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Claude POULAIN Claude POULAIN, né en Touraine, manifeste un goût égal pour l'histoire, la littérature, les vieilles pierres ; il se passionne pour la

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Claude POULAIN

Claude POULAIN, né en Touraine, manifeste un goût égal pour l'histoire, la littérature, les vieilles pierres ; il se passionne pour la vie des hommes.

Entre des articles, des chroniques, des nouvelles, il s'est raconté ce roman policier. « Pourquoi pas ? dit-il, de telles histoires se ren- contrent bien au coin des rues... »

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D'UN COUP D'AILE

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CLAUDE POULAIN

D'UN COUP D'AILE roman

LES ÉDITEURS FRANÇAIS REUNIS 21, rue de Richelieu, PARIS (1er)

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Avez-vous pris plaisir à lire ce livre ? Si vous voulez être tenu a u courant

des volumes que nous éditons, envoyez vos nom et adresse

a u x EDITEURS FRANÇAIS RÉUNIS, service " Vient

de Paraître 21 rue d e R i c h e l i e u ,

P a r i s I et vous recevrez régu-

l i è r e m e n t nos bul-

l e t i n s E F R

T o u s d r o i t s de r e p r o d u c t i o n , de t r a d u c t i o n et d ' a d a p t a t i o n r é s e r v é s p o u r t o u s les p a y s .

© Les E d i t e u r s F r a n ç a i s R é u n i s , P a r i s 1964.

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I. — REIMS

Deux êtres sont en nous : l'un ailé, l'autre immonde.

VICTOR HUGO.

François avait arrêté sa voiture à quelques mètres d'un café, en ayant soin de se faire éclairer par le lampadaire de la ville : il pou- vait ainsi lire le journal, sans avoir à allumer le plafonnier. Il se souvenait trop bien des pa- roles du garagiste :

— En ce qui concerne la batterie, elle a trois ans; je ne peux pas vous promettre qu'elle tien- dra le coup très longtemps encore. Vous avez intérêt à la ménager si vous ne voulez pas la changer tout de suite...

Or, la changer, il n'en était pas question; il la ménageait donc. Le rire d'un couple passant sur le trottoir le tira de sa lecture, et il consulta sa montre : il était huit heures moins dix, son attente se terminait. Il eut envie de se dégourdir les jambes et sortit de sa voiture en pensant qu'il n'aurait pas l'occasion de marcher beau- coup le reste de la soirée. Sourire un peu fat de garçon trop sûr de lui. Puis : « Ça n'est pas grave, puisque j'en ai conscience. » Et, immé- diatement, le corollaire : « Si, c'est grave ! puis- que je m'en excuse avec facilité. »

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Il arriva au bord du trottoir et fit un entre- chat pour changer de pied; il alla d'abord jusqu'à la boutique du coiffeur qui était devant lui et se retourna, pour regarder « sa » voiture;

il resta quelques secondes la tête penchée, pour mieux juger ses lignes; puis, satisfait, l'œil repu, il décida d'aller jusqu'à l'église Saint-André.

Il marchait d'un pas vif, allègre; il se sentait bien... La vue d'une plaque d'assureur sur une façade, l'amena à des pensées moins agréables :

« Zut ! et mon assurance auto ! quelle gourde cette secrétaire ! » Elle n'avait rien voulu sa- voir pour lui donner son attestation, sous pré- texte qu'il n'avait pas encore réglé le montant de la prime ! Il haussa les épaules... C'était pas le moment de se faire arrêter par les flics. Ses pensées prenaient là une mauvaise direction :

« Si je pars dans cette voie, je suis foutu; il faut que je me force à penser à autre chose. » Mais avant il se promit : « Je la paierai le mois pro- chain. » Il n'en était pas très sûr, il lui fallait se contraindre pour le croire; il fit une gri- mace : « Ça ne serait pas de veine si je me faisais arrêter pour un contrôle en ce moment...

Ça serait drôlement vache. » Il conclut : « C'est pas vraisemblable ! »

Il arrivait à l'église, il la regarda une seconde :

« Bon Dieu, qu'elle est laide ! » et consulta sa montre une nouvelle fois : huit heures moins deux. « Eh ! je vais encore trouver le moyen d'être en retard, alors que j'avais une demi- heure d'avance ! » Il se mit à courir en sur- veillant sa respiration, puis, en atteignant le pont du chemin de fer, il reprit un pas plus calme : il ne se souciait pas d'être vu courant. A ce moment, il vit Cécile apparaître à l'angle du café : discrètement, elle en scrutait l'intérieur;

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il attendit qu'elle l'aperçût pour reprendre le pas de course; il stoppa en portant les mains à son cœur, et prenant une voix essoufflée :

— Vous, enfin ! puis pathétique : Cécile.

Elle souriait, mais elle était inquiète :

— Montons dans votre voiture, François; où est-elle ?

Elle jeta un regard circulaire :

— On peut nous voir.

— Tout de suite, Madame !

Il fit un saut de côté, et alla ouvrir les portes, puis, comme assis, il voulait lui prendre la main :

— Pas ici, partons vite, François ! dit-elle.

Il tira sur le démarreur.

— Soit, mais je n'irai pas loin sans vous avoir vraiment dit bonsoir !

Il s'arrêta en effet au bout de deux cents mè- tres. A droite, c'était la gare de marchandises, déserte à cette heure, et de l'autre côté de la chaussée « les Hautes Promenades », pas plus animées. Il se tourna vers elle, l'obscurité les empêchait de se voir nettement, ils se devinaient plutôt; alors il l'embrassa, et, comme riant il lui demandait si elle était rassurée, elle s'indi- gna :

— Vous ne savez pas comme on est vite re- péré à Reims ! Ce n'est pas parce que je suis timorée, comme vous me le reprochiez la semaine dernière, quand j'hésitais pour cette soirée, mais mon mari et moi, nous connaissons tout Reims. Vous ne vous rendez pas compte, François, parce que vous avez toujours vécu à Paris !

Elle avait pris un ton geignard et indigné, il la rassura :

« Mais non, il ne pensait pas que...

C'était son impatience de la voir qui... »

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Et il ne s'arrêta que lorsqu'il l'entendit rire.

Mais elle redevint digne et moralisatrice pour lui rappeler encore, qu'il avait promis d'être prudent, et qu'il ne devait pas rouler vite, s'il désirait qu'elle restât avec lui...

Il y avait au moins quatre mois que François attendait cette soirée; il réfléchit : voyons, il était arrivé à Reims en novembre, quand cette place de représentant de la maison « Désiré Lagache, Grossiste en articles pour papeteries et bazars », lui avait été trouvée... et il avait dû connaître Cécile, la femme de son directeur commercial, vers le début de janvier. Pauvre Cécile, elle ne devait pas s'amuser tous les jours avec son mari ! Il avait bien trente ans de plus qu'elle. Pour François, cet homme était le mo- dèle achevé du cuistre haïssable... avec ça : pommadé, sentencieux, conformiste, et de plus, hypocrite comme Tartuffe soi-même ! François en eut un mouvement de tendresse pour Cécile qui allait se venger.

Comme il s'apprêtait à démarrer, elle lui de- manda un moment pour se recoiffer et se remet- tre du rouge. Pour ça, il dut allumer le plafon- nier, et il se sentit très inquiet : « Ma batterie ! ah zut ! qu'est-ce qu'elle prend ! »

— Ne me regardez pas, dit-elle, la bouche à moitié paralysée par cinq ou six épingles. Il s'efforça de répondre en souriant, mais il était sur des charbons ardents, et ce fut ce moment qu'elle choisit pour lui demander :

— Et où en sont vos pièces, François ? vous savez que vous m'avez promis de travailler sé- rieusement...

— Ça va, ça va, dit-il évasif, puis n'y tenant plus, il mentit :

— Il y a quelqu'un qui vient ma chérie, j'ai

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même l'impression d'une silhouette connue.

Nerveusement, Cécile remonta le pare-soleil, derrière lequel était fixée la glace :

— Vite, éteignez et démarrez, mon chéri ! j'ai fini, dépêchez-vous...

Et, comme s'étant retournée, elle ne voyait per- sonne, il lui dit que la silhouette avait traversé et disparu, confondue dans l'ombre des arbres.

Rassérénée, elle se tourna vers lui tandis qu'il démarrait.

— François, vous n'avez pas répondu à ma question ! Sincèrement, travaillez-vous ?

— Oui, dit-il, mais pas comme je voudrais, le travail pour l'entrecôte n'arrange rien.

— Quel théâtre aimeriez-vous pour votre pre- mière pièce ?

La sottise naïve de la question surprit Fran- çois et le laissa silencieux un moment.

Il avait tourné d'abord à gauche, en bas des Hautes Promenades, comme pour prendre la rue Thiers, mais il réfléchit que pour mieux éviter les lieux éclairés, et donc faire plaisir à Cécile, il était préférable de suivre les Basses Prome- nades et ensuite le bord du canal; il tourna donc à droite. Les rues étaient désertes et il roulait à petite allure quand il passa à l'extrémité de la place Drouet-d'Erlon. Il avait presque atteint le milieu du carrefour quand, brusquement, il en- tendit un coup de frein. Au même moment, il ressentit un choc à l'arrière de sa voiture qui se mit en biais. Il ne put retenir un « Merde » re- tentissant et stoppa.

Comme il descendait en rouspétant : « Pour un manque de pot, ça ! » Cécile se mit à geindre :

— Mon Dieu, François, tâchez de repartir vite !

Il referma sa porte sans répondre, tandis

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qu'elle soliloquait; il n'entendit que les « j'au- rais dû m'en douter... ça m'apprendra... j'en étais sûre... etc... etc... ».

De l'autre voiture, le chauffeur était descendu.

François aperçut à l'intérieur trois hommes, ils portaient tous des chapeaux, autant qu'il pou- vait en juger... François s'entendit apostropher :

— Alors, c'est malin ! vous ne pouvez pas faire attention... Vous feriez bien d'aller appren- dre à conduire !

François était tout le contraire d'un garçon patient, et s'entendre insulter, alors qu'il était dans son droit, après avoir déjà subi les prémi- ces des jérémiades de Cécile, lui sembla absolu- ment inacceptable. Il s'approcha de son adver- saire qu'il dominait de son mètre quatre-vingts, mais l'autre était plus trapu :

— Que vous conduisiez comme une triste pa- tate, dit François, ce n'est pas tellement drôle, mais qu'en outre vous soyez un mufle de mau- vaise foi, ça me semble singulièrement abusif ! Il eut l'impression que la bagarre n'était pas loin, et que son interlocuteur allait frapper, mais de la voiture une voix se fit entendre :

— Roland ! laisse tomber ! dépêche-toi... N'ou- blie pas qu'on a encore de la route !

Le nommé Roland lança un regard noir à François, et silencieusement vint regarder les dégâts. François le suivit, et se remit à râler :

— Ah bravo, elle est bien arrangée ma voi- ture ! laissez-moi vous féliciter.

Le dénommé Roland, de nouveau, fixa Fran- çois de ses petits yeux durs et brillants, poussa un soupir, en se souvenant probablement de la réflexion de ses compagnons, et lui tourna le dos...

La colère de François se justifiait : toute l'aile

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arrière de son Aronde était enfoncée, au point que la tôle s'était fendue et qu'elle frottait contre le pneu. Au contraire, l'autre voiture, de mar- que anglaise, n'avait que son pare-choc légère- ment marqué. Cette différence de dégâts s'ex- pliquait par la position des voitures au moment de l'accident : c'était la banane du pare-choc de la voiture anglaise qui avait pris l'aile de l'Aronde par le travers, à partir de la portière, et dans les soixante ou quatre-vingts centimètres que François avait encore parcourus, ce même pare- choc avait labouré la tôle à sa portée.

Comme François cherchait des yeux le res- ponsable, il le vit, penché vers l'intérieur de l'autre voiture, qui discutait avec ses compa- gnons; François alla le rejoindre; il n'était plus qu'à un pas quand l'autre se redressa et lui dit :

— Je n'ai pas l'intention de discuter avec vous, de nos torts réciproques, mais comme nous n'avons de témoins ni l'un ni l'autre, et qu'il n'y a pas d'agent à l'horizon, je crois que le plus simple est que nous échangions nos adresses, ainsi que le nom de nos compagnies d'assu- rances.

Puis, comme François ne répondait pas, brus- quement douché par le rappel qu'il n'était pas assuré et qu'il était donc en infraction grave, l'autre reprit de cette même voix coléreuse :

— Je suis pressé, ainsi que mes compagnons.

Alors décidez-vous !

François hésitait encore, ne sachant quel parti prendre. Il entendit Cécile qui l'appelait :

— Si vous devez en avoir encore pour long- temps, je crois qu'il vaudrait mieux que je parte, je ne vois personne de connu, c'est peut- être le moment, qu'en pensez-vous François ?

Ce fut cela qui le décida : « Ah non, alors ! »

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Il n'allait pas la laisser partir, ça n'arrangerait pas son aile et de plus, il serait seul avec des pensées pas spécialement drôles :

— Non, non, attendez-moi ! Je n'en ai plus que pour une minute.

Il revint près du sieur Roland qui semblait impatient et de nouveau au bord de la colère.

Ce fut sans aménité qu'ils échangèrent les renseignements nécessaires, et François fut agacé quand il sentit l'autre s'amuser, tandis que lui- même se perdait dans des explications confuses pour dire qu'il ne se souvenait plus de son nu- méro d'assurances ni du nom de la compagnie, et qu'il se demandait ce qu'il avait bien pu faire de son récépissé.

Il lui fallut aussi requérir l'aide de Roland pour dégager sa roue, la tôle de l'aile bloquait et me- naçait de déchirer le pneu.

Enfin, ils partirent. Pendant les deux premiers kilomètres, il dut supporter, ce qu'il avait prévu, c'est-à-dire les lamentations de Cécile; et le reste du parcours fut gâché pour lui par la perspec- tive des ennuis à venir. Mais quand ils arrivè- rent à l'auberge, il la vit de profil au moment où elle descendait, et il ne put s'empêcher de penser : « Elle a tout de même une ligne du tonnerre ! »

Alors, rejetant tous les ennuis du monde, il se demanda : « Voyons, la chambre, je la retiens ici, ou bien à Reims ? » et il opta pour la pre- mière solution, quand elle lui dit en s'appro- chant, avec un sourire, pour se faire pardonner :

— Je suis tout de même très contente, Fran- çois, que nous soyons ici tous les deux !

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II. — REIMS

Tu répugnes peut-être à te séparer de ton or, hein fifille !

BALZAC.

Il avait fallu sensiblement trois jours à Fran- çois pour qu'il oubliât « son aile ». Au lende- main de sa soirée (prolongée) avec Cécile, il avait pourtant pris des résolutions énergiques : avant toute chose, il avait décidé de payer sa prime d'assurances, mais il n'avait pu en définitive, que verser un acompte. Pourtant, il avait raclé les fonds de tiroirs, tapé son vieil ami Serge, et solli- cité une avance sur commissions de la maison

« Désiré Lagache », pas sur celles qu'il devait toucher dans les trois prochains mois et qui avaient déjà reçu des affectations d'extrême ur- gence, mais sur celles de... mettons, avait-il dit à ce vieux pied-plat de directeur commercial de... l'année prochaine à la même époque... Il avait d'ailleurs été odieux, le mari de Cécile, plus pontifiant que jamais. Il lui avait fait subir un long discours, d'où il ressortait à l'évidence, que c'était pour son bien qu'il ne fallait pas lui faire confiance, qu'il était encore plus jeune d'esprit que ne l'indiquait l'état-civil, et que :

« la difficulté, mon jeune ami, forge les âmes, arme les bras et blinde, utilement, les cœurs ».

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Il avait ensuite entrepris de lui démontrer qu'un avenir brillant lui était promis dans la papete- rie, la bimbeloterie, et accessoirement, la carte postale, si, surmontant obstacles et dépressions, il réussissait à tenir son secteur et à augmenter le chiffre d'affaires. Le tout avait été couronné par un solide couplet sur l'épargne, qualité bien française, qui avait contribué, au cours des siè- cles à donner à la France, ce lustre impérissable qui...

François avait été déçu de ne pas entendre le cher homme faire allusion à sa jeunesse, de le voir négliger le nostalgique: « De mon temps... » ainsi que cette autre formule, suintante de dé- dain suffisant : « La jeunesse de maintenant n'a plus... » Il se rappela à temps les prétentions à la fraîcheur du Géronte.

Tout au long de ce morceau de morale, d'une si haute tenue, François s'était encouragé, avait tenu, en se remémorant tous les avantages ana- tomiques de Cécile. Ceci lui avait donné la force de conserver son sourire poli et son air de garçon bien élevé. Le mari de Cécile en avait d'ailleurs été touché, et, au moment où Fran- çois ouvrait la porte, et le saluait, il avait ajouté :

— Monsieur Pierret, ce qui me fait plaisir, c'est que vous êtes un garçon intelligent et que vous comprenez; je vous ai bien observé pen- dant que je parlais, et, croyez-moi, je suis assez fin psychologue (la pratique des affaires), j'ai vu sur vos traits, et lu dans votre œil, une réso- lution que je considère comme le plus grand des encouragements.

François, là-dessus, avait préféré s'en aller.

Un peu tranquillisé du côté de l'assurance par l'acompte versé, François avait ensuite déli-

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béré sur l'attitude à adopter au sujet de l'acci- dent et de ses suites. Comme il n'avait pas osé en parler à l'assureur, il ne pouvait lui deman- mander de s'occuper des démarches à accomplir pour se faire indemniser. Il devait donc s'en charger lui-même, et ça, ça ne le faisait pas sou- rire... Il avait piqué une nouvelle rage en repen- sant au conducteur de l'autre voiture : Roland Hartmann, comme l'indiquaient les renseigne- ments fournis. Il se dit même :

« J'aurais dû lui casser la gueule, et l'obliger à me verser une somme tout de suite. Ah ! s'il n'y avait pas eu Cécile ! »

Puis revenant à une vue plus saine, plus réa- liste du problème, il avait laissé tomber les

« j'aurais dû... » pour en arriver à : « Qu'est-ce que je fais ? » C'est là que le découragement l'avait assailli, en lui noircissant le tableau de ce qui l'attendait :

« Admettons que j'écrive à la compagnie du dénommé Hartmann, où est-elle d'ailleurs ? Ah ! la voilà, zut ! c'est à Londres, ça n'arrange rien ! il ne pouvait pas être assuré en France non ? Enfin ! Donc, supposons que j'écrive, qu'est-ce qui se passe ? Forcément, ils vont me demander quelle est ma compagnie d'assurances, déjà ça c'est embêtant; mais passons, ils me réclame- ront ensuite les noms de mes témoins, or je n'en ai pas, ils vont donc discuter. Evidemment, j'ai été touché à gauche, par conséquent, Hartmann venait sur ma gauche, et j'avais priorité sur lui, mais ils me sortiront sûrement un truc auquel je ne pense absolument pas, pour tenter de prou- ver que je ne suis pas tellement dans mon droit, et moi, je ne vais avoir personne pour me conseil- ler. Mais, allons-y... admettons encore que ce stade soit dépassé ! Il va sûrement y avoir des

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experts nommés, il va falloir faire une recons- titution, je vais être convoqué. Déjà au train où tout ça va marcher, j'en ai, jusqu'ici, au moins pour un an, après il y aura les rapports, qui devront être étudiés, confrontés, discutés; l'ex- pert qui travaillera pour moi, il faudra obliga- toirement que je le paie, quitte à en être rem- boursé quand la cause sera entendue, et que j'aurai gagné, mais, en attendant, il faudra que je débourse ! et ça ne m'arrangera pas !... Un procès comme celui-là, dans ma position, il n'est pas près de se terminer. J'aurai même peut-être revendu ma voiture d'ici là, et puis j'aurai peut- être aussi écrit une pièce qui marchera... »

Arrivé à cette idée d'une pièce qui pouvait marcher, son esprit bifurqua légèrement : « Ça serait drôlement au poil ! Même dans un théâ- tre n'ayant qu'une petite salle, tiens mettons par exemple une salle avec une recette journa- lière de 300.000; l'auteur touche dix pour cent, ça me fait 30.000 par jour ! Il rêva quelque temps les yeux fixés sur une jolie toile d'arai- gnée, que sa femme de ménage négligeait (il est invraisemblable qu'elle la protège !) avec une ré- gularité parfaite. Il pensa une seconde : « Je vais te l'engueuler, celle-là dès demain! »... Pour en revenir à la recette et aux pourcentages, c'est pour une misérable somme, car enfin une aile ça ne doit pas être terrible, qu'il allait s'embê- ter de cette façon-là ? Misérable somme qu'il toucherait peut-être sans même s'en apercevoir, sans y prêter la moindre attention; parce que, tout de même, quand une pièce vous rapporte 1.000.000 par mois (il refit le calcul : 30.000 par 30 ou 31, en gros, c'était bien ça) on n'est pas mesquin à ce point !

Alors, décision finale ? Je laisse courir ?

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J'agis ? Il réfléchit, ou plutôt feignit de réflé- chir; depuis le début, il savait qu'il n'écrirait pas, qu'il ne se compliquerait pas l'existence à ce point, que les questions matérielles l'en- nuyaient trop pour qu'il s'astreignît vraiment, quand ce n'était pas vital à...

Or, il faut bien en convenir, une aile cabossée a-t-elle jamais empêché une voiture de rouler ? Ce problème résolu, François avait repris sa vie habituelle, on ne peut dire avec entrain, mais avec cette indifférence pour les petites choses harcelantes qui lui permettait de les ignorer. Il continuait à visiter régulièrement toute les bou- tiques de papeteries et les bazars, des départe- ments de la Marne, de l'Aisne et des Ardennes, ne manquant jamais de s'arrêter dans le joli sous-bois qui pouvait le tenter, prenant le temps d'admirer au passage « la charmante église » ou le « magnifique coucher de soleil » ; il conti- nuait aussi à faire la cour aux jolies filles; puis, le soir venu, dans sa chambre, quand il était seul, il continuait de parfaire l'une des quatre pièces qu'il avait en chantier.

A moins qu'il ne fût en compagnie de son ami Serge, son autre lui-même ! Dans ce cas, les soirées se passaient en discussions serrées, sur l'art en général, la littérature et la peinture en particulier, puisque cette dernière est à Serge ce que le théâtre est à François.

Ces discussions s'accompagnaient de force de- mis et cigarettes; le réveil, le lendemain, n'était peut-être pas très brillant et les paupières étaient lourdes, mais ces soirées étaient moralement to- niques, elles leur permettaient de « patienter ».

Il devait être huit heures et demie, ce matin- là. Il y avait très exactement neuf jours que

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l'accident avait eu lieu. François, les gestes un peu engourdis, comme tous les matins, nouait sa cravate : il était assez satisfait de lui-même, en raison de la performance que représentait pour lui une activité si matinale, et il sifflotait, quand il entendit sonner à sa porte. La surprise fit rapidement place à l'inquiétude : « Qui est- ce ? Ça ne peut pas être Serge ! Alors ? un huis- sier ? » Il prit soudain conscience de l'état de qui-vive permanent dans lequel il vivait, et se dit : « Ça ne doit pas être bon pour la santé, surtout pas pour le cœur. » Mais pour en revenir à l'huissier, il parvint à se rassurer à moitié parce que : « Si tôt, ça n'est pas vraisemblable non plus. » Alors ? Un nouveau coup de son- nette, plus long que le premier retentit. Il enfila à la hâte son veston, et se décida à aller ouvrir.

La vue de la jolie fille qui se tenait devant lui calma ses inquiétudes dans la seconde même, et le sourire qu'elle eut en demandant :

— Monsieur François Pierret, s'il vous plaît ? l'enthousiasma.

Il répondit :

— Oui, en s'effaçant pour la laisser entrer.

Il put alors se rendre compte que le côté pile de sa visiteuse, n'était pas inférieur au côté face. Il referma la porte et, empressé. se tourna vers elle, qui souriait toujours :

— Je ne vous dérange pas trop à cette heure, j'ai pensé...

Elle s'interrompit, semblant intimidée.

— Du tout, du tout, dit François, entrez, je vous en prie.

Le désordre dans le studio n'était pas scanda- leux; le lit qui était dans l'alcôve était masqué par un paravent; il se précipita seulement pour débarrasser l'unique fauteuil de l'appartement,

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D'UN COUP D'AILE

Même dans la vie d'un farfelu, l'intrusion de l'aventure ne va pas sans complications. Pour une aile de voiture, jouer sa vie semble insensé ! E t cependant François, menacé de mort à la suite d'un curieux accident d'auto, se trouve amené, avec Serge et des amies, à s'improviser détective contre une bande de tueurs dont l'arrestation est mise à prix : cinq millions ! Nos héros trouvent que la somme mérite le risque d'être happés dans l'engrenage...

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ÉNIGME AUTOUR DU MONDE

a l ' a m b i t i o n d ' a p p o r t e r a u x l e c t e u r s le s u s p e n s e d u r o m a n policier, m a i s aussi les q u a l i t é s l i t t é r a i r e s e t p o é t i q u e s d e t a l e n t s c o n n u s e t r e c o n n u s F r a n ç a i s e t É t r a n g e r s .

Parus :

M I S S I O N A M O M T C H I L O V O L A B E L L E A U B O I S D O R M A N T par A. GOULIACHKI. — (Trad. du Bulgare) L ' A S S A S S I N A L E P R I X G O N C O U R T

par Pierre GAMARRA A I M E Z - V O U S W A G N E R ?

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L ' A S S A S S I N E S T M O R T L E 1er par André WURMSER

L A F E N Ê T R E O U V E R T E par A. PIWOWARCZYK. — (Trad. du Polonais)

L E B O I S D U S I L E N C E par Gilette ZIEGLER U N A M O U R E N L ' A N 4 1 0 4 2 par S. FARCASAN. — (Trad. du Roumain)

F E R R A G U S c h e f d e s d é v o r a n t s par Honoré de BALZAC L E C R I M E D ' O R C I V A L

par Emile GABORIAU L E B R O U I L L A R D par Claude H E N R I

D E U X R O S E S B L A N C H E S P O U R U N N O I R

par Jean SANITAS L E C A S M E R K E L B A C H par W. ALTENDORF. — (Trad. de l'Allemand) L E S N E U F M A U V A I S E S R É P O N S E S par J. DICKSON CARR. — (Trad. de l'Anglais)

A G E N T S P É C I A L par R. KIM. — (Trad. du Russe)

É C H E C A U X D A M E S par André KEDROS

L A B E L L E D E P O R T - A U - P R I N C E par Adèle FERNANDEZ

L E S É D I T E U R S F R A N Ç A I S R É U N I S 21, rue d e Richelieu, PARIS ( 1

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