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Etre ou ne pas être (humain) ou la quête d'identité du droit de la bioéthique : conclusion générale

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Etre ou ne pas être (humain) ou la quête d'identité du droit de la bioéthique : conclusion générale

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence. Etre ou ne pas être (humain) ou la quête d'identité du droit de la bioéthique : conclusion générale. In: Maljean-Dubois, Sandrine.

La société

internationale et les enjeux bioéthiques : Colloque des 3 et 4 décembre 2004

. Paris : A. Pedone, 2006. p. 231-235

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:12669

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CONCLUSION GÉNÉRALE

ÊTRE OU NE PAS ÊTRE (HUMAIN) OU LA QUÊTE D'IDENTITÉ DU DROIT DE LA BIOÉTHIQUE

Laurence BOISSON DE CHAZOURNES

Professeur et DirectrÎCe du Département de droit international public et organisation internationale. Université de Genève

Nous savons gré à Sandrine Maljean-Dubois et à Rostane Mehdi d'avoir organisé ces rencontres très riches. Le sujet choisi est difficile à saisir dans tous ses contours. N'est-ce pas dû à son contenu, à savoir «la vie» humaine et biologique, dans ses aspects physiques mais aussi spirituels, dans ses contours sociologiques, anthropologiques, philosophiques, économiques mais aussi juridiques. Je ne m'aventurerai pas sur le chemin de la définition de la vie, ce qui inclut notamment le statut de l'embryon. D'autres l'ont fait au cours de ce colloque.

Aux termes de nos discussions, quelques constats s'imposent. La notion de bioéthique retenue dans le cadre de ce colloque était large puisqu'elle englobait tant les sciences de la vie que les questions de biotechnologie (et parmi ces dernières, la bio-industrialisation de la faune et de la flore). Même si chacun des domaines revêt des traits distinctifs, il pouvait être intéressant de les appréhender ensemble et de se demander si les logiques de régulation juridique sont différentes pour chacun de ces domaines et doivent le rester. Estelle Brosset a montré la place du droit contraignant .dans le domaine du commerce des produits issus de la biotechnologie, à savoir les organismes génétiquement modifiés. Cette situation, même assortie de zones d'ombre, ne peut que laisser envieux ceux qui se soucient du renforcement de la règle de droit dans le domaine de la bioéthique.

Comme Rostane Mehdi l'a dit, la bioéthique est une notion-carrefour qui trouve place au cœur de l'interdisciplinarité. Elle est également au croisement des sciences juridiques: les disciplines du droit privé, du droit public, du droit comparé, du droit commercial, du droit de la propriété intellectuelle, de la philosophie du droit ou encore du droit international

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ont toutes leur mot à dire en matière de bioéthique. En outre, les branches du droit international sont multiples: le droit international des droits de l' homme, le droit international humanitaire, le droit international pénal, etc. Cette situation est susceptible de créer des problèmes. Cette notion- carrefour peut en effet faire place à des aspects de désarticulation et à des paradoxes dans l'application de la règle de droit. Ainsi, dans le domaine de la bioéthique, le régime de protection serait mieux développé en temps de guerre qu'en temps de paix. Mais il est vrai, coinme l'a rappelé Bertrand Mathieu, que ce sont les crimes commis dans un cadre médical sous le régime nazi qui ont engendré les premiers textes relatifs à la bioéthique. Ce constat a conduit Hervé Ascensio à noter que les évolutions du droit humanitaire ont eu une influence sur le développement de la bioéthique, notion dont l'usage ne s'est répandu qu'à partir des années 1970.

Il a souvent été dit, faisant écho aux propos de Sandrine Maljean- Dubois, que la bioéthique doit faire l'objet d'une réglementation internationale. Le professeur Dubouis a rappelé que le droit européen élaboré tant au Conseil de l'Europe qu'au sein de l'Union européenne, s'est affirmé dans des instruments juridiques à portée obligatoire, que ce soit sous une forme conventionnelle ou par le biais de directives. Il n'en est toutefois pas de même à l'échelon universel où le droit contraignant a peu à dire en matière de bioéthique.

En outre, quelles que soient les lunettes que l'on revête pour appréhender le droit en vigueur ou du moins les aspects de la normativité de la bioéthique, elles montrent que le droit n'a pas encore gagné une véritable place. On peut ainsi faire usage de lunettes qui ne laissent apparaître que le noir et le blanc ou encore le droit contraignant ou le droit non contraignant qui ne serait pas droit. Et si on se focalise sur le droit dit contraignant, on observe que celui-ci est soumis à rude assaut.

Ainsi le nombre d'États parties aux conventions européennes n'est pas aussi significatif qu'on pourrait le penser. En outre, le jeu des dérogations et des exceptions prévues par les conventions européennes laisse peu de place à des normes générales au contenu protecteur. D'autres types de lunettes vont permettre d'appréhender les demi-teintes pour ainsi appréhender le droit recommandatoire - connu également sous la dénomination de soft law - en matière de bioéthique. Tel est le statut des instruments adoptés au sein de l'UNESCO et présentées par Souheil El Zein. On peut toutefois regretter que ce droit soit à bien des égards « soft- soft », tant par sa forme, à savoir l'instrument qui le véhicule, que dans son contenu. Dans ce contexte, la bonne fortune de la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l'homme, adoptée par la Conférence générale de l'UNESCO en 1997, tient aux mécanismes de

« suivi» mis en place. Ceci apporte un éclairage sur les moyens de

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renforcer les effets du droit recommandatoire et de le rendre mOins

«soft ».

Il ne semble pas que le droit dit de la soft law puisse être un rempart contre les stratégies d'appropriation au travers des droits de propriété intellectuelle. Comme l'a bien montré Marie-Angèle Hermine, d'autres techniques juridiques doivent être envisagées. Ainsi en serait-il de la stratégie du rééquilibrage au détriment de la généralisation de la brevetabilité du vivant. Des rééquilibrages s'esquissent en certains pays au profit des bénéficiaires de droits d'obtention végétale, des agriculteurs ou encore par le biais de la réduction de la portée de certains brevets.

L'interprétation et l'application de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (AD PIC) pourraient être l'objet de ces stratégies de rééquilibrage pour aller au-delà des exceptions prévues à l'article 27, si une volonté politique se dégageait en ce sens.

Un autre risque est celui évoqué par Jacques Testart, à savoir que l'irréversibilité des acquis scientifiques fasse échec à l'éthique et aux normes qui la portent, et cela d'autant plus si les normes produisent peu d'effets juridiques.

Nous avons situé nos propos dans l'ordre international. Toutefois on doit se demander s'il y a une acception universelle des exigences de bioéthique, ou pour se référer au titre d'un des ouvrages de Jacques Testart, s'il y a une éthique planétaire? Si tel était le cas, ne se limite+

elle pas au plus petit dénominateur commun, comprenant le rappel de certains grands principes qui relèvent déjà du corpus des droits de l'homme, et notamment le principe de la dignité humaine. Dépasser cette échelle et cette logique par l'élaboration d'un encadrement au contenu détaillé semble vouer à l'échec en raison de la pluralité des vues en ce domaine. Qui plus est, même si on voulait croire à l'existence de ce plus petit dénominateur commun, "Bertrand Mathieu a constaté que le droit de la bioéthique s'inscrit bien souvent dans une logique dérogatoire par rapport à ces principes. Tout cela n'est pas sutIisant pour ceux qui voudraient que le droit international pallie les manques ou imprécisions des législations nationales, voire l'absence de tels cadres juridiques dans plus des trois quarts des pays de la communauté internationale. Les contours de l'universel sont bien réduits dans le domaine de la bioéthique. Devant un tel constat, on doit se demander si l'universel ne sera alors que marchand et consumériste.

Nous avons pour l'heure parlé de la bioéthique de manière générale.

Mais comme nous l'a rappelé Simone Sateman, c'est une notion aux contours peu définis. Le pragmatisme doit être de mise pour qu'au-delà du pluralisme des valeurs, des solutions négociées et viables puissent être

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trouvées. Certains principes de comportement pourraient être évoqués dans ce contexte. Jean-François Mattei a ainsi souligné qu'à une époque où la science expérimentale est en mesure de modifier la biosphère et dans celle-ci l'être humain, on doit rappeler que le sujet expérimental est une personne incarnée. On ne peut réduire la personne à du matériel expérimental.

En outre il semble bien qu'il faille faire des disti~ctions entre les sujets de la bioéthique. Ainsi, nous avons fait preuve de beaucoup de jeunisme dans nos propos, nous concentrant essentiellement sur les questions de procréation, sans beaucoup parler de problèmes qui sont importants et qui tiennent aux personnes en fin de vie et aux personnes âgées, problèmes évoqués par le professeur Dubouis. Nous n'avons pas non plus abordé les problèmes de bioéthique soulevés par les conditions d'internement et de lutte contre le terrorisme mentionnés par Théo Boutruche durant les débats. À ce titre, la question du rôle des professions médicales et des principes d'éthique en matière d'interrogatoires menés dans le cadre de procédures anti-terroristes s'est posée à la suite de révélations relatives à l'attitude de certains médecins à Guantimamo.

Le statut de l'embryon a été beaucoup évoqué. Tant au plan européen qu'au plan universel, comme l'ont montré le professeur Dubouis et Marie-Pierre Lanfranchi, la question du statut de l'embryon fait l'objet de divergences d'approches. Les qualifications sont nombreuses: vie humaine, être humain ayant droit au respect à partir de sa naissance, persOlme humaine. Les conceptions sont diverses. La Cour européenne des droits de l'homme a d'ailleurs considéré que cette question relevait de la marge d'appréciation des États. À l'échelon international, les tribulations d'une convention aux Nations Unies, et surtout le mandat de négociations de celle-ci relatif au clonage reproductif et devant inclure ou non le clonage thérapeutique, montrent toute la difficulté à trouver un langage juridique commun. L'adoption par l'Assemblée générale d'une Déclaration, en mars 2005, invitant les États « à interdire tOllles les formes de clonage humain dans la mesure où elles seraient incompatibles avec la dignité humaine et la protection de la vie humaine» est révélatrice de cet état de fait. C'est sous la forme d'un instrument de droit recommandatoire contenant des formules de compromis qu'une majorité à été trouvée à fin d'adoption de l'instrument. Ce procédé ne peut faire fi des ambiguïtés et divergences d'interprétation. Faut-il mettre cette question de côté? Que fera le droit quand les scientifiques auront mené toutes leurs expérimentations sans état d'âme, sauf celui du développement d'un marché lucratif, comme le craint Sandrine Maljean- Dubois? En lieu et place d'un droit fait d'interdictions seules - ainsi dénoncé par Carmen Rauch s'agissant des lois françaises sur la

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235 bioéthique - faut-il faire place à un droit fondé sur le pragmatisme reposant sur une éthique du moindre mal ou faut-il faire appel à un méta- droit qui traduise la conscience publique et dont le relais pourrait être le droit international pénal?

Hervé Ascensio a esquissé certains contours de l'application du droit international pénal, notamment les réponses apportées par le statut de la Cour pénale internationale au travers de la définition des crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Dans le même contexte, la loi française sur la bioéthique de 2004 ajoute une notion nouvelle -celle de crimes contre l'espèce humaine - aux côtés de celle de crimes contre l'humanité, pour ce qui est du clonage reproductif(I).

Pourquoi ne pas également parler d'une lex bioethis qui trouverait ses fondements dans la pratique des acteurs nationaux et transnationaux. On s'est abondamment référé à ces pratiques, quoique bien souvent elles ne soient développées que par certains acteurs très actifs, notamment les associations médicales(2). Ne faut-il pas appeler à une ouverture de ces cercles pour associer d'autres groupes à l'élaboration de bonnes pratiques?

Les individus-citoyens, les patients, les ONG environnementales ou les représentants des branches industrielles concernées ne sont pas encore parties prenantes. Leur participation contribuerait à renforcer la légitimité des pratiques et normes, les intérêts de tous pouvant être pris en compte.

Une dernière remarque tient au fait que dans les débats, nous avons singularisé le rôle du juge. Toutefois dans le domaine de la bioéthique, celui-ci n'apparaît pas pouvoir être le médiateur des intérêts en présence lorsque ceux-ci sont fortement opposés. L'élaboration d'un langage juridique commun le pourra-t-il?

Je n'ai pu faire honneur à tous les intervenants, ni à toutes les interventions, qu'elles et ils me pardonnent et y voient un simple acte d'humilité devant la complexité du sujet.

(1) «Lefait de procéder d une intervention ayant pour bul de/aire naître un enfant gé'léliquemem identique à une outre personne vivante ou décëdée est punie de Irenle ans de réclusion criminelle et de 7'SOO'OOO euros d'amendes ). Ce qui importe est )'ÎnteOiion, et non pas l'obtention effective d'une naissance, poUT qualifier le fail criminel. la responsabilité des personnes morales est en outre prévue. S'agissant de l'action publique, le délai de prescription est de trente ans (il est oonnalement de dix ans pour les crimes de droit commun et le principe eS1 celui de l'imprescriptibilité pour les crimes contre J'humanité) (voir les artic:Jes 214.1 il 214.4 et 215.1 à 215.4 du Code pénal), dans « loi relative à la bioéthique »), Dictionnaire permanent, bioéthique el biotechnologies, bulletin 140 bis, 30 août 2004, p. 6797.

(2) On peut citer J> Association mêdicale mondiale (AMM) et le Comité international des organisa·

tions des sciences médicales (CIOSM).

Références

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