions non spécifiques (Réanimation Cardio-Pulmonaire de base puis médicalisée, Basic CPR puis Advanced CPR), avec des considérations particulières liées à la présence d’un utérus gravide, d’un fœtus dont le terme est déterminant (viabilité ou non), et de l’endroit où il intervient [2-4]. En dehors de la salle de naissance, du bloc opératoire, des urgences à proximité immédiate de la maternité, voire dans le service de maternité, toute tentative de césarienne péri-mortem est illusoire.

Dans chaque cas en revanche, les modifications physiologiques liées à la grossesse et résumées sur la figure ci-dessous doivent être intégrées : airway plus difficile à gérer, risque accru d’inhalation rendant impératif l’intubation aussi rapidement que possible.

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Les premières mesures n’ont rien de spécifiques : noter l’heure, appeler à l’aide avec idéalement un code (code rouge par exemple qui permet d’avoir sur site en un seul appel tous les intervenants requis), faire venir le chariot d’urgence et la boîte d’instruments pour césarienne, mobiliser la ressource nécessaire, utile et suffisante, et démarrer immédiatement le massage cardiaque externe (MCE) sur plan dur et la RCP. Un défibrillateur automatique peut être apporté sur site et utilisé par les personnes sur place. Il est important de prévenir l’équipe de néonatologie, ce qui est malheureusement très souvent oublié en pratique clinique, et en simulation dans 50 à 80 des cas [5].

Figure 2.- Premières mesures d’après ILCOR 2010 et SOAP 2014 [2-4]

En l’absence de personnel médical, le massage cardiaque est privilégié, au rythme de 100 par minute, sans interruption (le moins possible), en enfonçant de 5 cm dans le thorax au moins, et en respectant l’alternance compression/décompression thoracique de 50/50 % du temps. A partir de 22 semaines d’aménorrhée (SA), les mains doivent être positionnées plus haut (2 à 3 cm) sur le sternum compte-tenu de l’ascension du cœur et des coupoles diaphragmatiques induite par l’utérus gravide, bien que cette recommandation ne soit issue que d’avis d’experts [4].

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La compression aorto-cave est limitée dans la mesure du possible et du faisable. En effet, dans la panique générale, la mise en décubitus latéral gauche suffisamment marquée pour avoir un réel effet (au moins 15 %) est souvent oubliée, voire mal faite. Elle peut être

remplacée par un déplacement latéral de l’utérus sur la gauche par un aide, à condition bien sûr que cette aide ne se fasse pas au détriment d’autres

actions plus importantes (aller chercher le chariot d’urgence, préparer le défibrillateur ou de l’adrénaline par exemple, organiser une césarienne sur place). La force délivrée sur la poitrine lors d’un MCE décroît avec l’augmentation de l’angulation par rapport au décubitus dorsal strict. Un angle n’excédant pas 30 % par rapport à l’horizontale est préconisé, afin de conserver 80 % de la force exercée. Plusieurs techniques ont été décrites pour réaliser cette angulation. L’utilisation d’une table inclinée à 25° sur la gauche (« the Cardiff wedge ») permet de lever la compression aorto-cave et d’améliorer ainsi l’efficacité du MCE effectué sur une surface dure. A défaut, la mise en décubitus latéral gauche peut être réalisée à l’aide de coussins que l’on cale dans le dos de la patiente. On peut également utiliser les genoux d’une tierce personne (« the human wedge »). Cette dernière technique a l’avantage de pouvoir être utilisée sans matériel, mais elle ne peut pas être maintenue si une défibrillation est nécessaire. C’est la raison pour laquelle la technique alternative actuellement recommandée est de récliner manuellement l’utérus gravide vers la gauche, en laissant la patiente enceinte en décubitus dorsal durant le MCE.

En cas de fibrillation ventriculaire ou de tachycardie ventriculaire avec inefficacité circulatoire, les chocs électriques externes (CEE) sont recommandés

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comme en dehors de la grossesse avec une efficacité équivalente. Il n’y a pas de modifications d’impédance thoracique susceptibles de changer l’intensité des chocs recommandés un par un toutes les 2 minutes en cas de rythme choquable.

Démarche étiologique

Un point déterminant et particulier de l’ACR chez la femme enceinte est l’absolue nécessité d’entreprendre en parallèle de la RCP une démarche étiologique qui dicte des mesures immédiates et parfois secondaires [1,4]. On l’a vu, 4 grandes étiologies dominent les causes d’ACR : l’hémorragie, la cardiopathie (ischémique, dilatée du péripartum, ou dissection aortique), la pathologie embolique particulièrement amniotique, et le sepsis.

Une situation particulière est celle de l’embolie amniotique [6]. Nous recommandons d’ailleurs une belle revue récente francophone sur ce sujet [7]. En effet, l’ACR survient dans ce contexte dans le cadre de l’apparition brutale chez une

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patiente le plus souvent sans antécédents, 3 fois sur 4 au cours du travail, d’un état de choc, d’une détresse respiratoire brutale, parfois de convulsions, et d’une CIVD massive et quasi immédiate. L’échographie cardiaque peut-être très utile, permettant par exemple de diagnostiquer la présence de matériel étranger dans le cœur droit, voire le tronc de l’artère pulmonaire. Elle peut permettre également d’observer une insuffisance ventriculaire droite, de la quantifier, et de discuter des diagnostics différentiels. La RCP peut permettre de récupérer une circulation spontanée, mais la situation peut se dégrader dans un deuxième temps, amenant à anticiper des difficultés hémorragiques et une insuffisance cardiaque globale, puis un syndrome de défaillance multiviscérale. Les techniques d’assistance circulatoire peuvent être indiquées dans ce contexte d’affection réversible et transitoire, en prenant contact avec des services spécialisés (mise en place possible par une unité mobile) [8].

D’autres causes plus rares d’ACR sont à évoquer : hypoxie, hypo/hyperkaliémie ou autres causes métaboliques, hypothermie, thrombose (coronarienne ou pulmonaire), pneumothorax suffocant, tamponnade, ou intoxications car elles requièrent des actions spécifiques qui peuvent être salvatrices comme par exemple :  arrêt de l’administration d’anesthésiques locaux, traitement par intralipides en cas

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 arrêt du magnésium et traitement immédiat par chlorure ou gluconate de calcium.

Extraction fœtale (césarienne péri-mortem)

Si l’inefficacité circulatoire persiste malgré une RCP conforme aux recommandations, il est recommandé d’extraire le fœtus en pratiquant une césarienne en extrême urgence, ou en profitant d’un travail très avancé et si les conditions le permettent, par une extraction instrumentale [4]. Les objectifs d’une telle extraction rapide sont de tenter de sauver le fœtus, restés le moins longtemps possible sans oxygénation, tout en faisant l’hypothèse que la réanimation maternelle puisse être facilitée par cette procédure. De nombreux cas publiés de césarienne péri-mortem insistent sur l’amélioration fréquente et marquée du débit cardiaque maternel une fois la césarienne effectuée, mais on ne peut exclure le biais de publication (on ne publie en effet le plus souvent que les « belles histoires »).

La levée précoce de la compression aorto-cave par la réalisation d’une césarienne en extrême urgence semble être un facteur déterminant de la réanimation cardio-pulmonaire de la femme enceinte. La SOAP indique ainsi qu’une césarienne « péri-mortem » de sauvetage doit être réalisée dans les 5 minutes suivant l’arrêt cardiaque. Elle serait associée à une meilleure survie maternelle et fœtale, permettant notamment d’améliorer le débit cardiaque dès la levée de la compression cave induite par l’extraction fœtale. Un autre bénéfice pourrait résider dans l’obtention d’un MCE plus efficace et une meilleure oxygénation par augmentation de la CRF. L’intervalle de temps entre la survenue de l’ACR et l’extraction fœtale est le facteur pronostique le plus important pour la survie fœtale, sans surprise. C’est la raison pour laquelle cette règle des 5 minutes s’impose, car

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elle laisse d’une part un minimum de temps pour tenter d’obtenir une reprise de la circulation spontanée versant maternel, de faire rapidement une démarche étiologique et de corriger les facteurs accessibles à un traitement, et enfin de s’organiser en faisant venir l’équipe et le matériel chirurgical.

Il ne peut y avoir bien entendu d’étude randomisée contrôlée sur un tel sujet, et c’est heureux. De nombreux cas cliniques ont été rapportés, avec biais de publication. Deux études rétrospectives ont particulièrement étudié le sujet, celles de Katz et celle de Dijkman. La revue de la littérature réalisée par Katz et al. [9 ]rapporte tous les cas de césarienne péri-mortem publiés de 1985 à 2004. Trente-huit procédures ont été identifiées, dont 30 ont permis d’obtenir 34 nouveau-nés initialement vivants entre 24 et 42 SA. Seules 8 des 38 césariennes ont été effectuées dans le délai de 5 minutes recommandé. Dix-sept nouveau-nés sur 34 n’ont pas eu de séquelles. Quatre avaient néanmoins été extraits plus de 15 minutes après l’ACR maternel. Des informations hémodynamiques ont pu être obtenues sur l’effet de la césarienne péri-mortem sur le plan maternel pour 22 patientes : 12 ont présenté une amélioration circulatoire importante voire spectaculaire (retour d’une pression artérielle) au décours immédiat de l’extraction fœtale. Pour 8 autres, aucune amélioration hémodynamique n’a été notée, mais la cause de l’ACR semblait irréversible. Il faut souligner que dans aucun de ces cas colligés, la césarienne péri-mortem n’a entraîné d’aggravation hémodynamique. L’étude de Dijkman et al. [10] porte sur le recueil exhaustif national des césariennes péri-mortem néerlandaises connues de 1993 à 2008. Cinquante-cinq parturientes ont présenté un ACR pré-partum réanimé. Parmi elles, seules 12 ont bénéficié d’une césarienne péri-mortem. Huit des 12 patientes ont récupéré une activité cardio-circulatoire avec in fine 2 patientes et 5 nouveau-nés ayant survécu. Aucune de ces césariennes n’a pu être

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effectuée dans le délai recommandé de 5 minutes après le début de la réanimation de l’ACR. Quatre patientes ont été transportées au bloc opératoire pour effectuer la césarienne, ce qui est certainement une perte de chance. Les résultats néerlandais ne sont donc pas aussi enthousiasmants que ceux rapportés par Katz, ce dernier ayant colligé probablement les meilleurs cas de la littérature. En revanche, ce qui est notable dans le registre hollandais, c’est que le nombre de césarienne péri-mortem a augmenté avec l’installation d’un protocole et d’une préparation par simulation dans les équipes, ce qui indique bien les marges de progrès possibles dans ce domaine de situations particulièrement critiques en obstétrique. Au total, les chances de survie fœtale sont faibles voire nulles si l’extraction intervient au-delà de 15 minutes de RCP. Malgré tout, une césarienne doit être tentée, car il n’y a pratiquement aucune chance de survie maternelle en l’absence d’extraction fœtale si les manœuvres classiques de réanimation n’ont pas rapidement permis de récupérer une circulation spontanée. Cette césarienne doit idéalement être effectuée en salle de naissance sans perte de temps de transport vers le bloc opératoire. Des travaux réalisés en simulation établissent bien à cet égard qu’on altère la qualité de réanimation pendant le transport qui constitue en plus une perte de temps [11. Du fait de sa rareté, une telle procédure doit bien entendu être discutée en amont entre les différents acteurs impliqués et faire l’objet d’un protocole écrit. Les recommandations conseillent d’effectuer cette césarienne péri-mortem à partir de 24 SA, terme d’une viabilité fœtale raisonnable. Des discussions existent pour proposer une extraction fœtale dès 22 SA, dont l’unique but serait alors d’améliorer le pronostic maternel par la levée de la compression aorto-cave [11].

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Bien que la survenue d’un arrêt cardiaque soit un événement exceptionnel et inattendu, il est important que les équipes y soient préparées afin d’organiser une prise en charge la plus rapide et coordonnée possible.

Des algorithmes de RCP devraient être affichés dans toutes les zones dites à « haut risque » d’arrêt cardiaque maternel (salles de naissances et de prépartum, salle d’urgence, blocs opératoires) et un kit stérile de césarienne en urgence doit pouvoir être disponible à tout moment et dans un lieu connu de tous. Une attention particulière doit être apportée au chronomètre : toute RCP bien menée mais inefficace après 4 minutes doit conduire à la réalisation d’une césarienne péri-mortem en extrême urgence, afin d’obtenir une extraction fœtale avant les 5 minutes fatidiques de « low-flow ». Une annonce régulière du temps écoulé depuis l’arrêt cardiaque par un membre de l’équipe soignante sera une aide précieuse pour éviter tout retard dans cette procédure.

Par ailleurs, cette situation heureusement rare est un paradigme pour la simulation haute fidélité multidisciplinaire [12-15]. Dans ce contexte dramatique, le temps est un facteur pronostique pour la survie maternelle et fœtale qui ne laisse aucune place à l’improvisation. Il faut une équipe entraînée à cette situation d’exception et une bonne coopération entre les différentes spécialités pour fournir un travail organisé et efficace. L’anesthésiste-réanimateur en obstétrique doit se préparer à devenir le « leader » naturel de l’équipe. Il est indispensable que les équipes médico-chirurgicales exerçant en obstétrique connaissent l’algorithme de prise en charge de l’AC chez la femme enceinte. De nombreux travaux en simulation haute fidélité ont été conduits, notamment par les équipes de New-York et Stanford, qui vont tous dans le même sens. Des exercices réguliers permettent une

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reconnaissance plus rapide de l’ACR, la mise en route plus efficace et également plus précoce d’une RCP, et les délais entre début de l’ACR et l’incision pour césarienne péri-mortem sont toujours statistiquement raccourcis. Un point non mesuré est probablement également l’effet de création d’un climat moins stressé en salle de naissance, plus favorable à une bonne coordination, voire la contribution apportée à la cohésion de groupe (teamwork) par ces exercices. L’effet réel sur la mortalité maternelle et fœtal est absolument non mesurable en l’état, même si bien sûr il ne peut qu’avoir des effets bénéfiques.

Tableau 3 : Résumé des actions à entreprendre (parfois entreprises simultanément

par plusieurs intervenants)

1 Appel à l’aide (Code)

2 Massage Cardiaque Externe sans interruption (changement toutes les 2 min) 3 Limitation de la Compression Aorto-Cave

4 Ventilation (au masque 30/2), puis après intubation (contrôle capnographie) 5 Choc Électrique (DAE ou Défibrillateur Manuel) si rythme choquable

6 Voie Veineuse

7 Réanimation médicamenteuse (adrénaline/amiodarone) 8 Extraction instrumentale ou Césarienne péri-mortem

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Références

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Tableau 1 : Cause d’ACR et survie hospitalière sur 4843 cas survenus aux Etats-
Figure 1.- Résumé des modifications physiologiques et conséquence pratiques
Tableau 3 : Résumé des actions à entreprendre (parfois entreprises simultanément
Tableau 4 : Check-list ACR en maternité (propositions de la SOAP [4])

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