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Quelle place reste-t-il pour la thromboaspiration dans l'infarctus ?

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La Lettre du Cardiologue • N° 491 - janvier 2016 | 5

ÉDITORIAL

Quelle place reste-t-il pour la thrombo- aspiration dans l’infarctus ?

Does thrombo-aspiration still have a place in the treatment of myocardial infarction?

François Schiele

Université de Franche-Comté, Besançon.

La thrombectomie dans l’infarctus aigu avec sus- décalage du segment ST (STEMI) est une idée simple, intuitive, et il n’y a pas besoin d’argumenter longtemps pour convaincre que le fait de retirer tout ou partie du thrombus qui oblitère une artère avant d’y implanter un stent est bénéfi que, tant au niveau de l’obs- truction qu’au niveau de la microcirculation. La preuve du concept a été renforcée par les publications scientifi ques : entre 2002 et 2005, 7 études de petite taille ont conclu en faveur de la thrombectomie, donc 4 montrant une  diff érence signifi cative sur la perméabilité artérielle.

Une méta- analyse a suivi, confi rmant que la thrombectomie préa- lable à l’angioplastie permettait d’améliorer la reperfusion coronaire.

Enfi n, l’étude TAPAS (1), publiée en 2008, a inclus 1 071 patients avec STEMI, afi n d’évaluer la  thrombectomie sur un critère de substitution : le “blush” myocardique. Publiés dans le New England Journal of Medi- cine, les résultats étaient à la hauteur des espérances : meilleure perfusion myocardique dans le groupe thrombectomie, que ce soit sur la mesure du grade de blush, sur celle de la résolution ou sur celle de la persistance de déviation du segment ST sur  l’électrocardiogramme . L’impact clinique a été montré 1 an plus tard, avec une réduction spectaculaire de la mortalité toutes causes par la  thromboaspiration, de 43 % (2) ! L’éditoria- liste du Lancet titrait sur la victoire contre le “no refl ow” , et, bien que la réduction de mortalité totale soit diffi cilement crédible dans une étude de 1 000 patients avec STEMI, les recommandations ont donné un grade IIa à la thromboaspiration en routine.

L’effi cacité et la sécurité remises en question

Les premières études n’ont pas abordé les diffi cultés techniques de la thrombectomie manuelle : aucune mention de complications, extraction de thrombus obtenue dans la plupart des cas et peu d’échecs de la procédure. L’amplitude de la réduction de la mortalité dans l’étude TAPAS était également suspecte : est-il possible d’obtenir une telle réduction de mortalité ? Par comparaison, l’apport d’un stent à l’angioplastie au ballon n’a pas montré de réduction de la mortalité, et il faut habituellement des études avec des eff ectifs 10 fois plus importants pour démontrer une réduction de la mortalité dans le STEMI. Deux grands essais randomisés ont suivi, dans le but d’évaluer

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les critères cliniques, réunissant chacun près de 10 000 patients : TASTE, étude randomisée associée à une étude de registre (3), et TOTAL (4), étude internationale de très grande taille. Les résultats sur la reperfusion myocardique ont été moins nets que dans l’étude TAPAS, mais ils allaient dans le même sens : la thrombectomie permet de diminuer les embolies distales. La mauvaise surprise est venue des critères cliniques : aucun bénéfice sur la mortalité à 1 an dans les 2 études.

Comme si l’absence de bénéfice n’était pas assez décevante, la  sécurité de la thrombectomie a été mise en cause, tout d’abord dans une seconde méta-analyse, publiée en 2013, où apparaissait une tendance à

l’augmentation des accidents vasculaires cérébraux (AVC), puis, surtout, dans l’étude TOTAL, avec une augmentation significative des AVC associée à la thrombectomie. L’éditorialiste du New England Journal of Medicine titrait alors sur le “Requiem de la thrombectomie”, et, là encore, les recommandations ont suivi, dégradant la recommandation pour la thrombectomie de IIa à IIb.

Résultats des études randomisées successives

Que des études randomisées successives donnent des résultats contradictoires n’est pas un événement exceptionnel pour un cardiologue, et, bien sûr, ce sont les études les plus larges et les plus récentes que l’on retient. Le constat de TASTE et de TOTAL nous incite fortement à abandonner définitivement la thrombectomie, car elle est plus risquée et n’apporte aucun bénéfice clinique. Néanmoins, les choses ne sont pas toujours si simples ; on se rappelle, par exemple, qu’en 2006, les stents actifs avaient également été gravement mis en cause. Aussi, avant d’enterrer complètement la thrombectomie, on peut discuter les données disponibles d’efficacité et de sécurité.

Le risque d’accident vasculaire cérébral

C’est le principal effet négatif associé à la thrombectomie.

Il a surtout été mis en évidence dans l’étude TOTAL. Le mécanisme serait l’embolisation cérébrale du matériel thrombotique extrait.

C’est une explication assez plausible, et, dans ce cas, on imagine que des  précautions particulières et une modification de la technique ou des cathéters pourraient limiter ce risque. L’hypothèse

d’une  différence observée par hasard peut aussi se discuter. D’une part, il y a eu numériquement peu d’AVC : dans la méta-analyse de 2013, la différence entre le nombre de patients ayant eu un AVC après thrombectomie et ceux ayant eu un AVC après angioplastie était de

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versus 36/5 029). Enfin, les AVC étaient peut-être dus à d’autres causes, sans rapport avec la procédure, comme le suggère le fait que beaucoup sont apparus plus de 30 jours après l’angioplastie.

Le défaut d’efficacité est-il un problème de technique ?

Les résultats de la thrombectomie coronaire contrastent avec ceux des 5 études randomisées conduites dans l’AVC publiées en 2015.

Pourquoi l’extraction du thrombus est-elle un succès dans l’AVC et non dans le STEMI ? Compte tenu de l’expérience des cardiologues en angioplastie et du grand nombre de systèmes d’extraction déjà testés en clinique, on a du mal à croire que le problème vienne d’opérateurs insuffisamment formés ou de cathéters mal conçus. Plus probablement, le thrombus cérébral, souvent d’origine embolique, se capture

plus aisément que les thrombus formés localement sur une plaque athéromateuse et à composante principalement plaquettaire de nos STEMI.

Ou bien est-ce un problème de conception des études ?

On a déjà vu dans le passé combien la conception des études, la sélection des patients ou le choix des critères de jugement peuvent affecter les résultats. Que l’efficacité de la thrombectomie montrée dans les études de petite taille ne soit pas confirmée dans TASTE ni dans TOTAL ne surprend pas. Nous avons bien compris qu’une réduction de la mortalité comme celle observée dans TAPAS permet d’émettre des hypothèses, mais ne démontre rien. Néanmoins, un doute persiste, en raison de l’absence de sélection des patients dans ces études : TASTE et TOTAL, en particulier, ont étudié une stratégie de thrombectomie systématique avec randomisation avant l’angiographie, et donc sans savoir si la quantité de thrombus visible justifiait une thrombectomie.

Dans la pratique en routine, un opérateur décide de la stratégie en  fonction de la taille de l’artère, de l’accessibilité de la lésion

et de la quantité de thrombus qu’il estime sur la base de l’angiographie.

Cette importante question va certainement rester sans réponse, car, dans TOTAL, l’artère était occluse dans 65 % des cas, et la quantité de thrombus n’a pas été évaluée après le passage du guide. Enfin, l’étude des sous-groupes de TASTE et de TOTAL ne nous aide pas à trouver les patients qui pourraient être de meilleurs candidats : la seule inter action significative dans l’étude TASTE était sur l’efficacité de la thrombectomie chez les femmes, et les résultats semblaient meilleurs dans les centres à gros volume d’activité.

1. Svilaas T, Vlaar PJ, van der Horst IC et al. Thrombus aspiration during primary percutaneous coronary intervention. N Engl J Med 2008;358(6):557-67.

2. Vlaar PJ, Svilaas T, van der Horst IC et al. Cardiac death and reinfarction after 1 year in the Thrombus Aspiration during Percutaneous coronary intervention in Acute myocardial infarction Study (TAPAS): a 1-year follow-up study. Lancet 2008;371(9628):

1915-20.

3. Fröbert O, Lagerqvist B, Olivecrona GK et al. Thrombus aspiration during ST-segment elevation myocardial infarction. N Engl J Med 2013;369(17):1587-97.

4. Jolly SS, Cairns JA, Yusuf S et al. Randomized trial of primary PCI with or without routine manual thrombectomy. N Engl J Med 2015;372(15):1389-98.

5. Jolly SS, Cairns JA, Yusuf S et al. Outcomes after thrombus aspiration for ST elevation myocardial infarction: 1-year follow-up of the prospective randomised TOTAL trial. Lancet 2015 Oct 12 [Epub ahead of print].

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Les actualités aux JESFC 2016

(Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie)

Avec le soutien institutionnel de Sous l’égide de

Attention, ceci est un compte-rendu de congrès et/ou un recueil de résumés de communications de congrès dont l’objectif est de fournir des informations sur l’état actuel de la recherche ; ainsi, les données présentées sont susceptibles de ne pas être validées par les autorités de santé françaises et ne doivent donc pas être mises en pratique.

Le contenu est sous la seule responsabilité du coordonnateur, des auteurs et du directeur de la publication qui sont garants de son objectivité.

Cette émission spéciale est éditée par Edimark SAS, 2, rue Sainte-Marie - 92418 Courbevoie Cedex Tél. : 01 46 67 63 00 - Fax : 01 46 67 63 10

Disponible dès février à l’adresse : www.edimark.fr/ESP/JESFC/2016

Site réservé aux professionnels de santé Animateur/modérateur

Pr Michel Komajda (Paris) Experts

Pr Michel Galinier (Toulouse) Pr Yves Juillière (Nancy)

LES ACTUALITÉS AUX JESFC

PARIS, 1316 janvier 2016

Quant au critère de jugement…

Il est difficile de remettre en question la validité de la mortalité toutes causes. Dans la publication des résultats à 1 an de l’étude TOTAL (5), une méta-analyse est présentée, incluant tous les essais, et donc plus de 20 000 patients. L’excès d’AVC est statistiquement significatif, mais avec relativement peu d’événements (85/9 773 versus 59/9 813, soit une différence de 26 AVC sur 19 586 patients évalués).

Inversement, la différence de mortalité, non significative (OR = 0,90 ; IC95 : 0,79-1,02), est numériquement en faveur de la thrombectomie : 452/10 250 versus 503/10 282. On sauve donc 2 vies quand on provoque 1 AVC. On peut regretter qu’il n’y ait pas de comparaison du bénéfice clinique net ; on peut parier qu’elle ne montrerait aucun effet significatif, mais une tendance à un avantage de la thrombectomie.

Reste-t-il une place pour la thrombectomie ?

Si le cardiologue interventionnel a du mal à conclure que la

thrombectomie n’a plus aucun intérêt, il admettra aisément que sa place s’est considérablement réduite. Pour autant, le principe d’améliorer la  reperfusion myocardique n’est pas remis en cause, et on peut certainement garder quelques cathéters dans nos salles pour des cas particuliers. Les indications devront être discutées en tenant compte des performances limitées de nos cathéters pour l’extraction des thrombus et du risque d’AVC lié à cette technique, et donc en prêtant une attention particulière au risque d’embolisation lors du retrait du matériel.

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.

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