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année- N° décembre

ISSN 0021-812X 5654 1992 Brux. X - Hebdomadaire

des ri bunaux

Editeurs: Maison LARCIER, s.a., rue des Minimes, 39- 1000 BRUXELLES

Edmond Picard (1881-1899)- Léon Hennebicq (1900-1940.)-Çbad~~ Vap. l{eepinghen (1944-1966)- Jean Dai (1966-1981)

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HORIZON 1992 <*>

LE MARCHE UNIQUE DES SERVICES FINANCIERS

L'établissement d'un marché unique dans ce domaine a pour principal but de permettre aux entreprises financières d'un Etat membre de s'installer dans un autre Etat membre et de leur assurer la liberté d'offrir leurs services sur l'en- semble du territoire de la Communauté. La libéralisation des services financiers ne doit toutefois pas mettre en danger la sécurité des épargnants, ni celle de l'ensemble des agents économiques. Le législateur communautaire doit, par conséquent, réaliser des compromis entre des intérêts. parfois divergents, au moins à court terme. Les parallèles avec le secteur des assurances apparaissent, à cet égard, fort étroits (1).

Le texte communautaire le plus important rela- tif au marché unique des services financiers est la deuxième directive 89/646 C.E.E. relative à la coordination de l'accès à l'activité des éta- blissements de crédit et à son exercice (2). En vertu de ce texte, les établissements de crédit se voient accorder un~ sorte de « laissez-passer » leur permettant de conduire leurs activités dans toute la Communauté en se reposant sur une seule autorisation accordée par les autorités compétentes de l'Etat membre d'origine. Cette directive doit être mise en vigueur par les Etats membres pour le 1er janvier 1993.

. Un système identique a d'ailleurs été suggéré pour les sociétés d'investissement. En 1989, la Commission a déposé une proposition de directive relative aux services d'investissement dans le domaine des valeurs mobilières qui continue à susciter de vifs· débats à l'heure actuelle (3). La Commission avait pour ambi-

(*) Voy. Fr. Dehousse et P. Demaret : « Marché unique, significations multiples », J. T., pp. 137 à 141; Fr. Dehousse et J.-M. Delporte: «Le marché unique des assurances », J. T., pp. 263 à 265; Fr.

Dehousse : « Le système communautaire de recon- naissance mutuelle des diplômes et qualifications, J. T., pp. 326 et 327; Fr. Dehousse : « Le marché unique des télécommunications », J. T., pp. 357 à 361; Fr. Dehousse : « Le marché unique des pro- duits pharmaceutiques », J. T., pp. 38~ à 386.

(1) Voy. le commentaire précédemment paru dans cette série : Fr. Dehousse et J .-M. Del porte, « Le marché unique des assurances », J. T., pp. 263 à 265.

(2) J.O. C.E., 1989, L 386.

(3) COM (89) 629; J.O. C.E., 1990, C 42.

tion initiale de mettre simultanément en appli- cation les textes relatifs aux institutions de crédit et aux sociétés d'investissement, afin de favoriser une concurrence tout à fait égale.

Quoiqu'un accord politique soit intervenu en juin 1992 sur les principales difficultés posées par la proposition sur les sociétés d'investisse- ment, ce vœu paraît compromis, eu égard à la lenteur des travaux législatifs dans ce domaine.

Le cadre législatif de la C.E.E. en matière de services financiers se présente, à l'heure ac- tuelle, de hi. manière suivante : les textes de base (§ 1er), les textes définissant le capital bancaire (§ 2), les règles de contrôle exercé sur les institutions de crédit par les autorités de supervision(§ 3) et les textes relatifs à certaines questions particulières (§ 4). Un commentaire séparé doit aussi être consacré au commerce des valeurs mobilières (§ 5).

Dans chacune des matières, il convient de dis- tinguer les textes en vigueur et les propositions actuellement en discussion. Un examen systé- matique montre, en effet, que la Commu- nauté, si elle a réalisé d'importants progrès,~

reste néanmoins encore à la recherche de solu- tions dans certains domaines essentiels.

§1er.- LES TEXTES DE BASE

1.1. ___, La directive générale de 1973 sur le droit d'établissement et la libre prestation de services Dès 1973, la directive 73/183 C.E.E. établissait une interdiction générale de discrimination entre les établissements nationaux et les éta- blissements communautaires dans tous les Etats membres (4). Cette directive s'appliquait à l'ensemble des professions financières. Ce- pendant, pour ce qui concerne la libre presta- tion de services, l'interdiction avait été limitée aux mouvements de capitaux libérés en vertu des directives de 1960 et 1962. Par ailleurs, l'interdiction des discriminations ne suffisait

(4) J.O.C.E., 1973, L 194.

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SOMMAIRE

1 Horizon 1992 : Le marché unique des services financiers,

par Fr. Dehousse et B. Dirick . . . .. . . 825 1 Responsabilité civile ~ Dommage moral -

Droit à la réparation intégrale -Non subordonné à la condition que la victime ait conscience du caractère compensatoire de l'indemnité

(Cass., 2e ch., 4 avril 1990- Prix du Journal des tribunaux, 1992 : « In dubio pro dementia ou de quelques aspects de la réparation du dommage moral subi par une personne handicapée mentalement », par L. Herve) . . . .. . . 829 1 Chronique judiciaire : L'installation

de M. le premier président V an de Walle - Coups de règle- La vie du Palais - Les deuils judiciaires - Bibliographie - Mouvement judiciaire.

.absolument pas au développement d'une réelle concurrence sur le marché communautaire, compte tenu des multiples obstacles réglemen- taires subsistants .

1.2. - La première directive de coordination bancaire

La première étape importante sur la voie de la liberté d'établissement et de prestation de ser- vices remonte à 1977 avec l'adoption de la directive 77/780 C.E.E. (5). Cette directive s'applique aux établissements de crédit dont elle donne une définition très large. Elle défi- nit, en effet, l'établissement de crédit comme toute « entreprise dont l'activité consiste à recevoir du public des dépôts ou d'autres fonds remboursables et à octroyer des crédits pour son propre compte ». Le champ d'application de la législation communautaire dépasse, par conséquent, le cadre purement bancaire. De manière régulière, la Commission publie une liste des établissements de crédit agréés conformément à la directive 771780 (6).

(5) J.O.C.E., 1977, L 322.

(6) Pour la dernière liste en date, voy. J.O.C.E., 1992,

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La directive 771780 C.E.E. avait pour princi- pal objectif le rapprochement des législations des Etats membres. A cette fin, elle fixait les conditions minimales devant être remplies par les établissements de crédit pour obtenir des autorités nationales l'autorisation d'exercer leur activité. Elle ne réglait pourtant pas de façon concrète et détaillée les conditions d'accès et d'exercice à l'activité d'établisse- ment de crédit. Elle présentait cependant le mérite d'énoncer déjà les principes fondamen- taux gouvernant la législation européenne dans ce domaine : la reconnaissance mutuelle, le contrôle par le pays d'origine et la réalisation d'un certain degré d'harmonisation.

1. 3. - La deuxième directive de coordination bancaire

Ces prinCipes ont été consacrés par l'adoption de la deuxième directive de coordination 89/646 Ç.E.E. définissant les principales règles concernant la liberté d'établissement et de prestations de services des établissements de crédit agréés dans un Etat membre et précisant le contrôle minimal à exercer. par les institu- tions de supervision.

A partir du 1er janvier 1993, un établissement de crédit agréé dans un Etat membre pourra exercer son activité dans n'importe quel autre Etat membre sans devoir obtenir un nouvel agrément, sans nouvelle exigence spécifique concernant le capital, et de façon générale sans conditions supplémentaires. Il s'agit là de la consécration du principe de la reconnaissance mutuelle. La directive énumère, dans son annexe, une liste d'activités qui sont suscepti- bles, pour autant qu'elles soient agréées dans un Etat membre, de bénéficier de cette recon- naissance mutuelle.

En outre, un établissement de crédit, une fois agréé, sera soumis uniquement aux autorités de supervision de l'Etat où il aura été agréé. Le pays d'origine possède donc toute autorité non seulement en matière d'accès à l'activité et de détermination des activités que l'établissement pourra exercer mais également en matière de surveillance et ceci, même pour les activités exercées, directement ou indirectement, en dehors des frontières de ce pays d'origine.

Le principe du contrôle· exclusif par le pays d'origine connaît cependant des exceptions.

Certaines dispositions de la deuxième directive 89/646 prévoient l'exercice d'une surveillance conjointe par les autorités compétentes des Etats membres et la directive établit clairement que les autorités compétentes doivent coopérer de façon étroite dans l'exercice de leur mission de surveillance. D'autre part, la recommanda- tion de la Commission relative à l'instauration de système de garantie des dépôts établit une compétence exclusive du pays où l'activité de dépôt s'exerce (7). La proposition de directive présentée sur ce point en 1992 par la Commis- sion a cependant modifié quelque peu cette orientation en prévoyant d'autoriser les suc- cursales de banques étrangères à adhérer au système de protection de l'Etat dans lequel elles opèrent.

La consécration du contrôle exercé par les

autorités du pays d'origine et de la reconnais- sance rimtuelle suppose évidemment une cer- taine harmonisation des législations nationales

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relatives aux conditions d'octroi de l'agrément et aux règles applicables à la surveillance des établissements de crédit. Les règles applicables ont pour principal objectif de renforcer la pro- tection des déposants et la stabilité financière des établissements de crédit en général. Il con- vient que la reconnaissance mutuelle du con- trôle exercé par les autorités du pays d'origine ne remette pas ces objectifs en cause. Bien évi- demment, ceci concerne ava!J,t tout les exigen- ces relatives au capital des établissements de crédit.

§ 2.

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DES ETABLISSE,~NJS DE CREDIT

De ce point de vue, il convient tout d'abord d'indiquer que la deuxième directive 89/646 établit une exigence de capitalisation minimale applicable aux nouveaux établissements de crédit. Cette exigence part d'un montant mini- mal de 1.000.000 d'écus pour des catégories particulières d'établissement (coopératives, so- ciétés de construction) pour atteindre un mon- tant maximal de 5.000.000 d'écus.

Allant plus loin, la directive 89/299 C.E.E. sur les fonds propres a harmonisé la définition des fonds propres des établissements de crédit et déterminé la façon dont ces fonds doivent être calculés (8). La directive distingue les fonds propres de base, c'est-à-dire ceux dont l'éta- blissement de crédit a la maîtrise (tels que le capital et les réserves) des fonds propres com- plémentaires. Ces derniers, ne possédant pas la même qualité que les fonds propres de base, ne peuvent être inclus dans le calcul des fonds propres pour un montant supérieur à 100 OJo des fonds propres de base. En outre, certains éléments des fonds propres complémentaires doivent être limités à 50 % des fonds propres de base.

Récemment, ·1a Commission a adopté deux directives modifiant la directive 89/229. La directive 91/633 C.E.E. fixe définitivement la question de l'affectation des fonds pour iis- ques bancaires généraux, qui avait été provi- soirement laissée en suspens, en les incluant dans la catégorie des fonds propres de base (9).

Ensuite, la directive 92/16 C.E.E. a modifé la directive 89/299 sur deux points très diffé- rents (10). D'une part, elle permet aux établis- sements de crédit hypothécaire danois se trans- formant en sociétés anonymes de considérer, pendant une période transitoire, les engage- ments solidaires de leurs membres comme fonds propres. D'autre part, beaucoup plus fondamentalement, la nouvelle directive trans- fère les compétences d'exécution de la directive 89/299 du Conseil à la Commission, assistée par un comité de représentants des Etats membres.

La.directive 89/647 C.E.E. complète la direc..:

tive 89/299 C.E.E., en imposant aux établisse- ments de crédit le maintien d'un ratio de solva- bilité (11). Elle vise à maintenir un équilibre entre les risques supportés par les ·établisse- (8) J.O.C.E., 1989, L 124.

(9) J.O.C.E., 1991, L 339.

(10) J.O.C.E., 1992, L 75.

(11) J.O.C.E., 1989, L 386.

inents de crédits et leur couverture financière.

Elle définit les conditions dans lesquelles les fonds propres couvrent les « éléments à ris- que » des établissements de crédit et prévoit à cet effet une pondération des actifs et des élé- ments hors bilan de ces établissements en fonc- tion du degré de risque de crédit. Un ratio de 8 % est requis à partir du 1er janvier 1993 avec possibilité pour les Etats membres-d'imposer un ratio minimal plus élevé.

Il existe, enfin, une proposition de directive sur l'adéquation des fonds propres des entreprises d'investissement et des établissements de crédit. Elle constitue un complément technique à la proposition de directive sur les services . d'investissement (12). Elle a été récemment modifiée afin de tenir compte des avis du Comité économique et social et du Parlement européen (13). Cette proposition vise, d'une part, à fixer les montants minimaux de fonds propres à détenir par les entreprises d'investis- sement qui ne sont pas des établissements de crédit. Le capital initial exigé devrait se monter à un minimum de 500.000 écus pour les entre- prises qui ne détiennent pas les avoirs de leurs clients. Deux autres niveaux (100.000 écus et 500.000 écus) ont été prévus selon le type d'ac- tivité exercé par les sociétés. La proposition- vise, d'autre part, à établir les fonds propres afférents aux risques de marché dont les éta- blissements de crédit doivent disposer, en par- ticulier pour s'engager dans des opérations sur valeurs mobilières.

Il s'agit d'un texte difficile à établir. Il doit, en effet, concilier la nécessité de protéger les investisseurs et la stabilité du système financier pris dans son ensemblè avec le ~ouci de ne pas imposer aux entreprises d'investissement et aux établissement de crédit des exigences qui pourraient nuire à leur compétitivité sur le marché international. Or, celui-ci traverse à l'heure actuelle des mutations considérables.

un· accord politique sur cette proposition a cependant été conclu en juin 1992, en même temps que l'accord sur la proposition relative à la libéralisation des services financiers. On peut raisonnablement s'attendre, par con- séquent, à une accélération du processus légis- latif.

. . .

§ 3. ___;_ }jE.t'Xl~'J'ROLE DES ETABLISSEMENTS DE CREDIT

3 .1. - L'étendue du principe de surveillance consolidée

Le législateur communautaire a adopté de nombreuses mesures visant à contrôler les éta- blissements de crédit et les sociétés d'investisse- ment. Tout d'abord, la directive 83/350 C.E.E. impose une supervision consolidée des groupes bancaires dans chaque hypothèse où un établissement de crédit détient plus de 25 % du capital d'un autre (14). Toutefois, cette directive n'établit une obligation de supervi- sion que lorsque l'entreprise mère est un éta- blissement de crédit.

(12) COM (90) 141; J.O.C.E., 1990, C 152.

(13) COM (92) 13; J.O.C.E., 1992, C 50.

(14) J.O.C.E., 1983, L 193.

(3)

Tout récemment, le Conseil des ministres a adopté la directive 92/30 C.E:E. sur la surveil- lance des établissements de crédit sur une base consolidée (15). Ce nouveau texte remplace la directive de 1983 et élargit de façon considéra- ble le champ d'application du contrôle pruden- tiel (16). Son objectif général consiste à renfor- cer la protection des déposants en permettant aux autorités de contrôle d'avoir une vision plus complète de la solvabilité des établisse- ments de crédit qui appartiennent à des grou- pes bancaires et financiers de structure com- plexe.

La directive comble tout d'abord la lacune de la directive de 1983 et étend l'obligation de surveillance sur base consolidée dans les cas où l'entreprise mère n'est pas un établissement de crédit mais une« compagnie financière ».Par là, on entend une entreprise dont l'activité exclusive ou principale consiste à détenir des participations dans des établissements de crédit ou des établissements financiers. Dans le cas où l'entreprise mère n'est ni un établissement de crédit ni une compagnie financière mais une compagnie mixte, c'est-à-dire qu'elle exerce d'autres activités que des activités financières mais dont une des filiales au moins est un éta- blissement de crédit, les autorités_compétentes auront la possibilité de réclamer les informa~

ti ons permettant de surveiller l'établissement de crédit.

Ensuite, la directive 92/30 précise que l'auto- rité de contrôle devant exercer la surveillance sera celle du pays où le groupe effectue l'essen- tiel de ses opérations. Elle précise également les méthodes de consolidation et définit l'objet de la surveillance, à savoir essentiellement la sol- vabilité et les limites des grands risques. En- fin, la directive renforce la coopération et l'échange d'informations entre les autorités de surveillance. Il faut cependant noter que le sys- tème mis en place par la directive ne prévoit pas la possibilité de surveiller sur une base con- solidée les grands groupes financiers ( compre- nant des compagnies d'assurances, par exem- ple).

Il existe également une directive 89/117 C.E.E.

qui définit certaines obligations de publicité et d'informations pour les succursales, établies dans un Etat membre, d'établissements de crédit ou d'établissements financiers ayant leur siège social hors de cet Etat membre (17).

3 .2. - La comptabilité bancaire La directive 86/635 C.E.E. harmonise la struc- . ture, la nomenclature et la terminologie des

comptes annuels et des comptes consolidés des banques et autres institutions financières de la Communauté (18). Ce texte définit le contenu des divers postes du bilan et du hors-bilan en tenant compte des spécificités de l'activité d'établissement de crédit. Il prévoit, par exem- ple, la possibilité de créer un poste de « fonds pour risques bancaires généraux ».

Dès 1988, par ailleurs, la Commission a déposé une proposition de règlement du Conseil con- cernant les garanties émises par des établisse- (15) J.O.C.E., 1992, L 110.

(16) Voy.les propositions successives de la Commis- sion : COM (90) 451; J.O. C.E., 1990, C 315; COM (91) 491; J.O.C.E., 1991, C 332.

(17) J.O.C.E., 1989, L 44.

(18) J.O.C.E., 1986, L 372.

ments de crédit ou des entreprises d'assuran- ces (19). Cette proposition a été modifiée en janvier 1991 afin de prendre en considération les amendements du Parlement européen. La nouvelle version permet à l'autorité publique exigeant une garantie de refuser le garant si elle a des raisons de douter de sa solidité financiè- re (20). -

3. 3. - La surveillance des grands risques Dès 1986, la Commission avait adopté une recommandation relative à la surveillance et au contrôle des grands risques des établissements de crédit (21). En 1991, elle a poursuivi sur sa lancée en déposant une proposition de direc- tive sur la surveillance et le contrôle des grands risques (22). Ce texte a pour objectif essentiel de répartir les risques assumés par les établisse- ments de crédit de telle sorte que la défaillance de l'un de leurs clients ne puisse les mettre en difficulté. La proposition de la Commission a subi quelques modifications en 1992 (23).

La proposition prévoit que les risques placés sur un seul client ne peuvent en aucun cas dépasser 25 OJo des fonds propres de l'établisse- ment de crédit au sens de la directive 89/229 C.E.E .. Tout risque dépassant 10 %des fonds propres de l'établissement de crédit serait con- sidéré comme un« grand risque »et le total de ces grands risques ne pourrait en aucun cas dépasser 800 % des fonds propres. La proposi- tion prévoit la possibilité d'octroyer certaines exemption à l'application de ces limites dans le cas de crédits interbancaires et ne couvre pas '-les risques pris à l'égard des administrations centrales, des banques centrales et des institu- tions européennes.

3 .4. - Le blanchiment des capitaux Il existe aussi une directive 91/308 C.E.E., sur le blanchiment des capitaux (24). Déposée en 1990, la proposition de la Commission visait à rendre obligatoire le signalement des opérations financières suspectes pouvant résul- ter du trafic de .la drogue, du terrorisme ou d'autres crimes (25). A la suite des réactions du Parlement européen et du Conseil, la Com- mission a présenté une proposition plus préci- se (26). Elle a ainsi permis 1 'adoption rapide de la directive 911308 C.E.E. (27). Ce texte impose aux institutions de crédit de demander l'identité des personnes pour lesquelles elles interviennent sur des montants de plus de 15.000 écus et de conserver les dossiers relatifs à toutes transactions pendant cinq ans. Les ins- titutions financières ont une obligation de noti- fier toute transaction qui leur paraît suspecte et de prendre toutes les mesùres nécessaires afin de combattre les opérations de blanchiment des capitaux.

(19) COM (88) 805; J.O.C.E., 1989, C 51.

(20) COM (90) 567; J.O.C.E., 1991, C 53.

(21) J.O.C.E., 1987~ L 33.

(22) COM (91) 68; J.O.C.E., 1991, C 123.

(23) COM (92) 273; J.O.C.E., 1992, C 175.

(24) J.O.C.E., 1991, L 166.

(25) COM (90) 106; J.O.C.E., 1990, C 319.

(26) CQM (90) 593; J.O.C.E., 1990, C 319.

(27) J.O.C.E., 1991, L 166.

3. 5. - Les systèmes de garantie des dépôts En 1986, la Commission a présenté une recom- mandation relative aux systèmes de garantie des dépôts existant dans la plupart des Etats membres (28). Ce texte recommande le respect de plusieurs exigences minimales concernant l'instauration de ces systèmes. Ces systèmes devraient garantir une indemnisation raison- nable aux déposants, couvrir tous les dépôts effectués auprès d'organismes de crédit agréés et définir clairement les critères et formalités nécessaires pour bénéficier de cette indemni- sation.

Après l'affaire de la B.C.C.I., les autorités communautaires semblent avoir mesuré l'in- suffisance des contrôles existants. Aussi, en 1992, la Commission a présenté une proposi- tion de directive visant à coordonner les dispo- sitions législatives, réglementaires et adminis- tratives relatives aux systèmes de garantie des dépôts (29). Cette proposition vise à protéger l'ensemble des déposants d'un établissement de crédit dans tous les Etats de la Commu- nauté. Elle fixe un niveau minimal de garantie de 15.000 écus par déposant. Les Etats mem- bres peuvent prévoir une garantie supérieure et, dans ce cas, comme on l'a vu plus haut, afin d'éviter des distorsions de concurrence, les suc- cursales d'établissements étrangers peuvent adhérer au système du pays d'implantation.

Enfin, une proposition de directive a égale- ment été déposée depuis longtemps par la Commission afin d'instaurer des mesures ·spé- cifiques en matière d'assainissement et de liquidation, spécialement nécessaires au cas où un établissement a des succursales dans d'au- tres Etats membres (30). Même si elle a suscité récemment un renouveau d'intérêt après l'af- faire de la B.C.C.I., cette proposition n'a plus fait l'objet de discussions ou d'améliorations depuis longtemps au sein des institutions com- munautaires.

§ 4. - QUESTIONS' PARTICULIERES

4.1. - Les formes particulières de crédit Il convient de mentionner d'abord les deux

· recommandations de la Commission relatives à l'utilisation des cartes de crédit. La première recommandation 87/598 C.E.E. de 1987 a pour but l'établissement d'un code européen de bonne conduite en matière de paiements électroniques (31). La deuxième recommanda- tion 88/590 C.E.E. concerne les relations entre les émetteurs et les détenteurs des cartes de paiement (32). Les recommandations de la Commission dans ce domaine visent essentiel- lement à la protection des détenteurs de cartes de paiement qui devraient recevoir une infor- mation adéquate concernant leurs droits et obligations.

(28) J.O.C.E., 1987, L 33.

(29) COM (92) 188; J.O.C.E., 1992, C 163.

(30) COM (85) 788, amendé ultérieurement par le COM (88) 4; J.O.C.E., 1988, C 36.

(31) J.O.C.E., 1987, L365.

(32) J.O. C.E., 1988, L 317.

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Subsiste également une proposition de direc- tive de 1987, concernant la liberté d'établisse- ment et de prestation de services dans le domaine du crédit hypothécaire (33), qui va faire prochainement l'objet de nouvelles discussions au sein des institutions communau- taires. Cette matière pose d'importantes ques- tions techniques eu égard à la diversité des législations nationales. Elle soulève, en outre, comme la plupart des matières qui doivent encore être réglementées au niveau commu-.

nautaire, la délicate question de savoir jus- qu' où la protection des consommateurs doit être poussée.

Depuis plusieurs années, une directive 87/102 C.E.E. a entamé l'harmonisation des législa- . tions sur le crédit à la consommation (34). Elle

a pour but d'assurer une meilleure protection des consommateurs. A cette fin, elle contient des dispositions concernant l'obligation d'éta- blir un contrat écrit constatant l'octroi du crédit, l'obligation de signaler le taux de char- gement annuel applicable au crédit ou le coût total du crédit ou d'informer le consommateur avant la conclusion du contrat des conditions dans lesquelles il peut y mettre fin. Ce texte a été modifié en 1990 par une nouvelle directive 90/88 C.E.E. (35).

4.2. -Les paiements transfrontaliers Une recommandation de la Commission de 1990 invite, par ailleurs, les Etats membres à favoriser la transparence des conditions ban- caires applicables aux transactions transfron- tali,ères (36). Elle recommande, en particulier, une information appropriée du consommateur sur le système de facturation utilisé pour ces transactions assurant· notamment l'indication du taux de change et de la commission à payer.

On notera que la Commission a présenté en septembre 1990 un document de discussion.

consacré aux paiements dans le marché inté- rieur européen (37). Ce document devait pré- parer les mesures destinées à faciliter les paie- ments transfrontaliers dans le cadre du marché unique et dans la perspective de l'Union écono- mique et monétaire. En mars 1991, la Commis- sion a adopté un rapport intérimaire sur la question (38). En 1992, enfin, elle a présenté un nouveau programme de travail visant à faciliter les paiements dans la Communau- té (39).

Ce programme s'articule autour de trois points. D'abord, il vise à aider le secteur privé à élaborer de meilleurs systèmes par l'harmoni- sation des règles contractuelles et techniques, la clarification des règles de concurrence appli- cables aux institutions financières cherchant à établir des réseaux transfrontaliers, la simplifi- cation de l'accès aux moyens de télécommuni- cations permettant les paiements transfronta- liers et l'assouplissement des exigences de déclarations de mouvements de fonds mainte- nues pour des raisons statistiques. Ensuite, la

(33) COM (87) 255.

(34) J.O.C.E., 1987, L 42.

(35) J.O.C.E., 1990, L 61.

(36) J.O.C.E., 1990, L 67.

(37) COM (90) 447.

(38) SEC (91) 493.

(39) SEC (92) 621.

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Commission se propose de contribuer à certai- nes initiatives publiques par le financement d'études visant notamment à déterminer les améliorations à apporter pour améliorer les paiements transfrontaliers au sein de la Com- munauté. Enfin, la Commission a éJahlLune

<< Charte des utiiisateurs communautaires ».

Reprenant cinq recommandations, ce docu- ment tend à renforcer les initiatives bancaires visant à accroître le droit des consommateurs d'exiger un service mieux adapté à leurs besoins et aussi rapide que pour les paiements effectués à l'intérieur des frontières nationales.

Même sous la forme d'un instrument non juridiquement contraignant, l'initiative de la Commission peut cependant être accueillie comme un développement favorable sur la voie de la facilitation des paiements et donc des échanges communautaires.

§ 5. -~Ç(J~ERCE DES VALEURS MOBILIERES

5 .1. - Les' anciennes mesures Dès 1977, la Commission avait adopté une recommandation qui définissait un code de conduite dans le commerce des valeurs mobi- lières (40). Très vite, cette recommandation s'est révélée insuffisante: Aussi, plusieurs directives ont été adoptées par les institutions communautaires au cours des années suivan- tes. La directive 79/279 C.E.E. a établi certai- nes conditions d'admission en bourse (41). La -directive 80/390 C.E.E. a défini plusieurs rè-

gles concernant le prospectus d'admission en bourse (42). La directive 82/121 C.E.E. a imposé la publication d'un rapport semestriel aux sociétés cotées en bourse (43). Enfin, en 1985, la directive 85/611 C.E.E. a établi le principe du contrôle du pays d'origine sur les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (O.P.C.V.M.). Elle définit égale- ment plusieurs règles générales concernant le fonctionnement de ces organismes (44).

5 .2. - Les mesures prises dans le cadre du marché unique A partir de 1987, dans le cadre de la réalisation du marché unique, plusieurs directives ont consacré le principe de la reconnaissance mutuelle dans la réglementation du commerce des valeurs mobilières. La directive 87/345 C.E.E. a, par exemple, défini les conditions de reconnaissance mutuelle des prospectus d'ad- . mission à la cote d'une bourse de valeur (45).

La directive 89/298 C.E.E. a fait de même pour les prospectus d'offre publique de valeurs mobilières (46). Enfin, la directive 80/390 C.E.E. établit l'équivalence du prospectus

(40) J.O.C.E., 1977, L 212.

(41) J.O.C.E., 1979, L-'66.

(42) J.O.C.E., 1980, L 100.

(43) J.O.C.E., 1982, L 48.

(44) J.O.C.E., 1985, L 375.

(45) J.O.C.E., 1987, L 135.

(46) J.O. C.E., 1989, L 124.

d'offre publique et du prospectus d'admission à la cote d'une bourse de valeurs (47).

Plusieurs textes communautaires ont trait à des problèmes essentiels des marchés boursiers.

Ainsi, la directive 88/627 C.E.E. définit les règles applicables aux cessions de volumes importants d'actions (48). Elle vise évidem- ment à garantir une transparence suffisante du marché, ce qui ne correspond pas nécessaire- ment aux traditions de certains Etats membres.

Par ailleurs, la directive 89/592 C.E.E. a défini certaines règles relatives au problème grave de l'insider trading (49). Enfin, en 1988, la Com- mission a présenté une proposition de direc- tive relative aux offres publiques d'achat ou d'échange (50). La proposition vise à fixer un seuil imposant l'obligation de présenter une offre publique d'achat ou d'échange, ainsi qu'à définir un document d'offre. Cette pro- position a été modifiée en 1990 (51).

Enfin, en juin 1992, le Conseil des ministres a, on l'a dit, dégagé un accord politique sur deux propositions de directive très importantes.

L'une concernait les fonds propres des entre- prises d'investissement et de crédit. L'autre définissait la réglementation des services d'in- vestissement. Il s'agit d'une proposition qui remontait à 1988 et avait depuis lors suscité de vifs débats (52). Inspirée par la deuxième directive de coordination bancaire, elle vise à établir les principes de la reconnaissance mutuelle et du contrôle du pays d'origine dans le domaine des services d'investissement, quel que soit le statut juridique des entreprises con- cernées. Il s'agira évidemment d'un texte tout à fait fondamental pour le commerce des.

valeurs mobilières.

§ 6.

La multiplicité des textes et la difficulté des négociations montrent que l'édification d'un marché unique des services financiers demeure une entreprise de longue haleine, rendue plus complexe par le développement incessant des nouveaux instruments financiers, l'influence croissante. des négociations internationales entre les grandes banques centrales dans le cadre de la Banque des Règlemènts Internatio- naux, et l'incidence des problèmes engendrés par les conversions monétaires et les restric-:- tions subsistant dans certains pays ~n matière de libre circulation des capitaux. L'ampleur des progrès accomplis ne doit pas masquer le caractère .inachevé de la tâche. Néanmoins, les mutations juridiques apparaissent, d'ores et déjà, extrêmement importantes (53).

Franklin DEHOUSSE et Brigitte DIRICK

(47) J.O.C.E., 1990, L 112.

(48) J.O.C.E., 1988, L 348.

(49) J.O.C.E., 1989, L 334.

(50) ,COM (88) 823; J.O. C.E., 1989, C 64.

(51) COM (90) 416; J.O.C.E., 1990, C 240.

(52) COM (88) 778; J.O.C.E., 1989, C 43.

(53) Les textes repris dans cette synthèse s'arrêtent au 30 juillet 1992.

(5)

RESPONSABILITE CIVILE. - Dommage moral. - Droit à la

réparation intégrale. - N où subordonné à la condition que la victime ait conscience du caractère

compensatoire de l'indemnité.

1

Cass ..

(le

cl:ù).,. 4• a_v'lil

1990 Prés. : M. Ghislain, cons. ff. de prés.

Rapp. :Mme Jeanmart, cons.

Min. publ. : M. Piret, av. gén.

Plaid. : Me Dassesse.

Le droit à la réparation intégrale du dommage moral n'est pas subordonné à la condition que la victimepuisse avoir conscience que l'indem- nité allouée est destinée à compenser le dommage.

L'arrêt qui _constate que l'aliénation mentale grave d'une mineure prolongée ne l'empêchait pas de ressentir la qualité de l'afféction que pouvait lui manifester son père ne peut limiter au franc symbolique l'indemnité destinée à réparer le dommage moral subi à la suite du décès accidentel de celui-ci au motif qu'une al- location supérieure ne constituerait qu'une ré- paration illusoire de ce dommage dès lors que l'indemnité allouée ne serait pas perçue comme étant la compensation de ce préjudice.

Vu l'arrêt attaqué, rendu le 26 octobre 1989 par la cour d'appel de Mons;

1. - Quant au pourvoi de Elza Delie.

Sur le moyen pris de la violation des articles 1382, 1383 du Code civil, 1138, 3°, du Code judiciaire, et 97 de la Constitution,

en ce que l'arrêt, statuant sur la demande formée au nom de Innez Chevalier (devenue majeure le 6 mars 1973 mais placée sous statut

· de minorité prolongée par décision du 22 juin 1983) par les demandeurs en leurs qualités res- pectives de mère et tu triée légale, d'une part, et de subrogé tuteur, d'autre part, ne condamne les défendeurs in solidum à l'égard de la demanderesse agissant i]ualitate qua qu'au paiement de 1 franc à majorer de divers inté- rêts et dépens en réparation du seul dommage moral subi par lnnez Chevalier par suite du décès de son père, Georges Chevalier, outre sa

·part dans le partage avec les autres ayants droit de la somme de 25.000 F accordée en rép-ara- tion du dommage moral ex haerede, et ce, aux seuls motifs « qu'il apparaît que bien que domiciliée avec la victime, Chevalier Innez ne cohabitait pas avec elle, puisqu'elle réside en fait au Home Zonnestraal à Lennik; que sans doute l'arriération mentale grave de cette per- sonne ne l'empêchait pas de ressentir la qualité de l'affection que pouvait lui manifester son père; que toutefois son état mental ne lui per- mettra pas d'établir une relation entre la priva- tion de cette présence bienveillante et l'alloca-

JURISPRUDENCE

tion de l'indemnité qui est demandée pour elle;

que ne constituerait qu'une réparation illusoire d'un dommage moral l'indemnité qui ne serait pas perçue comme venant en compensation de ce dommage; et qu'en l'espèce, il n'y a dès lors pas lieu d'allouer une indemnité supérieure à un franc»,

alors que ..•

deuxième branche, l'action en réparation d'un dommage moral a pour objet d'alléger la dou- leur, le chagrin ou quelqu'autre préjudice moral et de réparer, dans cette mesure, le dom- mage subi; qu'il ne saurait être fait exception à ces principes quant au préjudice moral qu'une personne (même placée sous statut de minorité prolongée en raison d'une arriération mentale) subit par suite de la disparition prématurée de son père; que s'il appartient au juge d'appré- cier souverainement en fait l'existence et l'étendue du dommage moral causé par un fait illicite et d'évaluer le montant de l'indemnité destinée à le réparer, le juge ne saurait sans méconnaître les notions légales de dommage moral et de lien de causalité ainsi que le prin- cipe de la réparation intégrale du dommage subi, apprécier ou limiter l'étendue du droit à réparation du dommage moral en fixant le montant de l'indemnité destinée à le réparer intégralement en fonction de la conscience qu'aurait ou n'aurait pas la victime de ce que l'indemnité allouée est destinée à compenser le dommage; que, partant, en limitant au franc symbolique l'indemnité destinée à réparer le dommage moral dont il constate l'existence dans le chef d'Innez Chevalier par suite de la disparition prématurée de la présence bienveil- lante de son père, et ce au seul motif précité où le droit à réparation et le montant de l'indem- nité destinée à réparer le dommage sont limités en raison de « l'absence de perception » de la part de la victime, de la réparation de son dom- mage par le paiement d'une indemnité, l'arrêt méconnaît les notions légales de dommage moral et de lien de causalité ainsi que le droit à la réparation intégrale du dommage subi qui n'est pas subordonné à la condition que la vic- time puisse avoir conscience que l'indemnité allouée est destinée à réparer son dommage (violation art. 1382 et 1383, C. civ.);

Quant à la deuxième branche.

Attendu que s'il appartient au juge d'apprécier en fait l'existence et l'étendue d'un dommage causé par un fait illicite et d'apprécier, dans les limites de la demande, le montant nécessaire à la réparation de ce dommage, il incombe cependant à la Cour de contrôler si les faits constatés justifient les conséquences que le juge en déduit en droit, notamment la notion légale du lien de causalité;

Attendu que l'arrêt constate que l'arriénition mentale grave de lnnez Chevalier ne l'empê- chait pas de ressentir la qualité de l'affection que pouvait lui mànifester son père mais limite l'indemnité destinée à réparer le dommage moral subi par cette partie au motif qu'une allocation supérieure ne constituerait qu'une réparation illusoire de ce dommage dès lors que l'indemnité allouée ne serait pas perçue comme étant la compensation de ce préjudice;

Attendu que le droit à la réparation intégrale du· dommage subi n'est pas subordonné à la condition que la victime puisse avoir cons- cience que l'indemnité allouée est destinée à compenser le préjudice :

Qu'en cette branche, le moyen est fondé : Il. - Quant au· pourvoi de Raoul Chevalier.

Attendu que le demandeur ne fait valoir aucun moyen;

Par ces motifs:

La Cour,

Sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres bran- ches du moyen, qui ne sauraient èntraîner une cassation plus étendue, casse l'arrêt attaqué en . tant qu'il statue sur la demande de Elza Delie agissant en sa qualité de tutrice légale d'lnnez Chevalier, relativement au dommage moral subi par cette dernière; rejette les pourvois pour le surplus; condamne le demandeur aux frais de son pourvoi; condamne'les défendeurs aux frais du pourvoi de la demanderesse;

ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé;

renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d'appel de Bruxelles.

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OBSERVATIONS

In dubio pro dementia ou de quelques aspects de la réparation du dommage moral subi par une personne.

handicapée mentalement

1. - La responsabilité civile ou aquilienne repose, en droit positif belge, sur la réunion de trois éléments qui sont contenus dans la for- mule lapidaire de l'article 1382 du Code civil : tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

La victime doit ainsi établir la faute de celui dont elle entend engager la responsabilité, le dommage qu'elle prétend subir, ainsi que l'existence d'un lien de causalité, d'un « rap- port de cause à effet » entre la faute et le dom- mage (1). Ce dernier consiste, selon la juris- prudence de la Cour de cassation, dans la perte d'un simple avantage ou l'atteinte à un intérêt, pour autant que celui-ci soit stable et légiti- me (2). La réparation à laquelle la victime peut (1) De Page, Traité, t. II, n° 909, p. 825.

(2) Cass., 28 oct. 1942, Pas., 1942, p. 261; Cass., 26 sept. 1949, Pas., 1950, p. 19; Cass., 2 mai 1955, Pas., 1955, p. 950; Cass., 24 mars 1969, Bull. Ass., 1973, p. 871; Cass., 4 sept. 1972, Pas., 1973, p. 1;

ournal

des

l~ribunaux

(6)

1 9 9 2

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prétendre concerne aussi bien le dommage matériel, résultant d'une atteinte à son inté- grité physique ou patrimoniale, que le dom- mage moral, conséquence de la mise en cause de son honneur ou de sa réputation, des souf- frances psychiques endurées, du préjudice d'agrément ou esthétique dont elle souffre,

· voire encore de l'atteinte à ses sentiments d'af- fection ... (3). Pour qu'il soit pris en considéra- tion en justice, il importe peu que ce dommage soit moral ou matériel, direct ou indirect, qu'il frappe par répercussion des personnes qui dépendent de la victime immédiate du domma- ge (4). Enfin, l'évaluation de ce préjudice est gouvernée par le principe de la réparation inté- grale (5), le propre de la responsabilité consis- tant à rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et à replacer la victime dans l'état où elle serait demeurée si la faute n'avait pas été commise. De là, la maxime prônée par la majorité de la doctrine, le responsable doit réparer le dommage, tout le dommage, rien que le dommage (6). Bien que la jurisprudence, du moins en droit belge, con- firme cette règle de la réparation intégrale, la doctrine, et notamment certains auteurs fran- çais, met en doute son caractère universel qui ferait en sorte qu'elle s'appliquerait sans dis- tinction à n'importe quel type de dom- mage (7).

2. - L'arrêt annoté est particulièrement inté- ressant en ce qu'il pose, pour la première fois à notre connaissance, la question de l'incidence du degré de conscience de la victime sur la réparation du préjudice moral qu'elle subit, en particulier lorsqu'une atteinte est portée à ses sentiments d'affection. La Cour de cassation belge affirme, de manière péremptoire, que le droit à la réparation intégrale du dommage subi n'est pas subordonné à la condition que la victime puisse avoir conscience que l'indemnité allouée est destinée à compenser le préjudice.

La Cour s'est ainsi prononcée très clairement sur le problème qui lui était soumis. Apr~s

avoir brièvement résumé les circonstances de l'espèce; nous ferons un détour par le droit français où la question qui nous préoccupe a retenu l'attention de la Cour de cassation ainsi que celle d'une partie de la doctrine. Nous ana- lyserons ensuite la portée de l'arrêt annoté Cass., 17 juin 1975, Pas., 1975, p. 999; R. W., 1975- 1976, col. 1489.

(3) De Page, Traité, t. II, n° 951, p. 895; De Wilde, Begrip schade in onrechtmatige daad, Actuele Ten- densen, Anvers, 1979, pp. 179 et s.; Dirix, Het begrip schade, Kluwer, Anvers, 1983, pp. 13 et s.;

Ronse, « Schade en schadeloosstelling », t. 1, A.P.R., 1984, n°5 1-1 à 31; Schuermans, Schryvers, Simoens, Van Oevelen et Schamp, Overzicht van rechtspraak : onrechtmatige daad, schade en scha- deloosstelling.

(4) Cass., 17 juin 1963, Pas., 1963, p. 1096;

R.C.J.B., 1964, p. 446 et note Kirkpatrick, «Le nouveau statut des dommages subis par répercus..:

sion».

(5) Cass., 2 mai 1974, Pas., 1974, p. 906; Cass., 21 févr.· 1984, Pas., 1984, p. 716, Bull. Ass., 1984, p. 487; J.T., 1985, p. 511;-cass., 15 mars 1985, R. W., 1984-1985, col. 2617 et note Van Quicken- borne, Pas., 1985, p. 878; J. T., 1986, p. 8.

(6) A. Toulemon et J. Moore, Le préjudice corporel et moral endroit commun, 3e éd., 1968, Sirey, Paris, pp. 115-116; G. Viney, Traité de droit civil, t. V,

« La responsabilité- Effets », p. 81.

(7) Cf. infra.

urnal '"ri bunaux

avant de nous livrer à quelques réflexions sur la question du dommage moral subi par une per- sonne handicapée mentalement. A cette occa- sion, nous émettrons certaines considérations relatives notamment au principe de la répara- tion intégrale du dommage et à son corollaire, le principe de la réparation in concreto du pré- judice.

A.-Le cas d'espèce ayant donné lieu à l'arrêt du 4 août 1990.

3. - Le père d'une jeune femme placée sous statut de minorité prolongée meurt, victime d'un accident. Une action est introduite au nom de la mineure prolongée par sa mère, tutrice légale, et par le subrogé tuteur afin d'obtenir réparation du préjudice qu'elle a subi qualitate qua. Dans un arrêt du 26 octobre {989, la cour d'appel de Mons accueille cette demande quant à son principe, mais n'accorde qu'un franc symbolique. Deux éléments retien- nent l'attention de la cour d'appel de Mons.

D'une part, la mineure ne vivait plus sous le même toit que son père et avait été placée dans un home. D'autre part, écartant la présomp- tion de lien affectif traditionnellement induite des relations entre un père et sa fille, elle se fonde sur l'état mental de la mineure prolon- gée pour lui refuser toute indemnisation du préjudice moral dont elle fait état. Bien que l'arriération mentale grave de cette personne ne l'empêchait pas de ressentir la qualité de l'affection que pouvait lui manifester son père ... , son état mental ne lui permettra pas d'établir une relation entre la privation de cette présence bienveillante et l'allocation de l'in- demnité qui est demandée pour elle et... ne constituerait qu'une réparation illusoire d'un dommage mora/l'indemnité qui ne serait pa_s perçue comme venant en compensation de ce dommage. On notera que cette motivation n'est pas exempte d'une certaine contradiction puisque la cour d'appel de Mons, bien que reconnaissant à la mineure prolongée une sen- sibilité et une capacité à percevoir l'affection de son entourage, fait fi de celles-ci en estimant à un franc symbolique le dommage moral subi.

4. - Dans leur pourvoi, les demandeurs invo- quent la violation par la cour d'appel des notions légales de dommage moral et de lien de causalité ainsi que du principé de la réparation intégrale du dommage. Certes, il appartient au juge d'apprécier souverainement, en fait, l'existence et l'étendue du dommage moral causé par un acte illicite et d'évaluer le mon- tant de l'indemnité destiné~ à le réparer inté- gralement (8). Néanmoins, selon les deman- deurs, ce même juge ne saurait, sous peine de violer les règles visées au pourvoi, fixer le mon- tant de l'indemnité en fonction de la cons- cience qu'aurait ou que n'aurait pas la victime de ce que l'indemnité allouée est destinée à - compenser le dommage. Il ne saurait être fait exception à ces principes, quant au préjudice moral qu'une personne (même placée sous - statut de minorité prolongée en raison d'une arriération mentale) subit par suite de la dispa- rition prématurée de son père. En limitant le droit à la réparation et le montant de l'indem- nité destinée à réparer le dommage en raison de l'« absence de perception » de la part de la victime de la réparation de son dommage par le (8) Cass., 12 janv. 1988, Bull. Ass., 1988, p. 563.

paiement d'une indemnité, la cour d'appel méconnaît les notions légales de dommage moral et de lien de causalité. Les demandeurs concluent qu'en subordonnant la réparation à la condition que la victime puisse avoir cons- cience que l'indemnité allouée est destinée à réparer son aommage, la cour viole la règle de la réparation intégrale. La Cour de cassation accueille le pourvoi et casse l'arrêt de la cour d''appel au motif que le droit à la réparation intégrale du dommage subi n'est pas subor- donné à la condition que la victime puisse avoir conscience que l'indemnité allouée est destinée à compenser le préjudice.

5. -Avant d'examiner la portée de cet arrêt, il nous a paru intéressant de relater la contro- verse qui existe en France depuis une quinzaine d'années et qui porte sur l'indemnisation du dommage moral dont font état des personnes, handicapées mentales graves, et notamment le préjudice d'agrément et celui d'affection. Bien qu'il s'agisse chaque fois d'espèces où la vic- time est devenue handicapée suite à un acte illicite qui l'a atteinte directement, le problème s'est posé dans les mêmes termes que le cas soumis à notre examen. Les arguments déve- loppés en France par les principaux protago~

nistes sont transposables à l'hypothèse où la personne qui postule la réparation de son pré- judice moral souffrait déjà d'un handicap mental au moment où l'acte illicite fut commis et n'est victime de ce dernier que par réper- cussion.

B. - La question de l'indemnisation du pré- judice moral subi par une personne handicapée

mentale en droit français.

6. - S'agissant de l'incidence du degré de conscience de la victime sur la réparation des dommages subis par des grands blessés en état végétatif, deux thèses s'opposent en droit fran- çais positif : d'une part, la théorie dite « ob- jective » en vertu de laquelle le dommage doit être évalué objectivement, in abstracto, indé- pendamment de l'état de conscience du blessé;

d'autre part, la théorie dite « subjective » qui fait de la conscience de la victime une condi- tion indispensable à l'indemnisation.

7~ - La théorie « objective » a clairement reçu l'aval de la chambre criminelle de la Cour de cassàtion française dans un arrêt du 3 avril 1978 (9). Une cour d'appel avait accepté de réparer le préjudice d'agrément dont faisait état une personne devenue démente suite à un grave accident du travail emportant troubles de la mémoire et du jugement, indifférence et séquelles neurologiques. Les demandeurs en cassation soutenaient que la victime, souffrant d'une incapacité permanente de 100 OJo et placée à titre définitif dans un home spécialisé, ne se rendait pas compte de son état et ne se souvenait pas de sa vie antérieure, de sorte qu'elle ne serait pas consciente d'éprouver un tel préjudice. La Cour de cassation rejeta le pourvoi au motif que l'indemnisation d'un dommage n'est pas fonction de la représenta- tion que s'en fait la victime, mais de sa consta- tation par les juges et de son évaluation objec-

(9) Crim. fr., 3 avril1978, Dall., _1979, I.R., p. 64 et obs. Larroumet; J. C.P., 1979, II, n° 19168 et note S. Brousseau; R.T.D.C., 1979, p. 800 et obs. G.

Durry; voy. égalem., Crim., 14juin 1978, Gaz. Pal., p. 1550 et note L.H. Thomas.

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