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Décision du Défenseur des droits n° 2019-204

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Texte intégral

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1 Paris, le 25 juillet 2019

Décision du Défenseur des droits n° 2019-204

Le Défenseur des droits,

Vu l’article 71-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

Vu la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits ;

Vu le décret n° 2011-904 du 29 juillet 2011 relatif à la procédure applicable devant le Défenseur des droits ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Saisi par Madame X concernant les difficultés qu’elle rencontre pour obtenir le bénéfice de l’allocation tiers digne de confiance pour les enfants A, B et C Z dont le juge lui a confié leur garde ;

Recommande au Président du conseil départemental de verser à Madame X, dans l’intérêt supérieur des enfants, une indemnité correspondant au montant des arrérages de l’allocation que la réclamante aurait dû percevoir depuis le mois de mai 2005.

Demande au Président du Conseil départemental de rendre compte des suites données à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de la date de sa réception.

Jacques TOUBON

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Décision portant recommandation, en application de l’article 25 de la loi n°2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits

1. L’attention du Défenseur des droits a été appelée sur les difficultés que Madame X rencontre depuis plusieurs années pour obtenir le bénéfice de l’allocation tiers digne de confiance.

Faits

2. Madame X résidait à Y lorsque, par jugement du 26 mai 2005, le tribunal de première instance de W l’a désignée tiers de confiance à l’égard des trois enfants : Z A, née le 15 septembre 1994 ; Z B, né le 4 mai 1996 ; Z C, né le 22 septembre 1998, résidant quant à eux à W.

3. Madame X explique n’avoir pas été informée, à cette époque, de l’existence du dispositif de l’allocation tiers digne de confiance.

4. Ce n’est ainsi qu’en 2013 que Madame X a déposé une demande d’allocation au département de D, qui l’a rejetée par courrier du 22 mai 2013 au motif que sa demande relevait de la compétence du département de W.

5. Madame X qui avait parallèlement sollicité le bénéfice de cette allocation au conseil départemental de W n’a obtenu aucune réponse de sa part.

6. La réclamante a indiqué avoir ensuite pris contact téléphonique, le 13 juillet 2013, avec le chef de service de l’aide sociale à l’enfance de W, lequel lui aurait expliqué que les allocations lui étaient effectivement dues, mais qu’en raison de l’absence de fonds suffisants, aucune somme ne pouvait lui être versée.

Analyse juridique

I. Sur l’obligation légale de prise en charge de l’allocation tiers digne de confiance incombant au conseil départemental de W

7. L’article L.112-1 du code de l’action sociale et des familles (CASF) dispose que « la protection de l'enfance vise à garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l'enfant, à soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et social et à préserver sa santé, sa sécurité, sa moralité et son éducation, dans le respect de ses droits […] ».

8. L’article 375-3 du code civil dispose que « si la protection de l'enfant l'exige, le juge des enfants peut décider de le confier à un autre membre de la famille ou à un tiers digne de confiance ».

9. Les mesures d’assistance éducative sont prises par le juge des enfants du lieu où demeurent notamment le mineur ou ses parents.

10. L’article L.228-3 du CASF dispose que « le département prend en charge financièrement au titre de l'aide sociale à l'enfance, à l'exception des dépenses résultant de placements dans des établissements et services publics de la protection judiciaire de la jeunesse, les dépenses d'entretien, d'éducation et de conduite de chaque mineur confié par l'autorité judiciaire en application des articles 375-3,375-5

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3 et 433 du code civil à des personnes physiques, établissements ou services publics ou privés. »

11. Ainsi, l’article L.228-4 du code de l’action sociale et de la famille (CASF), en vigueur au 26 mai 2005, date du jugement, prévoyait les dispositions suivantes :

« Sous réserve des dispositions du deuxième alinéa du présent article, les prestations d'aide sociale à l'enfance mentionnées au chapitre II du présent titre sont à la charge du département qui a prononcé l'admission dans le service de l'aide sociale à l'enfance.

Les dépenses mentionnées à l'article L. 228-3 sont prises en charge par le département du siège de la juridiction qui a prononcé la mesure en première instance, nonobstant tout recours éventuel contre cette décision […].

Le département chargé de la prise en charge financière d'une mesure […] assure celle-ci selon le tarif en vigueur dans le département où se trouve le lieu de placement de l'enfant. »

12. Or, il appartient au département de définir et de mettre en œuvre la politique d'action sociale, en tenant compte des compétences confiées par la loi à l'État, aux collectivités territoriales ainsi qu'aux organismes de sécurité sociale (article L.121-1 CASF).

13. En l’espèce, c’est le tribunal de première instance de Mamoudzou qui a pris la décision de placement des enfants. Le département de W était tenu de prendre en charge les prestations d’aide sociale à l’enfance de A, B et C Z, nonobstant la circonstance de l’élection de leur domicile situé dans le département de D à Y (domicile du tiers digne de confiance).

14. Le conseil départemental a reconnu cet état de fait puisqu’il a rejeté la demande non pas en raison de son incompétence mais au motif de l’absence de fonds disponibles.

15. Par conséquent, et conformément au dernier alinéa de l’article L.228-4 CASF, il appartient au département de W de financer la mesure d’aide sociale des enfants selon le tarif en vigueur dans le département de D où se trouve le domicile de Madame X.

II. Sur l’engagement de la responsabilité du conseil départemental de W

16. Au regard des dispositions de l’article 1240 du code civil : « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

17. L’article 1241 du même code dispose que : « Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».

18. Le conseil départemental de W pourrait voir sa responsabilité engagée à double titre, pour avoir manqué à son obligation d’information ainsi que pour son défaut de prise en charge de l’allocation tiers digne de confiance.

A. Manquement au devoir d’information

19. La responsabilité du conseil départemental de W est susceptible d’être engagée en ce qu’il a manqué son devoir d’information qui lui incombe dans l’exécution de sa mission.

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4 20. C’est en ce sens que l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles du 21

septembre 2006 a statué en faveur d’un tiers digne de confiance auquel le juge avait confié la garde de ses deux petits-enfants par ordonnance du 27 septembre 1985.

21. À défaut d’information dispensée par le département du Val d’Oise, il n’avait obtenu le versement de l’allocation qu’à la date du 27 août 1999, date de sa demande auprès du juge des enfants. Le tiers a donc contesté cette décision et réclamé la rétroactivité de la prise en charge de l’allocation à effet de la date du jugement, assortie d’une demande indemnitaire.

22. La cour administrative d’appel a jugé que la requérante était fondée à demander que le département du Val d’Oise soit condamné à lui verser l’allocation à la date à laquelle elle avait droit depuis la date du jugement (27 septembre 1985) jusqu’à la date d’effet de la rétroactivité initiale (27 août 1999) (CA Versailles n°04VE03162).

23. Ainsi la Cour a jugé que « cette demande est fondée sur la faute qu’aurait commise le département en ne l’informant pas de ses droits à ladite allocation ».

24. En l’espèce, aucun élément du dossier ne montre que Madame X a été informée du dispositif de l’allocation de tiers digne de confiance avant 2013. Il en résulte que ce dernier a donc manqué à son devoir d’information.

B. Manquement à l’obligation légale de prise en charge de l’allocation 25. Le conseil départemental de W a refusé à Madame X le bénéfice de l’allocation tiers

de digne de confiance au motif de l’insuffisance des fonds disponibles et du fait, semble-t-il, de l’absence de délibération par le département de W portant fixation du montant et des modalités du versement de l’allocation.

26. Ce n’est qu’en février 2017 que les modalités relatives au financement de l’aide sociale à l’enfance (ASE) ont été prises par une délibération n°2762/2017/CD alors que l’ASE a été mise en place par l’assemblée départementale de W depuis 2004.

27. Cependant le retard à mettre en place le cadre juridique pris par le conseil départemental de W ne peut pas faire obstacle à l’engagement de sa responsabilité puisqu’il lui appartenait de verser l’allocation tiers digne de confiance à la famille, conformément à son obligation légale exposée en première partie.

28. Le Conseil d’État, dans son arrêt de principe n° 406637 du 19 mai 2017 a déjà eu l’occasion de se prononcer sur cette question s’agissant du conseil départemental de W.

29. Dans cet arrêt du 19 mai 2017, le Conseil d’État a rappelé que, conformément aux dispositions combinées des articles L.228-3 et R.228-3 CASF, le département devait prendre en charge financièrement au titre de l’aide sociale, les dépenses d’entretien, d’éducation et de conduite de chaque mineur confié à une personne physique par l’autorité judiciaire au titre de l’assistance éducative. Qu’en s’abstenant de mettre en place le cadre juridique de l’allocation tiers digne de confiance au-delà d’un délai raisonnable, le Président du conseil départemental de W avait méconnu ses obligations légales.

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5 30. Il découle des éléments qui précèdent que la responsabilité du conseil départemental

de W est engagée en ce qu’en s’abstenant, jusqu’en février 2017, de prendre une délibération fixant le montant et les modalités de versement de l’allocation tiers digne de confiance, et d’en assurer le financement, il a privé Madame X du bénéfice de cette allocation pour les trois enfants dont elle avait la charge.

31. Aussi, le Défenseur des droits, compte tenu du préjudice financier et moral subi par Mme X considère que l’absence de versement de l’allocation tiers digne de confiance porte une atteinte aux droits d’un usager du service public et :

- recommande au Président du conseil départemental de verser à Madame X, dans l’intérêt supérieur des enfants, une indemnité correspondant au montant des arrérages que la réclamante aurait dû percevoir depuis le mois de mai 2005 et jusqu’à la majorité des enfants ;

- demande au Président du Conseil départemental de rendre compte des suites données à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de la date de sa réception.

Jacques TOUBON

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