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Les sols boréaux : un enjeu de taille des changements climatiques

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Academic year: 2022

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n° 102

MAI 2018 AVIS DE RECHERCHE FORESTIÈRE

Sylvie Tremblay, ing.f. M. Sc., Loïc D’Orangeville, biol. Ph. D., Marie-Claude Lambert, stat. M. Sc. et Daniel Houle, biol. Ph. D.

La forêt boréale joue un très grand rôle dans le cycle pla- nétaire du carbone (C), puisqu’elle fait temporairement diminuer la concentration de dioxyde de carbone (CO

2

) de la Terre durant l’été. Toutefois, sous un climat de 2 à 3 

o

C plus chaud, la forêt boréale du Québec risque d’émettre un surplus de CO

2

équivalant à deux fois les émissions anthropiques du Québec en 2016.

Le sol boréal, une source potentielle de CO

2

Avant la révolution industrielle (1750), les forêts du monde captaient annuellement autant de CO2 par la photosynthèse qu’elles en émettaient par la respiration autotrophe et hétérotrophe (bilan de CO2 neutre).

Actuellement, l’important réchauffement climatique prévu en forêt boréale (4 à 5 °C d’ici à 2100) risque de transformer cette dernière en source nette de CO2. En effet, le CO2 émis par les perturbations (feux, épidémies, sécheresses) et par la décomposition de la matière organique (Rh) risque d’augmenter plus rapidement que le CO2 fixé (Kurz et al. 2013). Comme les sols boréaux contiennent jusqu’à trois fois plus de C que la biomasse des arbres (Pan et al., 2011), il est important de prédire quels seront les changements de la Rh face aux changements climatiques. Nous avons donc exposé à un réchauffement des sols boréaux typiques du Québec (podzols de trois sapinières et de trois pessières noires), afin d’étudier ses effets sur la sensibilité de la Rh (Tremblay et al., 2018).

Un petit voyage vers le Sud?

Nous avons transplanté des carottes de sol du nord vers le sud (carottes réchauffées) (Figure 1). Nous en avons aussi transplanté sur les sites d’origine (carottes témoins), afin de mesurer la Rh dans leurs conditions naturelles. Toutes les carottes de sol ont été transplantées avec leur cylindre de PVC (Figure 2a), afin d’exclure la respiration des racines du flux de CO2 mesuré.

La Rh a été mesurée toutes les deux  semaines, de juin à octobre, pendant trois ans (Figure 2b), tout comme la température et l’humidité des 10 premiers centimètres des carottes de sol. Des carottes de sol, réchauffées ou témoins, ont été extraites annuellement pour suivre 1) le pourcentage de C labile, qui est le C le plus facilement décomposable par les microorganismes, 2) la concentration de C microbien, qui quantifie la population microbienne du sol, 3)  la concentration de l’azote minéral, l’élément nutritif le plus limitant pour la croissance des arbres en région boréale et 4) la biomasse des racines.

Au cours des trois saisons sans neige, la température moyenne des carottes réchauffées a augmenté de 3,2 ± 0,4 °C pour les sapinières et de 2,3 ± 0,4 °C pour les pessières, comparativement aux carottes témoins (Figure 3). Les faibles différences de température (0,3 ± 0,1 °C) et d’humidité (5 ± 1 %) entre les carottes (réchauffées ou témoins) et le sol libre indiquent que le sectionnement des racines et le confinement du

sol durant trois ans n’ont pas substantiellement modifié le microclimat des carottes de sol.

Pour quelques degrés de plus…

Comparativement aux carottes témoins, les carottes réchauffées ont vu leur Rh augmenter en moyenne de 60 ± 14 % pour les sapinières et de 27

± 5 % pour les pessières (Figure 3). À l’échelle de la sapinière à bouleau blanc et de la pessière à mousses, on obtiendrait une augmentation de 154 mégatonnes (MT) de CO2 dans l’atmosphère par saison, ce qui correspond à deux fois les émissions anthropiques du Québec en 2016 (77 MT CO2; Environnement et Changement climatique Canada 2018).

Territoires où les résultats s’appliquent.

Le saviez-vous?

La respiration du sol comprend la respiration des racines des végétaux (respiration autotrophe : Ra) et celle des microorganismes responsables de la décomposition de la matière organique du sol (respiration hétérotrophe : Rh).

Les sols boréaux : un enjeu de taille des changements climatiques

!

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Tracé de 1927 du Conseil privé (non définitif)

Québec

Montréal Lotbinière Forêt Montmorency Chibougamau

58°

60°

62°

64°

66°

68°

70°

72°

74°

76°

78°

80°

52°

51°

50°

49°

48°

47°

46°

45°

0 50 100 km

Domaine bioclimatique Pessière à lichens Pessière à mousses Sapinière à bouleau blanc Sapinière à bouleau jaune

Figure 1. Déplacement vers Lotbinière de carottes de sol de trois  pessières de Chibougamau et de trois sapinières de la forêt Montmorency.

Figure 2. À gauche, transplantation d’une carotte de sol; à droite, un analyseur de gaz à infrarouge portatif (Licor-8100) qui mesure la Rh.

(2)

ISSN : 1715-0795 Les liens Internet de ce document étaient fonctionnels au moment de son édition.

Pour plus de renseignements, veuillez communiquer avec : Direction de la recherche forestière

Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs 2700, rue Einstein, Québec ( Québec ) G1P 3W8

Téléphone : 418 643-7994 Courriel : recherche.forestiere@mffp.gouv.qc.ca

Télécopieur : 418 643-2165 Internet : www.mffp.gouv.qc.ca/forets/connaissances/recherche

a) SAB b) EPN

0 5 10 15 20 25

*** ** *** ****** ****** ***

****** ********* ***

***

****** ***

0 1 2 3 4 5 6

Rh (μmole CO2 m-2 s-1) *** *** ******* *** *** *** *** ***

Années d’observations

1 2 3

Années d’observations

1 2 3

Réchauffées Témoins

+4,2

+107 %

+3,5

+44 % +1,0

+0 %

+3,2 °C

+60 %

+2,3 °C

+27 % Température du sol (°C)

0 5 10 15 20 25

0 1 2 3 4 5 6

Rh (μmole CO2 m-2 s-1)Température du sol (°C) ---

*** ***

******

*** *** ***

*** *** ************ ***

***

**

*** ** ***

+2,7 +2,0 +2,2

* *** ** *** ** **

**

** **

+0 % +39 % +19 %

Nous n’avons toutefois pas observé de différence dans les propriétés du sol entre les carottes réchauffées et les témoins (proportions de C labile, de C microbien, d’azote minéral et la biomasse des racines).

Cependant, pour les carottes réchauffées et les témoins, nous avons observé une diminution de 54 à 73 % de la concentration de C microbien de la couche de matière organique, malgré un pourcentage de C labile stable. Cette diminution est probablement attribuable au sectionnement des hyphes de mycorhizes (champignons associés aux arbres) dans les carottes de sol, ce qui indique que la Rh aurait été sous-estimée au cours de l’expérience.

Sol réchauffé, sol plus sensible!

Uniquement pour les carottes des sapinières, l’augmentation de la Rh a été accompagnée d’une hausse de la sensibilité à la température (Figure 4), ce qui signifie qu’un sol de sapinière, dans des conditions plus chaudes, verra sa Rh réagir plus fortement que celui d’une pessière à une augmentation de température. Par exemple, si le sol passe de 10 à 15°C, la Rh augmentera de 83 % plutôt que de 56 %. Une telle augmentation de la sensibilité de la Rh peut être attribuable à un pourcentage de C labile plus élevé (+52 %) dans les couches de matière organique et à un réchauffement moyen plus fort.

Ces résultats indiquent que, pour les sols des sapinières, il est inapproprié de prédire le taux de décomposition sous un climat plus chaud en se basant sur la sensibilité de la Rh à la température actuelle. Toutefois, des études à plus long terme seront nécessaires afin de vérifier si cette augmentation de la sensibilité de la Rh à la température se maintient sur une plus longue période.

Pour en savoir plus

Environment et Changement climatique Canada, 2018. Rapport d’inventaire national 1990-2016 : Sources et puits de gaz à effet de serre au Canada – Sommaire 2018. Disponible en ligne.

Pan, Y., R. Birdsey, J. Fang et al., 2011. A large and persistent carbon sink in the world’s forests. Science 333: 988-993.

Tremblay, S. L., L. D’Orangeville, M.-C. Lambert et D. Houle, 2018. Transplanting boreal soils to a warmer region increases soil heterotrophic respiration as well as its temperature sensitivity. Soil Biol. Biochem. 116: 203-212.

Figure 3. Température (°C) et Rh (µmole CO2 m-2s-1) des carottes de sol observées au cours des trois saisons sans neige a) pour les sapinières (SAB) et b) les pessières (EPN).

01 2 3 4 5 6 7 8

0 5 10 15

Température du sol (°C)

20 25

0 5 10 15

Température du sol (°C)

20 25

Rh (µmole CO2 m-2 s-1)

01 2 3 4 5 6 7 8

Rh (µmole CO2 m-2 s-1)

Témoins Réchauffées

Témoins Réchauffées a) SAB

b) EPN

Figure 4. Augmentation de la sensibilité à la température (°C) de la Rh (µmole CO2 m-2s-1) a) pour les sapinières (SAB) et b) pour les pessières (EPN).

Références

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