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Turquie : changement de gouvernement ou changement de régime ?

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Submitted on 18 Mar 2013

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Turquie : changement de gouvernement ou changement de régime ?

Gilles Dorronsoro, Elise Massicard, Jean-François Pérouse

To cite this version:

Gilles Dorronsoro, Elise Massicard, Jean-François Pérouse. Turquie : changement de gouvernement

ou changement de régime ?. Critique Internationale, Presses de sciences po, 2003, pp.8-15. �halshs-

00801683�

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ecep Tayyip Erdogan, à la tête de l’AKP 1 , parti créé il y a à peine un an et demi, est le grand vainqueur des élections législatives du 3 novembre 2002. Pourtant, récemment condamné pour irrégularités dans la gestion de la municipalité d’Istanbul, Erdogan avait purgé quatre mois de prison en 1999 pour discours jugés séditieux. Cela n’a pas empêché un tiers des votants de voir en lui une alternative à des partis de gouvernement profondément discrédités. En outre, même s’il est issu de l’ancien parti Refah – interdit par la justice turque pour atteinte à l’ordre constitutionnel laïque – comme une grande partie des cadres de l’AKP, Erdogan a su désamorcer une question potentiellement explosive en refusant la référence à l’islam politique au profit d’un appel plus consensuel aux valeurs reli- gieuses, simplement présentées comme constitutives de la culture nationale.

L’état de grâce que connaît la nouvelle majorité ne concerne pas seulement la Turquie, mais aussi les pays étrangers, qui accueillent avec un calme bienveillant son arrivée au pouvoir. Il faut dire qu’Erdogan a donné des gages de continuité, aussi bien dans le domaine économique – ce qui explique la bonne tenue de la Bourse – qu’en politique étrangère, en affirmant notamment la permanence de l’alliance avec Israël et de l’objectif d’adhésion à l’Union européenne.

Les résultats des élections du 3 novembre représentent pourtant un changement majeur dans le paysage politique turc. Avec près de deux tiers des sièges et une solide légitimité politique, l’AKP peut envisager des réformes institutionnelles en profondeur. S’achemine-t-on vers un changement de régime en Turquie ?

Un suicide politique ?

Tout d’abord, pourquoi la coalition sortante a-t-elle convoqué des élections qui allaient s’avérer aussi désastreuses pour elle ? Un bref retour sur sa genèse peut

Turquie :

changement

de gouvernement ou changement de régime ?

par Gilles Dorronsoro, Élise Massicard et Jean-François Pérouse

Contre-jour

r

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éclairer cet apparent paradoxe. Cette coalition s’était constituée à la suite de la déci- sion des militaires turcs de mettre fin au cabinet DYP-Refah issu des élections de décembre 1995. Devant la nécessité de bâtir un nouveau gouvernement en juin 1997, les autres grands partis représentés au Parlement – DSP, MHP et ANAP – ont formé une alliance qui s’est ensuite trouvée prolongée après leur victoire « relative » aux élections de 1999 – aucun d’entre eux n’étant assez puissant pour pouvoir se passer des autres. Arrivé en tête avec le DSP, Bülent Ecevit conserva alors le poste de Premier ministre.

Cette coalition contrainte, entre un parti d’extrême droite, un parti nationaliste de gauche et un autre de centre-droit, ne disposait pas de programme bien défini.

Elle était en outre incapable de prendre des décisions rigoureuses concernant l’économie, alors que celle-ci souffrait d’un important endettement, d’une infla- tion galopante et d’un système bancaire au bord de la faillite. Cette paralysie gou- vernementale a entraîné une crise des changes particulièrement brutale en février 2001, la monnaie turque perdant 40 % de sa valeur face au dollar en une journée.

L’économie réelle a été durement touchée par une récession de 10 % en un an et plus d’un million de chômeurs supplémentaires. Face à cette crise économique sans précédent sous la République, la coalition n’est pas parvenue à faire preuve de cohésion et a programmé des élections anticipées, malgré des sondages concordants qui annonçaient des résultats désastreux pour tous les partis au pouvoir.

Ce suicide politique s’explique par la conjonction de conflits à l’intérieur des partis et d’anticipations erronées – teintées d’ambitions personnelles – quant aux réac- tions de l’électorat. À partir d’avril 2002, la maladie d’Ecevit cristallise l’opposition interne et externe à un leader vieillissant. Le ministre des Affaires étrangères, Ismail Cem, fonde le YTP 2 en pensant profiter du ralliement putatif du très popu- laire ministre chargé de l’économie, Kemal Dervis 3 , pour attirer des voix en cas d’élections anticipées 4 . Durant l’été 2002, les défections massives réduisent de moitié le nombre de députés du principal partenaire de la coalition. C’est donc d’abord d’un point de vue strictement arithmétique que celle-ci avait des difficultés à se maintenir au pouvoir. Le deuxième élément déterminant a été la décision du MHP de précipiter des élections, en raison d’une opposition idéologique à certaines mesures demandées par l’Union européenne – notamment l’abolition de la peine de mort, la mise en place d’émissions en kurde à la radio et à la télévision, et la possi- bilité d’enseigner cette langue. Il comptait ainsi profiter des élections anticipées pour rassembler l’opposition au projet d’adhésion à l’Union européenne, perspective largement acceptée par les autres partis. Tout comme ces derniers, le MHP a ainsi sous-estimé le discrédit des politiques au pouvoir et donné une occasion inespérée à l’opposition. Quant au troisième partenaire de la coalition, l’ANAP, il n’a pas pu s’opposer à ce mécanisme une fois qu’il était engagé, d’autant que les milieux patronaux, l’un de ses soutiens traditionnels, faisaient pression dans ce sens et

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qu’il était lui-même touché par une série de démissions affaiblissant son poids parlementaire.

Rejet des sortants, recomposition politique et polarisation

Dans ce contexte mouvant fait de défections, de perspectives d’alliances et d’incer- titude, la campagne a été brève et chaotique. Certains députés – principalement ceux ayant peu de chances d’être réélus, que leur parti soit mal placé dans les son- dages ou qu’il ne les ait pas désignés comme candidats – ont tenté jusqu’au dernier moment de former un nouveau gouvernement pour éviter les élections. Le 1 er octobre, soit seulement un mois avant le scrutin, un ultime vote assurait la vic- toire des partisans de la tenue d’élections anticipées (332 contre 204).

Les thèmes de la campagne ont d’abord été économiques. Différents milieux professionnels, notamment les PME et les travailleurs indépendants – qui for- maient une base électorale importante pour le DSP et le MHP – avaient montré leur inquiétude dès le printemps, par de larges manifestations. Pour imposer un autre agenda plus favorable à la coalition sortante, le MHP a voulu jouer la carte classique de la menace, notamment en agitant le spectre de la création d’un « État kurde » en Irak ; de même, le DSP a mis en avant le caractère « islamiste » de l’AKP ; dans les deux cas, cette stratégie n’a pas produit de résultats concluants. L’intérêt des débats politiques a été très faible, à la fois en raison de la tactique des candidats – qui ont évité les questions de fond 5 –, de l’impréparation généralisée et de la piètre qualité des chaînes turques généralistes, dont les journaux télévisés traitent essen- tiellement de faits divers, sanglants ou sportifs.

Quels enseignements tirer des résultats ? Tout d’abord, le taux de participation a été légèrement inférieur à ceux des scrutins précédents, même s’il reste relati- vement élevé 6 ; cela semble indiquer le rejet ou l’indécision des électeurs. Surtout, la volatilité de l’électorat paraît stupéfiante : le DSP passe de 22 % en 1999 à 1 % trois ans plus tard 7 . Les électeurs ont en effet envoyé un signal de rejet très clair à tous les partis au pouvoir. L’ANAP – parti dominant dans les années quatre- vingt avec Özal – n’a obtenu que 5 % des suffrages. Le MHP a été le seul parti sor- tant à résister relativement, en raison d’un réseau militant efficace et d’une certaine cohérence dans son discours ultra-nationaliste. Le DYP, bien que dans l’opposition depuis 1997, n’est pas parvenu – de peu il est vrai – à passer la barre des 10 %, ce qui tient peut-être à l’usure de son leader, Tansu Çiller, personnalité controversée.

Il n’a pas réussi à conserver ses positions, notamment dans le Sud-Est. À l’ouest du pays, il perd aussi des bastions comme Mugla et Aydin au profit du CHP. C’est plutôt dans les petites villes et les campagnes que l’ANAP et le DYP ont tenu bon, grâce aux notables locaux.

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Résultats électoraux aux législatives de 1999 et 2002, en pourcentage des suffrages exprimés

1999 2002

DSP 22,2 1,23

MHP 18 8,35

ANAP 13,2 5,09

DYP 12 9,55

CHP 8,7 19,4

GP - 7,25

HADEP 4,7 -

DEHAP - 6,2

FP 15,4 -

AKP - 34,31

SP - 2,5

En revanche, les bons résultats du Genç Parti (7,25 %) indiquent la perte de repères de l’électorat, notamment parmi les jeunes. Son fondateur et dirigeant, Cem Uzan, à la tête d’un important groupe industriel et de communication, s’est lancé dans la politique quelques mois avant les élections, probablement pour obtenir une immunité parlementaire 10 ou une protection gouvernementale. Il a en effet été condamné par la justice américaine à rembourser plus de deux milliards de dollars, escroqués à des entreprises américaines et européennes. Ce « Parti jeune », en fait largement constitué des employés du groupe, a développé un message populiste caricatural (nationaliste et anti-américain) qui a su séduire des électeurs souvent masculins, peu éduqués et pauvres. Novice en politique et sans programme, Cem Uzan n’a participé à aucun débat, ses meetings sont restés fermés aux journalistes n’appartenant pas à son groupe de médias 11 .

Ce vote-sanction à l’égard des partis au pouvoir 12 et, plus largement, des partis traditionnels était d’autant plus attirant qu’il existait une alternative dans chaque camp, à gauche avec le CHP, à droite avec l’AKP. La polarisation de l’électorat, qui a négligé – selon le principe bien connu du vote « utile » – les petits partis ayant peu de chances de passer la barre des 10 %, explique que seuls l’AKP et le CHP soient représentés au Parlement 13 . Cette polarisation peut être interprétée comme la conséquence du positionnement résolument centriste de l’AKP. Vainqueur incon- testé du scrutin, ce dernier a largement repris la stratégie qui avait fait le succès de Turgut Özal et de son parti, l’ANAP, dans les années quatre-vingt : un parti attrape- tout mordant sur le vote islamiste et de centre-droit. L’AKP a cherché et obtenu le soutien d’une partie des milieux d’affaires conservateurs et des classes moyennes tou- chées par la crise. Son discours conservateur lui a, semble-t-il, également valu l’appui d’une grande partie des confréries. Enfin, la personnalité d’Erdogan, tribun

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NB : après l’interdiction du FP 8 , deux mouvements lui ont succédé, le SP 9 et l’AKP.

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assagi construit en figure de victime, a été une véritable locomotive pour sa nou- velle formation. Son discours ambigu a permis à des électeurs de différentes sensi- bilités de se retrouver en lui : son passé islamiste, son origine populaire, son discours libéral en économie, tous ces aspects ont été habilement utilisés. De plus, il est apparu comme un martyr, cristallisant probablement les sentiments anti-establishment d’une grande partie de la population. De ce point de vue, la guérilla judiciaire contre lui a pu, paradoxalement, contribuer à sa victoire. Il existe évidemment un lien entre le succès de la stratégie de l’AKP et le recul sévère des partis de centre- droit qui avaient dominé la vie politique depuis les années quatre-vingt.

Ainsi, à l’ancienne division gauche-droite-islamiste succède une opposition gauche-droite, les deux camps étant cependant de force inégale. En effet, la gauche sort une nouvelle fois affaiblie de la consultation électorale. Malgré la présence un peu trompeuse du CHP comme unique parti d’opposition au pouvoir, l’addition des votes pour les partis de gauche montre un tassement qui les ramène autour de 25 % en comptant le DEHAP 14 . Le CHP ne parvient pas au niveau du DSP en 1999, et l’extrême gauche est électoralement inexistante. On semble là devant une ten- dance de long terme. L’origine du déclin de la gauche turque remonte au coup d’État de 1980 ; rappelons que les militaires, qui aiment aujourd’hui à se présenter comme les « garants de la laïcité », faisaient alors de la destruction de la gauche turque un objectif premier, notamment en appuyant les partis conservateurs et religieux.

Enfin, notons que la régionalisation des votes, tendance déjà remarquée lors des élections de 1999, s’affirme. La carte est de ce point de vue saisissante : le DEHAP confirme sa place de premier parti dans les départements du Sud-Est, alors que l’AKP arrive premier dans toute l’Anatolie et que le CHP domine la bordure méditer- ranéenne et égéenne, ainsi que les marges occidentales du pays. À Istanbul, ces deux derniers partis font des scores supérieurs à leur moyenne nationale.

Les élections précipitées de novembre 2002 ont donc entraîné un bouleversement du jeu politique, créant une situation combinant opportunités inédites et incertitudes.

Vers un changement de régime ?

D’une crise profonde du système politique naît une situation sans précédent qui pourrait entraîner son renouvellement. La première conséquence de la nouvelle donne est la disparition politique de la génération d’avant 1980. Ecevit a annoncé son retrait de la vie politique pour le printemps prochain et Erbakan, qui a obtenu moins de 5 % des voix dans son ancien fief de Konya, paraît également hors jeu.

Les leaders des partis de centre-droit, Çiller et Yilmaz, sont fortement ébranlés, même si le fonctionnement très centralisé et hiérarchique des partis turcs leur laisse une chance de conserver, à vrai dire très affaiblie, leur position. Une recom- position du centre-droit est en tout cas possible si ces deux leaders, dont les rela-

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tions personnelles sont exécrables, cèdent la place.

Dans ces conditions, le nouveau gouvernement se trouve dans une position de force pour imposer une ligne politique cohérente pendant plusieurs années, sans avoir à négocier avec des partenaires au sein d’une coalition. En effet, l’AKP, même en tenant compte des élections locales prévues dans un an et demi, a devant lui un mandat de cinq ans. Même si la tenue d’élections anticipées reste probable, une certaine stabilité gouvernementale semble installée. De plus, les défections sont moins à craindre que dans le Parlement précédent : il n’y a qu’un parti d’opposition, idéologiquement éloigné de l’AKP. Pour quelques mois au moins, le gouvernement jouit également d’un état de grâce, à la fois interne et sur la scène internationale.

Cette configuration favorable a pour premier effet d’entraîner des anticipations positives de la part des acteurs économiques, dont la bonne tenue de la Bourse est un signe. En outre, la politique d’austérité du gouvernement précédent commence peut-être à porter ses fruits, comme l’indique la remontée de la production indus- trielle. De plus, les institutions internationales et les États-Unis sont, depuis le début de la crise, très attentifs à ce que cet allié important des pays occidentaux, fronta- lier de l’Irak, ne soit pas déstabilisé. Il reste que l’AKP a été extrêmement flou sur ses intentions économiques, même s’il semble envisager un programme d’inspi- ration libérale, voire ultra-libérale, comme l’indiquent les premières déclarations annonçant une accélération des privatisations. L’état de grâce a pourtant des limites, au moins sur la scène internationale. Les déclarations de Giscard d’Estaing sur le caractère « non européen » de la Turquie n’interviennent pas par hasard, au moment précis où un parti largement considéré comme porteur de valeurs islamiques arrive au pouvoir. C’est donc « opportunément » que ce débat refait surface, ainsi que le courant d’opinion – souvent, mais pas exclusivement, conservateur – pour lequel conduire à bonne fin la candidature turque serait une erreur.

Il reste qu’en politique étrangère, les premières déclarations d’Erdogan, infa- tigable ambassadeur du nouveau gouvernement, vont dans le sens de la continuité et du respect des engagements pris. Même si le nouveau gouvernement dit vou- loir intensifier les relations commerciales avec les pays voisins comme l’Irak ou la Syrie – ce qui aurait des retombées positives pour l’économie des régions fronta- lières – cette démarche est très différente de celle d’Erbakan qui avait, une fois au pouvoir, tenté de promouvoir une « politique extérieure musulmane ». Celle-ci, marquée par l’amateurisme, avait été empêchée par les militaires, qui contrôlent largement les options extérieures de la Turquie. Le seul changement notable tient donc aux premières déclarations d’Erdogan sur Chypre, notamment les références à un « modèle belge », qui sont en rupture avec la ligne dure du gouvernement Ecevit. Malgré les démentis qui ont suivi, il semble que le nouveau gouvernement envisage de faire pression sur Denktas pour accélérer le règlement de la question chypriote, qui fragilise la candidature européenne de la Turquie.

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Le principal risque pour l’AKP paraît tenir aux tensions qui vont probablement émerger dans les prochains mois, surtout si le gouvernement envisage des réformes de fond. Pour la première fois depuis la période Özal, le nouveau gouvernement a la possibilité de faire évoluer de façon significative les équilibres institutionnels et politiques. Le premier problème tient au fait qu’Erdogan a vu sa candidature à la députation interdite, du fait de sa condamnation précédente. Il n’a donc pas pu être Premier ministre, et c’est le numéro deux de l’AKP, Abdüllah Gül, qui a été désigné comme tel par le président, sur proposition d’Erdogan. Des réformes institutionnelles sont possibles avec le soutien de députés indépendants ou du CHP. Ainsi, le système judiciaire, qui a fonctionné comme une machine à inter- dire les candidats ou les partis ces dernières années, va en partie passer sous le contrôle de l’AKP, avec de probables tensions au moment des nominations 15 . N’oublions pas, enfin, que l’AKP lui-même est encore sous le coup d’une demande d’interdiction de la part du procureur de la République.

Pour l’instant, le nouveau gouvernement est resté dans le vague, mais une véri- table réforme institutionnelle ne pourra que créer des oppositions dans certaines institutions dont le rôle est central depuis le coup d’État de 1980. Les relations avec l’armée sont bien sûr l’enjeu majeur. Erdogan a tiré les leçons de l’échec d’Erbakan ; en ce sens, il évitera probablement un affrontement direct avec l’armée. Mais la marge de manœuvre de celle-ci est également limitée, tant une intervention directe, ou indirecte comme en février 1997, détruirait la crédibilité de la Turquie. Quel sera le rôle du Conseil national de sécurité face à un gouvernement homogène, alors même que l’Union européenne critique la place de l’armée dans les processus décisionnels ? Il est probable que les dossiers économiques auront, au moins dans un premier temps, la priorité, à la fois parce que la demande des électeurs va dans ce sens, et parce qu’Erdogan a appris les dangers que l’on court à heurter de front les pouvoirs installés. ■

Gilles Dorronsoro est professeur de science politique à l’Université de Rennes, auteur de La révo- lution afghane, Paris, Karthala, 2000. E-mail : gdorrons@club-internet.fr

Élise Massicard enseigne la science politique à l’Université de Marmara (Istanbul). Elle est l’auteur d’une thèse à paraître sur la mobilisation alévie en Turquie et en Allemagne. E-mail : elise.massicard@laposte.net

Jean-François Pérouse est pensionnaire scientifique de l’Institut français d’études anatoliennes (Istan- bul). E-mail : jean-francois.perouse@ifea-istanbul.net

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1. Adalet ve Kalkinma Partisi, Parti de la justice et du développement.

2. Yeni Türkiye Partisi, Parti de la Nouvelle Turquie, se réclamant à la fois de la social-démocratie et du libéralisme.

3. Kemal Dervis, ancien fonctionnaire international à la Banque mondiale, avait été appelé à la rescousse par le gouvernement pour « sauver l’économie ».

4. Finalement, Kemal Dervis rejoindra le CHP.

5. Le seul débat important entre Erdogan et Baykal a été courtois, sans cependant apporter beaucoup de précisions sur le contenu des programmes.

6. Cela est habituel, notamment parce que l’abstention est punie d’une amende.

7. Le vote aux frontières des Turcs de l’étranger présente des variations de moindre ampleur. L’ANAP conserve par exemple son score de 1999.

8. Fazilet Partisi, Parti de la Vertu.

9. Saadet Partisi, Parti du Bonheur.

10. Il n’est pas seul dans ce cas : un certain nombre de nouveaux députés, en difficulté avec la justice nationale ou interna- tionale, ont obtenu l’immunité convoitée.

11. Sa chaîne télévisée, STAR, a d’ailleurs été fermée pour quelques jours en raison d’une couverture trop partiale des élections.

12. Le taux de renouvellement de l’Assemblée est de 90 %.

13. Cela signifie que 45 % des suffrages exprimés ne sont pas représentés au Parlement.

14. Le DEHAP est la réunion du parti pro-kurde HADEP et de deux petits partis d’extrême gauche.

15. Le ministre de la Justice a un pouvoir de nomination important.

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