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Basile Lacapène «Deux ou trois choses que je sais de lui»

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Academic year: 2022

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Basile Lacapène

« Deux ou trois choses que je sais de lui »

Christine Angelidi

La Vie de Basile le Jeune contient une information curieuse, concernant le fils de Romain Lacapène, Théophylacte, patriarche de Constantinople, qui d’après Grégoire, l’auteur de la Vie, aurait été enfanté par Théodora, la se- conde épouse de Romain. L’information s’inscrit dans le contexte de la dé- nonciation d’une série de patriarches qui assumèrent leurs fonctions en de- hors du droit canon et des principes moraux : Nicolas Ier, parce qu’il avait trahi Constantin Ducas, Euthyme qui avait béni le quatrième mariage de Léon VI et Théophylacte, le « fils de bigamie ».1 La critique sert à justifier l’abstention de Basile des offices religieux et de tout rapport avec l’Église, et à souligner l’éthique pure du saint.

Théodora était, en effet, l’épouse de Romain, mais la « bigamie » de l’empereur n’est attestée dans aucune des sources contemporaines ou pos- térieures aux évènements. Par conséquent, la donnée contenue dans la Vie de Basile ne peut être ni prouvée ni rejetée. Tout au plus, en considérant que souvent l’hagiographie transmet des informations confuses, il serait possible de penser que l’auteur de la Vie connaissait le prénom de l’impéra- trice, mais que lorsqu’il rédigea son texte plusieurs décennies plus tard, il le rattacha à une rumeur de tradition indépendante selon laquelle la naissance de Théophylacte n’était pas tout à fait légitime, car issue hors mariage.

Cependant, Théophylacte ne serait pas le seul enfant illégitime de Ro- main, car en dehors de ses descendants légitimes, l’empereur avait un fils, Basile, dont le prénom est souvent accompagné dans les sources par le sur- nom « le bâtard ». Que Basile ait été issu d’une liaison de Romain avec une concubine est attesté par deux sources de l’époque : la Continuation de Théophane, dont le passage est reproduit par le Pseudo-Syméon, et Léon le Diacre, qui ajoute l’origine scythe de la mère.2 L’ethnonyme est régulière-

1 Vie de Basile le Jeune, Žitie sv. Vasilija Novago v russkoj literature II (éd. S.G. VILIN-

SKIJ) (Zapiski Imperatorskago Novorossijskago universiteta. Ist.-Fil. Fakulteta 7).

Odessa 1911, 291, 292 (pour le patriarche Nicolas) ; éd. A.N. VESELOVSKIJ, Razyskani- ja oblasti russkago duchovnogo sticha. Sbornik otdelenija russkago jazyka i slove- snosti Imperatorskoj Akademii Nauk 46 (1889), Suppl., 3-89, ici 63 (pour Euthyme et Théophylacte) ; cf. éd. VILINSKIJ, 303 (pour Théodora comme deuxième épouse de Romain Lacapène).

2 CONTINUATION DE THÉOPHANE [= CONT.THÉOPH.], Theophanes Continuatus, Ioannes Ca- meniata, Symeon Magister, Georgius Monachus (éd. I. BEKKER). Bonn 1833, 442, passage identique dans PSEUDO-SYMÉON, ibid., 754, et Vaticanus gr. 163, éd. A. MAR-

KOPOULOS, Le témoignage du Vaticanus gr. 163 pour la période entre 945-963.

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ment employé pour désigner diverses peuplades d’origine slave et autre, nomades ou établies autour de la Mer Noire,3 d’où des marchands, surtout Bulgares, fournissaient Constantinople en esclaves.

La date de sa naissance n’est pas connue, mais on a souvent suggéré que Basile avait approximativement le même âge que Constantin VII, qui était né en 905. Conjecturalement datée, sa mort serait survenue après 985, lorsqu’il fut définitivement écarté de la cour et exilé de Constantinople.4 Jusqu’à cette date, il conservait sa fonction de parakimomène et, en tant que con- seiller de Basile II, il exploitait pleinement le pouvoir qui en découlait. Vu les activités qu’il exerçait encore en 985 – il aurait alors presque quatre-vingt ans, si l’on tient à lui donner l’âge de Constantin –, il semble raisonnable d’avancer sa naissance d’au moins une décennie et de supposer qu’il est né autour de 920, alors que son père était déjà empereur.5 Cette chronologie et l’existence de demi-frères aînés, fils légitimes de Romain,6 qui accédèrent au trône impérial entre 921 et 924, permettent de conjecturer qu’il fut émascu- lé en bas âge, ce qui lui enlevait définitivement toute prétention impériale.7 Cette hypothèse est confirmée par Michel Psellos qui, rédigeant la Chrono- graphie soixante-dix ans après la mort de Basile, soutient qu’il . Toutefois, le même Psellos, confondant Romain Ier

Symmeikta 3 (1979) 83-119 [id. History and Literature of Byzantium in the 9th-10th Centuries. Aldershot 2004, no III], 91 ; cf. LÉON LE DIACRE, Leonis diaconi caloënsis hi- storiae libri decem (éd. C. HASE). Bonn 1828, 46.

3 Plusieurs origines ethniques furent proposées pour la mère de Basile ; elles se va- lent toutes : bulgare ou hongroise (S. RUNCIMAN, The Emperor Romanus Lecapenus and His Reign: A Study of Tenth-Century Byzantium. Cambridge–New York 21988, 237 ; W.G. BROKKAAR, Basil Lacapenus. Byzantium in the Tenth Century (Studia Byz- antina e Neoellenica Neerlandica 3). Leiden 1972, 199 n. 3, repris par B. FLUSIN J.-Cl. CHEYNET, Jean Skylitzès. Empereurs de Constantinople. Paris 2003, 240 n. 11) ; russe ( ?) (P. MAGDALINO, ‘What we heard of the saints we have seen with our own eyes’: the holy man as literary text in tenth-century Constantinople, dans : The Cult of Saints in Late Antiquity and the Middle Ages [éds. J. HOWARD-JOHNSTON – R.A.

HAYWARD]. Oxford–New York 1999, 108).

4 Sur la date de la destitution de Basile, voir plus bas.

5 FLUSIN – CHEYNET, Jean Skylitzès, 200 n. 20, probablement repris in BROKKAAR, Basil Lacapenus, 201.

6 RUNCIMAN, Romanus Lecapenus, Appendix IV. Genealogical trees. 1. The Lecapenoi, Théophylacte, patriarche de Constantinople en 933 et né en 917, était le fils cadet de Romain ; mais cf. l’arbre généalogique de la famille des Lacapènes, in FLUSIN CHEYNET, Jean Skylitzès, 435.

7 BROKKAAR, Basil Lacapenus, 201-202. Je pense que l’année 945, proposée par R.J.H.

JENKINS, Constantine Porphyrogenitus. De administrando imperio, vol 2. Commenta- ry. Londres 1962, 194, est déduite du passage de la Continuation de Théophane (plus bas, note 10) où il est question des dignités d’eunuques attribuées à Basile par Constantin VII ; le passage relate la seconde période du règne de l’empereur (945-959).

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« l’Ancien » avec son petit-fils homonyme, prétend que Basile était issu d’une liaison de Romain II.8 Puis qu’il rapporte deux informations dans une seule phrase, dont l’une est erronée, il n’est pas possible d’évaluer la crédi- bilité de Psellos. Or la castration opérée avant la puberté, alors que le sys- tème hormonal n’a pas encore atteint la phase de maturité, était pré- férable.9 Dans le cas de Basile, la castration précoce pourrait aussi avoir été conditionnée par les avènements successifs de ses demi-frères, réalisés entre 921 et 924.

Si pour le cycle de la vie biologique de Basile les données sont vagues, il en est de même en ce qui concerne sa carrière, bien qu’il ait détenu des di- gnités importantes. Qu’il ait détenu au palais quelque dignité ou office avant d’être nommé protovestiaire de Constantin VII Porphyrogénète est incertain, bien qu’un titre eût facilité un avancement dans la hiérarchie de la cour. Si l’on accepte son identification avec Basile , mentionné dans une lettre de plainte adressée à Constantin VII par Théodore de Nicée, il aurait servi l’empereur à la fin des années 930.10 La datation de l’attribution de la charge de protovestiaire, première étape de sa carrière attestée par les sources historiographiques, est aussi sujette à des spéculations. La Continua- tion de Théophane, peu explicite sur ce point, mentionne Basile en tant que protovestiaire de Constantin VII dans le contexte d’avancements ultérieurs.11 Par conséquent, l’année 941, que propose W.G. Brokkaar, s’appuyant sur la promotion du protovestiaire Théophane comme parakimomène, implique que Basile dirigeait un service important du temps du règne de son père et/ou que chacun des empereurs régnants disposait de son propre protoves- tiaire.12

8 À savoir pendant les sept premières années de la vie : MICHEL PSELLOS, Chronogra- phie, Michel Psellos, Chronographie, vol. 1 (éd. É. RENAULD). Paris 1967, 3.

9 K. RINGROSE, The Perfect Servant. Eunuchs and the Social Construction of Gender in Byzantium. Chicago–Londres 2003, 61. Le portrait physique de Basile, tel qu’il est décrit par PSELLOS, ibid., est conforme aux stéréotypes déjà formulés par la littéra- ture médicale ancienne : RINGROSE, The Perfect Servant, 59.

10 BROKKAAR, Basil Lacapenus, 203. La personne en question avait attaqué Théodore avec d’autres individus ivres et sauvages. Contemporain de Constantin VII, Théo- dore avait servi au clergé de Sainte Sophie en tant que chartophylax avant de de- venir métropolite vers la fin du patriarcat de Théophylacte, qui mourut en 956. Si l’identification est correcte, l’incident doit avoir eu lieu autour de 940 au plus tard.

Le texte de la plainte, in: J. DARROUZÈS, Épistoliers byzantins du Xe siècle. Paris 1960, 269-272.

11 CONT.THÉOPH., 442, passage repris par PSEUDO-SYMÉON, 754, et Vaticanus Gr. 163, 91.

12 BROKKAAR, Basil Lacapenus, 203. Il faudrait toutefois noter que la pluralité des pro- tovestiaires n’est pas mentionnée et que Théophane avait servi successivement en tant que protovestiaire et parakoimomène auprès de Romain Ier: E. VON DOBSCHÜTZ, Der Kammerrherr Theophanes. BZ 10 (1901) 170-171.

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Basile reçut la dignité de patrice quelque temps avant d’être nommé pa- rakimomène. Ceci a dû se passer à la fin de 946 ou dans l’année 947.13 Il obtint, ainsi, la plus haute dignité réservée aux eunuques du palais, titre qui le suivit pendant sa vie biologique et bibliographique. Ces fonctions fu- rent complétées par celles du , dont les compétences lui conféraient la seconde place quant à l’exercice du pou- voir.14

L’épigramme du reliquaire contenant le chef de saint Étienne, aujourd’- hui perdu, présente le donateur, Basile, en tant que gendre et serviteur de l’empereur, parakimomène et !. De cette série de titres, il ressort que l’épigramme fut commandée après 946, lorsque Basile détenait la dignité de parakimomène auprès de Constantin VII. La combinaison des responsabilités du ! avec la fonction de parakimomène auprès de l’empereur régnant, a conduit Vitalien Laurent à proposer que l’adjonction de à un titre connu depuis le Ve siècle, servait à designer celui qui avait été chargé de l’instruction du jeune prince héritier, en l’occurrence de Romain II, et à conclure que ce titre fut spécialement créé pour Basile.15 Par ailleurs, Laurent considère que Basile fut ! entre 944 et 947, le ter- minus post étant défini, je suppose, par l’âge de Romain, qui en 944 avait cinq ans, et le terminus ante par l’année de la nomination de Basile comme parakimomène.

En 956, Constantin VII nomma le patrice, préposite et sacéllaire, Jean Bringas, drongaire de la flotte, et la Continuation de Théophane d’ajouter

" # $ % &' * &* +.16 Cette expression a conduit les chercheurs à déceler une certaine froideur dans les rapports de l’empereur avec son parakimomène, qui entraîna l’éloignement de Basile des affaires de la cour ;17 l’interprétation s’appuie aussi sur un passage de la

13 À ce sujet voir la discussion de BROKKAAR, Basil Lacapenus, 208-209.

14 Le titre semble cumuler deux fonctions complémentaires : celle du - , connu depuis le VIIIe siècle, et celle du président du Sénat, titre qui fut créé plus tard pour la même personne. À ce sujet, voir plus bas ; cf. I. CHRESTOU,

< % . > @ \ ( 8 – ^_ 11 ). Athènes 2008, 242.

15 V. LAURENT, > !. À l’occasion du parakimomène Basile Lécapène.

EEBS 23 (1953), 193-205, en particulier p. 205. Dans son commentaire sur l’étude de Laurent, BROKKAAR, Basil Lacapenus, 211-212, exprime des doutes quant à l’attribution du reliquaire et de l’épigramme à Basile, parce qu’il n’emploie pas ici le titre de patrice, supérieur à celui de !, dont il était investi avant de devenir parakoimomène.

16 CONT.THÉOPH., 445.

17 CHRESTOU, , 160 n. 18. SKYLITZÈS, Ioannis Scylitzae Synopsis historiarum (éd. I. Thurn). Berlin–New York 1973, 244, insinue que le nouveau pa- triarche Polyeucte réprimandait l’avidité de la famille de Romain l’Ancien, repré-

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