R EVUE DE STATISTIQUE APPLIQUÉE
W. E DWARDS D EMING
De l’enseignement des principes et des techniques de la statistique aux personnels des entreprises
Revue de statistique appliquée, tome 2, n
o1 (1954), p. 5-23
<http://www.numdam.org/item?id=RSA_1954__2_1_5_0>
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DE L’ENSEIGNEMENT DES PRINCIPES ET DES TECHNIQUES DE LA STATISTIQUE
AUX PERSONNELS DES ENTREPRISES
par
W. Edwards DEMING
Professeur - The Graduate Schoo/ of Business Administration "
New-York University
Ingénieur
électricien del’Université
deW yoming,
Docteur(Ph. D)
de
l’Université
deYale,
M. W. E. DEMING aété,
à diversesreprises, pro- f esseur
destatistique
dans de nombreuses universitésaméricaines,
mais aussil’un des
grands spécialistes
de la mise aupoint
destechniques
etenquêtes par sondage
courammentemployées par
les servicesstatistiques fédéraux.
Depuis Plusieurs années,
il s’estspécialement
intéressé auxaPPlica-
tions industrielles des méthodes
statistiques. Appelé
commeexpert
en 1947par
legouvernement
del’Inde, puis
en195°, 1951, 1952 par
legouvernement
du
Japon,
il a été l’un despromoteurs
dudéveloppement
des méthodes statis-tiques
danc ces deuxpays.
Fréquemment appelé
commeingénieur
consultantpar
desentreprises privées,
M. E. W.Deming
apu
se rendrecompte
surplace
des besoins statis-tiques exprimés
oupotentiels
des divers services de cesentreprises.
Sa doubleexpérience
de technicien etd’enseignant
lui apermis
depréciser
sesconceptions
d’un
enseignement statistique correspondant
à ces divers besoins.L’article
ci-après, rédigé spécialement pour
la Revue deStatistique Appliquée,
résume les idéesessentielles dévelopPées
sur ceproblème par
leProfesseur Deming
dans une communicationprésentée
enSeptembre 1953
auCongrès
de Rome del’Institut International
deStatistique.
1. LES QUATRE DOMAINES D’ENSEIGNEMENT NÉCESSAIRES
DANS LES ENTREPRISES
L’enseignement
desprincipes
et destechniques
de lastatistique
auxpersonnels
des entre-prises
seprésente
sousquatre aspects :
1 0
Direction ;
20 Administration
statistique (chef
du servicestatistique
del’entreprise) ;
30
Recherche ;
40 Travailleurs des installations de fabrication
(production, surveillance,
essai desmatériels).
Dans cette note, on se propose
d’exposer quelques principes
relatifs àl’enseignement
desprincipes
ettechniques statistiques
auxquatre
groupes cités.Chacun de ces groupes a un rôle
important
dans l’industrie. Chacund’eux, accomplissant
un travail
différent, présente
sesproblèmes
propres dupoint
de vue de l’éducationstatistique.
D’ailleurs,
l’éducation de base reçue variera d’un groupe à l’autre.Pour décider de la nature et de la forme de
l’enseignement
à assurer àchaque
groupe, ilnous faut d’abord rechercher le travail
qui
est demandé à chacund’eux,
et la base de connaissances éventuelles des personnesqui composent
le groupe.Le
personnel
de direction doit connaître lesprincipes
et savoir leparti qu’on peut
tirer destechniques statistiques
sans avoir besoin d’êtrespécialisé
dans cestechniques.
D’autrepart,
l’admi-nistrateur
statistique (dont
la fonction estexpliquée plus loin)
doit avoir une idéeprécise
des pro- blèmesstatistiques
et une certaine connaissance destechniques elles-mêmes,
une connaissanceapprofondie
desproblèmes qui
seposent
à la direction et lapossibilité
de mettre en 0153uvre les techni- q uesstatistiques
propres à faciliter la solution de cesproblèmes.
Unepartie
dupersonnel
des ser-vices de
recherches,
dedéveloppement
et d’études doitposséder
des connaissancesapprofondies, l’expérience
destechniques
et êtrecapable
d’élaborer au besoin de nouvelles théories. En cequi
concerne la
production,
le contrôle et les essais sur les matières reçues etl’inspection
desproduits
aux divers stades de la
fabrication,
lacompréhension
detechniques simples,
telles que la carte de contrôle etl’échantillonnage
à laréception,
s’avèrera extrêmement efficace et pourra êtreacquise
en un court
laps
detemps (par exemple
en huitjours
de coursintensifs).
Pour les
quatre catégories
depersonnel,
la méthodestatistique
constituedavantage qu’un déploiement
detechniques.
C’est un mode depensée
affiné : c’est uneforce.
Elle aiden’importe qui dans
lesquatre
groupes,qu’il
actionne une machine ouqu’il appartienne
aupersonnel
de direc-tion, à
prendre
des décisionsplus
valables et à mieux faire son travailqu’il
nepourrait
le faireautrement.
Il. PRINCIPES DE STATISTIQUE NÉCESSAIRES
AU PERSONNEL DE DIRECTION
LE TRAVAIL DE LA DIRECTION.
Le
personnel
de direction des affaires constitue encoreaujourd’hui
leplus important
etaussi le
plus négligé
desquatre
groupes. En cequi
concernel’importance qu’il
faut attacher à la formationstatistique
dupersonnel
dedirection, je
croispouvoir
avancerl’opinion
que lesprogrès rapides qui
ont caractérisé l’industriejaponaise depuis
1950 - aussi bien en cequi
concerne laqualité
que laquantité
de laproduction -
doivent être attribuésprincipalement
à ce que les indus- trielsjaponais
ont clairementcompris
etapprécié l’importance
d’une amélioration de laqualité,
d’une
augmentation
de laproduction
et d’une diminution des fabricationsdéfectueuses,
à la suite des conférencesqui
furent faites à cesujet pendant
les années 1950 et 1951(1).
Dès que la direction
comprend
combienpeut
être efficace l’aide des techniciensstatistiques
à tous les stades de la
production
etqu’elle
admet que ce travailstatistique
nepeut
être fait convena- blement que par desspécialistes
convenablement formés à ceteffet,
lesproblèmes d’organisation
deservices
statistiques
et d’embauche de statisticienscompétents
sontrapidement
résolus. Mais il nesuffit pas que la direction se contente d’admettre
passivement l’emploi
destechniques statistiques,
Monexpérience personnelle,
tant dans desentreprises
que dansl’enseignement,
enEurope,
au
Japon,
aux Indes aussi bienqu’aux Etats-Unis,
me conduit à insisterprès
dupersonnel
de direc-tion sur certaines observations que
je
considère comme d’autantplus importantes
que certaines vont à l’encontred’hypothèses préconçues
mais non fondées.1 0 Les méthodes
statistiques
sont aussi efficaces ou mêmeplus
efficaces dans lespetites
entre-prises
que dans lesgrandes
et donnentplus rapidement
des résultats(voir
référence à uneopinion
du Professeur Holbrook
Working, paragraphe
Il infine).
Dans une trèsgrande entreprise,
une idéenouvelle
exige davantage
detemps
pour faire son chemin et être mise à exécution(ce
faitsouligne
d’ailleurs
l’importance
des servicesd’organisation
del’entreprise) ;
2° Les méthodes
statistiques
sont souventplus
efficaces dans des usinesqui impliquent une part importante
de travail manuel que dans des usines trèsmécanisées ;
3° Les méthodes
statistiques
sont efficaces même dans des usinesexécutant
depetites
séries(10
d’unmodèle,
5 d’un autre,etc...).
Laproduction
engrande
série n’est pas nécessaire pour unemploi
efficace des méthodesstatistiques ;
(1) Ces conférences faites par l’auteur avaient été organisées par MM. ISHIKAWA et KENICHI KOYANAG respectivement Président et Directeur de l’Union des Ingénieurs et Hommes de Science Japonais.
40 Les méthodes
statistiques
sont d’autantplus
efficaces que les matièrespremières
sont rareset coûteuses
(le Japon
en est unexemple notoire) ;
50 Les méthodes
statistiques
sont aussi essentielles :a)
pour tester et comparer les matériaux et lesmachines ;
b)
pour étudier le marché de laproduction
que pour le contrôle etl’inspection
de la
production
en cours de réalisation.Ainsi,
en cequi
me concerne,j’ai
contribué àorganiser
des essais pour déterminerlaquelle
de deux
techniques permettant
de mener à bien une certaineopération
était la meilleure alorsqu’on présumait qu’elles
ne différaient pas deplus
de 2%,
mais que cette économie de 2%
était d’une im-portance
vitale : unrapport
erroné entraînant une décision erronée aurait pu être ruineux.Pour s’adresser au
personnel
dedirection,
il nous faut réfléchir à cequ’est
sontravail,
etmontrer ensuite comment les
principes
ettechniques statistiques peuvent
le faciliter.Le travail des
dirigeants
consiste à :Prévoir les
problèmes qui
seprésenteront
ets’y préparer
par uneinformation,
d’ordre statis-tique
et autre, propre à entraîner des décisions aussi correctes quepossible.
Prendre des décisions de
temps
à autre.Pour atteindre ces
objectifs,
il estpossible,
àprésent, grâce
auxtechniques
et à la méthodestatistiques,
despécifier
en termes valables ce que la direction entend par unequalité,
unrésultat,
une
régularité,
un tauxparticulier,
ou toute autrecaractéristique requise.
Les mêmestechniques apporteront
à la mesure de cescaractéristiques
unesignification,
une sûreté calculable et contrô-lable,
uneéconomie,
une utilité et unerapidité qu’on
nepourrait
obtenir autrement.En d’autres termes,
grâce
auxtechniques statistiques,
l’informationrequise
par la directionperdra beaucoup
de son caractèresubjectif
et lapossibilité
d’une science de la direction pourra se fairejour.
Lestechniques statistiques
ne se substituent pas à ladirection,
elleslulpermettent
de fairedu meilleur travail.
Les décisions de la direction touchent les
projets
et lastandardisation,
ladistribution,
les études demarché,
lapublicité,
laproduction,
lecontrôle, l’approvisionnement
en matièrespremières
eten
produits semi-finis,
lesprix,
et le service à assurer aux distributeurs et aux acheteurs finaux.La direction doit résoudre aussi des
problèmes
de relations avec la maind’oeuvre,
desalaires,
denormes standards de
production,
de méthodes de formation des ouvriers, d’investissements en nou- veaumatériel,
depolitique
d’entretien des machines. Il y a encore d’autresproblèmes,
maisje
nesignale
que ceux pourlesquels
lesprincipes
ettechniques statistiques
ontapporté
uneimportante
contribution.
-La direction a en outre la
charge
de réunir un bonpersonnel scientifique
etd’appliquer
lestechniques, statistiques
ou autres, lesplus
efficaces sur toute la chaîne deproduction (figure 2).
On
peut
certainement poser commepremier principe
que la fonction de la direction est d’introduire toutetechnique
ou toutprocédé susceptible d’augmenter
laproduction
et de diminuer les coûts etd’employer
la connaissance de lastatistique partout
où une telle connaissancepeut
s’avérer utile.Quelques
idées surl’objet
et les méthodes del’enseignement
destiné aupersonnel
dedirection.
Le
personnel
de direction ne s’intéresse pas auxtechniques,
ni aulangage technique proba-
biliste. Son intérêt
porte
sur les moyens d’atteindre une meilleureposition concurrentielle,
et de fournir unproduit
et un servicequi
assureront cetteposition.
On doit dire au
personnel
de direction que lestechniques statistiques peuvent
l’aider à atteindreces buts. Comment ? Grâce à une
quotité
et. à unerégularité améliorées,
à un coûtréduit ; grâce
à un
plan
deproduction
et de distribution mieuxadapté
aux demandes dumarché ; grâce
à uneproduction
accrue parmachine,
par heure de main d’oeuvre et par tonne de matièrepremière ; grâce
à un contrôleplus
efficace à un coûtréduit ; grâce
à une meilleure utilisation de matériaux moinschers,
à une meilleure connaissance des matériaux ;grâce
à une amélioration destechniques d’échantillonnage
et des méthodes dejugement
suréchantillons ; grâce
à une meilleure utilisation des machines et de la maind’oeuvre, grâce
à une meilleure utilisation des études sur les consom-mations et des
statistiques
officielles sur lapopulation,
laproduction agricole
et industrielle et la distribution.La théorie
statistique représente
unepuissance.
Ellepeut
aider à résoudre lesproblèm es
dedirection. Elle
offre,
enfait,
la seule solutionpossible
àbeaucoup
de cesproblèmes.
Il estpossible
d’expliquer
auxdirigeants,
au cours d’uneconférence,
dequel
secourspeuvent
être lestechniques statistiques
pour certains de leursproblèmes.
Ils n’ont pas besoind’apprendre
lestechniques
elles-mêmes, pas
plus qu’ils
n’ont besoind’apprendre l’analyse
vectorielle ou la théorie desquanta
pour utiliser desconcepts
dephysique
moderne ou de chimieorganique
dans la fabrication d’unproduit
nouveau ou amélioré.
J’ai constaté,
d’après
ma propreexpérience,
que les conférences aux directeurspourraient
se limiter à des thèmes du genre de ceux-ci :
a) Avantages
d’unequalité
sûre et uniforme. Le commerce, intérieur etinternational, dépend davantage
de larégularité
et de lagarantie qui
s’attachent à la fabrication d’un industriel que de niveaux élevés dequalité
non assortis derégularité ;
b) Principes
de la méthodestatistique
et brèves illustrations de leur mise en oeuvre ;c) Exposé
des résultats obtenusprécédemment ;
d)
Genres et niveaux du travailstatistique ;
éducation etqualification
dupersonnel
des ser-vices
statistiques ;
e) Organisation particulière.
Nécessité d’unlarge
arsenalstatistique
pour obtenir lesplus grands avantages
aupoint
de vue service, réduction descoûts,
etc...Il est
possible
de passer en revue cespoints
essentiels en une conférence d’une heure et demie environ.APPLICATION DES PRINCIPES
STATISTIQUES
A LA PRODUCTION DU POINTDE
VUE DE LA DIRECTION.On
peut envisager
à titred’exemple
lesproblèmes
deproduction.
Il faudrait une étude de tous les instants pour déterminer enquoi
lesproblèmes
deproduction
sont des sources deperturba-
tions, ou en
quoi
onpeut
améliorer laproduction.
Lapremière
réaction de directeurs face à une telle assertion estparfois
de direqu’ils
n’ont pas deproblèmes.
Enfait, l’expérience
montrepourtant qu’une
étude serrée relèveratoujours
des conditions degaspillage : temps
morts excessifs des machi- nes,gaspillage
dematières,
mauvaise information sur les défauts dans laqualité
et le service. On aobtenu des
gains importants
dans des circonstances où l’on n’avait pas reconnu de difficultés.Les
principes
et lapratique statistiques, appliqués
au contrôle d’unprocédé,
à la rechercheou au
développement,
ont pour but la découverte des causes de variabilité contrôlables(ou signi- ficatives).
Leur découverte estmasquée
par des causes aléatoires.L’élimination,
une à une, des causescontrôlables
permet
d’atteindre à uneplus grande régularité,
à ungaspillage moindre,
et à uneréduction des coûts. En
premier lieu,
il y a deux sortes devariabilités,
la variabilitéaléatoire,
et la variabilité non aléatoire. L’existence universelle d’unevariabilité,
de l’une ou l’autre sorte, cons,titue lapremière leçon. Quel
que soit le soinapporté
à laproduction,
lesdimensions,
lespoids
et toutesles autres
caractéristiques
duproduit fabriqué
varieront. Les normes deproduction,
pour un nombre donnéd’ouvriers,
ou pour le même grouped’ouvriers,
varieront d’une heure àl’autre,
fût-ce avecle maintien
apparent
des conditions essentielles. Pourchaque opération,
laproduction variera
aussid’un service à
l’autre,
même si les conditionsphysiques
semblent êtreidentiques.
C’est là laleçon
laplus
difficile àenseigner :
que la nature ne connaît rien de constant ; que toutes choses varient et que la marge devariabilité,
étroite oularge,
nepermet
pas de déterminer s’ils’agit
ou non de causesaléatoires.
Variabilité aléatoire. - C’est la variabilité naturelle d’une
opération, qu’elle
soit effectuéeà la machine ou à la main.
L’expérience
montre que toute tentative visant à«corriger»
une variationaléatoire entraîne à peu
près
sûrement un accroissement de la variabilité et la démoralisation des ouvriers. Parconséquent :
Il
importe absolument,
dupoint
de vue de ladirection,
de savoir si lavariabilité
relative à une dimensionparticulière
ou à une autrecaractéristique provient
de causesaléatoires ou non aléatoires. Il
importe également
de ne pas essayer de trouver les causes des variations aléatoires.Variabilité non aléatoire - C’est la variabilité
qui
eststatistiquement significative
etqui
ne doit pas être laissée au hasard.
La variabilité non aléatoire doit faire
l’objet
derecherches ;
elleprovient
d’une causedéterminable
qu’on
doit découvrir et aussisupprimer
si cettesuppression
s’avère rentable du faitd’un accroissement de la
production
ou d’une amélioration de laqualité
ou de larégularité.
La méthode
statistique
fournit un critère standard pour discriminer variabilité aléatoire etnon
aléatoire,
comme le montre lafigure
1.Il
importe
dedistinguer
clairement cequi
relève de lastatistique,de
cequi
n’en relève pas.Déterminer si une variabilité
particulière
est ou non aléatoire constitue unproblème statistique (ce
n’est passimplement
unproblème technique,
sauf dans des cas extrêmes où les conditions sont si mauvaises que laréponse
estévidente).
La découverte d’une cause contrôlable de variabilité nonaléatoire,
une fois celle-ci décelée par lestechniques statistiques, requiert
dujugement
et del’expé-
rience.
Quant
à décider s’il y a lieu desupprimer
une cause contrôlablequ’on
adécouverte,
ce n’est pas sous une formestatistique,
mais sous une formeéconomique
que leproblème
se pose à la direc- tion : sera-t-ilpayant
desupprimer
la cause ?De telles variations peuvent être considérées comme naturelles et normales pour cette fabri- cation particulière. En y apportant quelques modifications de réglage sous prétexte q u’un point
est plus haut ou plus bas qu’un autre, on ne ferait que dérégler le procédé.
Par contre, la présence de points en dehors des limites de contrôle signifie qu’une cause effective
de variation non aléatoire est entrée en jeu et nécessite une correction qui améliorera efficacité et uniformité.
Fig. 1. - Illustration d’un critère pour distinguer la variabilité aléatoire d’une variation due à une cause sur laquelle on doit essayer d’agir.
L’expérience
montre que lesimple jugement
réduit à ses seules ressources, sans aide statis-tique, peut
conduire à commettre des erreurs de deux sortes.Erreur A. - Il conduit à une action « corrective » dans des cas où les différences
proviennent
de variationspurement aléatoires,
nonsignificatives.
Une telle erreur cause un tortimportant,
comme on l’a dit
plus
haut.Erreur B. - Il n’arrive pas à discerner que certaines différences ne doivent pas être laissées
au
hasard,
mais doivent fairel’objet
d’une étude.Manquer
de lefaire, lorsqu’une
différence eststatistiquement significative,
entraîne uneperte
par défaut d’une améliorationpossible.
,Il est
impossible
d’éviter les deux erreurs à lafois,
mais destechniques statistiques simples (telles
que la carte decontrôle)
conduisent directeurs et ouvriers auxpertes économiques
nettesminimum. Une
expérience déjà
riche montre que sans l’aide destechniques statistiques,
lespertes
causées par les erreurs des deux sortes
atteignent
presque à coup sûr unegrande ampleur.
Mêmeavec des méthodes
statistiques,
les erreurs A et B sontpossibles
l’une etl’autre,
et il fauts’y
attendrede
temps
entemps.
A ce
sujet,
il est intéressantd’entreprendre
une courteexpérience
pour illustrer la variabilité aléatoire. Onpeut prendre
unrécipient
contenant despetites boules
noires etblanches,
avec parexemple
20%
de noires, lesmélanger
àfond,
et en tirer depetites poignées
d’environ 50 à lafois,
en les
mélangeant
bien entre deuxtirages.
Onpeut
d’abord demander aux gens àquelle
variationils
s’attendent,
pour un échantillon de 50 etquelles
limitesindiquent
laprésence
d’une cause déter-minable
impliquant
la nécessité d’une action. Les estimations serontgénéralement
très endeçà
des trois écarts
types
effectifs. Enfait,
on pourraprédire
en toute confiance que le nombre de noires variera, etqu’il
variera entre 3 et 17 avec une très faibleprobabilité d’apparition
de 2 ou 18.L’expé-
rience montrera que la variation a bien
lieu, qu’elle joue
surtout entre 6 et15,
et que le nombre de boules noires observé àchaque tirage
estcomplètement indépendant
dutirage précédent.
On voitquel
serait le résultat sur une machine ou sur dupersonnel spécialisé,
si la direction décrétait quequelque
chose ne marchait pas bienchaque
foisqu’un
nombre observé tombait :a)
hors des limitesqu’elle
avaitprévues ; b)
ou au-dessus de la moyenne. Etpourtant,
c’est ce que font les gens sans l’aide du raisonnementstatistique.
La même
expérience peut
servir de base à une brèvedescription
del’échantillonnage
pouracceptation : risques
duproducteur, risques
du consommateur et leur contrôle par unplan
d’échan-tillonnage.
Là,
encore, il y a deux sortes d’erreurspossibles
dans unplan d’échantillonnage :
A. -
Dépenser trop
peud’argent
sur leplan d’échantillonnage
et encourir despertes
par lerejet
detrop
de matériel de bonnequalité
etdavantage
encore parl’acceptation
detrop
de matérielde mauvaise
qualité ;
B. -
Dépenser trop
pour leplan d’échantillonnage
et assurer uneprotection qui
coûteplus qu’elle
ne vaut.Grâce à
l’emploi
detechniques statistiques,
nous pouvons rendre minimum lespertes économiques
nettes dupoint
de vue de ces deux erreurs.Qu’est-ce
que le contrôlestatistique
dequalité ?
Du
point
de vue de ladirection,
le contrôlestatistique
dequalité
doit s’exercer sur tout leparcours
qui
va des matières au consommateur, et en sens inverse(figure 2).
L’omission de touteapplication qui pourrait
en être faite entraîne d’unefaçon
ou d’une autre uneperte économique.
Etant donné
qu’il
incombe auxdirigeants
de veiller à éviter lespertes,
il est de leur devoir d’utiliser lestechniques statistiques partout
où ellespeuvent
rendre service. Dupoint
de vue de ladirection,
on
peut adopter
la définition suivante :Les méthodes
statistiques
dans l’industrie sont constituées parl’application
desprincipes
ettechniques statistiques
à tous les stades de laproduction,
de la distribution et del’administration,
en vue d’assurer laproduction
laplus économique
duproduit
leplus pratique
et assuré d’un marché.Voyons
ce quesignifie
cette définition. Toutd’abord, qu’est-ce
que laqualité ?
Laqualité
n’apas de sens si elle n’est pas
rapportée
aux demandes des consommateurs. Parconséquent,
la pre- mière chose à faire en matière de contrôlestatistique
dequalité,
c’estd’apprendre quelque
chose surles besoins du marché. S’il ne
t’envisage
ainsi, un fabricantpeut
fort bien se trouver utiliser les techni- quesstatistiques
lesplus
élaborées pour laproduction
et lecontrôle,
sortir un beauproduit
d’unefaçon
tout à faitéconomique,
pour un marché surlequel
il s’esttrompé
d’unefaçon
ou d’une autreOu encore, il
peut produire trop
ou pas assez, en vue de satisfaire le marché telqu’il
existera six.mois
plus
tard. D’une manière ou del’autre,
il en résultera uneperte.
Occupons-nous
duprix.
Leprix,
comme toutefraction,
a à la fois un numérateur et un déno- minateur. Il n’a pas designification
s’il n’estrapporté
à laqualité.
Leprix s’exprime
en nombrede litres aux 100
kilomètres,
ou en francs par kilo de matière utilisable. Leprix
n’a pas de sens sans laqualité.
En outre, on doitpouvoir exprimer
laqualité
en unlangage compréhensible
pour l’ache- teur et pour le vendeur. Lestechniques statistiques
fournissent des méthodespermettant
de déter-miner si un
jugement particulier
dequalité
estvalable,
et elles fournissent les résultats d’un testen un
langage
connu etcompris partout
dans le monde. Aussi sont-elles essentielles àl’expression
du
prix ,aussi
bien que de laqualité.
Non seulement les méthodes
statistiques
concourent àproduire
unequalité
uniforme etsûre,
mais elles fournissent aussi un
langage
internationald’expression
de laqualité
danslequel peuvent
être menées desnégociations,
même entre un acheteur et un vendeur situés en despoints
différents du
globe.
La solution
statistique
desproblèmes qui
seposent
auxdirigeants prend quelquefois
le nomde « recherche
opérationnelle
». Ce n’est pas le nomqui importe,
ce sont lesproblèmes
et leurssolutions.
Effet de la théorie
statistique
sur laproduction
et la distribution.Pour montrer
l’usage
destechniques statistiques
dansl’industrie,
dupoint
de vue de la direc- tion,j’ai jugé
bon de considérer une chaîne deproduction (figure 2) commençant
par lagauche
avec les fournisseurs de matières
premières A, B,
C.Fig. 2. - La chaîne de production des matières premières au consommateur. Les techniques statistiques, sous
une forme ou sous une autre, sont indispensables en chaque point de toute la chaîne de production. A chaque stade
de la production de même que dans les enquêtes près des consommateurs, l’information statistique nourrira un courant continu de données permettant de mettre au point la fabrication, compte tenu des changements de la demande en ce
qui concerne la qualité, l’homogénéité et la quantité de la production.
Les matières doivent être reçues,
testées, acceptées, rejetées, réglées
et triées en vue de leurutilisation.
L’échantillonnage
et les tests doivent avoir un sensstatistique,
sinon l’acheteurpeut
setrouver
accepter
unequalité
médiocre ou unegrande
variabilité et l’acheteur ou le vendeurpeut s’exposer
à unpaiement systématiquement
faussé dans un sens ou dans l’autre. Une bonnepartie
du meilleur travail des méthodes
statistiques
dans laproduction
est due à leuremploi
dans les usinesou
entreprises
fournissant les matièrespremières,
en vertu du faitqu’un
certaindegré
derégularité
et de sûreté dans
l’approvisionnement
est nécessaire à un fabricantqui
souhaiteproduire
lui-mêmede la bonne
qualité.
Mais il doit définir « bon » et « uniforme »statistiquement,
en termes conformesà la demande du consommateur.
Vient ensuite la chaîne de
production
avec ses diversesopérations, montages,
tests etinspec-
tions finales. Le
produit
gagne alors le marché parplusieurs
canaux de distribution. Le consommateurne sera
parfois qu’un
autre service de la mêmeentreprise,
de l’autre côté du couloir.Parfois,
ce seraun autre
industriel ; parfois,
ce sera lagrande
masse des individus ou des familles du pays ou d’autres pays.Les
techniques statistiques
sont nécessaires tout lelong
de la chaîne deproduction qui
va desmatières
premières
au consommateur. L’industriel averti reconnaît que ces lacunes dans le travailstatistique, n’importe
où dans lachaîne,
entraînent despertes
dans laproduction,
despertes
dematières,
une baisse relative de laqualité
et de larégularité,
des coûts excessifs et en fin decompte,
un rétrécissement du marché.
Résumé de l’action de la
statistique pendant
les douze dernières années.Il est intéressant pour les directeurs d’observer que l’effet de la théorie
statistique pendant
les douze dernières années a été si net
qu’il
a affecté et modifié à peuprès
toutes les activitéshumaines,
non seulement.dans la
production,
mais dans lesaffaires,
le Gouvernement et dans toutes sortes de recherches. Une brève classification dequelques
activitésparmi
lesplus
courantes de celles touchées par lastatistique
attiregénéralement
l’intérêt desdirigeants.
1.
PRODUCTION.a)
Accroissement de laproduction :
La littérature relative au
sujet
mentionne des accroissements de 10 à 230% (1).
Ilimporte
de se
représenter
que ces accroissements interviennent sans accroître les machines nil’espace
utilisé.
De
quelle
manière ? Grâce à une utilisationplus
efficiente des matières et desmachines ;
à une amélioration de laqualité ;
à une diminution des déchets et du travail à recommencer. Unegrande entreprise
deproduits pharmaceutiques signalait qu’elle pouvait fabriquer
un certain anti-biotique
avec 300/,,
seulement des matièrespremières qu’elle
utilisait six mois avant d’introduire lestechniques
de la carte de contrôle. Unegrande entreprise sidérurgique signalait
une économiede combustible d’un tiers par
rapport
à l’annéeprécédente.
De tels résultats ne sont pas rares : ils ontsimplement
une valeurd’exemple ;
b)
Amélioration de laqualité
à moindre coût ;.c)
Accroissement de larégularité
à moindre coût ;d)
Amélioration de laposition
concurrentiellegrâce
à uneproduction
accrue, à une meilleurequalité,
à une meilleurerégularité,
à un meilleurplan,
à des coûtsréduits ;
e)
Unlangage
internationalprécis :
-
permettant d’exprimer
les normes et tolérances de laqualité requise ;
-
permettant
de décrire laqualité
d’unproduit déjà fabriqué.
2. DIRECTION.
Spécifications
et tolérancesprécises.
Par
exemple, compte
tenu de l’uniformité des dimensions ou de laqua!ité
de la vitesse de pro-duction,
desqualités
desproduits
finis :- mesure correcte de la
qualité
et des résultats effectivement atteints dans laproduction (de
nouveauimpossible
sans lestechniques statistiques) ;
- meilleure connaissance des
pièces fabriquées.
Les méthodes
statistiques
fournissent des nombres sûrsquant
à laqualité
et l’uniformité du matérielproduit ;
de sorte que la directionpeut
souscrire desengagements
pour desqualités
déter-minées, avec confiance et de manière à satisfaire le client.
Essai et
comparaison
deprocédés
et de matériaux.Il
s’agit
de comparer deuxprocédés
ou deux matériauxquant
au coût, à larégularité
et auniveau de
qualité
de la fabrication. Lestechniques statistiques
fournissent des testséconomiques
et des conclusions sûres pour aider les
dirigeants
àprendre
la bonne décision.Mesure des coûts et des normes de
production.
Le
plan statistique
des observations sur les coûts et les normes donnera le maximum degarantie
pour le coût unitaire, et fournira en mêmetemps
un outil efficace pour accroître le rende- ment d’uneopération.
Inventaires faits de la
façon
laplus économique
des stocks de vente au détail et en gros et du service.(1) On peut trouver de tels exemples dans presque tous les articles du " Industrial quality control ",
voir par exemple l’article de George ver Beke : Statistical Quality control in the foundry, vol. VU Mai 1951, pp. 82-86,
et aussi : Cuyler P. Hawkes : The quality problem on pruchased materia), ibid, pp 66-70. L’une des meilleures docu- mentations est constituée par l’art. de K. KOYANAGI : Statistical quality control in Japanese Industry (Union of Japanese Scientists ans Engineers, Tokyo, Mai 1942) p. 42, par exemple.
3.
ÉTUDE
DES CONSOMMATEURS(avec
lesprocédés statistiques modernes,
c’est unélément
essentiel de laproduction économique ;
voirplus loin).
4.
VÉRIpICAtION
ET TENUE DESCOMPTES.
Révision et harmonisation des inventaires et des
registres
decomptes,
avec une certitudeaccrue et un coût moindre.
Vérification avec une certitude accrue à un coût moindre.
Vérification des factures
payables
avecrapidité,
certitude accrue et à un coût moindre.Détermination
rapide
des recettes non perçues(paiements
internes ; billets nonutilisés
dépôts
nonutilisés).
5.
DÉTERMINATION
DES CONDITIONSMATÉRIELLES
DES INSTALLATIONS.Evaluation de l’entretien
nécessaire,
selon le genre d’entretien(entreprise
detéléphone,
chemin de
fer,
distributiond’électricité,
degaz, etc...).
6. MESURES ET
EXPÉRIENCES
D’ORDREPHYSIQUE
ETCHIMIQUE.
Les
plans statistiques
fournissent uneprécision
accrue et uneplus grande
exactitude à unmoindre coût.
7. STANDARDISATION ET
TOLÉRANCES.
C’est,
engrande partie,
unproblème statistique.
Un standard et une limite de tolérance doivent servir à de
multiples fins, qui
nepeuvent
être déterminées que par des examens sûrs et par des tests sûrs.En outre, ni standard ni limite de tolérance n’ont de sens s’ils ne sont écrits en termes de tests
pouvant
être soumis à un contrôlestatistique
sansdépense
ni difficulté excessives.8. STANDARDISATION DES PRODUITS
PHARMACEUTIQUES.
Le contrôle
statistique permet
avec la meilleuregarantie
la mesure de la force desproduits pharmaceutiques
et des vitamines. Des essais de cette force doivent montrer au contrôlestatistique
si le
dosage
a une valeurquelconque.
9.
CONTRÔLE
DE LAQUALITÉ
DESOPÉRATIONS
DE BUREAU(résultats
meilleurset
plus précis
à un coûtréduit).
10.
SÉCURITÉ (meilleure organisation
administrative d’un programme de sécurité, rendupossible
par la définition
statistique
de tauxsignificativement
élevés etfaibles).
Il est difficile de mettre un terme à cette
liste,
mais lespoints
cités sontpeut-être
lesplus
inté-ressants pour les cadres
dirigeants.
Onpourrait peut-être
aussi mentionner brièvement les résultats obtenus par la théoriestatistique
dans les domaines de laproduction agricole,
de la médecine et de la biométrie. Ce furent lespremières applications
des théories modernes.Quelques-unes parmi
les meilleures
applications
ont renforcé le caractère utile etéconomique
des programmes statisti- quesgouvernementaux qui
fournissent une information d’uneimportance
vitale pour l’industrie.Qu’est-ce
que l’étude des consommateurs ?C’est une
partie intégrante
de laproduction.
Sanselle,
leproduit
a peu de chances d’avoir le maximumd’utilité,
ou d’êtrefabriqué
selon lesquantités
lesplus économiques.
Enfait,
uneentreprise
de
production peut
difficilementespérer aujourd’hui
se maintenirdans
les affaires sans une sérieuseétude du marché,
L’étude des consommations
prend
lepouls
des réactions et des demandes du consommateur et transformelesrésultatsenprévisions
àl’usage
de la direction. Laprincipale
utilité de cette rechercheest de