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Malherbe : entre sentiment de la langue, imaginaire linguistique et normativité, XVIIe siècle

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Academic year: 2022

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Malherbe : entre sentiment de la langue, imaginaire linguistique et normativité”, XVIIe siècle

Gilles Siouffi

To cite this version:

Gilles Siouffi. Malherbe : entre sentiment de la langue, imaginaire linguistique et normativité”, XVIIe siècle. Dix-septième siècle, Presses Universitaires de France, Société d’études du XVIIe siècle, 2013, 260, p. 439-454. �hal-03133245�

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Gilles Siouffi, “Malherbe : entre sentiment de la langue, imaginaire linguistique et normativité”, XVIIe siècle, n° 260, 2013, p. 439-454.

Malherbe : entre sentiment de la langue, imaginaire linguistique et normativité

Le nom de Malherbe de son temps déjà divisait. Que n’en fut-il pas pour la postérité. Au XXe siècle, entre un Ferdinand Brunot critique, dénigrant les qualités du poète au profit du seul commentateur linguistique (et encore avec quelles réserves sur ses capacités), et un Francis Ponge hyperbolique, il semble ne pas y avoir eu beaucoup de place pour les opinions moyennes. Il y a bel et bien un « mystère Malherbe » qui, en dépit de l’existence de prédécesseurs1, le signale dans l’histoire littéraire et langagière.

Ce mystère, on peut dire en deux mots qu’il réside en partie dans l’espace original qu’il est parvenu à se créer, à mi-chemin entre création littéraire et relation à la langue exprimée par le biais du commentaire critique. Espace qui a créé une bifurcation après lui, dans la culture de la langue, entre tenants d’une écriture fondée sur ce que nous appellerons un « imaginaire linguistique », et tenants d’une pratique plus libre du langage, respectueuse des conditions du discours.

C’est cet espace original que nous allons essayer de décrire ici, en adoptant quelques postes d’observation, ce qui permettra nous l’espérons de représenter différemment, depuis un autre lieu, quelques-unes de ses positions quant à la langue, et peut-être aussi de contribuer à rendre compte de la mystérieuse fascination / répulsion - les deux étant souvent imbriquées - que son attitude a suscitée.

Aller vers Malherbe aujourd’hui, en effet, ce peut être d’abord, subjectivement, mû par un goût authentique pour sa poésie si particulière, ou par un intérêt plus objectif pour l’esthétique nouvelle qu’il a proposée. Ce peut être aussi animé par un questionnement légitime face à la place essentielle (surévaluée ?) que la postérité lui a attribuée aussi bien dans l’histoire de la poésie française que dans ce qu’on pourrait appeler la construction des « normes » du français, ou d’un français littéraire – bien que le mot norme soit anachronique à l’époque. Ce peut être enfin en comprenant son travail comme le début de la mise en place, d’un « imaginaire de la langue » dont la mise au jour aura été rendue possible par la mobilisation, de la part de son auteur, d’un « sentiment de la langue » particulièrement assumé et volontaire, et par un contexte historique peut- être mûr pour l’apparition de normativités langagières nouvelles. Malherbe a rendu possible un monde mi-théorique mi-pratique de rêverie sur le langage dont les conséquences ont été lues, la plupart du temps à l’aune des catégories bien balisées de la

« poétique » ou de l’ « histoire de la langue », mais dont nous pensons qu’elles ont eu bien d’autres répercussions.

Toutefois, au moment d’entamer cette discussion, on ne peut que relever la disproportion qu’il y a entre le statut démarcatif et volontiers superlatif qu’on a accordé à Malherbe sur ce plan (il n’est pas nécessaire de revenir sur le « Enfin Malherbe vint » de Boileau) et la minceur de ce qu’il nous a réellement laissé en matière linguistique et de ce sur quoi nous pouvons aujourd’hui authentiquement nous appuyer2. Malherbe n’a

1 Voir B. von Gemmingen, « En relisant Malherbe : où en est la doctrine ? », in Textes et langages, Nantes, 1980, 4, p. 57-76.

2 Il n’y a guère, en effet, comme matériau utilisable, l’exemplaire des poésies de Ronsard annoté par ses soins étant perdu, que celui de Desportes, et la Vie de Malherbe de Racan,

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produit aucune œuvre organisée dans le domaine du langage, aucune théorie, a fortiori aucune grammaire, à la différence de Du Perron, par exemple. Faut-il donc croire que, derrière l’individu, il y aurait autre chose, de nature plus difficile à cerner, qui explique – outre le choix d’un positionnement autoritaire qui a été celui de l’individu, et qui, comme l’ont noté certains commentateurs, n’a pas été sans jouer un rôle dans sa manière de s’installer dans l’univers des lettres - , le succès de ses positions, de ses attitudes ? De quoi Malherbe tire-t-il sa force ? Faut-il que son « intuition » personnelle, son « oreille », comme on a dit à l’époque, ait été suffisamment convaincantes pour entraîner ainsi à sa suite une longue série de disciples ? A-t-il mis en avant une dimension de notre rapport à la langue et au langage qui était avant lui rarement explicitée ou tout simplement pas exploitée de cette manière ?

Dans cet article, c’est cet espace singulier que nous aimerions explorer en nous concentrant, par voie de conséquence, sur l’aspect critique de la démarche de Malherbe.

L’angle de vue choisi laissera donc totalement de côté la production poétique – ou alors, celle-ci ne sera envisagée qu’à titre de témoignage supplémentaire. Le rapport de Malherbe aux différents types d’usage, et à la langue poétique de son temps ne sera également pas au centre. Il s’agira plus spécifiquement de cerner cette dimension à notre sens novatrice de son regard sur la langue qui trouve sa forme dans l’interférence entre un certain type de réception du langage verbal – absorbée par la surface, et orientée dans un sens qu’on qualifiera de critique – et la potentialité de production qui se trouve en amont de la parole. Cette dimension intermédiaire – qui est formalisable sans être posée d’emblée comme correspondant à un réel de la langue -, nous la nommons « imaginaire linguistique », ou « imaginaire de la langue ».

Dans une première partie, nous montrerons comment ce que Malherbe a apporté sur ce plan doit à notre sens être distingué d’une réflexion sur l’usage. Dans la partie centrale, nous montrerons quelles sont les principales articulations de cet imaginaire, en nous attachant notamment à l’interférence entre la vision syntagmatique et la vision paradigmatique de la langue. Enfin, nous nous poserons la question de savoir en quoi cet imaginaire peut être créateur de normes.

1. Entre usage et sentiment de la langue

Dans les pages qu’elle lui consacre dans Les Inventeurs du bon usage3, Danielle Trudeau ne prête pas à Malherbe, comme le faisait Ferdinand Brunot, l’invention d’un

« pré-classicisme » qu’il s’agirait d’opposer aux « libertés » de l’ancienne langue. Elle note tout d’abord que, s’il s’agit de placer une « langue » en horizon de la réflexion de Malherbe, il faut prendre en compte une limitation essentielle de départ, à savoir que c’est avant tout à une langue poétique que Malherbe s’intéresse, variété où les licences lexicales et syntaxiques étaient excusées par les nécessités de la rime et du rythme. « Ce qui est nouveau et essentiel dans la doctrine de Malherbe, juge-t-elle, c’est l’équation pleine d’anecdotes à la fiabilité discutable et où le goût du bon mot l’emporte souvent sur le recul critique. Au moment d’ouvrir son anthologie de textes sur la langue française au XVIIe siècle, Peter Rickard est obligé de relever qu’un paragraphe spécial doit être consacré à Malherbe, « singled out for special mention », regardé à bon droit comme le premier commentateur réellement influent du XVIIe siècle, et dont pourtant aucun texte ne peut être cité (P. Rickard, The French Language in the seventeenth century.

Contemporary Opinion in France, Cambridge University Press, 1992, p. 5).

3 D. Trudeau, Les inventeurs du bon usage (1529-1647), Paris, Minuit, 1992.

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qu’il pose entre la langue poétique et le sermo quotidianus »4. Avec Malherbe « le bel usage perd son autonomie par rapport à la langue parlée »5. Ainsi, le fait que le recours de Malherbe aux « crocheteurs ait été perçu comme un paradoxe (alors qu’il ne l’aurait pas été autour de 1550, année de naissance de Malherbe) signale une évolution très significative dans le rapport à l’usage. Malherbe dénie aux seuls poètes ou praticiens de la langue littéraire la capacité à juger correctement de l’acceptabilité d’une locution ou d’une phrase. Il y a là au départ un imaginaire social qui prélude à ce que Danielle Trudeau juge comme le mouvement essentiel du premier XVIIe siècle : « l’appropriation par les couches dominantes de la société et par les milieux littéraires du principe d’acceptabilité comme indice de distinction »6.

En effet - la plupart des commentateurs y ont été sensibles - une grande partie du travail de Malherbe autour de l’usage tourne autour des questions d’acceptabilité. Il n’est pas question de variation, ni de confrontation des usages de groupes sociaux contrastés entre eux, et entre lesquels la légitimité serait plus ou moins accordée, comme ce sera le cas chez Vaugelas : tout du moins d’après ce que nous en conservons, la « doctrine » de Malherbe tourne autour de l’essentialisation d’un usage commun qui serait par trop méconnu, ou du moins malmené par les poètes.

Cet usage, on a assez dit également qu’il était présenté de façon brute, non justifiée, presque abstraite. « On dit bien… » , « on ne dit pas bien… ». De là, selon Danielle Trudeau, l’impression qu’on peut avoir aujourd’hui que Malherbe témoigne d’une sorte d’anticipation intuitive de la grammaire distributionaliste. L’ « usage », chez lui, est une sorte d’image mentale détachée des conditions du discours.

Pour autant, s’il s’agit de cerner plus précisément la physionomie de cet usage – condition première pour analyse ce qui relève ensuite éventuellement de l’imaginaire – on pourra dire d’abord qu’il ne vient pas absolument de nulle part. Aux sources de la réflexion de Malherbe sur la langue, en effet, il n’y a pas une pure chimère linguistique, comme on pouvait en rencontrer au XVIe siècle, mais la pratique d’une lecture des ouvrages d’autrui crayon à la main. De cette pratique, on trouve certes des précurseurs du XVIe siècle7, mais il est l’un des premiers, sinon le premier, à avoir formulé de façon aussi nette et aussi tranchante ce qu’elle lui inspire. Après lui, elle s’installera durablement et accompagnera la réflexion sur la langue écrite de tout le XVIIe siècle.

Ensuite, que derrière cette accumulation de petites notations de détail, il puisse y avoir une vision de la langue dans son ensemble : c’est bien ce qui a motivé la démarche de F. Brunot dans sa reconstitution d’une « doctrine ». Si Malherbe inaugure bien l’ère de ce qui deviendra, selon les mots de D. Trudeau, la « tyrannie du bon usage »8, sa revendication linguistique à lui ne s’appuie ni sur l’observation authentique du sermo quotidiannus, ni sur un raisonnement abstrait fondé, à la manière de celui des grammairiens, sur un assortiment de règles (ce qui rejoindrait le grammatice loqui de

4 Ibid., p. 143.

5 Ibid., p. 145.

6 Ibid., p. 149.

7 Barthélémy Aneau avec le Quintil Horatian, par exemple ; voir F. Brunot, La doctrine de Malherbe d’après son commentaire sur Desportes [1891], Paris, A. Colin, 1969, p. 109.

8 On peut également citer, pour l’illustrer, cette phrase de Pierre de Deimier : « Car le Poëte doit observer religieusement, d’escrire bon François, suivant les vocables qui sont practiquez chez le peuple qui parle le mieux » (L’Academie de l’art poetique, Paris, Jean de Bordeaux, 1610, p. 477).

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Quintilien9) : elle adosse l’appel à un « usage commun » à la lecture critique de quelque chose qui, par essence, pour un esprit du XVIe siècle, ne ressortit pas à l’usage commun.

Il y a donc d’emblée un élément de projection, dans la démarche de Malherbe. Sa démarche revient à faire se superposer l’une au-dessus de l’autre deux structures qui ont des origines très différentes. Ainsi, c’est à partir de la physionomie d’un usage qui n’a rien de commun, l’usage poétique, que se déploie la seconde physionomie de la langue, celle que Malherbe considèrera comme recommandable. Mais que peut alors signifier le recours systématiquement local aux formes du sermo quotidianus à l’intérieur d’un espace discursif poétique, sinon la volonté de « jouer sur les deux tableaux », pour ainsi dire, et de conjuguer, à l’a priori d’excellence d’un langage, le langage poétique, la nouvelle valeur accordée à des formes particulières, d’ailleurs souvent peu motivées, tirées de la parole quotidienne ? A l’issue de cette opération, on aurait tort de croire qu’on aboutit à une idéalisation de la langue de tous les jours : ce sur quoi on débouche, c’est sur une troisième voie, sur une forme inédite qui doit à son tour se réinventer un discours.

Cette méthode singulière (et d’ailleurs les contemporains ne s’y sont pas trompés en utilisant, à l’instar de Marie de Gournay, ce terme précis de méthode), dessinera un chemin décisif pour la nouvelle culture de la langue en train de se mettre en place. On sait aujourd’hui que Vaugelas, qui avait entamé le travail de collation de faits qui devait mener à la publication des Remarques sur la langue françoise (1647), plusieurs décennies auparavant, avait commencé par annoter de semblable façon son exemplaire de Malherbe10. Dans la version publiée des Remarques, il a gommé cette origine très précise et ciblée, conformément à son idée, qu’il ne suit pas toujours très exactement d’ailleurs, de ne pas citer d’auteurs vivants. Mais Louis Alemand, en publiant en 1690 les remarques laissées de côté par Vaugelas, a révélé, du coup, l’ampleur de la source malherbienne, dans le point de départ des remarques, et du même coup d’ailleurs, l’aspect très critique des notations de Vaugelas11.

Ainsi, on peut dire qu’entre Malherbe et Vaugelas, une partie du point de départ, dans la démarche, est la même. De fait, durant tout le XVIIe siècle – cela est particulièrement notable chez Bouhours - la lecture critique d’un texte hautement littéraire à la lumière d’un usage perçu ou posé comme « commun » créera, par cette distance paradoxale, précisément, l’espace propice à investir un imaginaire dans la réflexion sur la langue. Cet aspect du travail des futurs « remarqueurs » ne doit pas être occulté au prétexte que certains d’entre eux, à la suite de Vaugelas, auraient beaucoup investi dans la définition d’un « bon usage » qui irait largement au-delà de ce qui est recommandé pour la langue poétique. Malherbe ne peut être considéré comme un

« remarqueur », d’une part parce qu’il n’a pas publié ses remarques (d’ailleurs infiniment moins élaborées que celles de Vaugelas), d’autre part parce qu’il n’a semble-t- il pas eu la volonté de « descendre » du travail hautement littéraire effectué sur la langue poétique vers le réglage de l’ensemble du « bon usage ». En cela, son travail est aux

9 « Aliud est latine, aliud grammatice loqui » (Quintilien, Institution oratoire, I, VI, 27).

10 Voir W. Ayres-Bennett, Vaugelas and the Development of the French Language, London, MHRA Texts and Dissertations, 1987, p. 55.

11 Voir Z. Marzys, « Introduction », in Vaugelas, Remarques sur la langue française, Genève, Droz, 2010, p. 45 et W. Ayres-Bennett et M. Seijido, Remarques et observations sur la langue française. Histoire et évolution d’un genre, Paris, Garnier, 2012, p. 18. Ces dernières indiquent que le manuscrit montre bien les indications des pages des œuvres de Malherbe où Vaugelas avait trouvé les exemples qu’il commente.

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fondements de la dimension imaginaire du travail des remarqueurs, mais non de la totalité de leur attitude à l’égard de l’usage.

En marge de cette considération de ce qui est attesté, Malherbe utilise comme seconde référence majeure dans ses jugements ce qui satisfait l’oreille.

Depuis les années 1550 environ, cette notion d’origine latine12 effectue un retour remarqué dans les discours tenus sur la langue13. Meigret14, Ramus, Pasquier, la mobilisent souvent. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, elle va s’installer comme une constante dans le nouveau rapport moderne, plus subjectif, à la langue, qui est en train de s’établir. Il est souvent difficile de savoir ce que recouvre exactement cette notion, et ce qui prime lorsqu’elle est convoquée : s’il s’agit avant tout d’aspects esthétiques et axiologiques ou s’il s’agit de faire contrepoids à la raison, grande force mobilisée par les grammairiens. Toujours est-il que le lien entre a présence dans les discours et le fait qu’une des bases pour réfléchir sur la langue soit à cette époque le discours poétique semble assez clair, au moins chez certains. Etienne Pasquier estime par exemple que l’importance de l’oreille dans le rapport français à la langue est liée à la singularité de la poésie française, qui réside dans la rime. Il écrit par exemple à propos d’une ode de Ronsard : « Ce neantmoins vous les voyez [les vers] nous succer l’oreille par leur douceur, autant et plus que tous les Examettres et Pentamettres des autres, desquels pour cette cause il ne faut mandier les vers mesurez : car de combien se rend nostre Poësie plus douce, quand elle est accomplie de la rime, en laquelle, comme j’ay dit, reside sa principale beauté ? »15.

Pour analyser la présence du motif de l’oreille chez Malherbe, le matériau est évidemment moins commode que lorsqu’on est en présence d’un texte organisé, comme c’est le cas chez Meigret.

Ce qui est sûr, c’est que c’est souvent à ce motif de l’oreille que le nom de Malherbe fut attaché par la postérité. Cela fera parfois la matière d’un reproche, comme chez Ménage, pour qui Malherbe « a mieux aimé consulter l’oreille que la grammaire »16. Au XVIIIe siècle, l’abbé Dubos, dira en termes remarquablement ambigus cette spécificité de Malherbe : « Malherbe est inimitable dans le nombre et dans la cadence de ses vers ; mais comme Malherbe avait plus d’oreille que de génie, la plupart des strophes de ses ouvrages ne sont recommandables que par la mécanique et l’arrangement harmonieux des mots pour lequel il avait un talent merveilleux »17. Plus près de nous, Marc Fumaroli estime que Malherbe fut « guidé par une oreille sensible à la musique particulière du

12 Voir Cicéron, Orator et De oratore, entre autres, parfois traduits mot à mot dans la Deffense et Illustration de la langue françoise de Du Bellay. Voir par exemple : « Le jugement des oreilles est tressuperbe, comme de celles, qui repudient toutes choses apres, et rudes, non seulement en composition, et structure de Motz, mais aussi en Modulation de Voix » (Du Bellay, Deffense [1549], éd. J.-Ch. Monferran, Genève, Droz, 2001, p. 163).

13 Voir A. Steuckardt et M. Thorel, éd., Le jugement de l’oreille (XVIe-XVIIIe siècles). Un jalon dans l’histoire des représentations linguistiques, Paris, Champion, à paraître.

14 Voir la contribution d’O. Leclercq, Ibid.

15 Etienne Pasquier, Les Recherches de la France, VII, VII [1596], éd. M.-M. Fragonard, et F. Roudaut, Paris, Champion, 1996, p. 1426-1427.

16 Ed. Chevreau et Ménage, I., p. 386, cité par Brunot, p. 467.

17 Abbé Dubos, Réflexions critiques sur la poésie et la peinture, Paris, P.-J. Mariette, 1723, section XIII. AV.

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français »18. Et Francis Ponge ne cesse de jouer, dans son Pour un Malherbe, sur le jeu de mots raison / réson (de résonner)19.

L’ « oreille », pour Malherbe, c’est peut-être une qualité indivise dans le rapport général à la langue – à la langue maternelle tout du moins -, mais ce peut être aussi une certaine manière d’envisager le discours. Daniel Mornet évoque par exemple à son sujet

« un certain rythme [qui] porte la pensée, par lui même, presque autant que la suite abstraite du sens »20. En une seule phrase, le critique résume la place singulière dans laquelle a choisi de s’illustrer Malherbe : une recherche de dispositio plus que d’inventio qui en vient à faire porter tout l’effort – et du coup tout le prix poétique – sur une alliance spécifique entre associations syntagmatiques et une conduite générale du discours qui passe par un sentiment musical avant de passer par un sentiment linguistique.

Usage, oreille : voici donc en définitive les deux grandes « balises » qui définissent, qui encadrent, le terrain où Malherbe portera, en matière de langue, un jugement.

Brunot s’en tiendra là, lorsqu’il déclarera : « En somme, dans toutes ses minuties, Malherbe n’est que le défenseur des droits de l’oreille et des droits de l’usage »21. De fait, à partir de Malherbe, c’est à une profonde transformation de l’articulation entre usage, raison et « sentiment » (terme absent, mais notion représentée ici par l’oreille) que l’on va assister. Daniel Mornet proposait en son temps la formulation suivante : « A la place d’une langue parlée soumise à tous les caprices confus de l’usage, à toutes les fantaisies obscures de l’imagination, on constituera une langue littéraire qui ne se développera pas à l’écart de l’usage et de la vie, mais qui en sera l’interprétation, la réglementation raisonnée »22.

Cette notion d’ « interprétation » nous permet de mesurer en quoi il serait vain, d’une part de réduire le travail de Malherbe à une simple volonté de conformation à l’

« usage », d’autre part de le lire dans l’optique d’un alignement pur et simple sur la raison. Si l’intervention de la raison, dans l’optique d’une vision téléologique de l’histoire qui a pris en compte tout ce qui a suivi Malherbe, Port-Royal comme le travail des grammairiens philosophes du XVIIIe, a pu être comprise objectivement comme participant d’un processus général d’élaboration de la langue, il faut se souvenir qu’à ses sources - comme chez Malherbe - elle a d’abord été la figure d’une vision comme une autre de la langue, la figure d’une attitude, d’un vécu - toutes choses que nous enfermons et ne saurions mieux décrire que sous le terme « sentiment de la langue ». « Il faut donc se travailler curieusement à escrire si bien, qu’il n’y puisse avoir rien à redire au iugement de la raison »23, écrit Pierre de Deimier, qui va jusqu’à proposer cette formule qui pourrait être considérée comme un emblème du sentiment particulier de la langue qui est développé à l’époque classique : « la Raison doit reluire »24. La « raison » apparaît donc comme une figure de ce qui est apporté dans la conduite du discours, depuis un extérieur qui en est aussi la matrice. Le verbe reluire indique bien qu’il y a là une

18 M. Fumaroli, « Le génie de la langue française », dans Trois institutions littéraires, Paris, Gallimard, Coll. « Folio Histoire », 1994, p. 265.

19 Ponge, Pour un Malherbe, Paris, Gallimard, 1965, p. 191, par exemple ; p. 188, pour la confrontation de ce qui « résonne » avec l’ « oreille ».

20 D. Mornet, op. cit., p. 291.

21 Brunot, op. cit., p. 572.

22 D. Mornet, op. cit., p. 286.

23 Deimier, op. cit., p. 120.

24Ibid. , p. 488.

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dimension esthétique tout autant qu’authentiquement rationnelle. La raison décrit un partage d’interprétation qui est réalisé à partir des sentiments individuels que les locuteurs manifestent à l’égard de la physionomie du discours25.

2. Les grands traits de l’imaginaire

Dans la deuxième partie de cet article, nous aimerions tracer les grandes lignes de ce qui constitue à notre sens l’imaginaire linguistique de Malherbe, un imaginaire qui est parfois difficile à analyser, tant, d’une part, certains de ses traits ont si bien pénétré dans le sentiment général qu’on a pu se faire après lui de la langue, au point de n’être presque plus perceptibles, et tant, d’autre part, ils s’organisent en un ensemble de relations multiples et difficiles à débrouiller.

Fondamentalement, malgré tout, il nous paraît possible de mettre en place un grand principe organisateur, dans la description de ces traits. Ce principe repose sur deux formes de dualités qui, à nos yeux de linguistes aujourd’hui, sont de nature différentes, mais qui, aux yeux d’un praticien de la langue du début du XVIIe siècle, créent un jeu de superpositions. Ces deux dualités sont, d’une part, celle du syntagme et du paradigme, d’autre part celle de la structure de départ (structure attestée) et de la structure d’arrivée (structure corrigée, si l’on veut, de type idéal).

La dualité syntagme / paradigme qu’on voit à l’œuvre dans les commentaires de Malherbe est le produit, à notre sens, du double cheminement de la grammaire française du XVIe siècle sur la voie (plutôt scholastique) des catégories et sur la voie (plutôt praticienne, empirique), du discours.

Dans ses commentaires, l’un des premiers soucis de Malherbe est de faire en sorte que l’on puisse voir, par la syntaxe, que les mots appartiennent à une catégorie. Les recomandations de répétition, par exemple, ont pour effet de mettre en exergue cette appartenance à la catégorie. En soulignant qu’il faut répéter et dans « propre à mon âge et ma tristesse »26, Malherbe exhibe ce qu’est un et dans la langue, son fonctionnement, ses propriétés syntagmatiques. De même pour les conjonctions. Cette identification se fait de manière contrastive lorsque Malherbe relève (par le biais d’un laconique « mal ») que, en dépit de leurs places similaires, un adjectif et un participe passé ne sont pas la même chose : « Le feuillage agréable, et le vent adouci », par exemple, est condamné27. Il en est de même pour le gérondif et le participe présent dans : « Et regrette en pleurant ma jeunesse passe / Maudissant le pipeur qui m’a tant abusé »28.

L’exigence de la présence de l’article – surtout de l’article défini – participe également de cette mise en exergue du statut grammatical des mots. Ainsi Malherbe condamne-t-il : « C’est qu’en despit du Ciel, de Fortune et d’Envie »29. Certes, nombre des contemporains ou des prédécesseurs de Malherbe, comme Ronsard, Masset, Maupas, ou Deimier, avaient déjà proposé une généralisation, dans l’usage, de l’emploi des articles, mais la spécificité de Malherbe est sans doute d’emblématiser cette catégorie, et d’en faire un outil qui, comme les « particules », va contribuer à briser

25 Et des locuteurs de langue maternelle : « Il ne voulait pas que l’on fît des vers qu’en sa langue originaire, et disait que nous n’entendions point la finesse des langues, que nous n’avions apprises que par art » (Racan, op. cit., p. 932).

26 Cleon., Ode IV, 365, cité par Brunot, op. cit., p. 467.

27 Im. De l’Ar. Angel., IV, 417, cité par Brunot, p. 453.

28 Diane, I., Contr’amour IV, 270, cité par Brunot, p. 448.

29 Am. D’H. 67, IV, 317, cité par Brunot, p. 340.

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l’aspect phraséologique ou les zones de figement de la langue, si présentes à l’époque, et dont une des formes d’expression privilégiées est le proverbe30.

Cette exigence d’emploi systématique se retrouve dans les pronoms, particulièrement dans les clitiques sujets, qui étaient fréquemment omis, selon les besoins du mètre, dans la langue poétique du XVIe siècle. Ainsi condamne-t-il « Afin que vous souffriez de ce qu’avez mérité »31. Plus généralement, Malherbe a largement proposé de faire correspondre la forme du mot à sa fonctionnalité syntaxique. Il désapprouve les substantifs adjectivés (« le pouvoir tyran d’un œil trop rigoureux »32), les adjectifs substantivés (« cette dure »33). En termes modernes, on dirait qu’il y a chez lui une exigence d’emploi prototypique des mots, du point de vue de la grammaire. Cette sensibilité prépare la mise en place de ce que nous avons proposé de décrire sous le nom de « loi d’unicité » et de « loi de proximité »34. La conjonction de ces deux « lois » (qui sont davantage des lois de l’imaginaire que des prescriptions grammaticales proprement parler) aboutit à ce que, l’équation entre mot et appartenance à une catégorie étant bien posée au départ, d’une part cette visibilité ne soit pas « gênée » par un brouillage voisin – en d’autres termes que la catégorie ne soit présente qu’une fois dans un contexte défini -, d’autre part – et cela est particulièrement visible chez Malherbe – à ce que les catégories présentant une possibilité d’association syntagmatique soient placées au plus proche.

Ainsi, on peut dire que, chez Malherbe, le jugement syntagmatique est soumis à une prise en compte paradigmatique. La présence potentielle du paradigme (« l’article »,

« le pronom », « le substantif », « l’adjectif »…) conditionne la réalisation syntagmatique dans la mesure où le poids « vertical » qu’elle fait peser, pour ainsi dire, met l’articulation horizontale sur la voie d’une représentativité qui est aussi, dans l’esprit de Malherbe, une exemplarité. Dans la construction d’une semblable articulation, que nous jugeons typique de l’ « imaginaire de la langue » tel que nous le comprenons, on peut se demander si la forme même du texte poétique n’a pas joué un rôle, de par sa structure bi-dimensionnelle, faite, pour utiliser une comparaison commode, d’abscisses et d’ordonnées. A partir de cette base, le fait qu’il existe dans le travail poétique propre de Malherbe un rapport très spécifique, pour suivre Franck Bauer, entre « frontières syntaxiques (frontières de phrases et de constituants de phrases) et frontières métriques »35, rapport évaluable par des « tests punctuométriques »36, montre que, tout autant que l’argumentation, cette structuration met en évidence des articulations qui ont à faire avec l’imaginaire linguistique. Ce que Franck Bauer analyse en termes de

« rapports de surdétermination que les structures rimiques, strophiques et syntaxiques

30 Brunot cite M. Beckman pour qui « les droits de l’article ont été reconnus et fixés par Malherbe » (Etude sur la langue et la versification de Malherbe, Elberfled, 1873, p. 9), formule qu’il juge exprimée « avec un peu d’emphase » (Brunot, op. cit., p. 337).

31 El., I, 9, IV, 392, cité par Brunot, p. 379.

32 Cleon, 60, IV, 344, cité par Brunot, p. 349.

33 D., I, 6, IV, 250, cité par Brunot, p. 350.

34 G. Siouffi, Le « génie de la langue française ». Etudes sur les structures imaginaires de la description linguistique à l’Age classique, Paris, Champion, 2010, p. 126-138.

35 F. Bauer, « Malherbe concettiste. Eléments pour une description du sonnet malherbien », dans Pour des Malherbe, Actes publiés sous la direction de Laure Himy- Piéry et Chantal Liaroutzos, Presses universitaires de Caen, 2008, p. 106.

36 Selon la méthode de Benoît de Cornulier.

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propres à la forme sonnet entretiennent avec l’organisation logico-discursive »37 peut aussi être représenté à un plan formel. Ce qu’exhibe ce type de solidarités, ce sont, outre des argumentations lisibles dans la chaîne syntagmatique, des hiérarchies dans le matériel paradigmatique de la langue.

De ce point de vue, sans doute le meilleur exemple qu’on puisse en donner de ce conditionnement du syntagme par le paradigme est la réflexion sur les rimes. Dans la Vie de Malherbe de Racan, il y a tout un passage consacré aux diverses proscriptions de Malherbe en matière de rimes38. On y relève l’interdiction de la co-présence du simple et du composé, ou du moins de ce qui est perçu comme tel39, comme dans temps et printemps, des « mots qui ont quelque convenance », comme montagne et campagne, des dérivés (admettre et promettre), etc. On voit bien ici comment l’intervention du paradigme mental (le mot lui-même en tant que mot à la rime pouvant être considéré comme pris dans un rapport paradigmatique) vient conditionner la réalisation syntagmatique (les mots rimant ensemble formant un rapport syntagmatique). Il y a un lien entre les préconisations grammaticales de Malherbe et ses goûts en matière de rimes : d’un côté comme de l’autre, on trouve un même attrait pour l’intersection entre les deux dimensions, verticale et horizontale, de la réalisation discursive. Cette dualité, qui forme une rencontre, Francis Ponge l’a nommée « dallage »40. L’image dit bien ce qu’elle veut dire : c’est un autre sens du déroulement discursif qui apparaît avec Malherbe. L’expression ne suit plus seulement la variabilité d’un déroulement phrastique conditionné avant tout par les méandres de la pensée ou de la conception : elle se cale aussi sur la présence, en abscisse potentielle, des paradigmes de la langue qui la font voir dans le discours. Notons en passant à ce sujet que la formule bien connue de

« fort belle prose rimée », employée par Chapelain à propos denotre auteur41, peut certes être lue comme une manière de dénigrer les qualités du poète Malherbe, mais aussi comme une représentation de cet imaginaire qui met en avant ce rapport entre la lecture syntagmatique (« prose ») et la lecture paradigmatique (« rimée »).

De façon plus générale, cette solidarité entre le paradigme et le syntagme peut se lire, au-delà de l’échelle du mot, au sein d’unités plus larges, intermédiaires entre le mot et la période ou grande phrase au sens seiziémiste. Deux unités se dégagent, selon qu’on se situe au plan de la pure grammaire du discours, ou au plan de l’écriture poétique : la proposition (ou phrase courte), et le vers.

Ici, cela a beaucoup été relevé, l’une des propositions phares de Malherbe sera de faire coincider, autant que possible, ces deux unités, de façon à faire ressortir une double visibilité. Dans la Vie de Malherbe de Racan, il est indiqué que « Malherbe voulait aussi que les Elégies eussent un sens parfait de 4 vers en 4 vers, même de deux en deux »42. Selon Brunot, Malherbe « enseigne à balancer sa pensée de façon que toutes les parties

37 F. Bauer, p. 124.

38 Racan, Vie de Malherbe, in Racan, Œuvres complètes, éd. S. Macé, Paris, Champion, 2009, p. 940.

39 Il y aurait une autre étude à faire ici de ce qui relève du « sentiment linguistique » chez Malherbe, autrement dit de la plus ou moins grande conscientisation de ce qui est à l’oeuvre dans la langue

40 F. Ponge, op. cit., p. 15-18 (« sol pavé », « poésie à trois dimensions »). Ailleurs, il parle aussi de « machine » (Ibid., p. 25, p. 56), d’ « architecture » (Ibid., p. 76) ; pour rendre l’idée du paradigme : « le dictionnaire en ordre de fonctionnement » (Ibid., p. 26).

41 J. Chapelain, Opuscules critiques, Genève, Droz, 1936, p. 423.

42 Racan, op. cit., p. 944.

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d’une pièce, d’une stance, d’une phrase ou d’une proposition se répondent, soient de dimension et de nature semblables »43 ; ou encore : « [sa phrase], il l’enferme dans un tracé géométrique qu’on peut ne pas choisir, mais qu’il faut suivre jusqu’au bout, si on l’a une fois adopté »44. Cette manière de gérer la phrase s’apparente étroitement à la manière de gérer le vers, avec ses contraintes formelles particulières.

Analysant la réalisation poétique de Malherbe elle-même, Jean-François Castille formule cette association en ces termes : « Toute cette écriture repose sur la complémentarité entre mètre et grammaire, car le vers se moule dans les patrons grammaticaux les plus ordinaires de la langue. Loin d’en être appauvri, il puise, au contraire, dans cette contrainte, son énergie et sa dynamique musicale »45. Certes, cette association particulière entre deux univers formels a de quoi, par sa manière de créer des « patrons », inspirer le sentiment d’un appauvrissement, d’un « prosaïsme » tendant à exclure, outre les décalages, toute originalité de pensée, mais il est juste aussi de dire, comme J.-F. Castille, que c’est cette association qui va faire que le vers devienne pour Malherbe le « révélateur de la poéticité du français »46, le passage à la langue dénotant alors le « saut » que ne manque pas de faire, lorsqu’il sort des conditions du discours, l’imaginaire de la langue.

Laure Himy-Piéry, quant à elle, qui a comparé les phrases de Malherbe avec celles de Du Perron, juge que « Malherbe a[urait] plus souvent recours au changement de propositions »47. Elle relève que les phrases simples y sont plus courtes, et que le

« découpage fonctionnel » y est plus net, ce qui participe de l’idée de simplicité.

L’auteure y voit un infléchissement discursif qui, « allant dans le sens d’un affermissement considérable de la chaîne syntagmatique », va selon elle « à l’encontre de la conception moderne de la poésie48, et contribue à nous retenir d’apprécier positivement les qualités de Malherbe poète.

Ce qui est certain, en tout cas, c’est que cette présence d’un découpage mental surplombant au-dessus de la chaîne du discours ne peut manquer, chez Malherbe critique comme chez Malherbe poète, d’installer un autre rapport à la réalisation discursive. Sainte-Beuve surnommait Malherbe « véritable Condillac du vers »49. Comme nous l’avons vu, ce découpage isole les mots plus que ne le faisaient ses prédécesseurs ; il détermine aussi des unités intermédiaires telles que les propositions, et ici, la formalité même du vers, dans son aspect tronçonné, a sans doute joué un rôle. Le discours idéal selon Malherbe rend visible son découpage possible. A ce titre, ce n’est pas un hasard si ce qui a généralement été valorisé chez Malherbe, ce sont « l’élocution et le tour de vers », pour reprendre les formules de Chapelain50. Si un sentiment de

43 Brunot, op. cit., p. 509.

44 Ibid., p. 515.

45 Jean-François Castille, « La poétique malherbienne de l’hétérométrie », dans Pour des Malherbe, Actes publiés sous la direction de Laure Himy-Piéry et Chantal Liaroutzos, Presses universitaires de Caen, 2008, p. 150.

46Ibid., p. 151.

47 L. Himy-Piéry, « Figure de Malherbe dans les Délices de la poésie française de Toussaint Du Bray (1620), dans Pour des Malherbe, Actes publiés sous la direction de Laure Himy-Piéry et Chantal Liaroutzos, Presses universitaires de Caen, 2008, p. 130.

48 Ibid., p. 136.

49 Sainte-Beuve, Tableau historique et critique de la poésie française et du théâtre français, Paris, Raymond-Bocquet, 1838, p. 196.

50 Chapelain, Opuscules critiques, Genève, Droz, 1936, p. 423.

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clarté se dégage du nouveau rapport à l’énoncé créé par Malherbe, c’est que les unités découpées donnent toujours l’impression de rester substituables. Il y a donc un aspect combinatoire dans l’esthétique verbale prônée par Malherbe. Ces faits spécifiques ont donné aux contemporains le sentiment d’avoir affaire à quelque chose d’ « oratoire »51 plus que de poétique. Selon notre analyse, nous y voyons la marque spécifique qu’une dimension seconde, superposée à la forme des énoncés et empruntée au potentiel de la langue, vient leur donner une valeur ajoutée et se rendre fonctionnelle par le biais de cette disponibilité perpétuelle qui est le propre de la langue.

3. Imaginaire de la langue et normativité

Il nous reste à présent à dire un mot de la manière dont semblable travail, qui est malgré tout fondé, en dépit de sa référence à l’usage, sur un sentiment très personnel, sur un ressenti des capacités de la langue et du discours qui engage avant le locuteur dans la profondeur de ses facultés créatrices en matière de langage, a pu dégager une certaine « normativité », autrement dit a pu influencer durablement une culture de la langue qui, au départ, non seulement est divisée en sensibilités très différentes, mais ne connaît pas encore le phénomène de l’autorité, en matière de langage. A dire vrai, la

« normativité » (nous entendons par là ici le fait que des préconisations – sans aller jusqu’à des prescriptions – aient un véritable impact à leur réception, et soient éventuellement suivies d’effet), est un phénomène toujours mystérieux, qui oblige à réfléchir, d’une part, à des mécanismes d’ordre général prédisposant à la création de normes, d’autre part à des phénomènes particuliers liés à des conditionnements historiques, ou socio-historiques, chaque fois différents.

Au rang de ces phénomènes particuliers, comme le relève (ici-même) Guillaume Peureux, l’une des caractéristiques essentielles de la « révolution » malherbienne, s’il y en a eu une, dans le rapport à la poésie, aura été que le commentaire critique et la réécriture sont désormais appelés à prendre une importance considérable, en arrivant à concurrencer l’acte de création lui-même. Guillaume Peureux va jusqu’à suggérer que, après Malherbe, « les poèmes appartiennent désormais à ceux qui les lisent », et que « la fonction des lecteurs, dont le commentateur est le parangon, est de les corriger, de les améliorer, de les réécrire, en somme » (p.X). Ce qui est certain, en tout cas, c’est que Malherbe crée, par le biais de cette pratique du palimpseste linguistique, pourrait-on dire, un espace où l’entrée collective dans l’univers d’une singularité d’expression va devenir beaucoup plus facile. La langue des poèmes n’appartient plus seulement à ceux qui les écrivent : elle est potentiellement soumise au jugement de tous. Malherbe va donner une valeur à cette entrée du collectif dans le rapport à la langue. Son attitude peut donc être analysée comme procédant d’un mouvement de « dé-singularisation ».

Désormais, le potentiel de la langue sera toujours posé comme dépassant la réalisation effective ponctuelle que peut offrir un poème.

Pour autant, il est malaisé de tirer de cette modification du rapport à la poésie et à la langue poétique, un lien direct avec le processus général de codification et de standardisation de la langue qui, malgré tout, même si on peut avoir des réserves à son sujet, est reconnu par la plupart des historiens de la langue comme s’étant déroulé, s’agissant du français, majoritairement au XVIIe siècle. Comme le note R. Anthony Lodge,

51 Voir la formule de « clarté oratoire » utilisée par Daniel Mornet (Mornet, op. cit., p.

276. L’auteur oppose « clarté oratoire » et « clarté par bon sens »).

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le rôle exacte de Malherbe dans ce processus général reste « difficile à évaluer »52. Nous souscrivons avec son opinion selon laquelle « il est peu probable qu’avec ses Commentaires, Malherbe ait eu d’autre visée sociale que la définition d’une poétique acceptable »53. Cette restriction de champ importante peut certes apparaître décevante au regard d’une histoire littéraire et langagière un peu glorieuse, et surtout influencée par une vision unanimiste de la langue héritée de la Révolution et surtout de la Troisième République, mais elle est importante à prendre en compte si l’on veut se replacer dans le contexte culturel exact de ce début de XVIIe siècle. Pour Malherbe, la référence l’usage n’est pas une manière d’importer dans la poésie des manières de dire de la rue54 : elle est surtout la projection, sur le canevas du discours poétique d’un imaginaire de la langue qui puise une partie de son inspiration dans ce que « disent », si l’on veut, les mots, les tours, les phrases dans leur absolue réalité.

C’est pourquoi la question que pose la situation de Malherbe dans notre histoire langagière, à notre sens, plutôt que celle des « normes », ou de la standardisation, est celle du type particulier de normativité qui se dégage d’une réflexion mettant en œuvre l’imaginaire de la langue. En analysant quelle a pu être la réception de Malherbe auprès de ses « partisans », Ferdinand Brunot aborde latéralement cette question en écrivant que, d’une part, Malherbe, n’inventant rien, n’a fait que « fixer l’usage de son temps » et mis en avant « les lois d’une chose que tout le monde possède : l’oreille », et que, d’autre part, ce qui est désormais demandé au poète, ce n’est plus un « apprentissage », mais une « soumission »55. Cette mise en rapport paradoxale souligne où est le véritable enjeu du regard de Malherbe sur la langue. Ce n’est plus l’ « initiative individuelle »56 qui est valorisée, mais une force collective supérieure qui se dégage d’un imaginaire.

Pour autant, Malherbe était conscient de la difficulté qu’il y avait à transformer un goût individuel en norme collective, comme en témoigne ce passage, cité par Ferdinand Brunot : « Vouloir que ce qui plaît ou déplaît plaise ou déplaise à tout le monde, c’est passer des limites où il semble que Dieu même ait commandé à sa toute-puissance de s’arrêter. Quelle absurdité seroit-ce, qu’aux jugements que font les cours souveraines de nos biens et de nos vies les avis fussent libres et qu’ils ne le fussent pas en des ouvrages dont toute la recommandation est de s’exprimer avec quelque grâce et tout le fruit de satisfaire à la curiosité de ceux qui n’ont rien de meilleur à s’entretenir ? »57.

Dans la Vie de Malherbe de Racan, on trouve aussi cette formule fameuse : « Il ne s’épargnait pas lui-même en l’art où il excellait, et disait souvent à Racan[, V]oyez-vous Monsieur, si nos vers vivent après nous [,] toute la gloire que nous en pouvons espérer, est qu’on dira que nous avons été deux excellents arrangeurs de syllabes et que nous avons eu une grande puissance sur lesparoles, pour les placer si à propos chacune en leur rang »58. Cette relativisation étonne – et a étonné d’ailleurs en son temps. Il y a, dans le travail de Malherbe, une dimension d’art, donc d’artifice, qui a été largement gommée par l’obsession française de lire les questions de langue en termes de norme d’une part,

52 R.A. Lodge, Le français. Histoire d’un dialecte devenu langue, Paris, Fayard, 1993, p.

230.

53 Ibid., p. 231.

54 Rappelons les termes plébée, peu courtisan, etc. employés par Malherbe à propos de certaines expressions de Desportes (voir Brunot, op. cit., p. 236 et suivantes).

55 Brunot, op. cit., p. 372.

56 Toujours selon Brunot, Ibid.

57 Œuvres, Lalanne, I, p. 266-267, cité par F. Brunot, op. cit., p. 112.

58 Racan, Œuvres complètes, op. cit., p. 927

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et en termes de partage d’autre part. Ailleurs dans la Vie de Malherbe, et dans un passage qui ne concerne que la prose, il est fait état de sa distinction assez nette de « trois sortes de styles » : le premier, celui de ses « lettres familières », « qu’il écrivait à ses amis, sans aucune préméditation », le second, celui des lettres « qu’il ne travaillait qu’à demi », et qui n’avait « aucun agrément », selon Racan, et le troisième, qui était présent « dans les choses que par un long travail il mettait en leur perfection », et où « il s’élevait beaucoup au-dessus de tous les Ecrivains de son temps »59. Ces notations soulignent l’aspect indubitablement hiérarchique de la réflexion de Malherbe sur la langue : l’imaginaire de la langue n’est mobilisé, par le biais du « travail », que dans l’une des trois manières d’écrire qu’il choisissait de mettre en œuvre dans ses lettres. Cette dualité entre style simple et style travaillé, élaboré (Vaugelas parlera bientôt de « style formé »60) révèle que l’imaginaire de la langue est d’abord, à l’origine, lié à un artifice, à la projection d’une dimension idéale sur une dimension perçue comme naturelle. C’est dans cet espace singulier entre les deux dimensions que cet imaginaire se construit, non pas dans l’alignement de toutes formes supposées de langage en vue de viser une homogénéité.

Pour saisir l’impact (qui fut finalement considérable61) de l’attitude de Malherbe, il faut donc au final se poser la question de ce qui, dans l’imaginaire de la langue, entraîne l’adhésion, au-delà de l’effet immédiat. C’est sans doute là le point essentiel. On peut en effet relativiser, comme le fait Brunot, l’influence directement exercée par l’énonciation personnelle de Malherbe, tant le caractère « brusque » et tranchant de ce dernier a visiblement été, sur ce plan-là, contreproductif. Ce qui a frappé, chez Malherbe – on le lit tout au long de la Vie de Malherbe - c’est le ton extrêmement abrupt et péremptoire de ses jugements. Daniel Mornet a relevé que les mots qui reviennent le plus, chez lui, sont infaillible et sans réplique62. Certes, l’énonciation de Malherbe dans son commentaire est faite de prescriptions et proscriptions. Mais cela ne signifie pas qu’elles aient nécessairement été prises au sérieux ni que ce soient elles qui aient connu la réussite pragmatique. Pour Peter Rickard, l’influence de Malherbe s’exerça par le contact personnel plutôt que par la publication63, et il semble effectif que son cercle, où il dispensait un véritable enseignement64, ait été un lieu décisif d’influence. Selon Brunot, Malherbe a servi de mentor linguistique, au moins à D’Urfé, Faret, Conrart, Gombaud, Chapelain, Colletet, Voiture65. Certains ont été des thuriféraires, comme Racan, pour qui Malherbe est « l’Oracle, dont le jugement est si généralement approuvé, que ce seroit renoncer au sens commun que d’avoir des opinions contraires aux siennes »66.

Malgré tout, notre position est, qu’au-delà des paramètres circonstanciels, si la réflexion de Malherbe sur la langue a eue autant de rententissement, c’est qu’il a été le

59 Racan, Œuvres complètes, op. cit., p. 952.

60 Vaugelas, Remarques sur la langue française [1647], éd. J. Streicher, Genève, Droz, 1934, p. 579.

61 En 1784, Rivarol estime de façon absurdement réductrice, mais significative, que la langue de Malherbe est « la nôtre » (« Dicours sur l’universalité de la langue française », dans De l’universalité européenne de la langue française, Paris, Fayard, 1995, p. 148). De façon plus mesurée et plus immédiatement historique, Brunot trouve que « La plupart de ce qui sera blâmé par Vaugelas l’est déjà par Malherbe » (Brunot, op. cit., p. 516).

62 D. Mornet, Histoire de la clarté française, Paris, Payot, 1929, p. 286.

63 P. Rickard, The French Language in the seventeenth century, op. cit., p. 5.

64 Voir Racan et Brunot, op. cit., p. 571 et suivantes.

65 Brunot, op. cit., p. 582.

66 Lettres à Malherbe, Œuvres, I, p. 14, cité par Brunot, op. cit., p. 570.

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premier à révéler le rôle que peut jouer, chez chacun dès lors qu’il entreprend de ne plus penser son idiome comme un simple usage, l’imaginaire de la langue. Le premier paramètre, à cet égard, tourne autour de la notion de valeur. En s’attaquant à la langue de la poésie, Malherbe l’a peut-être, pour certains, fait descendre de son piédestal, mais il a surtout utilisé la valeur donnée culturellement au langage poétique. Si les « fureurs apollinicques »67 y ont un peu perdu, sans doute, la « langue » - et nous concevons par langue ici, non pas la simple physionomie de l’usage, mais cette abstraction tant soit peu idéalisée qui est en train de se construire dans les mentalités par le biais de ce processus - y a beaucoup gagné. En extrayant de la langue de tous les jours » des mots, des formes, des contours, susceptibles d’entrer dans les vers, Malherbe a conféré à ces mots, à ces formes, à ces contours eux-mêmes une partie de la valeur symbolique généralement attachée (de son temps) à la langue poétique. Il a créé, non pas dans la langue poétique, mais dans la langue de tous les jours, un espace nouveau qui, par une manière d’

« imposition verticale », pour ainsi dire, donne du prix à ce qui, auparavant, n’apparissait que comme des détails sans importance.

Le second paramètre est peut-être lié à l’ambiguité entre langue et discours qui fonde la réflexion de Malherbe. Cette ambiguité crée une forme de confusion qu’a bien relevée Henri Meschonnic68, pour qui une bonne part des malentendus qui ont entouré la notion de « génie de la langue » ou celle de « clarté » du français, entre autres, est due à ce transport vers la langue de qualités développés à l’occasion d’une réflexion critique sur le discours. De fait, il y a chez Malherbe, comme plus tard chez bon nombre de remarqueurs de l’époque « classique », une part de préconisations de bon sens, en termes pragmatiques (employer plutôt la langue de son temps, faire attention aux paramètres phoniques, aux registres de langue, à la construction grammaticale69…), qui seront fâcheusement mêlés, ensuite, à la construction d’une idéalité séparée, celle de la langue, désormais vue comme une sorte de rempart contre les risques du discours, risques dont on sait bien au fond de soi, malgré tout, qu’ils sont absolument inévitables.

Tel est le mérite, mais aussi le danger de l’imaginaire de la langue que de nous faire croire que nous pouvons sortir de cette condition extrêmement terre à terre. De cette ambiguité Malherbe a certainement au conscience, car, chez lui, malgré l’essor de l’imaginaire, le discours reste toujours présent.

En guise de conclusion, reprenons donc les principales articulations de ce que nous essayé de mettre en place.

S’agissant de l’usage et du sentiment de la langue, nous avons suggéré qu’il y avait selon nous un malentendu à vouloir toujours référer le travail de Malherbe à l’invention d’un « bon usage ». Le Commentaire des Desportes nous paraît d’abord être le fruit d’un

« sentiment de la langue » personnel projeté sur un texte poétique particulier. De cette projection, qui fait appel à des éléments formels issus d’un usage partagé, et dans cette distance, précisément qui l’en sépare, naît ce que nous avons appelé un « imaginaire

67 « La vraye Poesie au surplus, estant une fureur Apollinique » (Marie de Gournay, Les Advis, Paris, Jean du Bray, 1641, p. 476.

68 H. Meschonnic, De la langue française, Paris, Hachette, 1997 ; voir notamment, sur Malherbe, p. 195-197.

69 C’est ainsi, essentiellement, que nous pensons qu’il faut interpréter les célèbres formules de Boileau : « Et ce guide fidèle / Aux auteurs de ce temps sert encore de modèle. / Marchez donc sur ses pas ; aimez sa pureté ; / Et de son tour heureux imitez la clarté » (Boileau, Art poétique, v. 139-142).

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linguistique », ou un « imaginaire de la langue ». Cet imaginaire se caractérise par un certain nombre de traits formels qui s’organisent entre eux, mais dont un point commun est qu’ils présentent souvent une articulation possible entre une vision syntagmatique ou discursive de la langue, et une vision paradigmatique, faite de substituabilités et d’attributions de « places », ne serait-ce que par le repérage en catégories.

De ce point de vue, le travail de Malherbe est incontestablement précurseur et novateur. Nous suggérons que, s’il a été mis sur la voie de cette vision particulière de la langue, qui en dégage les deux axes et les fait s’entrecroiser, c’est peut-être en raison du dispositif formel particulier du vers, qui, non seulement présente dans sa structure même un double caractère d’horizontalité et de verticalité, mais aussi, par ses contraintes métriques, a pour effet de détacher potentiellement les éléments constitutifs de l’énoncé et de les faire apparaître comme les produits d’une combinatoire. C’est effectivement dans le vers – en tant que mètre – que tout se joue d’abord, du simple fait que le vers définit – au sens où il délimite – une première structure, de dimension 1, qu’il sera possible ensuite de doubler. C’est donc en termes de visibilité qu’il faut mesurer l’apport de Malherbe. Jean-François Castille considère que, chez Malherbe, « la sobriété même du matériau expressif confère au mètre une importance qu’il n’a pas chez les autres », et juge que « c’est précisément cette visibilité qui suscite tant de polémiques dans un siècle classique qui, à l’instar de l’Antiquité, prône l’effacement de la forme » 70. De notre côté, nous mettrions plutôt en avant, au rang de ce qui choque, ce que cette visibilité peut créer d’à la fois idéal et banal. Telle est la condition de l’imaginaire linguistique d’être fondamentalement double, en termes de valeurs axiologiques. D’un côté, le fait de doubler la structure 1 des énoncés d’une seconde dimension idéale a pour effet de lui conférer une valeur, ce qui se traduit en termes d’idéal ; de l’autre, cette sortie du discours pour atteindre la dimension de la langue a pour effet inévitable, de dévaloriser le discours lui-même. Ainsi, il n’est pas un paradoxe de dire que la poétique de la langue dé-poétise le discours. D’un côté, on peut défendre - et c’est un peu le pari que fera l’évolution « classique » du XVIIe siècle - que la maîtrise formelle, soutenant la

« nudité de la langue », peut insuffler une nouvelle énergieà la poésie ; mais de l’autre, on doit reconnaître aussi qu’il y a un risque à ce que, de la sorte, on se satisfasse du pur imaginaire formel qui rend cette énergie possible, qu’on en fasse une idole, et qu’on perde de vue les apports potentiels du discours authentique. L’imaginaire linguistique a bien des méandres, bien des ambiguités, et Malherbe est certainement le premier à nous y avoir entraînés.

Gilles Siouffi, Université Paris-Sorbonne (STIH)

70 Castille, op. cit., p. 159.

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