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Deux siècles de météorologie
SESIANO, Jean
Abstract
A partir de la fin du 18e siècle, différentes activités humaines comme le moment des récoltes, les fêtes, le départ d'une expédition ou le début d'une guerre sont en quête d'une prévision du temps. Les stations de mesure se multiplient sur divers continents, l'invention du télégraphe favorisant l'établissement de cartes synoptiques. Au 20e siècle, les mesures deviennent routines, y compris sur les océans et dans l'atmosphère, à différents niveaux.Dans la seconde moitié du siècle passé, l'ordinateur permet de digérer l'énorme volume d'observations, ce qui permettra au début du 21e siècle, des prévisions fiables à 5 jours. Les satellites artificiels permettront une vision d'ensemble du temps sur le Globe.
SESIANO, Jean. Deux siècles de météorologie. Bulletin de la Société vaudoise des Sciences naturelles , 1992, vol. 81, p. 299-310
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http://archive-ouverte.unige.ch/unige:41731
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Abstract.-SESIANO J.,1992. Two Centuries of Meteorology. Bull. Soc. vaud. Sc. nat' 81:299-310.
At
the endof
the 18th century,it
became obvious that a two-days meteorological forecast was a necessity.It
would be beneficial to the agriculture, festivals, the fishing inOurt V, and the war machine. Weather stations were numerous, but the_ gatherilg.of observations was desperately slow.In
1832, the discovery of the telegraph unstuck the situation.At the turn of the century, regular measurements were made on the ground as well as
at high altitudes, on the côntinénts and over the oceans, though,more scarcely in the
Soutfi"*
hemisphere. Around 1940, the computer development led to more elaborate atmosptreric mo'dels, using the tide of data coming frgq.an ever increasing number of weathèr stations: airplanés, ships, buoys, sounding-balloons, automatic stations and men. Meteorological satellites must also be mentioned, but their role has a tendency to be overestimated.Nowadays, top-level computers allow intemational weather centers (Reading, near London,
foieurofe;
up to 8-days forecasts, with a 857ofiablli\
for^2 days, and 6OVo for 6 days. but, we s:houlâ not be ôverconfident: a long term weather forecast (one month) is still utopic.
Keywords: Meteorology; Meteorology history and development; Swiss Meteorology.
Résu1é.-SESIANO 1.,lgg2. Deux siècles de météorologie. Bull. Soc. vaud. Sc.
nat.8l:
299-310.
Dès 1a
fin
duXVIIIe
siècle, la nécessité de faire une prévision météorologique à deux fourr, voire plus, s'impose: les récoltes, les fêtes, la pêche, la guerre, etc. I'exigeaient.Les stations^d'observation se multiplient, mais le rassemblement des données est lent.
En 1832,1'invention du télégraphe^débloque la situation. Dès la fin duXIXe siècle, les prévisions deviennent routinàef les moyens d'observation s'étendent: du sol à la haute àtmosphère, des continents aux océans, _avec cependant to_ujours..ule carence, encore actuefe, au niveau de I'hémisphère sud. Vers le milieu du XXe siècle, c'est à nouveau
rDépartement de Minéralogie, rlte des Maraîchers 13, CH-121I Genève 4'
CODEN: BSVAA6
Deux siècles de météorologie
par
Jean SESIANOI
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une invention technologique qui permet de briser le plafond auquel on se heurtait depuis quelques décennies: le développement de I'ordinateur. Les modèles de l'atmosphère deviennent plus élaborés avec la prise en compte des phénomènes météorologiques au sol et en altitude, à de nombreux niveaux, et sur I'ensemble du Globe. L'avalanche d'observations
qui
déferle est alorsla
bienvenue. Actuellement,si le
satellite météorologique joue un rôle important, médiatique surtout,il
ne faut pas le surestimer;la majeure partie des observations est encore le fruit de moyens tradition-nels: I'avion, le bateau, les bouées, les ballons-sondes, les stations automatiques, et surtout I'homme.
Le résultat est satisfaisant: la prévision à deux jours est exacte dans 85Va des cas, et celle à six jours, dans 60Vo. Mais
il
ne faut pas se leurrer: la prévision à long terme (un mois) est encore totalement utopique.l.INrnonucrroN
Dans
le
premiervolume du Bulletin
des séances dela
Société vaudoise des Sciences naturelles,publié en
1845,on trouve
de nombreuses observations scientifiques, et notamment des mesures concernant la météorologie. Elles ontété
effectuéespar E.
W.qnrN,{ANN(1842a, 1842b,
1842c,par exemple),
au cabinet de Physique del'Académie
de Lausanne, et consistent en des relevés des paramètres habituels, soit la pression, la température, 1'humidité, la vitessedu vent et l'état du ciel,
avec enplus
quelques observations générales. Un exempled'un
tel tableau est donné à lafigure
1. Chose curieuse, ces tableauxde
mesuresne concernent que les solstices et les équinoxes, et cela
dèsdécembre 1841, pour 18 heures précédant et suivant le phénomène
astronomique.En plus
de ces observations régulières,on
prend connaissance, toujours dansle
mêmenuméro, de
quelquesarticles de fond sur
des phénomènesparticuliers:
des hausseset
des baisses de pression ayantfrappé,I'auteur
del'article, E. WanruANN
(op.cit.),
par leur régularité (par exemple àla fin
de 1841et
au débutde 1842);l'approche d'un
orage venantde
Genèveet
sedéplaçant sur
le
Léman (parR. BI-eNcunr,
19juin
1843); la recherche par le môme E. WnnruANN (1842d) d'une éventuelle relation entre les observationsmétéorologiques et l'éclipse de soleil du
8juillet
1842(elle s'est
avérée inexistante), et finalement l'observation par J. Dn LA HARrE (1845) <<d'un arc-en-ciel blanc
dansle
brouillard>>(sic). D'autre part, on trouve
des comptes rendus d'expériencesou
d'observations, encore liées àla
météorologie, mais moins directement:le 7
décembre1842,le
professeur GrllrÉnoN parle de son mémoireintitulé
<<L'arc-en-ciel et les globules colorés>>, ces derniers étant lesgouttelettes
adhérentesaux feuilles, tiges et
autresparties végétales,
et susceptibles de présenter de belles irisations par temps ensoleillé(GtllrÉnoN
1843a).Le
même personnagerécidive le 14juin
1843, mais cettefois-ci
sur<<Les émanations atmosphériques
qui
affectent puissamment les organes des plantes et des animaux>> (GIlr-rÉnoN 1843b). Est particulièrement prise à partiela
vaudaire, ventdu
SE, dontle
nomviendrait
du patois <<vaudai>>, signifiant sorcier (selonGilliéron). Elle
aurait des influences fâcheuses sur la végétation Çat, <<venant de Syrie etd'Arabie
en longeant la Méditerranée et l'Adriatique>>(sic), ou originaire
mêmed'Afrique, puis
passantle Simplon ou le
Saint- Bernard, elle se serait chargée en passant sur les zones marécageuses du Pô detous les
miasmesmalfaisants affectant
cesrégions
deltaïques, au drainage hésitant! Et
si l'analyse chimiquen'a rien
pu mettre en évidence, c'est peut-être à
causede la
<<prodigieusedivisibilité
des odeurs>>.Et Gilliéron
deIDu
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N N N S N NE
N N N N N
nerge pltrie éclaircies brouillar<l
pltrie et neige tou- te la nrrit.
calme.
cllme.
très-calmc ; per-
cti'e de sr-,leil.
calme.
pcrcées de soleil.
calme.
calrne.
calme.
calrue.
calme ! magnifi- qtre coucher.
c,rlme.
calme.
calure.
calme.
calme.
cal nr e.
ctlme.
calme.
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co u vert soleil écla irci es
éclaircics brume convert convert
cou vert
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7 tt 062 7 t I 146 7t I 370
7 tt 662
7t2 286 712 449
7 t2 4s3
7'1,2 362 7r,9 570 712 7t5 7t 5 060 7t 5 885
7t1 044 7,1,4 260
4o 44
440 460 4$4 440 400 400 482
s
ro844 608 640 662 660 622t: 4,2
40 2é
couvert couvert cou v ert corrvert cou vert cou vert
corr v ert soleil solcil soleil soleil couvert couv ert couvert éclaircies soleil éclaircies éclaircies
Figure
l.-Un
des tableaux des observations météorolo_giques. publié dans le premier ntiméro du Butletin des séances dela
Société vaudoise des Sciences naturelles (WnnrveNN 1842b).conclure que pour étudier ce cadeau empoisonné qu'est la vaudaire,
il
faudraitfaire
des observations comparées avecMilan
et Venise.Au vu
de ce dernier article, on se rend compte que dans ces comptes rendus,il y
a <<à prendre et à laisser>>, certains cadrant parfaitement bien avec les idées actuelles quel'on
ade la météorologie, et d'autres,
ayantmoins bien vieilli, n'étant plus
que d'amusantes anecdotes.En résumé, on trouve dans ce premier volume des observations
météorologiques données à des datesbien
précises (solsticeset
équinoxes), mais effectuées de toute façon quotidiennement, ainsi que des articles de fond, de niveaux très variables.Cette préoccupation des observateurs
d'il y
a 150 ans, est toujours la mêmeque ceux de notre époque. La météorologie est encore une science
d'observation, mêmesi l'automation y afait
une entrée enforce, et elle
est accompagnée d'interprétations où l'erreur personnelle a encoredroit
de cité.2. LBs pnÉoccupATroNs uÉrÉonolocreuEs
le
L'ÉroqunDès la
fin
duXVIII"
siècle, on s'était rendu compte avec toujours plus d'acuité deI'importance
des observations simultanées effectuées en des endroits très variés;il
devenait enfait
nécessaire de construire des cartes météorologiques synoptiques, c'est-à-dire établies pour une région donnée à un instant précis. I1était clair cependant que même si
I'ambition
était, pour ce faire, decouvrir
de stations I'Europe, voire le monde entier, ce derniern'avait
pas l'extension que nouslui
connaissons.Il
s'agissait, à part le Vieux-Monde, de quelques stations en Russie, au Grænland et en Amérique du nord.Et
c'estle
célèbre chimiste Lavoisierqui
était la cheville ouvrière de ce mouvement,lui
qui espérait ainsifaire
des prévisions à deuxjours,
basées sur ce réseau d'observations, avec émission journalièred'un bulletin
météorologique(Vnur
1973). Onvoit
queses espoirs n'étaient pas très éloignés de ceux
qui
étaient les nôtres,il n'y
aencore que quelques décennies. Cependant,
c'est
à I'absenced'un
moyen de transmission rapide quel'on
doit la non concrétisation de ses projets.En plus de ces stations, dont les observations étaient régulièrement publiées dans les revues
de
sociétés savantes, de nombreuses personnes effectuaient leurs propres mesures, àl'instar
de celles auxquelles nousfaisions
allusion dansle chapitre
précédent.Si un tel
engouements'était ainsi
brusquement manifesté depar le
mondepour la
chose météorologique,c'est qu'il y
avait uneforte
demande de prévisions: dela part
dela
populationqui s'était
trèsvite rendu
compte des avantages depouvoir
connaîtrele
temps à l'avance(pour les récoltes, les marchés, les fêtes, les spectacles, les corvées
journalières,etc.);
dela part
des marinsd'eau
douceet
des gens dela
mer, pourqui l'aléa
du gros temps, à bord de leurs esquifs frêles ou massifs, étaittoujours
présentà l'esprit, que cela soit pour la
pêche,le
cabotageou
la traversée aulong
cours;enfin,
pourla
machinemilitaire,
enversqui le
temps pouvait être un précieux allié ou le plus sournois des ennemis.A l'aube
dela
Restauration,la
frustration des météorologues était patente(Hanov
etal. 1982);les
observationsaffluaient
de très nombreuses stations terrestreset même
desdivers
océans,mais
avecun retard
dansle
tempsproportionnel à leur éloignement. La cafie synoptique, dont on sentait
I'urgence, après en avoir finalement compris
f
importance, était toujours ausslutofique.'piévoir le
tempsun
à deuxjours
àI'avance tenait toujours
de la gageufe.Mais
une invention remarquable, tant surle
plan del'emploi
quq sur celui dela simplicité, vint
révolutiônnerla
situation.En
1832, S. Morse invente le télégraphè. Quelques annéesplus tard, les
communications rap_ides étaierfinéei. i"u. afplicàtion
àla
sciencedu
tempsfut_foudroyatle..Par un
justeretour des iËoses, ce furent 1'Angleterfe et les Etats-Unis, patrie
del'inventeur, qui
furent les premiers à engranger lesfruits
de cette découverte.C'est
ainsi'que laSmithsoiian Institution
établit en 1847 le premier réseau de stations météorologiques.Une collaboration similaire
s'instaura en Grande- Bretagne, une carte"synoptique àt
hy
étantpubliée chaquejour (Hanov
et al.loc. cit.) L'impulsion
etânt^donnée dans les pays anglo-saxons, rien ne devait plus 1'arrêter.Durant ce temps, sur le continent, la France n'était pas restée-inactive. Mais
c'est surtout la
èatastrophe essuyéepar la flotte
franco,-anglaise,alors
en guerre contrela
Russie,^au large-deÈalaklava
enCrimée,
dramedû non
ài'ennemi,
mais à une tempête, quijoua
le rôle de détonateur. LeVerrier,
alorsdirecteur de l'Observatoire
de^Paris,put prouver à I'aide
des observations météorologiquesfaites
depar l'Europe,
que cette tempgtg-s'était
déplacée d'ouest en est, etqu'elle
aurait été donè parfaitement prévisible par un.service météorologiquenàtional (Vrnur toc. cii.).
Cefut la
naissanced'un bulletin
régulier.1es Anglais
deleur
côté progressaient.Dès
1861,un bulletin quotidien paraissaitlainsi qu'une préïision
à_troisjo.urs (Hnnov et al. loc. cit')'
happelons pour mêmoirequ" ."
type de prévisi^on prévalait dans notrepaysil y
uËr"or"
une dizaine d'années, mâis avec unefiabilité
sans doute meilleure !3.
Ln uÉrÉonolocm
À LA BELLE ÉPoQuPA l'orée de notre siècle, le graphisme
descartes synoptiques était
asseziemblable à celui que
nous éonnaissons.Les
isobares,ou.lignes d'égale pression, avaient uu l" jour
depuisplusieurs
décennies.L'importance
desirariationi
dela
pression-aucouis
destrois
heures précédantla
mesure, avait également été pérçue, et leszone!
concernées étaient toujours portées sur lescîttes. La
struôtur'e verticale de I'atmosphère au-dessusd'une
région donnéeavait,
el1e aussi, été, appréhendée: des sondagespar ballons et
cerfs-volantsavaiént
régulièremen^tlieu, les
mesures des paramètresmétéorologiques
mesurés drirant l'ascension étant transmisespar radio au sol. La
zone dans làquel1e se déroule le tempsqu'il fait,
la troposphère, entre le sol etenviron
10a îZ m
(aux latitudes mbyénnes), avait éiédèfinie si
cen'est
étudiée, ainsi que la stratosphère qui la surmonte, jusqu'à 50 km environ'A
cette époque également,on
commençaità
s'intéresser àla prévision
àlong terme, ciest-à--dire sur plusieurs semaines, voire une saison.
Lesscieîtifiqu"i d"
1'époqueétaient pourtant loin
de.sedouter
que^prèsd'un
riO.t. plus tard, te
fro^Uteme seraittoujours loin d'être résolu ! Ce
soudainregain d'intérêt pour
l'échéancelointaine avait êté
déclenchépar
une gravefailrine qui
touchal'Inde en
1887, consécutive à une mousson très avare enprécipitations. On
tenta detrouver
descorrélations
entreles
épaisseurs de neige tombées surl'HimaIaya
etf
intensité dela
mousson(Hannv
etal.
loc.cit.).
CeIapeut paraître
étonnantlorsque l'on sait que c'est le
mêmeflux
humidequi
déverse son eau surl'Inde,
puis sur les pentes méridionales de la chaîne. I1 va sans dire que ces recherches ne furent pas couronnées de succès,car d'autres
catastrophesnaturelles liées à la
sécheresse sesont
répétées depuis.Au tournant du
siècle,un
autre conceptavait
aussipris corps: celui
deI'existence sur le Globe de zones de hautes et
bassespressions
semi- permanentes.Il suffit
de penseraux
régions polaireset
subtropicales, dontl'aridité va
depair
avec des températures extrêmes (les ceintures désertiques attestentde
ce phénomène),ainsi qu'aux régions très fortement
arrosées,comme les régions
équatorialeset le nord de I'Europe, l'Angleterre et
la Scandinavie par exemple (bien que Londres reçoive annuellement en moyenne moins de précipitations que Lausanne!).
On se rendit compte que ces centresd'action
relativement stables devaient avoir un rôle important à jouer pour les prévisions à longue échéance.C'est
1'école allemandequi,
durantla
périodesuivant la première guerre mondiale, tenta
de résoudrele problème de
la corrélation entrela
trajectoire des dépressions surl'Atlantique et la
position des anticyclones polaires et subtropicaux.Quant à la
Russie, son approche avaitété différente.
I1s'agissait
d'une méthode statistique appliquéeaux
cartes synoptiques,ou si I'on veut:
à des situations actuellessimilaires à
des situations passées, devront correspondre desconditions météorologiques
semblables. I1 estvrai
quepour
des pays comme la Russie, dont la continentalité n'est plus à démontrer, cette approche estplus gratifiante
quepour l'Europe
occidentale,dont
l'emplacement, à lalimite
entre deux mondes très différents,l'un
océanique et 1'autre continental, complique singulièrement le problème.4. Lss rEMPS MoDERNES
On assiste à un développement explosif de l'aviation, génératrice
d'observations,mais
aussi grande consommatrice de prévisions.C'est
ainsique peu après la
secondeguerre mondiale, c'est à nouveau une limite
technologique qui vient entraver 1'évolution de la météorologie.Un
siècle plustôt, le
téIégrapheavait résolu le problème
dela transmission
des données destinées à l'établissement de cartes synoptiques; cettefois, c'est la
mise aupoint
desgros ordinateurs qui allait débloquer la situation en
permettantd'assimiler I'avalanche
de donnéesqui
commençaità déferler. En effet,
le nombre de stations météorologiques ne cessait de croître de par le monde.Lorsque
deslieux étaient par trop inhospitaliers, en
zones désertiques, polaires ou de hautes montagnes, des stations automatiques étaient installées, envoyantpar radio
àintervalles fixes, tout un
cortèged'informations.
Mais surtout,on s'était
rendu compte avec toujoursplus d'acuité qu'environ
l07ade la surface du Globe était
<<terreincognita)) en ce qui concerne la
météorologie. Il s'agit bien entendu
des surfacesmarines et
océaniques, groupéesdu
reste dansI'hémisphère
sudprincipalement. Il
estvrai qu'on
recevait de ces régions des informations diffusées par des avions, des naviresde
ligne et
des cargos, ainsi quepar
des bateauxfixes, biqn qu1n
très petit,ro-Ët.. Mais ce-n'étaient que des données ponctuelles. Pt pourtant, I'interaction entre les
océansà'une part, et les continents et
I'atmosphèred'autre part,
est déterminante. I1 sufTitde
songer9u'u19
grandepartie
de l,excès d'énergie reçue à l'équateur est évacuée vers les pôles par les courantsmarins chaudi'(le ôuff Streàm
étantun
exemple-type), avecretour
d'eauxfôiO"r superficielles et
profondes des pôles_vers
1'équaleql(le courant
de Humboldt, pu."^"mple,
au large des côtés sud-américaines). Non seulementil y u e.nungè d'é.t"rgie
entreIes continents et les
océans,mais
aussi entrei'atmosphére et les"continents: un exemple est don!é par_la chaleur
deuupoiiruiion,
énergie mise en jeu lorsque.del'ea3.d.e surface s'évapore dans laÀârr. d'ail qui li
surmonte-,en quântité variable selon
sespropriétés
dei.-ferut"r., d.
pression etd'humiôité,
ou encore par les courants convectifs permettant l;échâuffement sur toute la hauteur de la troposphère.pour pallier les
carences mentionnées ci-dessus,ce furent d'abord
les satellitesartificiels
dits météorologiquesqui vinrent
àla
rescousse, et cela dedeux manières. Soit en étant utitiles
Commestations-relais destinées
àiécupérer des mesures envoyées depuis 19
:ol.
par
des stations automatiques,puii'a les délivrer un moment plus tard à
des centres-ré.9qpte_9.s,'soit eniË;"g*phiant le sol
dans diverses longueutsd'onde (visible, IR),
àpartir à,orbites
basses, avectransmlsslon pai radio
desphotos point par point.
L'évolution
technique se poursuivant, les satellites, dèslors
géostationnaires, furent bientôt chargés de faire eux-mêmes les mesures,_dejour
et denuit:
c'est ui.rriq""
purent êtie et sont actuellement mesurées et observées la températurede
surfacè des océansainsi
quecelle
à diverses altitudes dans I'atmosphèreit; iii, l'humidité, la
vitessè des vents (parl'état
de surface dela
mer et ledepfâ.é-ent
des nûages),la proportion
des gaz-ttaces(ozone, oxydes
de,oùfr" et
d'azote,gat""atbonique,ètc.;,
les différentes massesd'air
(selon lesiyp"i
de nuages),étc. De
plus, des photos sont prises toutes les 30 minutes, permettant de suivre 1'évolution du temps.Pour la première fois, I'atmosphère et les
océans commgnçaie-ntà
sedévoiler;
cén'était plus un
début ^de connaissance hqmi_sp!-erique. (boréalesurtout) que I'on âvait, mais une acquisition à 1'échelle globale. La
modélisation pouvait commencer.Il faut
"n èffet savoir qu'une prévision fiable à
36h, pour
la-Suisse par exemple, nécessite des informations météorologiques provenant de I'Europe eta" ioùt i'Atlantique nord.
Pour uneprévision
àplus
de.quatrejours, c'est
leô1"U.
entier qui èst concerné. Onvoit
que la. quantitéd'informations
à traiter devientcolosiale:
un réseau de stations aussi dense que possible sur toute lai".r.,
fournissant simultanément quatrefois
parjour
(0-6-12-18h GMT)
les valeuis des paramètres caractéristiques del'état
de I'atmosphère;des mesuresreguliè."s
où inégutières fournies pqr les avions., les bateaux, les bouées fixesori."
dérive; les"informationsdei
bailons-sondes envoyés uneou
deux foispât iàut de âivers
centresmétéorologiques; finalement, les
données desiut"ilit.t
météorologiques. La tâche devenait surhumaine pouf un pays'C'est ainsi
quenaquirent les
grands centres c.ontinentaux deprévision,
dotés d'ordinatéurs àtiès forte
capacité.En
cequi
concerne notre continent,;;;tdà
Reading près de Londres,^siège du centre euro-péen.depuis 1973, que nous obtenons nôsprévisions
à moyènne échéance.(huit jours). Elles
sont ÀoOutOespar
chaque centrenationàl (Zurich,
Genèveet Locarno, pour
laSuisse), ce qui n'empêche pas chaque état de faire tourner son propre modèle météorologique (modèle allemand, modèle français, etc.) (QuIBy et
a|.1988).
Comme on vient de le voir, l'ordinateur doit être
capabled'ingérer
un nombre faramineuxd'informations, et on
va mettrehuit
heures à rassembler toutes ces mesures. Pour simulerl'évolution
de l'atmosphère, on va la diviser enun
certain nombre deniveaux,3l
entrele sol et l'altitude de25 km;
latroposphère, c'est-à-dire Ia
zonedu temps qu'il fart (chez nous
épaissed'environ
11km, mais de 7 km
dansles régions polaires et de
17km
àl'équateur),
y
est totalement inclue, et on déborde donc sur la stratosphère.Au
seinde
cesniveaux, on va définir une grille horizontale
gaussienne d'une résolution de 0,69o.Ainsi, la
résolution spatiale du modèle,soit
sa capacité à repérerle
pluspetit
phénomène météorologique, serade
100km.
On obtientfinalement un
réseau entrois
dimensions comportantplus d'un million
depoints. En
chacun de ces næuds demaille, on introduira
les mesures, puis 1'ordinateurdu
centre européen commencerales calculs
surla
basede
six équations, à savoir:-la loi
des gaz, reliant pression, densité et température;-1'équation d'hydrostatique, exprimant le lien entre la variation de
la pression avecl'altitude
et la densité del'air;
-l'équation de continuité, qui
assumeque la
masse est conservée; elle permet donc decalculer la
composanteverticale
dela
vitesseet le taux
de décroissance de la pression avec 1'altitude;-l'équation
du mouvement, établissantqu'un
changement dela
vitesse du vent estlié
à un gradient de pression et à la force deCoriolis;
elle tient compte aussi des forces de frottement au voisinage de la surface terrestre;-l'équation de la thermodynamique, qui couple la variation de la
températured'une bulle d'air
àun refroidissement ou
àun
réchauffementadiabatique lors d'un déplacement vertical, à la chaleur latente,
au rayonnement solaire et à celui de la surface terrestre; elle relie également cette variation aux processus de turbulence et de frottement (diffusion);-1'équation de 1'humidité,
qui
suppose queI'hygrométrie
d'unebulle d'air
reste constante sauf en cas de de perte par condensation et précipitation, ou de gain par évaporation, à partir de nuages, des océans et des continents.Le
modèle européentient
compte aussi des ondes de gravité, résultant deI'interaction entre la
surfacede la Terre et l'atmosphère. L'orographie,
àsavoir les Alpes, les Pyrénées, les Apennins et
le
Massif Central(voir fig.
2),dont le rôle
dansl'écoulement de l'air est important,
estintroduite
dans 1'ordinateur.A
noter que les deux premières des six équations données ci-dessus sont de nature <diagnostique>>, puisqu'elles expriment larelation
statique entre divers paramètres, alors que les suivantes, dynamiques, son <pronostiques>>, car elles nousinforment
sur les mouvementset
les variations, enfonction
du temps, des vents horizontaux, de la température et del'hygrométrie
d'unebulle d'air (Sônnnunx
1989).Toutes les six heures (0 - 6
-
12-
18 hGMT),
les données issues des diversmodes d'observation, transmises continuellement par un réseau
de télécommunication planétaire, sontintroduites
dans 1'ordinateur.Mais
elles doivent passer un certain nombre de tests avant de pouvoir être utilisées.Les critères de qualité
vont
d'abordéliminer
les mesures ne respectant pasle
codeexigé, celles qui
sont inconsistantes avecles
autres mesures de la(,cgo)Ê
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même série, et celles qui ne sont pas en accord avec la climatologie locale (par
exemple, une mesure indiquant 34 "C à 12 hlocale au Groenland,
en décembre). Toutes les erreurs grossières sont décelées à ce stade.Il y
a ensuite des tests plusfins:
les données d'observation sont comparées avecune prévision préliminaire,
baséesur
desobservations effectuées
6 heures auparavant.De
plus, les observations sont groupées par paquets dans lesquelson doit avoir
cohérence,et
toutes les observations sont comparéesavec celles faites
dansle même
secteur,ainsi qu'avec les résultats de
la prévision.Les stations transmettant
des mesuresun peu trop souvent
suspectes, rejoignent une liste noire; leurs instruments devront être contrôlés (SônnnrranNloc. cit.). Les erreurs systématiques peuvent résulter d'un blocage d'instrument, d'un mauvais calibrage, de la portée limitée de
certaines informations, de la performance médiocre de certains satellites, etc.Le
modèle européenfournira
une analyse globale aux temps synoptiques 0 - 6-
12- l8
hGMT,
ainsi qu'une prévision àl0 jours
àlzhGMT.
Commecondition initiale on
aura toujoursla
situationqui
prévalait 6 heures plus tôt, réactualisée constamment par leflot
de données arrivant toutes les six heures.Un
processusd'initialisation permet, selon la durée de la prévision,
desupprimer
certaines ondesdites
degravité
(sinuositédu
courantjet,
ondes dues aurelief, par
exemple).Mais
cen'est
pas nécessaire au-delà de troisjours, car elles s'amortissent
dansle
temps.L'ordinateur va alors
simulerl'évolution
des paramètresinjectés, par
pasde l5 minutes, et ceci pour
plusieurs jours (une dizaine, mais on ne tient compte que des 7 premiers).Les paramètres calculés et distribués aux états membres du Centre
européen sont les suivants:-à
différents niveaux,la température,le
vent,la
vitesse verticale del'air, I'humidité,
ainsi que la pression au sol;-des
paramètres plus expérimentaux, comme la température àla
surface età l0 m du
sol,la
quantité totale de précipitations dansun
laps de temps, lepoint
de rosée à 2m
du sol, le vent à 10m
du sol, la hauteur de neige gisante et celle à attendre, les précipitations cumulées sur cinqjours
etla
couverture nuageuse;-une
analyse chaque six heures;-une
prévision chaque six heures, à 5 jours, et chaque 12 heures au-delà.A
noter que tous les paramètres calculés aprèsle
septièmejour
sont encore considérés comme expérimentaux.L'échelle
spatiale donnéepar
ce modèlenumérique
étant grande (maille grossière), plusieurs pays dontla
France,l'Angleterre
etle
couple geffnano- suisse,s'appliquent
ày intégrer un
modèle numérique àfine maille
(PHau1989,
Qumv
etal.
1988,MRrswsrr
1986).Le
développement sefait
dans ladirection d'une grille
àmaille
variable, par exemple grossière sur les Alpes,plus fine
surle
Plateau, selonla
demande (Atr,tnuHret al..
1992).On
parle d'une maille de 15,voire
10km
(Qursv etal.,loc,
cit.)La règle
dujeu devient alors très simple: si l'on ne
dispose pasd'un
ordinateur assez puissant,c'est-à-dire
assez rapidepour faire le calcul
plusvite que l'évolution météorologique en
tempsréel, alors il vaut mieux
semettre au balcon et regarder le ciel. Si, au contraire, I'ordinateur peut effectuer
en
quelques heures ceque l'atmosphère mettra dix jours
àfaire, alors
on commence àvoir
le bout du tunnel. Et pour effectuer cela,il
faut disposer desordinateurs actuellement les plus performants. Pratiquement,
ces<<superinstruments>> achèveront cette
prévision en
deux heuresenviron,
en ayanteffectué 2 milliards d'opérations.
I1 estclair
que chaquejour, il
fautréactualiser
les
mesureset
recommencerles calculs.
Celapermet
aussi de tester les modèles en comparant 1'évolution réelle avec ce queI'on
avait prévu(Aunûru
etal.
1992).On
se rend compte alors quela fiabilité
des prévisions décroît rapidementavec le temps. Selon le filtrage effectué pour ne garder que les
grandes structures atmosphériques,on
atteint encorel}Vo
des prévisions <<bonnes>> à cinq jours, mais cela chute à 507o à 6 jours etTVo à 8 jours (SÔoenvnN 1989).En ce
qui
concerne notre pays,il y
a alors un problèmequi
ne tarde pas àsurgir, et il
est detaille (c'est le
cas dele dire): la maille du
modèle est si grande(environ
100km sur
100km)
quela
Suisse est presque entièrement éontenue dans unbloc
! Dans une zone sansrelief, loin
des côtes, celan'aurait
guèred'importance; mais
avecla
présence desAlpes et
desmodifications
iégionales du temps qu'elles apportent, cettemaille
est trop grande.Et
siI'on voulait diminuer la taille
desblocs
demoitié
etraccourcir le
pas temporel, égalementde moitié, on
setrouverait
au-delà dela limite
des ordinateurs aètuels.La
situation est donc présentement insoluble sil'on
veut augmenter laprécision de nos prévisions. Ce constat pour la Suisse peut paraître
dramatique, mais
il
nel'est
pas foncièrement: avec un taux de réussite contrôlé de 85Va pour les prévisions à deux jours et de 60Va à six jours, cela représente déjà unejolie
perfoffnance.D'autre part, il
nefaut
pas se bercerd'illusions: la prévision à
l00%o estimpossible. Pour I'atteindre, il faudrait faire une prévision, et donc
des mesures, pour chaque m2 dela
surface terrestre, tantle
développement d'une perturbation en un point peut affecter le temps à une très grande distance.N'a- i-on
pasdit, d'une manière caricaturale, que le battement
desailes d'un papillon
australienun
peu nerveuxpouvait
engendrerun typhon
au Bengla- Desh ou un ouragan aux Caraibes ?De toute façon, la prévision reçue de l'ordinateur est affinée par
leprévisionniste local (Genève-Zurich-Locarno), et c'est
àlui
querevient
lemérite
de dessinerla
carte diffusée dans notre pays, ainsi quele bulletin
quiI'accompagne. Comme on le voit par cette ultime remarque, malgré
les énormes-progrès dela
météorologie, àun
siècled'intervalle,
le jugement deI'homme joue encore un rôle décisif que I'ordinateur n'est
pas,pour
le moment, prêt à assumer.5. RsvrgnctEMENTS
Je remercie Jacques Ambùhl et Lionel Fontannaz, météorologues à l'Aéroport de Genève-Cointrin, pour les renseignements
qu'ils
ont bien voulu me transmettre concernant le modèle européen, ainsi que Mme J. Berthoud, du Département de Minéralogie de l'Université de Genève, qui a dactylographié le manuscrit.6. BmllocnAPHIE
AN4eûHr- J. et EcxBnrP.,1992. DIAGNO II, prévision automatique des précipitations en Suisse. EPFL, Flash informatique no 3.
Br-RNcuBr R., 1843. Note sur l'orage qui a éclaté le 19 Juin demier. Bull. séances Soc.
vaud. Sc. nat. 1.6; 196-197.
DE LA HanpB J., 1845. Sur un arc-en-ciel blanc. Bull. séances Soc. vaud. Sc. nat. 1.9:
361.
GuÉnox
J.-L.,1843a. Sur I'arc-en-ciel et les globules colorés. Bull. séances Soc. vaud, Sc. nat. 1.5: 138-143.GuÉnoN
J.-L., 1843b. Sur les émanations atmosphériques qui affectent les organes des plantes et des animaux. Bull. séances Soc. vaud. Sc. nat. L6:193-195.Hanov R., Wzucnr P., GzunnrN J. et
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1982.La
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dem Europa-Modell.DWD intern. Arbeiten der Forschungsabteilung Nr 6.
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1989. Historique du modèle d'adaptation et de prévision locale: le modèle Péridot. Corr. au n" 28, La Météorologie.Qumv J., Scnuslcen F. et BINDER P., 1988. Le programme MESOMOD de
I'ISM
(développement du modèle numérique de prévision à méso-échelle). Rapport de travail no 150 de I'ISM,Zuich.
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séances Soc. vaud. Sc. nat. 1.2: 50-52.
WenruamN 8.,1842c. Observations du solstice d'été 1842. Bull. séances Soc. vaud. Sc.
nat. 1.4:92-93.
Wamuarw
8.,
1842d. Observations météorologiques de l'éclipse de soleil du 8 Juillet.Bull. séances Soc. vaud. Sc. nat. I .4;93-94.
Manuscrit reçu le 6 mai