Direction de la recherche faunique
Projet de recherche
Etude de la prédation de l'orignal par le loup dans le sud - ouest du Québec: effets d'un
changement de densité chez l'orignal
par
François Messier (biologiste contractuel)
Ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche 1981
Introduction
Plusieurs hypothèses ont été émises quant aux facteurs pouvant
limiter une population d'ongulés. On y retrouve (1) la quantité et la qualité de la nourriture disponible (Caughley 1970,1976; Sinclair 1974;
McCullough 1979), (2) les prédateurs naturels (Pimlott 1967; Bergerud 1980; Crête et al. 1981a, b), et les facteurs abiotiques tel la
sévérité de l'hiver (Kucera 1976; Potvin et al. 1978, 1981).
Au Québec, les densités de nos populations d'orignaux ne dépassent guère .5 ind./ km2 même en l'absence de chasse sportive. Ceci porte à réfléchir si l'on considère que même à de telles densités les orignaux prélèvent en hiver tout au plus 10% de la nourriture dispo- nible (Crête 1981). Crête et al. (1981a) émirent l'hypothèse que les prédateurs naturels (i.e. loups, ours) pourraient limiter nos populations d'orignaux à un niveau beaucoup plus bas que celui dicté par la nourriture disponible. Le présent projet vise précisément à vérifier cette hypothèse qui n'a pas seulement un intérêt académique mais fort pratique car la chasse à l'orignal génère actuellement une industrie de près de 50 millions annuellement. D'où la très grande importance de comprendre les mécanismes entourant la dynamique de nos populations d'orignaux.
Démarche du projet et région d'étude
Afin de montrer que le loup peut limiter une population d'orignaux nous devons mettre en évidence que le taux de prédation s'accroit avec la densité de l'orignal. Pour ce, le projet vise à evaluer l'effet du loup chez deux population d'orignaux, une à faible densité (environ .1 à .2 ind./ km2), et l'autre à forte densité (environ .3 à .4 ind./
km2). Les ZEC Bras-coupé — Désert et Pontiac, ainsi que la partie sud de la réserve La Vérendrye ont été choisies respectivement comme régions d'étude. Les travaux sur le terrain s'echelonneront de juin 1980 à septembre 1983.
Pour être en mesure d'évaluer le taux de prédation durant la période hivernale nous devons connaître le nombres de meutes présentes dans un secteur donné, ainsi que la fréquence à laquelle chaque meute abat les orignaux. Dans ce but, environ 20 loups sont capturés et munis de colliers émetteurs annuellement. Ces animaux nous
servent d'outils de base afin de suivre l'activité de 4 meutes dans chacune des deux régions à l'étude. Lors des répérages journaliers de la mi-décembre à la fin mars, il est possible d'observer réguliè- rement les loups ce qui nous permet de connaître la taille des meutes et l'aire utilisée par chacune d'elles. Ces répérages journaliers nous permettent également de localiser les carcasses d'orignaux abattus par les loups. Il faut préciser que l'utilisation d'une telle carcasse peut s'échelonner sur au-delà de 3 semaines, et que les loups sont régulièrement observés à proximité de la carcasse soit à s'alimenter
ou simplement au repos. L'expérience nous a montré que le poucentage des carcasses non-repérées est négligeable. A la fin de l'hiver nous pouvons donc évaluer le nombre d'orignaux prélevés pour chacune des meutes. Le taux de prédation est par la suite calculé en considérant les densités d'orignaux trouvées lors des inventaires de populations menés en parallèle (Crête et Messier 1981).
Un taux de prédation ne donne qu'un aperçu de l'effet d'un prédateur sur une proie. En plus nous devons considérer la qualité en tant que valeur reproductive des animaux abattus. Dans cette optique nous
tentons de visiter un plus grand nombre possible de carcasses utilisées par les loups afin d'en connaître le sexe, l'âge, la condition physique avant la mort (% de gras dans la moelle, présence d'anomalies physiques, etc.), et la cause de mortalité selon les indices laissées.
En été il devient plus difficile d'évaluer le taux de prédation. Nous pouvons estimer la biomasse d'orignaux ingérée en tenant compte du nombre de loups présents dans un secteur, le taux de consommation (selon la littérature), et l'importance de l'orignal dans le régime
alimentaire du loup. Le régime alimentaire et ses variations au cours de l'année seront déduites par l'analyse des fumées récoltées lors des activités de terrain. Le nombre de loups présents sera estimé suivant la composition de chaque meute à la fin de l'hiver précédent et l'apport des jeunes au printemps.
Afin d'avoir une connaissance plus précise de la prédation en été nous devons distinguer les pertes encourues chez les faons et les adultes.
En effet les données d'inventaires aériens suggèrent un taux de morta- lité élevé des faons durant la période estivale (Crête et al. 1981a).
L'analyse des fumées nous permet de connaître le rapport faons/
adultes dans le régime alimentaire du loup (Fuller and Keith 1980;
Crête et al. 1981). Il sera donc possible d'évaluer la biomasse ingérée par le loup selon ces deux classes d'âge et convertir ces
données en nombre d'individus tués. De plus un projet est en cours afin d'évaluer directement les pertes de faons accompagnant des femelles marquées, et ceci à des densités de loups variables suite à un contrôle de population (Crête et Messier 1981). Cette expérience est vitale si l'on veut bien évaluer l'importance de la prédation par le loup durant l'été, soit une période pendant laquelle les carcasses sont plus difficiles à détecter mais non moins significatives.
4.
Coûts annuels
5
Main - d'oeuvre
(2 personnes X 52 semaines X 300$) Frais de subsistance
(3 personnes X 250 jours X 9$) Equipement, matériel
Carburant
Entretien de véhicules (2) Entretien de motoneiges (3) Nolisement d'avion
(520 h X 100$)
Total
31,200$
= 6,750$
1,500$
10,000$
= 2,500$
1,500$
= 52,000$
105,450$
Références
Bergerud, A.T. 1980. A review of the population dynamics of caribou
and wild reindeer in North America. Pages 556-582 In E. Reimers, E. Gaare, and S. Skjenneberg, eds. Proc. 2nd Int. Reindeer/
Caribou Symp. Roros, Norway.
Caughley, G. 1970. Eruption of ungulate populations, with emphasis on Himalayan thar in New Zealand. Ecology 51: 54-72.
Caughley, G. 1976. Wildlife management and the dynamics of ungulate populations. Pages 183-246 In T.H. Coaker, ed. Applied Biol., Vol. 1, Academic Press, London.
Crête, M. 1981. Population dynamics of moose (Alces alces americana) in southwestern Québec. Ph. D. thesis, University of Minnesota.
Crête, M., M. Bélanger, et J. Tremblay. 1981. Régime alimentaire du loup dans le sud-ouest du Québec entre les mois de mai et d'octobre. Naturaliste can. 108:167-173.
Crête, M., et F. Messier. 1981. Réduction de l'abondance du loup pour accroître la productivité des populations d'orignaux. Dir.
rech. faunique, projet rech.
Crête, M., R.J. Taylor, and P.A. Jordan. 1981a. Optimization of moose harvest in southwestern Québec. J. Wildl. Manage. 45:
598-611.
Crête, M., R.J. Taylor, and P.A. Jordan. 1981b. Simulating conditions for the regulation of a moose population by wolves. Ecological modelling 12: 245-252.
6.
Fuller T.K., and L.B. Keith. 1980. Wolf population dynamics and prey relationships in northeastern Alberta. J. Wildl. Manage.
44: 583-602.
Kucera, E. 1976. Effects of winter conditions on the white-tailed deer of Delta Marsh, Manitoba. Can. J. Zool. 54: 1307-1315.
McCullough, D.R. 1979. The George Reserve deer herd: population ecology of a K-selected species. Univ. Michigan Press, Ann Arbor.
Pimlott, D.H. 1967. Wolf predation and ungulate populations. Am.
Zool. 7: 267-278.
Potvin, F., M. Bélanger, and S. Georges. 1978. Deer decline in Québec and harvest strategies at the northern limit. Canadian
Wildl. Adm. 2(3): 43-50.
Potvin, F., J. Huot, and F. Duchesneau. 1981. Deer mortality in the Pohenegamook wintering area, Québec. Canadian Field Naturalist 95: 80-84.
Sinclair, A.R.E. 1974. The natural regulation of buffalo populations in East Africa. Part 4. The food supply as a regulating factor, and competition. E. Afr. Wildl. J. 12:291-311.