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La confiscation de l'argent des "potentats" : à qui incombe la preuve?

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La confiscation de l'argent des "potentats" : à qui incombe la preuve?

CASSANI, Ursula

CASSANI, Ursula. La confiscation de l'argent des "potentats" : à qui incombe la preuve? La Semaine judiciaire. II, Doctrine , 2009, no. 8, p. 229-256

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:15967

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La confiscation de l’argent des «potentats»:

à qui incombe la preuve?

par

Ursula CASSANI∗

Professeure à la Faculté de droit de l’Université de Genève Juge à la Cour d’appel de la magistrature

avocate

I. INTRODUCTION

La voie menant de l’infraction au recouvrement des avoirs est semée d’embûches1. Ce constat s’impose tout particulièrement, lorsque l’au- teur est un chef d’Etat et qu’il a pillé le trésor public d’un pays pauvre, gangrené par la corruption ou doté d’un appareil judiciaire en déli- quescence. Aux difficultés usuelles de l’identification, de la saisie et de la confiscation d’avoirs d’origine illicite s’ajoutent alors la com- plexité de la procédure d’entraide et le fait que les conditions aux- quelles est soumise la restitution d’avoirs sont parfois incompatibles avec les priorités politiques d’un pays à la recherche d’un équilibre qui peut impliquer un compromis avec le régime déchu. De ce fait, l’Etat lésé peut être incapable de se conformer aux exigences de la procédure d’entraide et de juger les auteurs et statuer sur l’indemnisa- tion des victimes dans le cadre d’un procès respectant les principes élémentaires de la procédure pénale et des droits de l’homme2. Même lorsque l’Etat recouvre les avoirs, rien ne garantit que ceux-ci ne tom- bent pas dans les mains d’une classe dirigeante aussi corrompue que la précédente.

L’auteure remercie son assistant, Me Georges Pavlidis, de sa relecture perspicace du manuscrit.

1 Sur ces obstacles, cf. BERTOSSA (in toto).

2 Cf. MORIER (in toto); cf. également le texte non daté du Département fédéral des affaires étrangères, «Swiss paper to the Commission for Africa, Swiss measures related to illicitly acquired assets», disponible à l’url http://www.eda.admin.ch/etc/

medialib/downloads/edazen/topics/finec/intcr.Par.0008.File.tmp/PDF_peps_en.pdf.

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La chronique judiciaire suisse des vingt dernières années est riche en illustrations de toutes ces difficultés que viennent confirmer cer- tains échecs cuisants, dont le dernier en date est l’impasse sur laquelle a abouti l’affaire Mobutu. Le Tribunal pénal fédéral vient, en effet, de rejeter une plainte dirigée par le Professeur Mark Pieth contre la déci- sion du Ministère public de la Confédération de ne pas ouvrir une procédure de confiscation suite à la plainte pénale pour participation à une organisation criminelle déposée in extremis par la République démocratique du Congo contre les représentants du régime Mobutu3. Cette décision, intervenant douze ans après le blocage initial des biens à la faveur d’une requête d’entraide déposée en 1997 et finale- ment rejetée en 20034, était fondée sur la prescription, au motif qu’à supposer que Mobutu et ses proches aient effectivement formé une organisation criminelle, cette dernière aurait été dispersée et rendue inopérante à la chute du régime.

Nonobstant les déconvenues, «[e]n restituant plus de 1.6 milliard de dollars aux pays d’origine de fonds illicites, la Suisse a rendu plus d’argent que n’importe quel autre pays du monde au cours de ces vingt dernières années»5. Ce constat est à la fois inquiétant et réjouis- sant: d’une part, ce chiffre révèle l’ampleur des valeurs patrimoniales d’origine criminelle qui ont été accueillies en Suisse. D’autre part, il traduit aussi l’importance des efforts fournis par la justice de notre pays dans le tracing, le blocage et la restitution des fonds, qui témoigne d’une prise de conscience croissante du fait que «l’intérêt essentiel de la Suisse» consiste à «ne pas servir de refuge aux mon- tants considérables détournés illégalement par les représentants de régimes dictatoriaux», pour reprendre la formule du Tribunal fédéral6. L’action de Bernard Bertossa, comme Procureur général de la Répu- blique et Canton de Genève, puis comme juge au Tribunal pénal fédé- ral, a fortement contribué à cette prise de conscience.

3 Arrêt du 14 juillet 2009, A. c. MP Conféd., BA.2009.4. Dans un arrêt non publié du 16 février 2009 (2A.511/2005), le Tribunal fédéral avait admis une demande en indemnisation des héritiers d’un créancier suisse, portraitiste et consultant pléni- potentiaire de Mobutu, à raison du «comportement obstructif» (consid. 5.6.3) des autorités suisses, dans la mesure où elles avaient admis que le blocage s’opposait au paiement d’un dividende que les tribunaux civils leur avaient reconnu. Cf. aussi, dans la même affaire, les ATF 131 III 652 et 132 I 229.

4 Depuis 2003, les avoirs étaient bloqués par une ordonnance du Conseil fédéral rendue sur la base de l’art. 184 al. 3 Cst. féd. et prolongée à plusieurs reprises.

5 Communiqué de presse du Département fédéral des affaires étrangères, Projet de loi permettant de confisquer et restituer les biens illicites de potentats, du 5 décembre 2008.

6 ATF 131 II 169, p. 175 (Abacha); dans le même sens, ATF 123 II 595, p. 607 s.

(Marcos).

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II. LES MÉCANISMES DE CONFISCATION ET DE COOPÉRATION INTERNATIONALE:

BREF APERÇU DES INSTRUMENTS À DISPOSITION

«La Suisse dispose d’un régime de confiscation sophistiqué et com- plet». Cette courte phrase, contenue dans le rapport sur la Suisse dans le cadre du 3e cycle d’évaluations mutuelles conduites par le GAFI7, reflète non seulement le fait que le droit suisse de la confiscation, y compris dans ses aspects procéduraux et internationaux, est bien conçu, mais aussi qu’il est appliqué avec rigueur. La suite de cette contribution se concentrera sur ces instruments, auxquels il convien- drait encore d’ajouter les mesures prises en application d’embargos internationaux, ainsi que les possibilités de blocage et de recouvre- ment offertes par la voie civile.

A. La confiscation de valeurs dans le code pénal suisse Dès l’origine, le code pénal suisse de 1937 adoptait la «all crimes approach» et permettait donc la confiscation à des fins de sécurité en relation avec toutes les infractions. En 1974, la confiscation de valeurs a été introduite de manière générale8. L’adoption du «deuxième train de mesures contre le crime organisé» a permis d’améliorer le système, en clarifiant la distinction entre la confiscation (art. 59 ch. 1 CP 1994 / art. 70 CP 20029) et la créance compensatrice (art. 59 ch. 2 CP 1994 / art. 71 CP 2002) et en introduisant une disposition permettant la confiscation des avoirs dans le pouvoir de disposition d’une organisa- tion criminelle (art. 59 ch. 3 CP 1994 / art. 72 CP 2002).

Pour la définition de l’organisation criminelle, l’art. 72 CP renvoie à l’art. 260ter CP réprimant la participation et le soutien à une telle organisation. Il s’agit d’une entité stable d’au moins trois personnes,

«qui tient sa structure et son effectif secrets et qui poursuit le but de commettre des actes de violence criminels ou de se procurer des revenus par des moyens criminels». Selon les travaux prépa- ratoires, il faut «une structure solide favorisant des préparatifs objectivement reconnaissables, entrepris de manière systématique et conformément à un plan»; il faut, par ailleurs, que l’on «puisse manifestement admettre le caractère particulièrement dangereux de

7 Groupe d’action financière (GAFI), 3e Rapport d’évaluation mutuelle de la lutte anti- blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme, Suisse, novembre 2005, ch. 168.

8 Loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA), du 22 mars 1974 (RO 1974 1857), en vig. le 1er janvier 1975.

9 L’art. 59 CP 1994 n’a subi que des modifications mineures à l’occasion de la révi- sion de la partie générale de 2002, se résumant pour l’essentiel à une subdivision en trois articles distincts (art. 70 à 72 CP).

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l’organisation»10. Pour le surplus, la jurisprudence est fluctuante quant aux exigences posées11.

La confiscation est possible lorsque la valeur est dans le pouvoir de disposition d’une organisation criminelle; la provenance illicite des avoirs n’est donc pas nécessaire. L’intérêt principal de cette disposi- tion réside dans le fait que l’art. 72, 2e phrase opère un renversement du fardeau de la preuve en présumant, de manière réfragable, que tous les avoirs appartenant à une personne qui a participé ou apporté son soutien à une organisation criminelle au sens de l’art. 260ter CP sont dans le pouvoir de disposition de cette dernière12.

Une caractéristique essentielle du droit suisse réside dans le fait qu’il permet la confiscation autonome d’avoirs, qui peut être détachée de la condamnation pénale. Alors que beaucoup de pays membres de l’Union européenne subordonnent à l’heure actuelle encore la confiscation à l’existence d’une condamnation préalable de l’auteur13, la possibilité de confisquer des avoirs, même lorsque l’auteur de l’infraction préalable ne peut être jugé, était bien ancrée en droit suisse dès l’entrée en vigueur du droit pénal fédéral14. Ainsi, les procédures cantonales doivent permettre la confiscation indépendante, comme c’est le cas du Code de procédure pénale suisse adopté le 5 octobre 2007 (art. 376 et 377 CPP)15.

L’exercice de la confiscation suppose que la compétence des tribu- naux suisses soit établie en application des art. 3 à 8 CP ou de normes spéciales, à l’instar de l’art. 24 LStup. La jurisprudence retient cette exigence non seulement pour ce qui est de la confiscation et de la créance compensatrice (art. 70 et 71 CP)16, mais aussi pour la

10 Message du Conseil fédéral concernant la modification du code pénal suisse et du code pénal militaire (Révision du droit de la confiscation, punissabilité de l’organi- sation criminelle, droit de communication du financier), du 30 juin 1993, FF 1993 269 ss, p. 290.

11 Un arrêt de 2006, rendu à propos d’une famille de trafiquants de drogue dont l’acti- vité criminelle collective était intensive et organisée dans la durée, semble même reléguer l’art. 260ter CP à l’arrière-plan (ATF 132 IV 132, p. 138).

12 Cf. ci-dessous, p. 249 s.

13 L’absence de procédures de confiscation sans condamnation dans beaucoup de pays européens constitue un obstacle sérieux à la mise en œuvre d’une politique commune, selon la Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 20 novembre 2008, intitulée «Produits du crime organisé, Garantir que

‘le crime ne paie pas’» (COM (2008) 766 final), p. 6 s.

14 HAFTER, p. 418 s.; SCHULTZ, p. 320 ss.

15 FF 2007 6583. La notion de confiscation devrait englober la créance compensatrice, qui n’est mentionnée ni dans le texte légal, ni dans le Message relatif à l’unification du droit de la procédure pénale, du 21 décembre 2005, FF 2006 1057, p. 1290.

16 ATF 132 II 178, 186; ATF 128 IV 145, p. 149 s.; sur cette question, cf. CASSANI (1999) p. 262 s. et les références citées; également PIETH, p. 503 (avec une proposi- tion d’élargissement de lege ferenda); contra: SCHMID (2007), Art. 70 CP N. 28 et 230; SCHMID (1995) p. 325 et p. 332; HARARI (1998), p. 11 ss.

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confiscation des avoirs qui sont dans le pouvoir de disposition d’une organisation criminelle (art. 72 CP)17. Lorsque la compétence pour l’infraction en amont ne peut être établie mais que des avoirs d’origine criminelle sont transférés en Suisse, il y a en règle générale une compétence pour le blanchiment d’argent (art. 305bis CP). Il faut, pour cela, que l’infraction soit un crime (art. 10 al. 2 CP), ce qui est le cas des malversations typiquement commises par des dirigeants politiques indélicats et générant des profits (corruption, escroquerie, gestion déloyale aggravée, gestion déloyale des intérêts publics, abus de confiance, vol, etc.). Pour ce qui est de la compétence pour la confis- cation des avoirs des organisations criminelles, elle est réalisée non seulement selon les conditions découlant de l’art. 260ter ch. 3 CP, mais aussi «si les fonds sont gérés dans notre pays par un membre de l’organisation ou par un instrument utilisé à son insu»18.

B. La confiscation internationale et la restitution au pays spolié

La Suisse a une longue expérience dans le domaine de l’entraide inter- nationale en matière pénale sous toutes ses formes et tout particulière- ment de la saisie et la confiscation d’avoirs et la restitution de ceux-ci aux Etats spoliés ou aux lésés.

1. L’entraide internationale en matière pénale:

principes et limites

La confiscation et la restitution d’avoirs détournés par des dirigeants politiques indélicats peuvent être obtenues par la voie de l’entraide pénale, qui est accordée non seulement pour les enquêtes des autorités répressives mais aussi pour celles qui les préparent, à l’instar de l’en- quête d’une commission parlementaire, à condition que celle-ci

«puisse aboutir au renvoi des intéressés devant un tribunal compétent pour réprimer les actes délictueux qui leur sont reprochés»19. La coopération est aussi accordée dans le cadre de l’action in rem de confiscation civile selon le modèle de la «civil forfeiture» ou de la

«civil recovery» anglo-saxonne, à condition toutefois que l’Etat requérant soit compétent pour poursuivre les agissements décrits dans la demande d’entraide20.

17 ATF 132 II 178, 186 et arrêt du TF non publié 6P.142/2004 du 7 février 2005, consid. 4.2.

18 Arrêt du TF non publié 6P.142/2004 du 7 février 2005, consid. 4.2.

19 ATF 133 IV 40, p. 45; 132 II 178, p. 181 s.; 126 II 316, p. 322; 113 Ib 257, p. 270.

20 ATF 132 II 178, p. 187.

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La restitution des avoirs issus de la corruption, que la communauté internationale érigea pour la première fois en obligation à l’art. 57 de la Convention de Mérida de 200321, correspond aussi à «une longue expérience et une longue pratique» en Suisse, comme le relève le Conseil fédéral dans son Message à propos de cette convention que la Suisse s’apprête à ratifier22.

Cette coopération, offerte sur la base de conventions multilatérales, de traités bilatéraux ou de l’EIMP23, est certes sujette à certaines limi- tations, mais ces dernières ne sont pas absolues ou sont maniées avec souplesse:

– Conformément à l’art. 2 EIMP, la Suisse refuse de prêter main forte à des procédures étrangères «qui ne garantiraient pas à la personne poursuivie un standard de protection minimal corres- pondant à celui offert par le droit des Etats démocratiques, défini en particulier par [la CEDH et le Pacte II de l’ONU], ou qui se heurteraient à des normes reconnues comme appartenant à l’or- dre public international»24. Ce principe s’applique aussi lorsque l’entraide se fonde sur une convention par laquelle la Suisse s’est engagée à coopérer25. Toutefois, la limitation qui en découle est interprétée de manière restrictive26; même lorsque le grief est considéré comme partiellement fondé, il ne fait en général pas obstacle à la coopération mais aboutit à l’obtention de garanties27 dont le respect demeure difficile à contrôler et impossible à imposer.

– En vertu de l’art. 3 al. 1 EIMP, la demande est irrecevable si l’acte revêt un caractère politique prépondérant; cependant, la juris- prudence retient qu’il ne suffit pas que l’affaire présente des aspects politiques, ce qui est inévitable lorsque des actes commis

21 Convention des Nations Unies contre la corruption du 31 octobre 2003 («Convention de Mérida»; CNUCC).

22 Message du 21 septembre 2007 concernant la Convention des Nations Unies contre la corruption, FF 2007 6931, p. 6940. L’arrêté de ratification a été adopté par les Chambres fédérales le 20 mars 2009 (FF 2009 1827), sans révision du droit suisse.

Le dépôt des instruments de ratification devrait intervenir en automne 2009.

23 Loi fédérale sur l’entraide internationale en matière pénale, du 20 mars 1981, RS 351.1.

24 ATF 133 IV 40, p. 47; ATF 122 II 140, p. 142 s. et arrêts cités.

25 Sur cette base, l’entraide a été refusée dans l’affaire Yukos (ATF du 13 août 2007, Mikhail Khodorkovski 1A.29/2007), qui avait toutefois trait à une «constellation particulière» (ATF non publié du 12 juin 2008, cause 1 C 191/2008, consid. 2.2).

26 ATF 133 IV 271, p. 274; 133 IV 131, p. 132. Sur la «classification» des Etats sous l’angle de leur fiabilité en matière de droits fondamentaux, retenue par le Tribunal fédéral et le Tribunal pénal fédéral (par exemple, TPF 2008 24, A. contre OFJ (20 mars 2008), consid. 4.2-4.3, refus d’extradition à la Moldavie), cf. POPP, p. 68 ss.

27 ATF 129 II 268, 274 s. (Abacha); ATF 130 II 217, 233 ss et ATF 131 II 228, p. 232 ss (Wang / Taïwan).

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par des responsables politiques anciens ou actuels sont en cause.

L’irrecevabilité ne doit être admise pour ce motif que s’il y a lieu de suspecter «un manque d’impartialité des magistrats qui pour- raient un jour être appelés à statuer sur le caractère délictueux des faits décrits», sur la base d’indices sérieux «d’une dépen- dance du pouvoir judiciaire envers le monde politique, ou envers l’opinion publique»28.

– Quant à l’immunité de juridiction, elle est accordée au chef d’Etat29 et au ministre des affaires étrangères30, dans le but de protéger la souveraineté de l’Etat agissant dans ses attributs de puissance publique. Dès lors, comme l’a relevé le Tribunal fédéral dans l’affaire Marcos31, l’immunité prend fin avec la fonction officielle; elle ne constitue pas un obstacle à l’exécution d’une demande d’entraide qui émane de l’Etat concerné, et elle peut être levée par celui-ci au profit de pays tiers. L’immunité ne peut pas, non plus, être invoquée par d’anciens ministres dans le cadre de la coopération en matière pénale accordée pour une enquête menée par une commission parlementaire qui pourrait aboutir à une décision de levée d’immunité et de renvoi devant les tribunaux pénaux compétents32. Le Tribunal fédéral a, par ailleurs, réduit la portée de l’immunité, y compris en matière d’entraide pénale, en jugeant qu’elle ne profitait à l’Etat que pour son activité de iure imperii33. Enfin, celui qui ouvre un compte au nom d’une société de domicile ou d’un homme de paille, voire sous pseudonyme ou un faux nom, n’a pas la qualité pour agir dans la procédure d’entraide34; l’immunité qui pourrait s’attacher à sa personne n’est, par conséquent, pas prise en compte35.

28 ATF 133 IV 40, p. 48, citant l’ATF 115 Ib 68, p. 86.

29 ATF 113 Ib 257, p. 274 s.; ATF 115 Ib 496, p. 501; ZIMMERMANN, p. 645 s., N. 693 s.

Sur la question complexe de l’immunité des chefs d’Etat en fonction devant les juridictions pénales internationales et dans la coopération des Etats avec ces dernières, cf. GAETA, p. 315 ss.

30 ZIMMERMANN, N. 693, citant l’arrêt de la Cour internationale de Justice du 14 février 2002 dans l’affaire opposant la République démocratique du Congo au Royaume de Belgique, § 51 ss (affaire Yerodia).

31 ATF 113 Ib 257, p. 275; ATF 115 Ib 496, p. 498 s.

32 ATF 133 IV 40, p. 45.

33 Arrêt non publié du TF du 8 décembre 2000 (1P.581/2000), consid. 2b et arrêt non publié du TF du 25 juin 2001 (1A.94/2001), affaire de la République du Kazakhstan, consid. 4.

34 ATF 129 II 268, p. 269 (Abacha); ATF 123 II 153, 157 s; ATF 122 II 130, p. 132 s.;

ZIMMERMANN, p. 478 s, N. 526 s.

35 Affaire du Président gabonais en exercice Bongo, arrêt du TF du 8 mars 1999 (1P.631/1998 et 1P.633/1998), partiellement reproduit dans SJ 1999 I 427.

GULLY-HART, p. 174 s., p. 180.

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– Le droit suisse demeure attaché à la condition de la double incrimination (art. 64 EIMP, cf. également l’art. 35 EIMP), selon laquelle les faits allégués dans la demande d’entraide doivent constituer une infraction au regard du droit suisse. En matière de blanchiment d’argent, il n’est pas nécessaire que des précisions sur le crime en amont soient données, ou que l’autorité étrangère connaisse la nature exacte de l’infraction36, à condition tout de même que la requête présentée fasse état d’indices sérieux permet- tant d’admettre qu’il y a un crime en amont37.

2. La remise à l’étranger des objets et valeurs (art. 74a EIMP) La remise à l’étranger d’objets et de valeurs peut avoir lieu dans le contexte de l’extradition (art. 59 EIMP). Elle peut aussi se fonder sur l’art. 74a EIMP, selon lequel, «sur demande de l’autorité étrangère compétente, les objets ou valeurs saisis à titre conservatoire peuvent lui être remis au terme de la procédure d’entraide (art. 80d), en vue de confiscation ou de restitution à l’ayant droit»38.

En vertu de l’art. 74a al. 3 EIMP, la remise «peut intervenir à tous les stades de la procédure étrangère, en règle générale sur décision définitive et exécutoire de l’Etat requérant» sur le sort des avoirs.

Cette formulation introduite par les parlementaires39, en évoquant la

«règle générale», laisse subsister la possibilité d’exceptions, exploitée notamment dans les affaires Marcos40 et Abacha41. La remise antici- pée est possible lorsque la provenance illicite des valeurs paraît claire- ment établie42 ou très probable43, voire si «la situation est limpide tant pour ce qui concerne l’identification des objets ou valeurs que leur

36 ATF 129 II 97, p. 99, confirmé par de nombreux arrêts cités dans l’arrêt du TF du 24 octobre 2005 (1A.188/2005), consid. 2.2. Pour une analyse critique, cf. CASSANI (2008) p. 390 s.; FORSTER, p. 282 ss; HARARI (2004), p. 123 s.

37 ATF non publié du 24 octobre 2005 (1A.188/2005), consid. 2.

38 La possibilité était déjà admise sous l’empire de l’ancienne EIMP. ATF 112 Ib 576, p. 598 s.; ATF 115 Ib 517, p. 530 ss (Pemex); HARARI (1997),in toto.

39 Sur les travaux préparatoires, cf. l’ATF 123 II 595, p. 600 ss (affaire Marcos).

De manière générale sur la remise anticipée, cf. ZIMMERMANN, p. 314 s., N. 340;

GULLY-HART,p. 174 s.

40 ATF 123 II 595, p. 600 ss, p. 610 s. (Marcos); dans un autre volet de l’af- faire, la remise anticipée a cependant été refusée: ATF 126 II 462, 468 s.;

ATF 1A.335/2005 du 22 mars 2007, consid. 3.2; le jugement de confiscation est devenu définitif nonobstant l’introduction d’une «motion for reconsideration», arrêt du TPF, RR.2007.207 du 6 novembre 2008, consid. 2.4–2.7, recours rejeté, ATF 1C_537/2008 du 22 décembre 2008.

41 ATF 131 II 169, p. 175 (Abacha).

42 ATF 123 II 134, p. 141 et 143 (remise de tableaux volés à la France en vue de leur restitution à l’ayant droit).

43 ATF 123 II 595, p. 608 (Marcos).

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provenance délictueuse»44. Elle peut se fonder notamment sur l’intérêt de la Suisse, considéré essentiel au sens de l’art. 1a EIMP, de ne pas servir de refuge à l’argent détourné par des dictateurs45.

Peuvent être restituées par le biais de l’art. 74a EIMP, les valeurs patrimoniales provenant d’une infraction au sens de l’art. 70 CP46, ainsi que celles qui sont dans le pouvoir de disposition d’une organisa- tion criminelle (art. 72 CP)47. Les valeurs destinées à couvrir une créance compensatrice (art. 71 CP) ne sauraient, en revanche, être res- tituées sur cette base, à tout le moins lorsque des créanciers en Suisse pourraient être lésés par la remise de ces valeurs et perdre ainsi la protection que leur offre l’art. 71 al. 3, 2e phrase CP48. Par conséquent, lorsque la demande d’entraide vise des valeurs destinées à assurer le paiement d’une créance compensatrice au sens de l’art. 71 CP, l’Etat requérant devra passer par la voie de l’exequatur (art. 94 et 105 ss EIMP)49. Il convient de rappeler qu’en droit interne et à la diffé- rence de ce qui vaut en matière de confiscation (art. 70 CP), les valeurs patrimoniales bloquées en vue de l’exécution d’une créance compensatrice (art. 71 CP) ne sont pas directement attribuées à l’Etat, qui doit passer par l’exécution forcée sur la base de la LP.

L’affaire Abacha fournit au Tribunal fédéral l’occasion d’élargir considérablement les possibilités de remise à l’étranger, en déclarant que l’art. 74a EIMP devait être interprété à la lumière de l’art. 72 CP, en particulier pour ce qui était du renversement du fardeau de la preuve contenu à sa 2e phrase50. Considérant que la structure mise sur pied par Sani Abacha était une organisation criminelle, le Tribu- nal fédéral a libéré les autorités d’entraide du fardeau consistant à démontrer le lien de provenance entre les avoirs et les infractions reprochées au dictateur défunt et à sa famille et ses proches et invité l’Office fédéral de la justice à offrir aux intéressés «la possibilité de faire valoir les arguments propres à renverser la présomption […],

44 ATF 131 II 169, p. 175 (Abacha).

45 ATF 131 II 169, p. 175 (Abacha); dans le même sens, ATF 123 II 595, p. 607 s.

(Marcos).

46 ATF 129 II 453, p. 461 (Ethiopie); ATF 131 II 169, p. 183 s. (Abacha).

47 ATF 131 II 169, p. 183 s. (Abacha).

48 ATF 133 IV 215, p. 220; GULLY-HART, p. 177 s.; ZIMMERMANN (p. 311, N. 338) estime que le silence de la loi est permissif et n’exclut pas la remise de valeurs saisis en vue de la créance compensatrice. MOREILLON (Art. 74a EIMP N. 20-23) semble vouloirfonder la remisesur l’art. 59 ch. 2 aCP. Cf. aussi CASSANI (2008), p. 392 s. et CASSANI (1999), p. 279 s.

49 Cf. note 48 supra.

50 ATF 131 II 169, p. 182 ss.GULLY-HART, p. 175 s.

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c’est-à-dire de démontrer que les fonds saisis ne sont pas d’origine criminelle»51.

En février 2009, l’Office fédéral de la justice appliqua le même mécanisme dans l’affaire de l’ex-dictateur haïtien Duvalier. Les détenteurs des comptes n’ayant pas réussi à détruire la présomption découlant de l’art. 72, 2e phrase CP, il ordonna la remise à Haïti de Frs. 7 millions52. Comme déjà relevé, le même mécanisme s’est, en revanche, relevé inopérant dans l’affaire Mobutu53.

3. La confiscation en Suisse et le partage international de valeurs

Il est également envisageable que les avoirs soient confisqués en Suisse, par le biais d’une procédure nationale ou sur la base d’une demande la coopération dans l’exécution de la confiscation, telle que prévue à l’art. 13 CBl 199054. Le Message du Conseil fédéral en vue de la ratification de cette convention envisage la voie de la confisca- tion autonome (art. 13 § 1 let. b CBl 1990) lorsque l’infraction relève de la compétence territoriale des tribunaux suisses et, lorsque tel n’est pas le cas, celle de l’exécution de la confiscation étrangère (art. 13 § 1 let. a CBl 1990) sur la base des art. 94 et 105 ss EIMP55. Ces dernières dispositions ne visent expressément ni la confiscation ni la créance compensatrice, mais la jurisprudence en a élargi la portée à ces mesures56, par des arrêts rendus antérieurement à la révision de l’EIMP. De manière regrettable pour la clarté de la situation juridique, le législateur n’a pas jugé bon d’ajouter la mention de la confiscation et la créance compensatrice à l’art. 94 EIMP à l’occasion du remaniement législatif de 199657; le Message du Conseil fédéral exclut même l’exequatur des décisions étrangères de confiscation, au

51 ATF 131 II 169, p. 184.

52 Communiqué de presse du 12 février 2009. Le recours interjeté par des victimes du régime Duvalier ayant obtenu un jugement d’indemnisation en leur faveur devant un tribunal de Floride fut déclaré irrecevable par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 3 juillet 2009 (ATF non publié dans la cause 1C_166/2009, du 3 juillet 2009; arrêt de la 2ème Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral, RR 2009.91-92, du 7 avril 2009).

53 Cf. l’arrêt du Tribunal pénal fédéral précité (note 3).

54 Convention n° 141 du Conseil de l’Europe, relative au blanchiment, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, RS 0.311.53.

55 FF 1992 VI 8, p. 21 s.

56 ATF 115 Ib 517, p. 541 à 548 (Pemex); ATF 120 Ib 167, p. 173 s. (ad créance compensatrice).

57 Révision de l’EIMP par la LF du 4 octobre 1996, en vig. depuis le 1er février 1997, RO 1997 114 ss.

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motif qu’il ne s’agirait pas d’une sanction au sens de l’art. 11 EIMP58. Un arrêt récent vient cependant à nouveau de confirmer le fait que l’art. 94 EIMP s’applique aux jugements en confiscation étrangers59.

En cas de confiscation en Suisse, que ce soit sur la base d’une procédure autonome ou de l’exequatur, les fonds sont en principe versés au trésor public; cependant, les avoirs peuvent être partagés en vertu de la Loi fédérale du 19 mars 2004 sur le partage des valeurs patrimoniales confisquées (LVPC)60. De cette manière, l’Etat étranger peut également récupérer une part qui est fixée dans un accord prévoyant les modalités du partage et la clé de répartition. L’art. 12 al. 3 LVPC dispose qu’en «règle générale, les valeurs sont partagées à parts égales entre la Suisse et l’Etat étranger». Il est toutefois possible de «s’écarter de cette clé, voire de restituer l’ensemble des valeurs patrimoniales confisquées à l’Etat étranger, pour des motifs fondés», notamment en raison de la nature de l’infraction, du contexte international ou de l’importance des lésions des intérêts de l’Etat étranger (etc.). Il s’ensuit que cette voie peut également aboutir à un rapatriement généreux des fonds et qu’elle permet la négociation des modalités du transfert et donc l’introduction de mécanismes tendant à sauvegarder les intérêts du peuple spolié.

4. Solutions de lege lata et ferenda en cas d’insuffisance de l’entraide

Le Conseil fédéral a pallié à plusieurs reprises les insuffisances de l’entraide, en rendant des ordonnances de blocage des avoirs sur la base de l’art. 184 al. 3 Cst. féd. (art. 102 ch. 8 aCst. féd.). La mesure, limitée dans le temps, doit être exigée par la sauvegarde des intérêts de la Suisse61. Le Conseil fédéral y fit recours en relation avec les avoirs appartenant à d’anciens responsables politiques indélicats, par exemple dans les affaires Marcos, Mobutu ou Duvalier, que ce soit pour assurer le blocage immédiat des avoirs ou pour prendre le relais après l’échec de la procédure d’entraide. Cependant, cette disposition constitutionnelle ne permet pas de décision de confiscation, ni de remise à l’étranger.

58 Message concernant la révision de la loi fédérale sur l’entraide internationale en matière pénale et de la loi fédérale relative au traité conclu avec les Etats-Unis d’Amérique sur l’entraide judiciaire en matière pénale, ainsi qu’un projet d’arrêté fédéral concernant une réserve à la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 29 mars 1995, FF 1995 III 1, p. 26.

59 ATF 133 IV 215, p. 219 s.

60 RS 312.4 (entrée en vigueur le 1er août 2004); Message du 24 octobre 2001 concer- nant la loi sur le partage des valeurs confisquées, FF 2002 423; le partage était pratiqué même avant cette loi, sur la base d’accords ad hoc.

61 ATF 132 I 229, p. 245 (affaire Mobutu); toutefois, l’application au cas d’espèce fut jugée disproportionnée de par sa durée (p. 247 s.).

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Plusieurs propositions allant au-delà de ce mécanisme ont été for- mulées de lege ferenda:

– Déposé le 21 juin 2007, le postulat Felix Gutzwiller, intitulé

«Entraide judiciaire avec les ‘Etats défaillants’»62, charge le Conseil fédéral «de présenter un rapport qui expose la procédure à suivre lors de la restitution de fonds séquestrés lorsque l’Etat auquel l’entraide judiciaire a été accordée n’est pas en mesure d’observer des procédures légales et respectueuses des principes élémentaires régissant les droits de l’homme». Il a été accepté par le Conseil fédéral, puis adopté par le Conseil national le 5 octobre 2007.

– Faisant suite au postulat Gutzwiller, le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral des affaires étrangères, le 5 décembre 2008, d’établir un projet de loi permettant la confiscation et la restitution aux pays d’origine des fonds, des avoirs d’origine illicite de personnes politiquement exposées. Selon les intentions du Conseil fédéral, cette loi devrait s’appliquer en cas d’échec de la procédure d’entraide judiciaire et prévoir des mesures concernant le suivi de la restitution des avoirs, dans le but d’assurer la transparence du processus dans l’intérêt de la population de l’Etat d’origine des fonds. Elle devrait permettre «en outre, à de strictes conditions, de renverser le fardeau de la preuve. Il appartiendra alors aux titulaires des avoirs bloqués de démontrer l’origine licite de ceux-ci. Si cette preuve n’est pas apportée, les avoirs litigieux seront confisqués par une décision judiciaire qui permettra de les restituer à l’Etat d’origine»63. Le projet de loi est attendu pour fin 2009 ou début 2010.

– Une initiative parlementaire du 22 juin 2007, déposée par le Groupe socialiste au Conseil national, propose une modification de la loi, afin de permettre la confiscation (art. 70 CP) même en l’absence de compétence territoriale au sens des art. 3 à 8 CP64 et le renversement du fardeau de la preuve prévu à l’article 72, 2e phrase CP, pour «ceux qu’il est convenu de qualifier de poten- tats ou de dictateurs (la définition de ces termes devra être précisée)».

– Il convient encore de mentionner des propositions formulées en doctrine. Mark Pieth préconise l’instauration d’une présomption

62 07.3459.

63 Communiqué de presse du DFAE, Projet de loi permettant de confisquer et restituer les biens illicites de potentats, du 5 décembre 2008 (précité, note 5).

64 Initiative parlementaire 07.445. Le texte déposé se limite clairement à la confiscation au sens de l’art. 70 CP. Le développement de l’initiative semble cependant aller au-delà est viser toutes les mesures proposées aux «art. 69 ss CP».

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de provenance criminelle d’avoirs des «régimes criminels»65. Pierre-Yves Morier66 propose la création d’une loi administrative sur la base des compétences de la Confédération en matière d’af- faires étrangères (art. 54 al. 1 Cst. féd.), conférant aux autorités fédérales (non spécifiées) le pouvoir de confisquer des avoirs en cas d’enrichissement illégitime, avec un renversement du fardeau de la preuve.

Notre analyse se concentrera sur la problématique du renversement du fardeau de la preuve, de son admissibilité et de la manière dont il pourrait être formulé. Avant d’aborder cette question dans la dernière partie de cette contribution, nous examinerons les exigences posées par la Cour européenne des droits de l’homme quant à l’utilisation de présomptions en matière de confiscation et la conformité de l’art. 72 CP à ces exigences.

III. LE RENVERSEMENT DU FARDEAU DE LA PREUVE ET LES DROITS HUMAINS

A. Un instrument de lutte contre les profits illicites sur le plan international

Le recours au renversement du fardeau de la preuve en ce qui con- cerne l’origine illicite d’avoirs soumis à confiscation est prévu dans les conventions des Nations Unies, mais à titre facultatif seulement et sous réserve de la conformité au droit interne (art. 5 § 7 Convention de Vienne67; art. 12 § 7 Convention de Palerme68; art. 31 § 8 Convention de Mérida69). Le mécanisme est aussi préconisé par la Stolen Assets Recovery (StAR) Initiative de la Banque Mondiale (2009)70.

Quant à la Convention de Strasbourg du Conseil de l’Europe (CBl 199071), elle n’instaure pas de renversement du fardeau de la preuve, au contraire de celle de Varsovie (CBlFT 2005)72, dont l’art. 3 § 4 prévoit que «[c]haque Partie adopte les mesures

65 PIETH, p. 505.

66 MORIER, p. 277 s.

67 Convention du 20 décembre 1988 des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, RS 0.812.121.03.

68 Convention des Nations Unies du 15 novembre 2000 contre la criminalité trans- nationale organisée, RS 0.311.54.

69 Précitée (note 21).

70 «Good Practices Guide for Non-Conviction Based Asset Forfeiture», 2009, p. 60 s.

71 Précitée (note 54).

72 Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme du 16 mai 2005 (STE 198).

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législatives ou autres qui se révèlent nécessaires pour exiger, en cas d’une ou plusieurs infractions graves telles que définies par son droit interne, que l’auteur établisse l’origine de ses biens, suspectés d’être des produits ou d’autres biens susceptibles de faire l’objet d’une confiscation, dans la mesure où une telle exigence est compatible avec les principes de son droit interne».

En Union européenne, la création de mécanismes permettant une réallocation partielle du fardeau de la preuve est l’une des mesures recommandées dans la Communication de la Commission au Parle- ment européen et au Conseil du 20 novembre 2008, «Produits du crime organisé, Garantir que ‘le crime ne paie pas’»73. Ce but peut être atteint, selon la Commission, par l’instauration d’une procédure détachée de la procédure pénale, engagée devant les tribunaux civils, dans laquelle la charge de la preuve est inversée. Ce mécanisme s’ap- pliquerait lorsqu’il est soupçonné que des «avoirs concernés sont le produit de graves infractions, compte tenu de leur disproportion par rapport aux revenus déclarés de leur propriétaire et du fait que celui- ci entretient habituellement des contacts avec des personnes connues pour leurs agissements criminels»74.

Outre les présomptions portant sur la provenance d’avoirs soumis à confiscation, il convient aussi de mentionner un second mécanisme aboutissant au renversement de la charge de la preuve: il s’agit de la création d’une infraction pénalisant le fait de détenir des avoirs

«inexpliqués». C’est la voie empruntée à l’art. 20 de la Convention de Mérida, qui invite les Parties à «envisager d’adopter» l’infraction d’«en- richissement illicite», par quoi elle entend «une augmentation subs- tantielle du patrimoine d’un agent public que celui-ci ne peut raison- nablement justifier par rapport à ses revenus légitimes»75. Toutefois, la clause est assortie de la réserve en faveur de la constitution et des principes fondamentaux du système juridique de chaque Etat Partie76.

Ce mécanisme semble aussi avoir séduit la Commission euro- péenne qui, dans son rapport précité, propose de créer une infraction pénale réprimant la détention d’avoirs «injustifiés»77. Selon la concep- tion préconisée, cette voie, consistant à déclarer coupable d’infrac- tion celui qui détient des avoirs «disproportionnés par rapport aux

73 Précitée (note 13), COM (2008) 766 final, p. 7.

74 Communication précitée (note 13), ch. 3.3.1.

75 Cf. déjà la Convention interaméricaine contre la corruption du 29 mars 1996 (art. IX).

76 BERTOSSA (p. 24) exprime des doutes quant à la conformité de cette disposition à la CEDH. RIDER (p. 30 s.) considère le recours croissant à des mécanismes de ce type somme inévitable, tout en réservant les enjeux au regard de la protection des droits humains.

77 Communication précitée (note 13), ch. 3.3.2.

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revenus déclarés» et «entretient habituellement des contacts avec des personnes connues pour leurs agissements criminels», afin de pouvoir confisquer le produit de l’infraction, n’aboutirait pas à un renverse- ment total de la preuve, puisque la procédure devrait être engagée devant un tribunal pénal78. Il est difficile néanmoins de ne pas discer- ner dans ce mécanisme un danger évident de violation de la présomp- tion d’innocence, puisqu’il aurait pour effet de présumer la culpabilité sur la base d’éléments extrêmement flous.

B. Les présomptions en matière de confiscation au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme

1. Les enjeux de la confiscation au regard des droits fondamentaux

La confiscation met en jeu des droits fondamentaux définis, sur le plan supranational, par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Pacte ONU II)79 et la Convention européenne de sauve- garde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH80).

a. La garantie d’un procès équitable (art. 6 § 1 CEDH) Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après «la Cour»)81, l’art. 6 § 1 CEDH s’applique à la confiscation, que cette dernière soit conçue comme contestation sur un droit à caractère civil82, portant sur un objet patrimonial83, ou comme une procédure s’apparentant à une procédure d’infliction de la peine84. Partant, la procédure de confiscation doit offrir les garanties d’un procès équitable, et la cause doit être entendue dans un délai raison- nable, par un tribunal indépendant et impartial.

78 Communication précitée (note 13), ch. 3.3.2.

79 RS 0.103.2.

80 RS 0.101.

81 Pour une analyse de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en matière de confiscation, cf. BELL (in toto); STESSENS, p. 60 ss.; VERVAELE (in toto).

82 Arrêt Raimondo contre Italie, du 22 février 1994, Série A vol 281, § 43; Arcuri et autres contre Italie, décision sur recevabilité de la requête n° 52024/99, du 5 juillet 2001, p. 8 s.; Arrêt Air Canada contre Royaume-Uni du 5 mai 1995, série A n° 316-A, § 56.

83 Selon les principes découlant de l’arrêt Editions Periscope contre France du 26 mars 1992, série A n° 234-B, § 40, l’art. 6 CEDH s’applique à toute action ayant un objet «patrimonial» et se fondant sur une atteinte alléguée à des droits eux aussi patrimoniaux.

84 Arrêt Phillips contre Royaume-Uni (no 41087/98), du 5 juillet 2001, § 39 et § 32;

Arrêt Grayson et Barnham contre Royaume-Uni (n° 199955/05 et 15085/06), du 23 septembre 2008, § 37-50.

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b. La présomption d’innocence (art. 6 § 2 CEDH)

La garantie du droit à la présomption d’innocence (art. 6 § 2 CEDH) ne profite qu’aux «accusés». Selon la jurisprudence constante de la Cour des droits de l’homme depuis les affaires Engel85 et Oztürk86, la notion d’accusation pénale s’interprète de manière autonome.

Trois critères sont déterminants: «d’abord la classification de l’infrac- tion au regard du droit national, puis la nature de l’infraction et, enfin, la nature et le degré de gravité de la sanction que risquait de subir l’intéressé»87.

La Cour a constaté à plusieurs reprises que la confiscation était conçue comme une mesure dont le caractère pénal n’était pas prépon- dérant et qu’elle ne s’analysait donc pas en une accusation pénale au sens de l’article 6 § 2 CEDH. Ainsi, l’art. 6 § 2 CEDH fut écarté dans les affaires AGOSI88 et Air Canada89, dans lesquelles les entreprises dont les biens firent l’objet de la mesure étaient des tiers par rapport aux auteurs de l’infraction.

Lorsque, comme dans l’affaire Phillips90, la confiscation est pro- noncée à propos d’infractions pour lesquelles l’auteur a déjà été condamné, la procédure de confiscation n’est pas une nouvelle accusa- tion pénale mais s’apparente à la procédure par laquelle une peine est fixée à l’égard d’un délinquant déjà condamné selon les voies légales91. Il faut pour cela que la procédure ne vise pas à une condam- nation ou un acquittement de l’auteur pour une infraction autre que celle pour laquelle il a déjà été condamné à une peine privative de liberté. Un élément important aux yeux de la Cour fut aussi qu’en l’espèce, la décision de confiscation ne fut pas inscrite au casier judiciaire92.

Dans l’arrêt Raimondo, l’existence d’une accusation pénale fut aussi écartée, s’agissant de confiscations en vertu de la législation ita- lienne instaurant des mesures de prévention à l’encontre de personnes

85 Arrêt Engel et autres contre Pays-Bas du 8 juin 1976, Série A n° 22, § 82 s.

86 Arrêt Oztürk contre Allemagne du 21 février 1984, Série A n° 73, § 50.

87 Arrêt A.P., M.P. et T.P. contre Suisse, du 29 août 1997, Recueil des arrêts et des décisions 1997 – V, § 39; Arrêts Engel (précité, note 85), § 82 et Oztürk (précité, note 86), § 50; Phillips (précité, note 84), §§ 31 ss.

88 Arrêt AGOSI contre Royaume-Uni du 24 octobre 1986, série A n° 108, § 64 s. Contra:

STESSENS (p. 64 s.) admet que la Cour européenne a néanmoins pris en compte un élément basé sur la culpabilité; également PEUKERT, p. 510.

89 Arrêt Air Canada (précité, note 82), §§ 50-52.

90 Arrêt Phillips (précité, note 84) §§ 28-36.

91 Arrêt Phillips (précité, note 84) § 32; Van Offeren c. Pays-Bas (déc.), n°19581/04, 5 juillet 2005, p. 11.

92 Arrêt Phillips (précité, note 84) § 34.

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soupçonnées d’appartenir à des associations de type mafieux93. Ces mesures de prévention n’impliquent pas un jugement de culpabilité mais visent à empêcher l’accomplissement d’actes criminels et ne sau- raient se comparer à une «peine» 94.

Enfin, dans Butler contre Royaume-Uni95, il était question d’une mesure de confiscation civile («civil forfeiture») qui n’était pas sub- séquente ou concomitante à la condamnation de l’auteur. Ici encore, la Cour confirma l’absence d’accusation pénale, car «the forfeiture order was a preventive measure and cannot be compared to a criminal sanction, since it was designed to take out of circulation money which was presumed to be bound up with the international trade in illicit drugs. It follows that the proceedings which led to the making of the order did not involve ‘the determination... of a criminal charge’»96.

S’il paraît ainsi établi que la confiscation n’est pas une accusation pénale, la Cour a néanmoins estimé que le droit à la présomption d’innocence avait été violé dans l’affaire Geerings contre Pays-Bas97. La particularité de ce cas d’espèce par rapport aux affaires précédem- ment jugées résidait dans le fait que la confiscation se fondait sur la commission d’infractions pour lesquelles l’auteur avait été acquitté.

Or, la décision de confiscation allait plus loin que de formuler de simples soupçons et se présentait comme un «jugement porté sur la culpabilité du requérant alors que cette culpabilité n’a pas été

‘légalement établie’»98, de sorte qu’il y a eu violation de l’article 6 § 2 CEDH99.

c. Le principe de la légalité et de non-rétroactivité (art. 7 CEDH)

La Cour a jugé, pour la première fois dans son arrêt Welch c. Royaume-Uni100 (1995), que la confiscation était une peine au sens de l’art. 7 § 1 CEDH et bénéficiait donc du principe de la légalité

93 Arrêt Raimondo (précité, note 82), § 43; arrêt Ciulla contre Italie du 22 février 1989, série A n° 148, p. 17, § 39; arrêt Guzzardi contre Italie du 6 novembre 1980, série A n° 39, § 100; décisions sur recevabilité Arcuri (précitée, note 82), p. 8 et Riela contre Italie (n° 52439/99) du 4 septembre 2001, p. 7.

94 Décision sur la recevabilité Arcuri (précitée, note 82), p. 8 s.

95 Butler contre Royaume-Uni, décision sur recevabilité du 27 juin 2002 (N° 41661/98).

96 Butler, décision précitée (note 95), p. 9.

97 Arrêt Geerings contre Pays-Bas, du 1er mars 2007, affaire n° 30810/03, CEDH 2007-III.

98 Arrêt Geerings (précité, note 97), § 50.

99 Arrêt Geerings (précité, note 97), § 51.

100 Arrêt Welch contre Royaume-Uni, du 9 février 1995, série A n° 307-A; également arrêt Phillips (précité, note 84), § 34.

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(«nullum crimen, nulla poena sine lege»). Ce principe implique aussi la non-rétroactivité101, sauf lex mitior.

d. La garantie de la propriété (art. 1 Protocole additionnel102) Enfin, les dispositions en matière de confiscation doivent être consi- dérées comme des réglementations de l’usage des biens au regard de l’art. 1 al. 2 Protocole additionnel103. Partant, les Etats sont libres de

«mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général». Or, conformément aux principes établis dans l’affaire Handyside, l’art. 1 § 2 «érige les Etats contractants en seuls juges de la ‘nécessité’ d’une ingérence», la Cour devant «se borner à contrôler la légalité et la finalité de la restriction dont il s’agit»104. Dans Raimondo contre Italie, la lutte contre le «fléau» du crime organisé fut jugée un but suffisant pour justifier la confiscation préventive105. L’affaire Phillips, quant à elle, fournit à la Cour l’occasion d’affirmer que la confiscation très exten- sive prévue par le droit du Royaume-Uni constituait une réglementa- tion de l’usage des biens proportionnelle aux exigences de la lutte contre le «fléau que constitue le trafic de la drogue»106.

2. Les présomptions en matière de confiscation à l’épreuve de la CEDH

De manière générale, la charge des preuves pèse sur les autorités de poursuite en matière pénale. Selon la jurisprudence de la Cour, notam- ment dans son arrêt Radio France, la CEDH «ne prohibe pas» pour autant «les présomptions de fait ou de droit en matière pénale»107.

101 Ce principe est aussi reconnu par le Tribunal fédéral suisse dans l’ATF 126 IV 255:

la confiscation (et la créance compensatrice) en mains d’un tiers de bonne foi a un caractère pénal et est donc soumise à la non-rétroactivité (p. 265); le droit ancien s’applique donc comme le plus clément. En revanche, lorsque ces mesures se diri- gent contre un tiers de mauvaise foi, elles ne portent pas atteinte à ses droits patri- moniaux, de sorte que le nouveau droit s’applique avec effet immédiat selon le Tribunal fédéral.

102 De 1952, signé par la Suisse en 1972, mais pas encore ratifié par elle, pour des motifs étrangers à l’article qui nous intéresse ici.

103 Arrêt Phillips (précité, note 84), § 51; confirmé par Butler (décision précitée, note 95), p. 12.

104 Arrêt Handyside contre Royaume-Uni, du 7 décembre 1976, Série A n° 24, § 62;

dans le même sens, arrêt Raimondo (précité, note 82), § 30; arrêt AGOSI (précité, note 88), §§ 47-62; arrêt Air Canada (précité, note 82), § 33 et 34; Riela (précité, note 93), p. 7.

105 Arrêt Raimondo (précité, note 82), § 30.

106 Arrêt Phillips (précité, note 84), § 52.

107 Arrêt Radio France contre France du 30 mars 2004, CEDH 2004-II, § 24.

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Conformément à l’arrêt Salabiaku108, elle oblige néanmoins les Etats

«à ne pas dépasser à cet égard un certain seuil»: ils doivent «les enserrer dans des limites raisonnables prenant en compte la gravité de l’enjeu et préservant les droits de la défense». De telles présomp- tions ne doivent pas être irréfragables, et le mis en cause doit pouvoir rapporter la preuve contraire.

La Cour a eu à plusieurs reprises l’occasion d’examiner des pré- somptions en matière de confiscation, et sa jurisprudence ouvre la porte à des assouplissements du régime de la preuve, qui peuvent consister à présumer le caractère illicite de biens ou à réserver au juge la possibilité de se contenter d’une estimation de la valeur soumise à la confiscation.

C’est ainsi que, dans l’affaire Phillips109, la Cour a examiné la compatibilité avec les exigences découlant de l’art. 6 § 1 CEDH d’une ordonnance de confiscation qui s’appuyait sur des dispositions contenues dans la loi de 1994 sur le trafic de la drogue, permettant au juge «de présumer que tout bien s’avérant avoir été détenu par l’ac- cusé à quelque moment que ce soit depuis sa condamnation ou pendant la période de six ans ayant précédé la date à laquelle la procédure pénale a été engagée, a été reçu par l’intéressé à titre de paiement ou de rétribution en rapport avec le trafic de la drogue, et que toute dépense consentie par l’intéressé pendant la même période a été réglée à partir du produit de ce trafic»110. La présomption était réfragable, et le critère de la preuve était celui applicable en matière civile (critère de la probabilité). L’intéressé pouvait ainsi échapper à l’application de la présomption s’il démontrait la provenance licite des avoirs ou l’existence d’un grave risque d’injustice. La Cour a estimé que ce système ne violait pas le droit de l’intéressé à un procès équitable, car il «n’était pas dépourvu de garde-fous»111. Elle relève en particulier que si les allégations du requérant déniant l’origine criminelle des avoirs avaient été exactes, il ne lui aurait pas été diffi- cile d’écarter la présomption légale, car les démarches qu’il aurait pu entreprendre pour établir la licéité des fonds étaient «tout à fait évidentes, ordinaires et simples»112. La Cour n’a pas davantage censuré l’application des dispositions décrites ci-dessus au regard de

108 Arrêt Salabiaku contre France du 7 octobre 1988, Série A, n° 141-A, § 28, auquel se réfère également l’arrêt Radio France (précité, note 107), § 24.

109 Arrêt Phillips (précité, note 84), §§ 40- 47.

110 Arrêt Phillips (précité, note 84), § 21.

111 Arrêt Phillips (précité, note 84), § 43.

112 Arrêt Phillips (précité, note 84), § 45; confirmé par l’arrêt Grayson et Barnham contre Royaume-Uni (précité, note 84), § 40.

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l’art. 6 § 2 CEDH, au motif que la présomption légale litigieuse conférait simplement à la juridiction nationale compétente la possi- bilité d’apprécier le montant auquel l’ordonnance de confiscation, s’apparentant à la procédure par laquelle une peine est fixée, devait être déterminée113.

Par sa décision précitée dans l’affaire Butler, la Cour a confirmé que ces considérations devaient à plus forte raison être appliquées à la procédure de confiscation civile mise en œuvre en l’espèce114.

L’affaire Geerings fait figure d’exception, puisqu’il s’agit de la seule cause dans laquelle une violation de la présomption d’innocence fut admise par la Cour. Au regard de la loi néerlandaise, il incombe

«au procureur d’établir l’existence d’un faisceau d’éléments donnant à penser qu’il existe des indications suffisantes que la personne concernée»115 a commis une ou plusieurs infractions et en a retiré un avantage. C’est alors à la personne concernée qu’il appartient de démontrer que la thèse du ministère public n’est pas fondée, et le juge tranche la «cause sur la base d’une mise en balance des probabilités, critère de preuve comparable à celui qui s’applique en matière civile»116. Ce système n’est pas jugé indéfendable quant à son prin- cipe, mais critiqué au regard de son application dans le cas d’es- pèce, puisque, premièrement, il n’avait pas été «établi que l’intéressé possédât des biens dont il n’aurait pu expliquer la provenance de manière satisfaisante»117 et, deuxièmement, «l’ordonnance litigieuse se rapportait aux infractions mêmes dont le requérant avait en réalité été acquitté»118. La présomption d’innocence était ainsi violée du fait que la décision de confiscation ne se contentait pas de formuler de simples soupçons — ce qui a contrario aurait donc été admissible — mais portait un jugement sur la culpabilité du requérant alors qu’il avait été acquitté de ces mêmes faits119.

113 Arrêt Phillips (précité, note 84), § 34, § 42. BEERNAERT (p. 577) fait valoir que la pré- somption appliquée par les tribunaux anglais dans l’affaire Phillips permettant de confisquer tous les avoirs ayant appartenu à l’intéressé dans la période déter- minante consistait bien à lui imputer d’autres infractions et qu’il s’agissait donc d’une nouvelle accusation pénale.

114 Butler contre Royaume-Uni, note d’information n° 43 sur la jurisprudence de la Cour, juin 2002, p. 34 ss, p. 35.

115 Arrêt Geerings (précité, note 97), § 28.

116 Arrêt Geerings (précité, note 97), § 28.

117 Arrêt Geerings (précité, note 97), § 46.

118 Arrêt Geerings (précité, note 97), § 48.

119 Arrêt Geerings (précité, note 97), § 50.

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