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Les banques répondent-elles à la demande

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Offre et demande de crédit

Les banques répondent-elles à la demande des entreprises ?

Pour Laurent Quignon, le crédit bancaire suit l'évolution de la demande des entreprises. Et les PME sont plutôt mieux traitées en France que dans l'ensemble de la zone euro. En revanche, selon Frédéric Lobez, les banques rationnent le crédit, la principale raison étant le manque de confiance des établissements dans la liquidité du système financier.

L'auteur

Laurent Quignon

Responsable du service d’économie bancaire BNP Paribas CIB

Frédéric Lobez Professeur

SKEMA Business School

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Professeur des universités

Université de Lille Nord de France

Revue de l'article Cet article est extrait de Revue Banque n°754bis Financement de l'économie : une nouvelle donne pour la croissance

L’analyse de Laurent Quignon

Après avoir reculé à la fin de 2009 (-2,4 % en rythme annuel en novembre), l'encours de crédit aux sociétés non financières a réaccéléré jusqu'à l'automne 2011 (+5,4 %), avant de connaître un nouveau ralentissement (+0,6 % en septembre 2012).

La production nouvelle diminuait de 2,1 % sur 1 an en septembre 2012, s'établissant à

240,1 milliards en cumul annuel. En février 2012, elle avait atteint son plus haut niveau depuis août 2009, soit 248 milliards d'euros.

Dans un contexte d'introduction des nouvelles normes de solvabilité et de liquidité bancaires (Bâle III), cette décélération soulève la question d'éventuelles contraintes sur l'offre de crédit. Il apparaît, à la lumière de divers indicateurs, que le ralentissement à l'œuvre réside plutôt dans la diminution de la demande. Pour autant, cela ne signifie nullement que le nouveau cadre

prudentiel n'est pas de nature à induire, au cours du cycle économique, une contrainte d'offre sur les financements bancaires.

Le crédit guidé par la demande

Au cours des vingt dernières années, le crédit aux entreprises a constitué un indicateur retardé du cycle économique. En effet, les plus basses eaux conjoncturelles (recul du PIB en volume de 4,3 % en glissement annuel au troisième trimestre 2009) ont précédé de plus de trois trimestres le creux du cycle de crédit (baisse de l'encours de 2,3 % en glissement annuel en janvier 2010).

De même, le pic de la reprise de l'activité depuis la crise (+2,3 % au premier trimestre 2011) a été observé avant celui du cycle de crédit (+5,4 % en octobre 2011).

Ce constat ne renseigne toutefois pas, de prime abord, sur l'existence d'une contrainte d'offre ou de demande, dès lors qu'il peut tout aussi bien résulter du comportement des banques que de celui des entreprises, les unes attendant confirmation de la reprise pour investir, les autres pour prêter davantage.

En revanche, les évolutions comparées du taux de marge des sociétés non financières et du cycle de crédit suggèrent l'absence d'une contrainte d'offre qui serait liée à l'évolution de la situation financière des entreprises. En effet, la reprise des encours de crédit aux sociétés non financières observée entre l'été 2010 et l'automne 2011 est intervenue dans un contexte

d'érosion continue du taux de marge des sociétés non financières, tombé de 30,2 % au troisième trimestre 2010 à 28,4 % au troisième trimestre 2011, son plus faible niveau depuis 1985.

De facto, les crédits aux entreprises demeurent largement déterminés par le besoin de financement des investissements et des variations de stocks (voir Graphique) et donc guidés principalement par la demande. Or, si les inflexions du cycle de l'investissement coïncident avec le cycle économique, le taux d'investissement ne se redresse que plus tardivement, lorsque les dépenses d'équipement s'intensifient. En outre, les entreprises ont tendance à financer en premier lieu leurs dépenses d'investissement par l'autofinancement puis, dans un second temps seulement, par le recours à l'emprunt. Il en a par exemple été ainsi au premier trimestre 2010 : la progression de l'autofinancement plus vigoureuse que celle de l'investissement s'est d'abord traduite par une hausse du taux d'autofinancement avant que les financements externes ne prennent ensuite le relais.

Une dynamique du crédit plus favorable en France

Si la récession de 2009 fut plus sévère dans l’ensemble de la zone euro qu’en France (les PIB

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réels ayant reculé respectivement de 4,4 % et de 3,1 %), les évolutions ultérieures ont présenté des écarts moins sensibles. La zone euro a vu son PIB réel se redresser un peu plus rapidement en 2010 (+2 % contre +1,6 %) et, au contraire, s’essouffler davantage en 2011 (1,4 contre 1,7 %).

Pour autant, sur l’ensemble de la période, les encours de crédit bancaire aux entreprises ont conservé des évolutions plus favorables en France que dans l’ensemble de la zone euro, limitant leur recul en 2009 et renouant avec des évolutions positives dès août 2010, ce qui ne fut le cas qu’à partir de janvier 2011 pour les crédits distribués par l’ensemble des établissements de la zone euro. Depuis mai 2012, les encours reculent de nouveau dans la zone euro, alors qu’ils conservent pour l’heure des évolutions positives dans l’Hexagone. Finalement, entre

décembre 2009 et septembre 2012, les encours des prêts aux sociétés non financières se sont accrus de 5,9 % en France ; dans la même période, ils ont quasiment stagné dans l’ensemble de la zone euro.

Plus de financement de marché

La contraction récente des flux de crédits (depuis l’automne 2011) est à mettre en relation avec l’élargissement des flux d’émissions nettes de titres de dette par les sociétés non financières, pour l’essentiel les grandes entreprises : les premiers sont passés, en cumul annuel, de 42,2 milliards d’euros en octobre 2011 à 13,2 milliards en août 2012, alors que les seconds progressaient dans le même temps de 17,8 à 51,8 milliards. Les flux nets d’endettement des sociétés non financières (crédits et titres confondus) ont ainsi finalement progressé de 5 milliards, passant de 60 à 65 milliards au cours de la période.

Voilà pourquoi, malgré le ralentissement prononcé des encours de crédit depuis l’automne 2011, la dette des sociétés non financières n’a connu qu’une décélération modérée, progressant encore de +4,6 % en septembre 2012. Le recours encore important aux financements externes (crédit et titres de dette) a contribué à expliquer le maintien du taux d’investissement des sociétés non financières à un niveau relativement élevé dans une perspective historique, supérieur à 20 % depuis le début de 2011, alors que le taux d’autofinancement était historiquement faible (64 % au troisième trimestre 2011).

PME françaises: pas de rationnement du crédit

Une analyse récente de la Banque de France [1], fondée sur les données bilancielles d’un échantillon de 60 000 PME indépendantes françaises, a montré que celles-ci n’avaient été que faiblement rationnées entre 2004 et 2010, y compris pendant la crise. Selon les auteurs, sur l’ensemble de la période, moins de 5 % des entreprises ayant des crédits auraient souffert d’un rationnement partiel et moins de 1,5 % des entreprises n’ayant aucun crédit auraient été dans cette situation du fait d’un rationnement total.

Fait intéressant en vue d’une actualisation ultérieure, les résultats obtenus sont cohérents avec ceux dégagés par les enquêtes semestrielles de la BCE sur l’accès au crédit des PME dans la zone euro, menées auprès de ces dernières. Outre la forte diminution des taux d’intérêt

appliqués aux PME en France (une évolution partagée avec l’Autriche, l’Allemagne et la Belgique), la dernière mouture de l’enquête (qui couvre la période d’avril à septembre 2012) révèle qu’en dépit d’une proportion de PME ayant sollicité un concours bancaire plus importante en France que dans l’ensemble de la zone euro (respectivement 31 et 24 % des entreprises), le taux d’acceptation complet y est plus élevé (respectivement 75 et 61 %).

L’analyse de Frédéric Lobez

L’étymologie du terme crédit (du latin credere, croire) rappelle que l’opération est fondée sur la croyance par le créancier que le débiteur va rembourser le prêt. Le créancier est celui qui fait confiance. Dans le contexte actuel, la relance de la croissance passe donc par une restauration de la confiance des banques dans l’activité économique. Cette confiance dans le débiteur, si elle est une condition nécessaire au crédit, n’est pas suffisante. Depuis la crise de 2008, la méfiance généralisée envers le système financier provoque un appauvrissement de la liquidité, condition

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tout aussi nécessaire à une politique d’engagement déterminée envers les entreprises pour financer leurs investissements. Le crédit est donc affaire de « confiances », au pluriel, tant envers les firmes que vis à vis du système financier. Un débat récurrent est celui qui oppose politiques et banquiers sur les causes du sous-investissement. Les premiers soupçonnent les seconds de rationner en crédit les entreprises. Les banques rétorquent qu’elles ne font que suivre une demande faible émanant des entreprises. Ce débat n’est pas neutre en cela qu’il conditionne l’action publique ; à cet égard, que penser de la création d’une banque publique d’investissement ?

« Confiances » et liquidité

Notre insistance sur le pluriel du mot « confiances » est volontaire. L’opération de crédit est au premier chef une marque de confiance du créancier envers le débiteur. Au-delà de ce constat, la méfiance envers le système financier depuis 2008 crée les conditions d’une crise de liquidité peu propice au financement de l’investissement.

Traditionnellement, les causes avancées pour expliquer le rationnement en crédit renvoient à l’existence d’asymétries informationnelles. Une trop forte asymétrie d’information aboutit à une offre de taux par les banques insuffisamment discriminante, qui pénalise les PME les plus saines [2]. Elles ont alors tendance à sortir du marché, et donc à sous-investir. Autre conséquence de ce manque de discrimination : une montée des coûts de contentieux du fait de la moindre qualité de la demande de crédit. Ce ressort reste réel, mais il est sans doute insuffisant pour expliquer la situation actuelle.

Une banque transforme les dépôts courts des ménages en crédits à moyen et long terme. Elle se met ainsi en position de risque d'illiquidité du fait de la transformation des échéances. C’est ce qui fonde l’existence même des banques [3] et leur contribution à la création de valeur sociétale. Ceci fonctionne tant que les déposants ont confiance dans leurs banques et ne se ruent pas simultanément aux guichets de la banque. Cette probabilité de ruée est infime, sans être jamais nulle, du fait même de la nature des dépôts à vue. Cela fonctionne aussi tant que les banques se font confiance entre elles et que le marché interbancaire est liquide. Le jour où la confiance disparaît, la liquidité bancaire fond et un autre type de ruée « entre banques » se fait jour. C’est ce qui s’est passé en 2008. Ce risque est encore aujourd’hui internalisé par les banques et constitue un réel frein à la transformation des échéances nécessaire à l’activité de crédit. Lorsqu’une incertitude généralisée s’installe, faisant craindre une disparition brutale de la liquidité, les banques deviennent réticentes à s'engager à moyen et long terme et à détenir des créances sur les firmes, créances dont le degré d'illiquidité est élevé, notamment si le marché de la titrisation se ferme également. Les banques mettent alors en œuvre, très rationnellement, des politiques d’engagement alternatives, qui peuvent inclure le financement de la dette publique des États, surtout lorsque celle-ci s’avère peu risquée du fait des engagements de la Banque Centrale. Ajoutons ici que le marché de la titrisation n’est qu’une réponse partielle à l’illiquidité des créances. En effet, dans un contexte d’incertitude et de risque systémique latent, sa propre liquidité est étroitement corrélée à celle du marché interbancaire.

Le diagnostic est alors celui-ci :

sans confiance dans le système financier et dans sa capacité à réaliser une allocation transparente des risques, il ne peut y avoir de liquidité ;

sans liquidité du système financier, il ne peut y avoir de politique d’engagement pérenne envers les entreprises.

Il importe donc, par une régulation appropriée, de restaurer la confiance. C’est là un chantier immense :

le maître d’ouvrage est l’ensemble des nations ;

le projet est le design d’un système de gouvernance économique mondiale ; sa réalisation prendra des années.

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Les progrès timides enregistrés depuis 5 ans en la matière n’invitent pas à l’optimisme. Dans cette perspective, les politiques nationales doivent venir en relais pour restaurer confiance et crédit.

Une BPI utile sous condition

Une banque publique ne doit pas être perçue comme un objet financier incongru dans un paysage ayant le libéralisme comme couleur dominante. Les banques font commerce d’un bien public, la monnaie. Elles participent à la production ou au maintien d’un autre bien public mondial, la stabilité financière. Que certaines banques soient publiques n’est sûrement pas une incongruité. En outre, nous sommes convaincus que la diversité des modèles bancaires devrait être encouragée en ce qu’elle limite un risque systémique dont l'un des ressorts tient au

mimétisme des acteurs et de leurs stratégies.

Au regard de la situation actuelle et de l’analyse précédente, la BPI nous semble présenter un avantage majeur. Détenue par l’État et la Caisse des Dépôts et Consignations, elle est

implicitement assurée contre le risque d’illiquidité et peut de fait mettre en œuvre une politique volontariste en matière de crédit à des PME qui n’ont d’autre alternative pour se financer. Pour autant, pour que la BPI remplisse son office, deux conditions doivent être vérifiées.

La première condition tient à l’organisation du processus décisionnel de la banque. La BPI vise à soutenir des PME qui forment la trame de l’activité économique française. Or la théorie financière [4] a montré de façon convaincante que la distribution du crédit aux PME est optimisée quand les banques se caractérisent par une structure décisionnelle décentralisée. La raison tient à la nature de l’information produite par les PME. Cette information est de nature essentiellement qualitative. Or le propre de l’information qualitative est de ne pas transiter aisément au sein d’une structure très hiérarchisée telle que peut l’être une banque de grande taille. La

transposition de ce raisonnement à la question de la BPI permet de conclure que cette banque remplira d’autant mieux son office de financement des PME et ETI si son processus décisionnel est très décentralisé. Le fait que la BPI dispose de comités régionaux d’orientation est à cet égard positif, dans la mesure où pourront remonter par ce biais des informations qualitatives liées à la conjoncture régionale ou à la structure de l’économie locale.

La seconde condition de fonctionnement tient à la nature de la gouvernance de la BPI. Banque publique, la tentation peut être grande pour ses actionnaires d’en faire un instrument politique. Il est donc essentiel de penser une gouvernance qui garantisse que les décisions de crédit seront prises uniquement en référence à des arguments de rationalité économique et financière. Toute politisation de la décision de crédit entacherait cet organisme, transformant ce qui pouvait être, au départ, une bonne idée en un instrument inutile et coûteux.

[1] Élisabeth Kremp et Patrick Sevestre, « La crise a-t-elle induit un rationnement du crédit aux PME ? », 2011.

[2] J. Stiglitz et A. Weiss, « Credit rationing in markets with imperfect information », American Economic Review, juin 1981.

[3] D. Diamond et P. Dybvig (1983), « Bank runs, deposit insurance and liquidity », Journal of Political Economy, vol.

91, 3, 1991.

[4] J. Stein, « Information production and capital allocation : decentralized versus hierarchical firms », Journal of Finance, vol. LVII, n° 5, oct.

Publié sur Revue Banque (http://www.revue-banque.fr)

Lien: http://www.revue-banque.fr/risques-reglementations/article/les-banques-repondent-elles-demande- des-entreprise

Références

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