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PROJET DE LOI NO 22 LOI MODIFIANT LA LOI SUR L ASSURANCE AUTOMOBILE, LE CODE DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE ET D AUTRES DISPOSITIONS

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/ MARS 2022

Le commentaire de Vélo Québec

PROJET DE LOI NO 22

LOI MODIFIANT LA LOI SUR

L’ASSURANCE AUTOMOBILE, LE

CODE DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE

ET D’AUTRES DISPOSITIONS

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TABLE DES MATIÈRES

Synthèse des propositions 4

Contexte : les cyclistes encore mal protégés 5

Un projet de société : l’indemnisation universelle des victimes de la route 9

Le principe d’écofiscalité appliqué au risque 13

Collecte de données : se doter d’outils pour mieux comprendre 16 Continuer à adapter le cadre législatif à la réalité des déplacements à vélo 17

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À PROPOS DE VÉLO QUÉBEC

Depuis plus de 50 ans Vélo Québec, organisme à but non lucratif, fait figure d’incontournable dans le paysage québécois.

Que ce soit à des fins de loisir ou de tourisme, ou comme moyen de transport propre et actif, Vélo Québec encourage sans relâche l’utilisation du vélo afin d’améliorer l’environnement, la santé et le bien-être des citoyens. L’organisation emploie près d’une centaine de personnes, directement à son siège social de Montréal et par le biais de collaborations avec différents organismes à travers le Québec. Par ses événements (Tour de l’Île, Festival Go vélo Montréal, Grand Tour Desjardins, etc.), les voyages qu’il organise, ses publications ou l’expertise technique qu’il dispense aux municipalités, Vélo Québec travaille à la création d’environnements favorables au transport actif et est reconnu à travers le Québec et au-delà de nos frontières. Vélo Québec coordonne les activités de mobilisation, les activités techniques et de communication liées au déploiement et à la mise aux normes de la Route verte pour le ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports. Vélo Québec est un interlocuteur de premier rang auprès de différents niveaux de gouvernement pour identifier les besoins et les solutions afin d’améliorer et d’accroitre l’usage du vélo.

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SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS

PROPOSITION 1 Élargir l’indemnisation offerte par la SAAQ, afin de couvrir l’ensemble des victimes de la route, même lorsqu’aucun véhicule moteur n’est impliqué dans la collision.

PROPOSITION 2 Alléger le fardeau de preuve nécessaire pour prouver l’implication d’un véhicule moteur dans une collision routière, en offrant le bénéfice du doute aux victimes.

PROPOSITION 3 Amender l’article 3.1 du Code de la sécurité routière portant sur le Principe de prudence, et en faire un principe cardinal de sécurité routière et d’indemnisation des victimes.

PROPOSITION 4 Appliquer le principe de responsabilité stricte pour les dommages matériels, afin que les assurances automobile des conducteurs prennent en charge l’ensemble des dommages matériels en cas de collision avec un usager vulnérable.

PROPOSITION 5 Ne pas assujettir la couverture universelle des usagers vulnérables de la route à une contribution supplémentaire de leur part au fonds d’assurance de la SAAQ.

PROPOSITION 6 Ajuster les contributions d’assurance en fonction de la dangerosité des véhicules.

PROPOSITION 7 Inclure tous les types de collision dans la collecte de données sur les collisions routières, et améliorer la collecte et le partage des données afin de mieux cerner les différents déterminants de sécurité routière.

PROPOSITION 8 Revoir la définition des vélos à assistance électrique pour en exclure les engins représentant un plus grand risque.

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CONTEXTE :

LES CYCLISTES ENCORE MAL PROTÉGÉS

Vélo Québec salue l’initiative du gouvernement du Québec de réviser la Loi sur l’assurance automobile, avec la volonté de « corriger les erreurs du passé1» pour les accidentés de la route, en particulier les plus âgés, qui faisaient face à des iniquités historiques. À l’heure où un milliard de dollars sera remis aux contribuables québécois, il nous apparaît tout à fait juste que des montants soient réservés pour mieux indemniser ces victimes à risque de précarité.

C’est dans un esprit tout à fait conforme à cette volonté que nous soumettons à la commission chargée du projet de loi 22 des recommandations pour mieux indemniser un autre groupe particulièrement vulnérable en matière de sécurité routière et d’indemnisation : les piétons et les cyclistes.

Si l’on peut se réjouir de voir le bilan routier du Québec s’améliorer presque constamment depuis une quinzaine d’années (de plus de 52 000 victimes en 2005 à 35 088 en 2019), il nous faut malheureusement constater que ces gains ne sont pas répartis également parmi les différents types d’usagers de la route. Ainsi, si l’on s’attarde à la proportion que représentent les usagers vulnérables (piétons et cyclistes) parmi les victimes décédées sur la route, on peut s’inquiéter du fait que ceux-ci comptent en moyenne, au cours des années 2015 à 2020, pour 20,7 % des victimes, une hausse de 5,5 % en 10 ans.

1 Intervention de M. François Bonnardel, ministre des transports, jeudi 17 février 2022, Journal des débats de l’Assemblée nationale, consulté en ligne le 3 mars 2022 : http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/assemblee-nationale/42-2/journal-debats/20220217/318429.html#_Toc96428896

Proportion des usagers vulnérables (piétons et cyclistes) parmi les décès de la route

2005-2010 2015-2020

15,2 % 20,7 %

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D’emblée, Vélo Québec souhaite réitérer son soutien au régime public d’indemnisation des victimes d’accidents de la route sans égard à la faute qui a cours au Québec. Il nous apparaît que ce système est bénéfique à l’ensemble de la société, dont les usagers de la route vulnérables, parmi lesquels comptent les cyclistes.

Néanmoins, le système actuel comporte encore plusieurs faiblesses, dont nous pouvons témoigner.

SUR LE PLAN DE L’INDEMNISATION DES DOMMAGES CORPORELS

La loi exigeant qu’un véhicule moteur en mouvement soit impliqué dans la collision pour ouvrir la voie à une indemnisation, plusieurs victimes se voient encore refuser tout soutien :

• Les cyclistes qui ne peuvent faire la preuve qu’un véhicule moteur a bel et bien été impliqué dans la collision2;

• Les cyclistes victimes d’emportiérage, à qui les policiers soutiennent encore fréquemment, et erronément, que leur accident n’en est pas un au sens de la loi, car le véhicule n’était pas en mouvement;

• Les cyclistes victimes de collision avec un autre cycliste. Bien que ces cas de figure soient actuellement difficiles à quantifier, ces collisions engendrent tout de même des conséquences graves, voire mortelles3. Ce type de collision pourrait d’ailleurs devenir plus fréquent et plus grave, avec l’augmentation du nombre de vélos à assistance électrique, plus lourds et plus rapides;

• Les victimes de collision piéton/cycliste, qui peuvent être suffisamment graves pour occasionner des blessures graves, voire le décès du piéton ou du cycliste4. Ici aussi, on suppose que ces collisions sont rares, mais les données manquent pour établir l’ampleur du phénomène.

2 La Facture, épisode du 19 octobre 2021, « Accident de vélo et la SAAQ », consulté en ligne le 2 mars 2022:

https://ici.radio-canada.ca/tele/la-facture/site/episodes/578169/saaq-velo-cycliste-brault-martineau-echographie-3d-enregistrement?isautoplay=true

3 Radio Canada, 29 juin 2021, « Berri et Ontario, une intersection jugée dangereuse pour les cyclistes », consulté en ligne le 2 mars 2022 : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1805511/intersection-berri-ontario-montreal-securite-cyclistes

4 Radio Canada, 24 mai 2020, « Mort d’un cycliste entré en collision avec un piéton », consulté en ligne le 2 mars 2022 : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1705928/deces-velo-accident

Décès par type d’usagers

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SUR LE PLAN DE L’INDEMNISATION DES DOMMAGES MATÉRIELS

Bien que l’indemnisation des dommages matériels dépasse le mandat de la loi sur l’assurance automobile, il convient de rappeler que les piétons et cyclistes ne sont pas tenus de posséder une assurance qui couvre les dommages matériels subis ou infligés lors d’une collision routière. S’il est souhaitable de ne pas avoir de telles exigences, car le vélo doit rester abordable, cela vulnérabilise encore davantage ces usagers en cas de collision:

• Les personnes qui détiennent une assurance habitation peuvent se tourner vers celle-ci, mais beaucoup hésiteront à entamer ce genre de démarches, qui s’avèrent peu avantageuses compte tenu des franchises applicables de 300 $ à 500 $;

• Pour les dommages infligés à leur propre vélo dans une collision dont ils ne sont pas responsables, les cyclistes qui ne détiennent pas d’assurance peuvent tenter d’arriver à un accord à l’amiable avec le conducteur, ou doivent se tourner vers la Cour des petites créances (pour un montant allant jusqu’à 15 000 $).

• Les cyclistes peuvent aussi se voir poursuivre par l’assurance du conducteur pour les dommages à l’automobile impliquée dans la collision.

Dans un cas comme dans l’autre, le cycliste se retrouve seul pour mener ces démarches, sans soutien et surtout face aux professionnels de la compagnie d’assurance de la partie adverse. Pour peu que le rapport de police n’ait pas été rempli consciencieusement, ils auront en plus à porter le fardeau de la preuve pour faire reconnaître leurs droits.

À L’ORIGINE, LE RAPPORT DE POLICE

Car c’est malheureusement un point commun à beaucoup de ces difficultés à obtenir réparation : à l’origine, on trouve souvent, établi par un corps de police, un rapport d’accident incomplet, voire erroné, qui laisse croire que le cycliste est en faute, même lorsque ce n’est pas le cas.

Alors que les victimes piétonnes et cyclistes sont souvent les plus gravement blessées lors de collisions impliquant un véhicule motorisé, elles souffrent souvent d’un état de choc provoquant chez elles une certaine confusion et elles sont plus sujettes à des traumatismes crâniens qui peuvent affecter leur mémoire des évènements. De plus, si leur état de santé nécessite des soins urgents, leur témoignage peut ne pas être recueilli sur les lieux de la collision. Lorsqu’elles sont enfin en mesure de prendre connaissance du rapport de police, il devient extrêmement difficile d’en faire modifier le contenu, et aucun accompagnement ne leur est offert pour faciliter leurs démarches.

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LA POURSUITE CRIMINELLE

Mentionnons également brièvement une autre suite possible d’une collision routière, soit la possibilité de poursuite par le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP). Il est malheureux de constater que, même dans le cas d’infractions ayant conduit à la mort d’un cycliste, les poursuites contre les conducteurs fautifs sont difficiles.

Mentionnons le cas tragique du jeune Clément Ouimet, décédé en octobre 20175 des suites d’une manœuvre illégale d’un automobiliste. Renonçant à poursuivre le conducteur fautif, le DCP justifiait ainsi sa décision :

« Pour déposer des accusations de conduite dangereuse, la preuve doit établir que la conduite de l’automobiliste constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait un conducteur raisonnable dans les mêmes circonstances ».

« Une imprudence, une simple négligence ou une erreur de jugement sont insuffisantes pour engager la responsabilité criminelle d’un individu. »

Comme nous l’avions déploré à l’époque, il y a lieu de s’interroger sur les normes que nous acceptons comme raisonnables, en tant que société, lorsqu’un conducteur causant la mort d’un jeune homme bénéficie d’une totale impunité, à l’exception d’une contravention.

5 Radio Canada, 21 mars 2018, « Mort de Clément Ouimet : l’automobiliste ne sera pas accusé », consulté en ligne le 2 mars 2022 : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1090613/clement-ouimet-mort-accusations-dpcp

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6 Page web « Mission et mandat » de la SAAQ, consultée en ligne le 2 mars 2022 : https://saaq.gouv.qc.ca/saaq/mission-mandats

UN PROJET DE SOCIÉTÉ : L’INDEMNISATION UNIVERSELLE DES VICTIMES DE LA ROUTE

Comme nous venons de le voir, derrière les données officielles compilées par la SAAQ se cache un nombre inconnu de victimes invisibles qui doivent faire face aux conséquences parfois dévastatrices de collisions sur le réseau routier, mais qui n’obtiennent aucune indemnisation. Au-delà des victimes de collisions entre cyclistes ou de collisions entre cycliste et piéton cités plus haut, nommons également les chutes et les collisions possibles avec d’autres formes de micromobilité : trottinettes électriques, gyropodes, planches à roulettes à assistance électrique…

Vélo Québec s’explique mal cette iniquité. Alors que la SAAQ définit sa mission comme étant de « protéger la personne contre les risques liés à l’usage de la route »6, force est de constater que tout un pan de la population, qui fait usage de la route de façon non motorisée, est laissé pour compte dans ses politiques d’indemnisation.

Pour réparer cette autre « erreur du passé », nous recommandons donc d’élargir l’indemnisation de la SAAQ aux victimes de collisions n’impliquant pas de véhicule moteur, au premier chef desquelles les piétons et les cyclistes.

Si nous sommes conscients de la complexité que nécessitera l’adaptation de la Loi sur l’assurance automobile pour se faire plus inclusive, nous sommes d’avis qu’il s’agit là d’un choix de société juste qui mettra fin à une iniquité persistante, et permettra à la SAAQ de s’acquitter de sa mission.

PROPOSITION 1 Élargir l’indemnisation offerte par la SAAQ, afin de couvrir l’ensemble des victimes de la route, même lorsqu’aucun véhicule moteur n’est impliqué dans la collision.

UN PREMIER PAS : LE « BÉNÉFICE DU DOUTE » POUR ÉTABLIR L’IMPLICATION D’UN VÉHICULE

Sans attendre que soit finalisé le projet d’indemnisation universelle proposé ci-dessus, nous appelons dès maintenant la SAAQ à revoir ses critères de traitement des réclamations, pour permettre aux victimes cyclistes et piétonnes d’être indemnisées dès lors que l’implication d’un véhicule est probable ou possible. Comme nous l’avons décrit plus haut, il est déplorable que des victimes de collisions routières aient à porter le lourd fardeau de la preuve, et doivent se battre pour obtenir une indemnisation lorsqu’elles ne sont pas en mesure de prouver l’implication d’un véhicule dans leurs blessures.

PROPOSITION 2 Alléger le fardeau de preuve nécessaire pour prouver l’implication d’un véhicule moteur dans une collision routière, en offrant le bénéfice du doute aux victimes.

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7 France, Code de la route :

« [Le conducteur] doit, à tout moment, adopter un comportement prudent et respectueux envers les autres usagers des voies ouvertes à la circulation. Il doit notamment faire preuve d’une prudence accrue à l’égard des usagers les plus vulnérables. »

Conseil économique et social des Nations unies, Convention sur la circulation routière du 8 novembre 1968 (dite Convention de Vienne) :

« Les conducteurs doivent faire preuve d’une prudence accrue à l’égard des catégories d’usagers les plus vulnérables tels que les piétons et les cyclistes, et notamment les enfants, les personnes âgées et les handicapés. »

Suisse, loi fédérale sur la circulation routière énonce :

« Chacun doit se comporter, dans la circulation, de manière à ne pas gêner ni mettre en danger ceux qui utilisent la route conformément aux règles établies.

LE PRINCIPE DE PRUDENCE, UNE PHILOSOPHIE À INCARNER

Nos propositions s’inscrivent dans la lignée d’un changement de paradigme ayant vu le jour en 2018 dans le Code de la sécurité routière (CSR), à la demande de Vélo Québec et d’autres groupes représentant les usagers vulnérables.

Il s’agit de l’introduction dans le CSR d’un principe de prudence affirmant la responsabilité accrue qui incombe aux conducteurs de véhicules rapides, lourds et potentiellement mortels, à l’égard des usagers vulnérables.

Ce principe se voulait inspiré de plusieurs pays ayant adopté de tels principes de prudence7, témoignant d’un choix de société souhaité par les législateurs : celui de protéger les usagers les plus fragiles et les moins protégés. C’est ce que nous souhaitions également au Québec.

Or, dès 2018, nous regrettions que le troisième alinéa de l’article introduit dans le CSR québécois vienne en affaiblir la portée, en créant une fausse équivalence de responsabilités entre les usagers dangereux et les usagers vulnérables:

«3.1 Tout usager de la route est tenu, surtout à l’égard de celui qui est plus vulnérable que lui, d’agir avec prudence et respect lorsqu’il circule sur un chemin public.

Le conducteur d’un véhicule routier est tenu de faire preuve d’une prudence accrue à l’égard des usagers plus vulnérables, notamment les personnes à mobilité réduite, les piétons et les cyclistes.

L’usager vulnérable est, pour sa part, tenu d’adopter des comportements favorisant sa sécurité, notamment en s’assurant d’être vu par les autres usagers. »

Nous nous devons ici de rappeler qu’un véritable principe de précaution devrait énoncer sans équivoque la responsabilité des conducteurs de véhicules lourds, rapides et dangereux envers les usagers vulnérables, non protégés par une carrosserie.

PROPOSITION 3 Amender l’article 3.1 du Code de la sécurité routière portant sur le Principe de prudence, et en faire un principe cardinal de sécurité routière et d’indemnisation des victimes.

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LE CONCEPT DE RESPONSABILITÉ STRICTE

Les pays qui ont opté pour de véritables principes de prudence sans équivoque ont aussi traduit cette philosophie concrètement par des mécanismes de protection des plus vulnérables, en optant pour la plupart pour des systèmes de « strict liability » (responsabilité stricte) pour les collisions routières.

Ces pays, au nombre desquels la France, l’Espagne, l’Allemagne, le Danemark et les Pays-Bas, ont choisi de faire reposer par défaut la responsabilité sur le conducteur, car c’est lui qui fait le choix volontaire d’utiliser un véhicule connu comme pouvant infliger de graves dommages aux autres usagers de la route, qui ne sont pas protégés par un véhicule8. Ces systèmes témoignent également d’une volonté de s’attaquer au déséquilibre de pouvoir qui existe dans les procédures entre un automobiliste assuré, et donc représenté par les professionnels de sa compagnie d’assurance, et un simple citoyen se représentant seul.

Ainsi en France :

« La loi du 5 juillet 1985, dite loi Badinter, a voulu améliorer l’indemnisation des victimes d’accidents de la route ne conduisant pas de voiture : piétons, cyclistes, enfants, personnes âgées, etc.

Son article 3 énonce, en effet : « Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l’exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident. »9

En vertu de ces dispositions, donc, la responsabilité des collisions est réputée reposer du côté des conducteurs, et le fardeau de la preuve est inversé : c’est au conducteur à prouver que l’usager vulnérable a commis une faute inexcusable, auquel cas la victime peut être jugée responsable en partie (dans une proportion n’excédant pas 50 %).

Dans l’état de New York et 11 autres états américains, un système de « No fault insurance » est également en vigueur pour garantir aux piétons et cyclistes impliqués dans des collisions, le paiement de leurs dommages, jusqu’à concurrence de 50,000 $10.

8 Bike citizens, 3 juillet 2018, « Burden of proof – How vehicle-first laws curb cycling levels », consulté en ligne le 2 mars 2022 : https://www.bikecitizens.net/presumed-liability-shrinks-cycling-levels/

9 Le Monde, 22 mai 2021, « Accidents de la route : pour un piéton ou un cycliste, rares sont les « fautes inexcusables », consulté en ligne le 2 mars 2022 :

https://www.lemonde.fr/argent/article/2021/05/22/accidents-de-la-route-pour-un-pieton-ou-un-cycliste-rares-sont-les-fautes-inexcusables_6081113_1657007.html

10 Bike Law, consulté en ligne le 2 mars 2022 :

https://nybc.net/education/bike-law/2-uncategorised/74-understanding-no-fault-laws-in-new-york

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LA RESPONSABILITÉ STRICTE APPLIQUÉE AUX DOMMAGES MATÉRIELS

Comme présenté plus haut, les cyclistes sont mal protégés pour faire face aux dommages matériels subis sur leur vélo et surtout, sont à risque d’éventuelles poursuites des assurances automobile pour des dommages sur les véhicules. Ces risques sont aggravés par le manque de fiabilité des rapports d’accidents établis par les corps policiers.

C’est pourquoi nous recommandons que soit appliqué dans le domaine des assurances automobiles privées un modèle de responsabilité stricte comparable à celui présenté ci-dessus. Dans un tel système, le conducteur serait présumé responsable par défaut lors d’une collision avec un piéton ou un cycliste, et son assurance automobile serait seule à assumer tous les dommages matériels encourus, à moins de pouvoir prouver une faute inexcusable de la part de l’usager vulnérable.

PROPOSITION 4 Appliquer le principe de responsabilité stricte pour les dommages matériels, afin que les assurances automobile des conducteurs prennent en charge l’ensemble des dommages matériels en cas de collision avec un usager vulnérable.

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LE PRINCIPE D’ÉCOFISCALITÉ APPLIQUÉ AU RISQUE

La question d’une indemnisation universelle des victimes de la route ne manquera pas de susciter de nouveaux questionnements sur le modèle de contribution des différents usagers de la route.

Pour répondre à ces questions, nous proposons d’appliquer à notre système d’indemnisation des victimes de collisions routières un autre principe : celui d’écofiscalité appliquée au risque.

Le principe d’écofiscalité, conçu initialement dans une perspective environnementale, a été défini comme suit par le gouvernement du Québec :

« L’écofiscalité regroupe un ensemble d’instruments économiques visant à décourager les activités nuisibles à l’environnement ou à encourager les activités qui lui sont favorables [...] »11

Or cette approche est tout aussi pertinente si l’on remplace « l’environnement » par « la sécurité routière ». Nous recommandons donc que la SAAQ s’en inspire pour ajuster ses barèmes de contribution au fonds d’indemnisation.

ENCOURAGER LES ACTIVITÉS FAVORABLES

En vertu de ce principe, il faut bien entendu continuer à offrir une couverture aux usagers des modes actifs, et même l’étendre, sans exiger de contribution supplémentaire de leur part : non seulement ils diminuent le risque d’insécurité routière pour l’ensemble de la société, mais ils contribuent également à l’atteinte de nombreux objectifs que s’est fixés le gouvernement du Québec : réduction de l’usage de l’auto-solo; réduction des GES et de la congestion; atteinte des objectifs d’activité physique recommandée de la population; baisse des risques de maladies cardiovasculaires, etc.

Exempter les usagers des modes actifs de contribuer au fonds d’indemnisation public, c’est une politique publique d’autant plus saine et logique, que l’on connaît les économies que les piétons et cyclistes amènent à la société de par les externalités positives associées à leur mode de déplacement. Citons à cet effet une statistique éloquente : alors qu’il en coûte 0,15 $ à la société pour chaque kilomètre parcouru en auto, elle économise plutôt 0,25 $ pour chaque kilomètre parcouru à vélo, et 0,51 $ pour chaque kilomètre à pied12.

À l’heure où la SAAQ, forte de généreux excédents, offre deux ans de congé de paiement aux détenteurs de permis québécois en 2022 et 2023, l’indemnisation universelle représente une amélioration du filet social que le Québec peut se permettre.

11 Ministère de l’économie, 2017, « Le recours à l’écofiscalité », consulté en ligne le 2 mars 2022 : http://www.finances.gouv.qc.ca/documents/Autres/fr/AUTFR_RecoursEcofiscalite.pdf

12 Gössling, Stefan & Choi, Andy & Dekker, Kaely & Metzler, Daniel, 2019. “The Social Cost of Automobility, Cycling and Walking in the European Union,” Ecological Economics, Elsevier, vol. 158(C), pages 65-74, consulté en ligne le 2 mars 2022 : https://ideas.repec.org/a/eee/ecolec/v158y2019icp65-74.html

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Selon les données recueillies par Vélo Québec en 2020, plus de 9 cyclistes sur 10 étaient également détenteurs d’un permis de conduire. C’est donc dire que la victime à vélo d’une collision routière a donc de fortes chances de contribuer déjà au régime d’assurance de la SAAQ. Il ne serait donc pas justifié d’imposer une contribution supplémentaire aux citoyens qui représentent un risque moindre pour la société chaque fois qu’ils décident de laisser leur auto stationnée.

De plus, il apparaît évident qu’un système qui chercherait à faire contribuer les usagers vulnérables au fonds d’indemnisation de la SAAQ serait lourd à administrer et quasiment impossible à appliquer avec discernement.

PROPOSITION 5 Ne pas assujettir la couverture universelle des usagers vulnérables de la route à une contribution supplémentaire de leur part au fonds d’assurance de la SAAQ.

DÉCOURAGER LES ACTIVITÉS NUISIBLES

À l’autre bout du spectre, le principe d’écofiscalité du risque devrait être mis en application pour tenter de juguler un phénomène hautement préoccupant : la prolifération des camions légers et véhicules utilitaires sport (VUS) et la hausse du poids des véhicules, dont les effets sur l’aggravation du bilan routier sont maintenant largement documentés. Alors que les ventes de VUS surfent sur un sentiment accru de sécurité, et que les équipements protecteurs se sont multipliés à bord des véhicules pour protéger leurs occupants, les usagers en dehors de l’habitacle sont les grands perdants :

• Les camions légers sont deux à trois fois plus susceptibles de tuer un piéton en cas de collision.13

• Chaque vie sauvée à bord d’un camion léger se fait au prix de 4.3 vies perdues chez les piétons, motocyclistes et conducteurs d’auto, selon une étude de la University of California.14

Ces données alarmantes s’expliquent en partie par l’ampleur des angles morts associés à ces véhicules:

13 « New study suggests today’s SUVs are more lethal to pedestrians than cars », consulté en ligne le 2 mars 2022 : https://www.iihs.org/news/detail/new-study-suggests-todays-suvs-are-more-lethal-to-pedestrians-than-cars

14 National Post, 31 juillet 2015, « Big cars kill : ‘Monster’ vehicles may make Canadians feel safer, but they’re more likely to cause fatal collisions », consulté en ligne le 2 mars 2022 : https://nationalpost.com/news/canada/larger-vehicles-may-make-canadians-feel-safe-on-the-road-but-heavier-cars-are-proven-to-cause-more-fatal-collisio ns?fbclid=IwAR0DSB1bGDdqPJUgXBSEIBztqkoxC_fyP0Gl6dEUyrgefVjR68PHKCffYLo

15 « 13 Investigates: Millions of vehicles have unexpected, dangerous front blind zone », avril 2019, consulté en ligne le 2 mars 2022 : https://www.wthr.com/article/

news/investigations/13-investigates/13-investigates-millions-vehicles-have-unexpected-dangerous-front-blind-zone/531-9521c471-3bc1-4b55-b860-3363f0954b3b Source : 13 WTHR15

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Les risques accrus sont aussi attribuables au poids et à la géométrie des camions légers et VUS, qui tendent à heurter les piétons dans le haut du corps, touchant les organes vitaux, plutôt que de les atteindre aux jambes :

Ces dommages accrus ne se limitent d’ailleurs pas aux seuls usagers vulnérables :

• Une hausse de 1000 livres (450 kg) du poids de véhicule se traduit par une baisse de 40% des chances de survie dans une collision.17

• Conduire un VUS plutôt qu’une auto classique augmente de 224 % la probabilité de causer une collision mortelle.

Ces données, maintenant largement connues, devraient inciter la SAAQ à mettre en place une forme de malus significatif associé au risque que représentent les véhicules selon leur géométrie, leur taille et leur poids. Celui-ci devrait aller bien au-delà de la surprime négligeable appliquée actuellement aux grosses cylindrées. Allant de 38 $ à 407 $, cette surprime n’est par exemple même pas applicable sur un modèle F-150 à moteur 3,5 litres, et n’est donc certainement pas en mesure d’encourager les acheteurs à se tourner vers des véhicules moins dangereux.

PROPOSITION 6 Ajuster les contributions d’assurance en fonction de la dangerosité des véhicules.

16 Detroit Free Press, juin 2018, « Death on foot: America’s love of SUVs is killing pedestrians », consulté en ligne l 2 mars 2022 : https://www.freep.com/story/money/

cars/2018/06/28/suvs-killing-americas-pedestrians/646139002/

17 Michael L. Anderson, Maximilian Auffhammer, The Review of Economic Studies, Volume 81, Issue 2, April 2014, « Pounds That Kill : The External Costs of Vehicle Weight », consulté en ligne le 2 mars 2022 : https://academic.oup.com/restud/article-abstract/81/2/535/1517632?redirectedFrom=fulltext&login=false

Source : Detroit Free Press16

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COLLECTE DE DONNÉES : SE DOTER D’OUTILS POUR MIEUX COMPRENDRE

Combien d’usagers vulnérables sont blessés sur nos routes annuellement? Dans quelles circonstances? On ne le sait hélas que partiellement, en raison notamment des limitations actuelles de la Loi sur l’assurance automobile.

ÉLARGIR LA DÉFINITION D’ACCIDENT POUR INCLURE TOUTES LES BLESSURES LIÉES À L’USAGE DE LA ROUTE

Pour dresser un portrait complet de la sécurité de notre système routier, une première étape consisterait, en toute logique, à élargir la notion d’accident de la route, pour y inclure les collisions et chutes occasionnant des blessures, même en l’absence de véhicules motorisés. Sans demander de fastidieux recoupements avec les données hospitalières, un recueil uniformisé des données permettrait d’appréhender la sécurité routière avec une vision d’ensemble, sans angles morts.

COMBLER LES AUTRES LACUNES EN MATIÈRE DE COLLECTE DE DONNÉES

Il faudra également améliorer la qualité des données recueillies pour l’ensemble des collisions, car plusieurs données manquent encore aujourd’hui, qui seraient précieuses dans l’élaboration de meilleures stratégies de prévention en sécurité routière et de santé publique.

Citons par exemple, de façon non exhaustive, l’intérêt à mieux recueillir et analyser les données portant sur la géométrie et le poids (que l’on sait grandissant) des véhicules personnels, ou à mieux cerner l’ampleur du phénomène d’emportiérage, que seul le Service de police de la Ville de Montréal consigne actuellement avec une certaine rigueur.

Des données exhaustives sont à la base des stratégies de sécurité routière, notamment pour prioriser les interventions d’urbanisme des collectivités, selon les principes de la Vision zéro18 (morts et blessés graves). Nous recommandons donc de:

• Généraliser l’utilisation des rapports numériques par les corps policiers;

• Renforcer la formation et la sensibilisation à l’importance du recueil des données par les corps policiers;

• Consigner systématiquement les données relatives aux modèles de véhicules;

• Rendre plus largement et facilement disponibles l’ensemble des données non nominatives relatives aux collisions aux gestionnaires de réseaux routiers et organismes pertinents.

Vélo Québec offre toute sa collaboration pour contribuer aux réflexions sur ces enjeux, réflexions qui devraient également mettre à contribution les milieux universitaires et de recherche qui font usage de ces données.

PROPOSITION 7 Inclure tous les types de collision dans la collecte de données sur les collisions routières, et améliorer la collecte et le partage des données afin de mieux cerner les différents déterminants de sécurité routière.

18 Politique Vision zéro, ressource du mouvement VÉLOSYMPATHIQUE, consultée en ligne le 2 mars 2022 : https://velosympathique.velo.qc.ca/ressources/vision-zero/

(17)

CONTINUER À ADAPTER LE CADRE LÉGISLATIF À LA RÉALITÉ DES DÉPLACEMENTS À VÉLO

REVOIR LA DÉFINITION DE VÉLO À ASSISTANCE ÉLECTRIQUE : UNE URGENCE

Dans les considérations touchant à la sécurité des cyclistes, nous jugeons utile de rappeler le besoin de réviser et de resserrer la définition provinciale des vélos à assistance électrique (VAÉ).

En effet, la définition actuelle, héritée de Transport Canada, a laissé place à la prolifération d’engins s’apparentant à toutes fins utiles à des scooters ou motos électriques:

• une vitesse limitée à 32 km/h (quand l’engin n’est pas débridé pour aller plus vite);

• un poids bien supérieur à celui d’un vélo classique;

• l’activation de l’assistance électrique au moyen d’un simple accélérateur à la poignée, sans nécessiter de pédalage de la part de l’utilisateur;

• la possibilité de transporter un second passager adulte.

Non seulement ces engins n’ont plus grand-chose en commun avec une bicyclette, mais ils représentent un risque clairement accru de blessures graves en cas de collision, par la force combinée (au carré) d’une plus grande vitesse et d’une plus grande masse, selon la formule de l’énergie cinétique E= 0.5 x mv2.

Avec un nombre toujours croissant de tels engins sur les routes et pistes cyclables du Québec, la probabilité et la gravité de collisions entre cyclistes se voient démultipliées. Après avoir participé une première fois au groupe de travail consacré à la question de la définition des VAÉ, Vélo Québec souhaite réitérer l’importance de conclure ces travaux dans les plus brefs délais, pour enrayer ce phénomène préoccupant.

PROPOSITION 8 Revoir la définition des vélos à assistance électrique pour en exclure les engins représentant un plus grand risque.

DES DEMANDES ENCORE EN SUSPENS

Enfin, nous ne saurions présenter nos recommandations à la Commission des transports et de l’environnement de l’Assemblée nationale, sans rappeler plusieurs demandes que nous avions formulées en 2018 lors des consultations sur le projet de loi 165, et qui peuvent être consultées en annexe du présent document.

(18)

CONCLUSION

En conclusion, Vélo Québec souhaite remercier la Commission des transports et de l’environnement pour son invitation à commenter le projet de loi 22. Nous sommes convaincus que ce projet est porteur d’une plus grande équité entre les différentes personnes accidentées de la route, mais qu’il a le potentiel d’être plus ambitieux et mieux arrimé avec les autres défis de la société québécoise et les objectifs gouvernementaux. Qu’il s’agisse de favoriser la santé de la population, de l’inciter à être plus active, ou de faire face aux impératifs environnementaux en adoptant des modes de déplacement plus sobres, la marche et le vélo font partie intégrante de la solution et doivent, à ce titre, être encouragés et mieux protégés.

(19)

ANNEXE 1 : PRINCIPALES DEMANDES

FORMULÉES LORS DES CONSULTATIONS SUR LE PROJET DE LOI 165

TRAITER LES ARRÊTS COMME DES CÉDEZ-LE-PASSAGE POUR LES CYCLISTES

À l’approche d’une intersection munie d’un arrêt, le Code de la sécurité routière exige que cyclistes et automobilistes exécutent un arrêt complet avant de poursuivre leur route. Cette exigence s’explique aisément pour les automobilistes puisque :

• leur vitesse restreint leur champ de vision;

• leur masse et leur vitesse combinées allongent leur distance de freinage;

• leur vitesse et leur masse combinées augmentent la violence des chocs.

Effet de la vitesse sur le champ de vision, la distance de freinage et la violence des chocs19

Or, pour le cycliste qui circule à plus basse vitesse et bénéficie d’une meilleure vision, ralentir à l’approche de l’intersection suffit généralement pour pouvoir évaluer adéquatement la situation et décider si un arrêt est vraiment nécessaire (piéton qui traverse, autre usager prioritaire).

De plus, l’effort requis pour repartir depuis un arrêt complet représente une dépense en énergie (personnelle) bien plus élevée pour le cycliste que pour l’automobiliste. Cela fait aussi en sorte que dans cette phase de démarrage, le cycliste occupe l’intersection plus longtemps et est donc plus exposé à la circulation transversale.

La pratique du ralentissement/cédez le passage est déjà largement répandue parmi les cyclistes, ne comporte pas de risque (selon une étude20 de 2018 ), et des services de police, tels que celui de Montréal, reconnaissent qu’ils ne sanctionnent pas les cyclistes qui se contentent d’un « ralentissement marqué » dans de tels cas.

Nous proposons donc que les cyclistes soient autorisés à considérer les arrêts comme des cédez le passage et à franchir une intersection après un ralentissement suffisant pour évaluer la situation. Comme pour un cédez-le passage conventionnel, si d’autres usagers sont prioritaires ou qu’un piéton traverse, le cycliste doit s’arrêter complètement.

19 SAAQ, Lois de la physique et vitesse, consulté le 26 janvier 2018 à l’adresse : https://saaq.gouv.qc.ca/securite-routiere/comportements/vitesse/lois-physique/

20 POLICIES FOR PEDALING - Managing the Tradeoff between Speed & Safety for Biking in Chicago consulté le 26 janvier 2018 à l’adresse : https://las.depaul.edu/

centers-and-institutes/chaddick-institute-for-metropolitan-development/research-and-publications/Documents/PoliciesForPedaling-120816-FNL.pdf

(20)

VIRAGE À DROITE AU FEU ROUGE POUR LES CYCLISTES

Au Québec, le virage à droite au feu rouge a été largement autorisé pour l’ensemble des véhicules, bien que la manœuvre représente un risque accru pour les usagers vulnérables tels que les piétons et cyclistes. À Montréal et à certaines intersections dûment identifiées, cette manœuvre est interdite.

Dans notre argumentation en faveur de l’usage du feu piéton par les cyclistes, nous faisons valoir que de quitter une intersection avant les véhicules moteurs, non seulement rend le déplacement à vélo plus efficace, mais procure surtout un gain en termes de sécurité, le cycliste risquant moins de se retrouver dans l’angle mort d’un véhicule qui effectue un virage. Il en va de même pour le virage à droite au feu rouge.

La mesure du « tourne à droite cycliste » au feu rouge est généralisée à Paris et à Bruxelles21, et dans de plus en plus de villes françaises22. Elle est même étendue à d’autres manœuvres (virage à gauche23) à certaines intersections parisiennes. Le Danemark la permet aussi par endroits. Dans tous ces cas, les projets pilotes ont démontré qu’il n’y avait aucune hausse des collisions.

Virage à droite au feu rouge à Paris25

21 L’avenir, novembre 2016 « Le panneau du tourne à droite cycliste devient obligatoire à Bruxelles : “ Les vélos ne perdront plus 1/5e de leur temps au feu rouge “», consulté le 26 janvier 2018 sur le site de l’avenir.net : http://www.lavenir.net/cnt/dmf20161117_00916188

22 Sécurité routière, « Une nouvelle signalisation à destination des cyclistes », consulté le 26 janvier 2018 : http://www.securite-routiere.gouv.fr/connaitre-les-regles/

questions-frequentes/une-nouvelle-signalisation-a-destination-des-cyclistes

23 20 minutes, mai 2016, « Après le tourne-à-droite, Paris teste le “tourne-à-gauche” dans le 10e arrondissement », consulté le 26 janvier 2018 : http://www.20minutes.fr/

paris/1848707-20160519-apres-tourne-droite-paris-teste-tourne-gauche-10e-arrondissement

24 Roadd.cc, janvier 2018,« Denmark cyclists allowed to turn right at red lights », consulté le 26 janvier 2018 : http://road.cc/content/news/198965-denmark-cyclists-allowed-turn-right-red-lights

25 Ville de Paris, « Le cédez le passage cycliste au feu rouge est généralisé dans Paris aux carrefours équipés de panneaux» consulté le 26 janvier 2018

(21)

Il est important de noter que la Ville de Montréal, elle-même, s’est prononcée en faveur de l’autorisation du virage à droite au feu rouge pour les cyclistes sur son territoire lors des consultations de la SAAQ en février 2017.26 Nous proposons donc que le virage à droite au feu rouge soit autorisé pour les cyclistes, même là où il demeure interdit aux autres véhicules, en particulier sur l’île de Montréal.

USAGE DU TROTTOIR PAR LES ENFANTS

Il est intéressant que le CSR vienne désormais préciser les précautions que doit adopter un cycliste lorsqu’il est autorisé à circuler sur un trottoir.

492.1 Le cycliste ne peut circuler sur un trottoir, sauf en cas de nécessité ou à moins que la signalisation ne le prescrive ou ne le permette. Il doit alors circuler à une vitesse raisonnable et prudente et accorder la priorité aux piétons.

Cependant, les jeunes cyclistes n’ont toujours pas la possibilité d’emprunter le trottoir, une pratique pourtant courante et socialement acceptée.

Nous proposons donc que l’article ne s’applique qu’aux plus de douze ans :

492.1 Le cycliste de plus de douze ans ne peut circuler sur un trottoir, sauf en cas de nécessité ou à moins que la signalisation ne le prescrive ou ne le permette. Il doit alors circuler à une vitesse raisonnable et prudente et accorder la priorité aux piétons.

SYSTÈME DE FREIN : PRÉVOIR UNE EXCEPTION POUR LES VÉLOS À PIGNONS FIXES

Le CSR exige que les vélos soient munis de freins, minimalement sur la roue arrière :

247. Toute bicyclette et toute trottinette doivent être munies d’au moins un système de freins agissant sur la roue arrière. Ce système doit être suffisamment puissant pour bloquer rapidement la rotation de la roue, sur une chaussée pavée, sèche et plane.

Or plusieurs cyclistes optent aujourd’hui pour des vélos dont la roue arrière est entraînée par un pignon fixe et peut, également, être arrêtée ou ralentie lorsque le cycliste applique une pression inverse au sens de rotation du pédalier. Ces vélos sont généralement incompatibles avec l’utilisation d’un frein arrière (tel que défini par la loi), mais sont souvent dotés d’un frein agissant sur la roue avant. Combinés, le pignon fixe de la roue arrière et le frein de la roue avant offrent des performances de freinage tout à fait comparables à celles des autres vélos.

Nous proposons donc un assouplissement de l’article 247 pour les vélos à pignon fixe, grâce à l’ajout de l’alinéa suivant :

Est dispensé de cette obligation le vélo à pignon fixe qui est également doté d’un système de freinage agissant sur la roue avant.

26 Mémoire de la Ville de Montréal présenté à la Société de l’assurance automobile du Québec dans le cadre de la consultation publique sur la sécurité routière, consulté le 26 janvier 2018 à l’adresse : https://consultation.saaq.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/2017/05/ville-montreal.pdf

(22)

AFFIRMER LA PRIORITÉ DES CYCLISTES SUR LES VÉLORUES

Les dispositions sur la rue partagée et la vélorue introduites lors de la dernière mise à jour du Code de la sécurité routière correspondent aux propositions de Vélo Québec. Il y a tout lieu de s’en réjouir, puisque les municipalités ont désormais tous les outils nécessaires pour revoir le partage de l’espace dans certaines rues. La fonction de transit automobile pourra y être reléguée au second plan, et ces rues pourront recouvrer et voir reconnues leurs fonctions sociales, de rencontre, de déambulation, de jeu, de lieu de vie.

En revanche, nous tenons à souligner la différence de traitement des usagers vulnérables selon que l’on se trouve dans une rue partagée ou une vélorue. Sans hésitation, le CSR prescrit la priorité des piétons dans la rue partagée :

« rue partagée » : tout ou partie d’un chemin public sur lequel la circulation piétonne est priorisée.

Dans la vélorue, par contre, la relation entre le mode actif et la circulation motorisée est plus timide :

« vélorue » : tout ou partie d’un chemin public sur lequel la circulation des cyclistes est favorisée.

Nous proposons donc qu’à l’instar de la priorité accordée aux piétons dans la rue partagée, la priorité soit également accordée aux cyclistes dans la vélorue, sans affaiblir en aucun temps la priorité des piétons aux intersections ou passages piétons. Nous y verrions une indication claire que les conducteurs de véhicules doivent, dans la vélorue, adopter le rythme des cyclistes et leur céder le passage.

RETIRER L’EXEMPTION DE DISTANCE RAISONNABLE DE DÉPASSEMENT SUR LES VÉLORUES

Le CSR inclut désormais l’article 496.3, qui se lit comme suit :

496.3 L’article 341 s’applique sur une rue partagée et une vélorue. Le conducteur d’un véhicule routier est toutefois dispensé de respecter la distance raisonnable prescrite s’il existe un espace suffisant pour lui permettre de dépasser ou de croiser un cycliste ou un piéton sans danger.

À notre avis, cette précision est en contradiction avec les modifications déjà apportées au CSR en 2016, qui définissent la distance raisonnable pour dépasser un cycliste, soit un mètre dans les rues à 50 km/h ou moins, et un mètre et demi sur les routes excédant 50 km/h.

Bien que les vitesses maximales autorisées dans une rue partagée ou une vélorue soient respectivement limitées à 20 et 30 km/h, rien ne justifie qu’on accepte que les piétons et cyclistes y soient dépassés à une distance inférieure à un mètre. Même à faible vitesse, les piétons et cyclistes ont besoin d’un espace vital pour pouvoir éviter des obstacles. Il n’y a donc pas lieu d’affaiblir la portée de l’article 341 sur les vélorues.

En gardant à l’esprit le principe de prudence qui vise à protéger les plus vulnérables, le CSR devrait garantir aux personnes malentendantes, aveugles ou malvoyantes qu’elles ne se feront pas frôler de près et surprendre par des véhicules. Nous proposons donc la suppression de l’article 496.3.

(23)

DÉFINIR LES COMPORTEMENTS ATTENDUS AUX PASSAGES POUR CYCLISTES

L’article 295 du CSR a été modifié en 2018 pour permettre l’installation de « passages pour cyclistes », au même titre que des passages pour piétons. Voilà une bonne nouvelle.

295. La personne responsable de l’entretien d’un chemin public peut, au moyen d’une signalisation appropriée : […]

3° installer des passages pour piétons ou pour cyclistes;

[…]

Par contre, aucune disposition n’est prévue pour définir la notion de priorité, comme le fait l’article 410 en ce qui concerne les passages pour piétons :

410. Lorsqu’un piéton s’engage ou manifeste clairement son intention de s’engager dans un passage pour piétons, le conducteur d’un véhicule routier doit immobiliser son véhicule pour lui permettre de traverser. À un tel passage, le cycliste doit également accorder la priorité au piéton.

L’instauration de passages pour cyclistes devrait nécessairement être accompagnée d’un article similaire qui précise le comportement à adopter par les usagers de la route en présence d’un tel aménagement.

Nous proposons donc un article 410.1 entérinant la priorité des cyclistes à ces passages, qui pourrait se lire comme suit :

410.1 Lorsqu’un cycliste s’engage ou manifeste clairement son intention de s’engager dans un passage pour cyclistes, le conducteur d’un véhicule routier ou tout autre cycliste doit immobiliser son véhicule pour lui permettre de traverser.

RENFORCER LA PRIORITÉ DES CYCLISTES LORS DES VIRAGES À DROITE

Le CSR précise à juste titre le comportement attendu des conducteurs aux intersections, et la priorité qu’ils doivent accorder aux usagers dont ils coupent la trajectoire.

349. Le conducteur d’un véhicule routier ou d’une bicyclette qui effectue un virage à une intersection doit céder le passage aux piétons et aux cyclistes qui traversent la chaussée qu’il s’apprête à emprunter.

L’article 350 va jusqu’à préciser les précautions à prendre vis-à-vis des véhicules circulant en sens inverse.

350. Le conducteur d’un véhicule routier ou d’une bicyclette qui s’apprête à effectuer un virage à gauche doit céder le passage à tout véhicule qui circule en sens inverse et qui se trouve à une distance telle qu’il y aurait danger à effectuer cette manœuvre.

Il n’existe malheureusement pas d’équivalent rappelant au conducteur ses responsabilités dans le cas où il dépasse un cycliste pour ensuite lui couper la voie lorsqu’il tourne à droite.

(24)

Le Massachusetts prévoit ainsi l’obligation suivante :

No person operating a vehicle that overtakes and passes a bicyclist proceeding in the same direction shall make a right turn at an intersection or driveway unless the turn can be made at a safe distance from the bicyclist at a speed that is reasonable and proper.27

Nous proposons donc d’ajouter l’article 351.1 suivant :

351.1 Le conducteur d’un véhicule routier ou le cycliste qui s’apprête à effectuer un virage à droite doit céder le passage à tout cycliste qu’il vient de dépasser et qui se trouve à une distance telle qu’il y aurait danger à effectuer cette manœuvre.

ÉCOUTEURS : PRÉVOIR UNE EXCEPTION POUR LES CONVERSATIONS TÉLÉPHONIQUES

La modification de l’article 443.2 interdit dorénavant tout type d’écouteurs :

443.2. Le conducteur d’un véhicule routier et le cycliste ne peuvent porter d’écouteurs.

Pour l’application du premier alinéa, ne constitue pas des écouteurs tout appareil qui est intégré dans un casque protecteur et qui permet à ceux qui le portent de communiquer entre eux sans les empêcher de capter les bruits de la circulation environnante.

Alors que les conducteurs conservent le privilège de passer des appels téléphoniques grâce à un système mains libres, il n’est plus possible pour les cyclistes de faire usage d’une oreillette de type Bluetooth ou d’un écouteur avec micro pour effectuer un appel.

Nous proposons donc de rétablir l’ancien alinéa qui permettait une exception pour les appels téléphoniques, en limitant sa portée aux cyclistes :

Pour les cyclistes, le présent article ne s’applique cependant pas à un appareil servant à l’échange de conversations entre ses usagers dans la mesure où celui-ci permet de capter les bruits de la circulation environnante.

PLAQUES D’IMMATRICULATION RENDUES INVISIBLES PAR UN SUPPORT À VÉLO

Au cours des dernières années, les médias se sont fait l’écho de citoyens lourdement sanctionnés, car le support à vélo qu’ils avaient installé sur leur auto rendait illisible leur plaque d’immatriculation.

Nous proposons donc que soient permis l’installation et le maintien de supports à vélo sur les autos, tout en assurant la lisibilité des plaques d’immatriculation. La solution pourrait consister en une seconde plaque d’immatriculation (éventuellement d’une couleur distinctive) pouvant être installée au-dessus du support lorsque la plaque d’origine est obstruée.

27 Commonwealth of Massachussetts, General Law, Chapter 90, Section 14, consulté le 26 janvier 2018 à l’adresse : https://malegislature.gov/Laws/GeneralLaws/PartI/TitleXIV/Chapter90/Section14

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