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Submitted on 1 Jan 1933
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Phénomènes radioactifs de second ordre et d’origine artificielle
G. Reboul
To cite this version:
G. Reboul. Phénomènes radioactifs de second ordre et d’origine artificielle. J. Phys. Radium, 1933, 4
(2), pp.73-89. �10.1051/jphysrad:019330040207300�. �jpa-00233136�
PHÉNOMÈNES RADIOACTIFS DE SECOND ORDRE ET D’ORIGINE ARTIFICIELLE
Par G. REBOUL.
Laboratoire de la Faculté des Sciences de Montpellier.
Sommaire. 2014 L’auteur indique comment on peut obtenir artificiellement des subs- tances présentant de grandes analogies avec les substances radioactives naturelles, puisqu’elles impressionnent la plaque photographique, ionisent les gaz et produisent des
effets de phosphorescence.
Ces phénomènes radioactifs de second ordre intéressent les électrons des orbites péri- phériques de l’atome; le rayonnement qui leur correspond est éminemment absorbable;
les longueurs d’onde des radiations émises sont comprises entre quelques dizaines et
quelques centaines d’angstroms et leur quantum énergétique varie de quelques centaines
à quelques dizaines de volts.
Introduction. - Les substances radioactives agissent sur la plaque photographique,
ionisent les gaz, provoquent la phosphorescence et la fluorescence de certains corps et
produisent des dégagements de chaleur ; l’analyse de leur rayonnement montre qu’elles
émettent des rayons ~, ~3 et y. Les rayons y sont des radiations de quelques centièmes d’angstrôms de longueur d’onde, les rayons a des centres positifs projetés avec des vitesses de plusieurs milliers de kilomètres à la seconde, les rayons 3 des électrons animés parfois
de vitesses voisines de celle de la lumière. Le quantum énergétique de ces diverses mani- festations correspond à des tensions de plusieurs millions de volts.
Je me propose de montrer l’existence de phénomènes, pouvant être provoqués artifi- ciellement, dont les manifestations présentent de grandes analogies avec celles des subs- tances radioactives naturelles. Les radiations émises, éminemment absorbables, ont des longueurs d’onde de quelques centaines d’angstrüms et le quantum énergétique qui leur correspond est de quelques dizaines de volts; les centres négatifs ou positifs mis en jeu
sont animés de vitesses atteignant à peine quelques dizaines ou centaines de kilomètres-
seconde, aussi les diverses manifestations des phénomènes qu’ils produisent ne sont pas facilement discernables; en rPvanche la faiblesse de leur quantum permet de les provoquer artificiellement sans grande difficulté.
J’exposerai successivement dans cet article : i° Comment on peut effectuer la radioac- tivation de certaines substances.
-2" Quelles sont les propriétés des substances ainsi activées.
-3" Quel est le mécanisme de leur activation,.
-~° Comment se situent par
rapport à la radioactivité ordinaire ces phénomènes radioactifs de second ordre. Je me
placerai strictement au point de vue expérimental, en me tenant à la disposition du lecteur auquel ne paraîtraient pas suffisantes les explications ou les données de cet article qui
résume d’une manière peut-être trop succincte les résultats de plusieurs années d’efforts.
l. Conditions de radioactivation de diverses substances.
T. Essais préliminaires. - J’ai indiqué dans ce journal (1) comment au moyen de cellules de résistaiice ou senti-conductrices, on pouvait produire facilement, dans les
conditions ordinaires de pression, des rayons X très mous, susceptibles de donner des
radiographies d’objets enveloppés de feuilles de papier.
Au cours de ces expériences je remarquai que des empreintes d’objets obtenus dans (l) Journal de Physique, série VII, t. 2 (mars 1439 ), pre 86-100.
,Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphysrad:019330040207300
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une radiographie, faite avec une feuille de papier déterminée, se reproduisaient sur la plaque quand on faisait une nouvelle radiographie d’objets différents enveloppés dans la
même feuille.
Cette anomalie s’explique facilement si on suppose que la feuille de papier exposée au rayonnement de la cellule pendant la première radiographie est devenue photographi- quement active et conserve cette propriété pendant un temps plus ou moins long. Il est
facile de s’assurer de l’exactitude de cette hypothèse : une feuille de papier est exposée pendant une demi-heure au rayonnement d’une cellule avec interposition d’un obstacle
en forme de croix entre la feuille et la cellule ; on place ensuite cette feuille, pendant plusieurs heures, sur une plaque photographique; au développement, on constate que la
plaque est impressionnée, sauf sous les points de la feuille que l’obstacle a protégés (fig. 1, pl. I). Une simple exposition à l’action de la cellule a donc communiqué à la feuille la
propriété d’impressionner la plaque sensible.
Après cette première constatation, il vient naturellement à l’esprit d’examiner si les corps devenus photographiquement actifs ne sont pas également actifs à l’électroscope.
Or les circonstances ont fait que ces expériences, commencées pour la partie photogra- phique au laboratoire de physique de la Faculté des Sciences de Poitiers, ont été continuées, en ce qui concerne la partie électrique à la Faculté des Sciences de Montpellier,
c’est-à-dire dans des locaux et avec un mobilier nouveaux qui m’étaient inconnus. L’action
sur l’électroscope était très nette
-et même trop nette
-les feuilles activées émettaient
un rayonnement pénétrant produisant une ionisation facilement mesurable, la diminution de l’activité s’exprimait en fonction du temps par une somme d’exponentielles, indiquant
ainsi que l’on avait à faire à un mélange de corps radioactifs; l’étude des courbes de désactivation a permis, suivant la méthode indiquée par Curie, d’identifier ces corps radioactifs: il s’agissait d’un mélange de radium A, B, C et de thorium A.
Une étude minutieuse des locaux et du mobilier du laboratoire a été faite en préci- pitant par l’aigrette, suivant la méthode de Sella, les poussières radioactives en suspension
dans l’atmosphère (’). On a trouvé que ces poussières étaient dues à la pollution d’une partie du mobilier sur lequel avaient été probablement faites autrefois des manipulations
maladroites de sels radioactifs.
Fig. 2.
En somme, dans le cas qui nous occupait l’activité électrométrique des feuilles ou des lames métalliques soumises à l’action des cellules semi conductrices se produisait par un processus analogue à celui de la précipitation par l’aigrette et tenait à la manière dont les expériences étaient disposées. Les cellules employées dans ces essais préliminaires
avaient une forme comme celle qu’indique la figure 2. La lame ou la feuille étudiée était
,placée en L sous l’électrode grille G ; pendant le fonctionnement il se produisait en a a
(l) J’ai été aidé dans cette étude préliminaire par inti. G. Dechène. Les résultats obtenus ont été publiés
dans les C. R. Académie des b’cicnces, t. 189, p. i256. ’- t. 190, p. 314 et p. 1294.
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des aigrettes qui précipitaient sur la lame L les poussières radioactives en suspension
dans l’atmosphère et provenant du mobilier pollué. D’ailleurs quand on place la cellule, pendant son fonctionnement, dans un récipient clos, on constate que l’activité électromé-
trique des feuilles disparaît presque complètement, tandis que l’activité photographique
n’esl pas modifiée.
2.. Disposition et marche des expériences. - Après remplacement du matériel
pollué et changement de local, le dispositif a été modifié de manière à éliminer les pertur-
bations comme celles que nous avons signalées dans le but d’éviter à ceux qui voudraient
faire des expériences analogues, la perte de temps qu’elles nous ont occasionnée.
1. Disposition des expériences. - Les cellules employées sont constituées par des blocs de ciment ou de plàtre ayant la forme d’un cylindre d’environ 20 centimètres de diamètre et 15 cm de haut. Une électrode A B, disque circulaire de 8 cm. de diamètre,
est placée dans la masse de ciment ou de plâtre ; un tube de verre V isole le fil F soudé à AB et reliant cette électrode à l’un des pôles de la machine à haute tension. L’électrode
grille G, aussi plane que possible, est constituée par une toile métallique de forme
carrée d’environ 10 cm de côté ; elle est placée sous le bloc cylindrique dont le poids permet d’assurer un contact suffisant (fig. 3).
Fig. 3.
Sous la grille on place le corps L que l’on veut essayer; dans ces conditions, on se
trouve à l’abri de toute précipitation de poussières radioactives pouvant se trouver en suspension dans l’atmosphère environnante. Il est d’ailleurs facile de s’assurer, en plaçant
en L une lame métallique, que cette lame, après fonctionnement de la cellule, n’a pas la
propriété d’agir sur l’électromètre comme le font des lames diélectriques.
2. Marche des expériences.
-On place en L sous forme de lame ou de feuille, la
substance que l’on veut étudier ; on relie ensuite les étectrodes aux pôles d’une machine à courant continu
-courant alternatif de haute tension redressé au moyen de kéno- trons - Le sens adopté pour le courant à travers la cellule dépend de la substance qui la
constitue : avec des blocs de plâtre les effets sont plus nets si le pôle positif de la machine est relié à l’électrode A B et le pôle négatif à l’électrode grille (i).
Dans les conditions précédentes les courants mis en jeu ont une intensité de l’ordre ~lu
milliampère et les tensions appliquées sont de quelques milliers de volts. Les durées de
( ~ ) Ceci tient à la manière dont se répartissent les potentiels dans la masse de la cellule, l’expérience
devant ètre disposée de manière que la plus grande chute de potentiel se trouve à l’élertrode grille. Avec
le plàtre, pour une tension aux horaes de la cellule égale à 5 000 volts, on constate l’existence d’une chute
de potentiel de plus de 2 500 volts dans le voisinage de l’électrode négative, alors qu’au pôle positif elle ne
dépasse pas 300 volts. (Jourra. de Physique, série VII, t. 2. p. 86-100).
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pose peuvent varier de quelques minutes à une demi-heure ; c’est cette dernière durée
qui a été le plus souvent adoptée.
Il ebt à remarquer que le régime de fonctionnement change suivant l’état de siccité de la cellule et l’état hygrométrique de l’atmosphère environnante. En outre tout se passe
comme si la cellule éprouvait une fatigue au -fonctionnement : les effets sont toujours plus
accusés avec des cellules neuves ou qui n’ont pas été employées depuis quelque temps. Il
est avantageux d’avoir à sa disposition deux ou trois cellules identiques que l’on utilise à tour de rôle.
3. Nature des substances susceptibles de s’activer.
-1. Parmi les substances
essayées, seules les isolantes ou mauvaises conductrices ont paru susceptibles d’acti-
vation : papier, carton, étoffes (soie, indienne), matières végétales desséchées, isolants
usuels (paraffine, ébonite). La plupart de nos expériences ont été faites avec du papier noir enveloppant les plaques photographiques commerciales. Les gaz sont eux aussi suscep- tibles de s’activer : nous verrons plus loin que ceux qui sont issus du voisinage d’une
cellule en fonctionnement ont la propriété d’impressionner la plaque photographique. Les
lames métalliques ou conductrices ne s’activent pas.
Etre isolant paraît être une des conditions essentielles et dès qu’on rend le corps conducteur, il cesse d’être susceptible d’activation : ainsi une feuille de papier rendue
humide ne s’active pas. Cette loi peut être démontrée de manière frappante par l’expé-
rience suivante : sur une feuille de papier noir servant à envelopper les plaques sensibles
du commerce, on trace, avee une solution de chlorure de potassium dans l’eau, les
caractères K Cl. On laisse sécher, puis on place la feuille sous l’électrode grille d’une
cellule comme celle qui a été décrite plus haut (fig. 3). On fait fonctionner pendant une
demi heure (intensité O,t~ mA, tension 3 000 volts). La feuille ainsi activée est ensuite
placée, pendant 24 heures au-dessus d’une plaque photographique dans la chambre noire.
Au développement on constate qu’il y a impression, mais les parties de la plaque placées
sous les points de la feuille rendus conducteurs sont restées indemnes et l’on voit ressortir sur le cliché les caractères K Cl (fig. 4, pl. 1).
2. Nous verrons plus loin que les corps éprouvent une fatigue à l’activation : ceux
qui ont été déjà excités s’activent peu ou très mal, aussi est-il bon de s’assurer que le corps étudié n’a pas été activé depuis quelque temps.
3. Il faut aussi signaler que la condition « être isolant » est nécessaire mais non suffi- sante : des lames de verre, de mica ou de quartz ne s’activent pas. Des lames d’ébonite et de paraffine polies s’activent mal et ne donnent d’impression photographique que sur leurs bords. Il suffit d’ailleurs de gratter la surface polie pour que l’activation devienne pos-
sibles ; sur la plaque sensible on obtient des impressions reproduisant les rayures que l’on
a faites sur la lame diélectrique éprouvée.
Le cliché 1 de la figure 5, pl. 1 a été obtenu avec un disque d’ébonite polie portant une
ouverture en ~on centre. On voit qu’il n’y a eu action que sur les bords et que cette action
se fait sentir à travers une bande de cellophane interposée entre la plaque et le disque
d’éboni te suivant un diamètre de ce dernier. On aperçoit affaiblis, mais très nets, les bords et l’ouverture centrale que masquait la cellophane.
Le cliché 2 de la même figure correspond il un disque d’ébonite de même nature et de même dimension que le précédent, mais dont la surface a été en partie rayée avec de la
toile émeri à gros grains : on voit qu’il y eu action sur les bords et à l’endroit des rayures;
cette action ne traverse pas une une lame de mica très mince interposée entre la plaque et
le disque.
Les conditions expérimentales d’activation et d’action sur la plaque ont été les rnèmes,
dans les cas précédents que celles qui ont été indiquées pour la feuille de papier de l’expé-
rience correspondante à la figure 4. C’est également dans ces conditions qu’ont été obtenus les clichés de la figure 6, pl. I.
’
Le cliché 1 de cette figure correspond à une feuille de papier rayée, les rayures
PLANCHE I.
Fig. 1.
Fig. 4.
Fig. 5.
Fiig. 6.
Fig. 1
PLANCHE II.
Fig. 8.
Fi~,. 9.
Fig.14.
Fig. i2.
Fig. 13.
77 avaient été encadrées par des traits à l’encre formant rectangle. On voit sur le cliché que la feuille est devenue photographiquement active sauf aux points que l’encre a rendus conducteurs : on aperçoit nettement les rayures et trois des côtés du rectangle qui les
encadre.
Le cliché 2 correspond à une lame de paraffine rayée : sur l’un des bords, on a inter- posé, entre la paraffine activée et la plaque sensible, une lame de mica, sur l’autre une
bande de cellophane ; on voit que l’action sur la plaque se fait sentir à travers la cellophane,
mais ne traverse pas le mica.
II. Propriétés et caractères des substances radioactivées.
Comme les substances radioactives ordinaires, les corps activés ainsi qu’il vient d’être
dit ont la propriété d’impressionner la plaque photographique, d’agir sur l’électroscope et
de produire des effets analogues à la phosphorescence. Nous examinerons ces divers pro- cédés d’étude, en les utilisant pour dégager les caractères du phénomène.
1. Action sur la plaque photographique. - 1. Conditions expérimentales.
-L’action sur la plaque constitue le meilleur des procédés d’étude; la méthode photogra- phique présente sur la méthode électrométrique un grand avantage : elle permet sans
difficulté d’augmenter la durée d’action des phénomènes, dont on peut laisser les effets s’accumuler jusqu’à ce que leur somme soit suffisamment nette.
La sensibilité des plaques commerciales usuelles est largement suffisante pour faire,
sans procédé particulier de sensibilisation, une étude qualitative et même quantitative du phénomène. Les plaques employées ont été à peu près exclusivement des plaques
n Lumière » ; marque sigma quand les actions étaient suffisamment intenses, marque opta
pour les effets plus faibles.
Les durées de pose varient suivant les circonstances, de quelques heures à 24 ou
48 heures.
Comme il s’agit de radiations éminemment absorbables, il est indispensable de placer
la plaque sensible, sinon au contact, du moins le plus près possible du corps étudié, ou
bien d’opérer à pression réduite. Cette dernière opération, nécessitant la mise en jeu d’un
matériel plus compliqué et utilisé par ailleurs, n’a été faite que dans des buts bien déter- minés : montrer que la distance à laquelle agit le rayonnement augmente à pression réduite, qu’il ne s’agit pas d’action chimique ou de gaz absorbés.,., etc.
On a fait à la méthode photographique le reproche qu’il peut y avoir action chimique produite sur la plaque par des gaz provenant du corps radioactive ou de son voisinage; 5 pour répondre à cette critique, on s’assure que l’action subsiste même en plaçant entre la plaque et le corps de minces pellicules que les gaz ne peuvent traverser : on trouve dans le
commerce des feuilles de cellophane dont l’épaisseur est voisine de 0,02 mm et qui
conviennent parfaitement pour ces expériences.
9. Nature électromagnétique du rayonnement. - L’action sur la plaque se fait
sentir à des distances qui sont de l’ordre du millimètre quand on se trouve dans les condi- tions ordinaires de pression, et qui peuvent atteindre plusieurs centimètres à pression
réduite. Ainsi une feuille de papier activée comme il a été dit, placée dans le vide à une
distance de 2 cm d’une plaque photographique (Lumière opta), donne une impression
faible mais très nette après une pose d’une douzaine d’heures.
L’impression photographique peut s’expliquer, soit par une réaction chimique au sens
ordinaire du mot, soit par l’effet d’un rayonnement d’origine électromagnétique. Comme
elle se produit sans qu’il y ait contact entre la plaque et le corps activé, elle ne peut être due, si on fait la première hypothèse, qu’à un gaz ou à un liquide de tension de vapeur
appréciable que le fonctionnement de la cellule fait apparaître dans le corps et qui, se déga*
geant lentement, vient réduire par simple contact le sel d’argent de la plaque sensible
6.
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Dans ce cas l’interposition d’une pellicule de cellophane., entre la plaque et le corps activé,
doit faire disparaitre l’action puisqu’elle empêche le contact. En outre l’exposition pro-
longée du corps activé dans un récipient où l’on maintient un vide avancé, en faisant dis-
paraitre le gaz ou le liquide occlus ou adsorbé, devrait supprimer l’action sur la plaque
sensible ou du moins l’atténuer fortement. Les deux expériences qui suivent ont été faites
pour élucider cette question.
a~ Une feuille de papier est placée pendant une demie heure sous l’électrode grille
d’une cellule traversée par un courant d’environ 1 milliampère sous une tension de quatre
à cinq mille volts. La feuille ainsi activée est placée pendant 24 heures au-dessus d’une
plaque dont une moitié est protégée par une pellicule de cellophane de 0,012 mm d’épais-
seur. Après développement, on constate que la plaque entière est impressionnée, la partie protégée moins que sa voisine; mais d’une manière trop nette pour qu’il y ait doute à cet
égard (cliché 1, figure 7, Pl. I.)
b) Une nouvelle feuille de papier est activée comme il vient d’être dit; on la divise en
deux parties, l’une A est placée dans un récipient où l’on maintient pendant trois heures
un vide cathodique, l’autre B est mise de côté comme témoin. A et B sont ensuite juxta- posées et placées pendant 24 heures au-dessus d’une même plaque photographique ; après dèveloppeinent on ne voit pas de différence entre l’action de A et celle de B (cliché 2 figure 7, Pl. I.) Nous verrons plus loin que si A est maintenue dans le vide pendant
24 heures, l’impression photographique qu’elle produit est nettement plus forte que celle de B. On ne peut donc pas soutenir l’hypothèse d’une simple action chimique.
On pourrait aussi dire que Faction photographique est produite par une substance
radioactive, contenue dans la cellule ou dans l’atmosphère qui l’environne, et que le fonc-
tionnement de cette cellule précipiterait sur le corps qui lui est soumis ; ce dépôt agirait
ensuite sur la plaque ou sur l’électromètre. Remarquons d’abord qu’il ne peut, s’agir
d’une substance gazeuse ou liquide, puisque l’expérience précédente montre que l’expo-
sition dans le vide ne diminue pas l’activité de la feuille; il ne peut être question que
d’un dépôt radioactif solide et confirmation de pareille hypothèse amènerait à admettre l’existence de substances radioactives, inconnues jusqu’ici, dont le rayonnement serait
éminemment absorbable et le quantum énergétique de quelques dizaines de volts. D’ailleurs
on ne comprendrait pas alors pourquoi la nature du corps jouerait un rôle important dans
son activation, ni pourquoi les isolants ne se comporteraient pas de la même manière que les conducteurs. Il semble bien plutôt que l’action précédente soit due à des radiations très
absorbables, appartenant à la partie invisible du spectre et que le corps activé émet par
un mécanisme analogue à celui de la phosphorescence ordinaire.
3. Analogies avec les phénomènes de phosphorescence. - On peut répéter avec les
corps radioactivés la plupart des expériences que l’on fait avec les corps phosphorescents
ordinaires.
_1. On place sur une feuille, pendant qu’elle est soumise à l’activation, des obstacles de forme géométrique; les points abrités ne s’activent pas et quand on fait agir la feuille
sur la plaque sensible, celle-ci accuse l’ombre portée des obstacles. La reproduction quasi parfaite de la forme géométrique de ces derniers et la netteté de contour des images obte-
nues, s’accordent mal avec l’hypothèse d’une action de gaz ou de liquide occlus dans le corps activé il est en effet à remarquer que cette netteté persiste si on fait à nouveau agir une même feuille à 24 heures d’intervalle; la deuxième impression est sans doute plus
faible que la première, mais les contours de l’image sont toujours aussi nets; or en
24 heures la diffusion des gaz ou liquides occlus ou adsorbés devrait modifier et estomper
les contours des ombres obtenues. On trouve plusieurs exemples de ces résultats dans les clichés reproduits dans cet article.
>v Ces particularités s’expliquent aisément si l’on admet qu’il y a émission de radiations très absorbables par les divers points de la feuille qui ont été activés, les parties protégées
par l’obstacle ne participant pas à l’action. En somme l’expérience précédente est identique
79 à celle que l’on peut faire avec un corps phosphorescent ordinaire dont une partie a C-té
abritée de la lumière excitatrice par un obstacle de forme géométrique.
2. Comme dans le cas de la phosphorescence ordinaire, les corps déjà activés présen-
téht un effet de fatigue, quand on les soumet à une nouvelle activation.
Une feuille est activée une première fois, avec interposition d’obstacle en forme de
croix, comme il vient d’être dit. Elle donne sur la plaque photographidue une impres-
sion avec ombre portée de l’obstacle (cliché 1, figure 8, Pl. II).
-Quelques jours après la même feuille est de nouveau soumise à l’action de la
cellule, mais sans interposition d’obstacle. Si on la fait alors agir sur la plaque sensible,
on obtient sur celle-ci l’image de l’obstacle interposé pendant la première activation (cliché 2, figure 8). Les parties abritées par l’obstacle pendant la première activation
sont devenues, pendant la deuxième, plus actives que les parties environnantes déjà fatiguées.
L’expérience précédente est une réplique de celle que l’on peut faire aisément avec un
,écran phosphorescent ordinaire : l’oeil remplaçant dans ce dernier cas la plaque photogra- phique et la lumière visible le rayonnement de la cellule.
Le résultat ci-dessus montre que la nature de la substance activée joue un rôle essen-
tiel dans le mécanisme de l’activation, il paraît peu compatible avec l’hypothèse d’une
action chimique proprement dite.
La fatigue persiste longtemps, parfois des semaines; cette persistance explique les
,insuccès que l’on éprouve quelquefois dans ces expériences quand on les répète avec une
même feuille ; il est avantageux, pour les effectuer de prendre chaque fois une feuille vierge
et tenue à l’obscurité depuis longtemps.
-3. La température agit sur les substances radioactivées comme sur les substances
phosphorescentes ordinaires.
’
On place une feuille préalablement activée au-dessus d’une plaque photographique et
on maintient pendant deux heures une moitié de la feuille à une température d’une tren-
taine de degrés, l’autre moitié étant maintenue à la température ordinaire; la partie de la plaque qui se trouve sous la moitié chaude est plus impressionnée que l’autre (cliché 1, figure 9, Pl. II). Faisant ensuite disparaître l’inégalité de température, on laisse cette même
feuille au-dessus d’une nouvelle plaque pendant une douzaine d’heures; la partie précé-
demment chauffée impressionne moins fortement la plaque que ne le fait sa voisine
(cliché 2, fig. 9). Comme pour la phosphorescence ordinaire, une augmentation de tempé-
rature accroît donc la valeur de l’activité du corps, mais en diminue la durée.
En résumé, les corps radioactivés se comportent comme des corps phosphorescents qui émettraient des radiations appartenant exclusivement à la partie invisible du spectre.
4. Conséquences : explication d’anomalies.
-Quelle que soit l’origine et l’explica
tion du phénomène, il résulte incontestablement des expériences précédentes qu’un certain
nombre de substances deviennent photographiquement actives sous l’action des cellules semi-conductrices: en conséquence de ce fait, il est facile d’expliquer un certain nombre ,d’anomalies que l’on rencontre dans l’exécution de radiographies d’objets de faible épais-
seur, comme celles que nous avons antérieurement indiquées (1).
Les feuilles de papier qui enveloppent les objets à radiographier, devenant photogra- phiquement actives, il s’ensuit que le mécanisme des radiographies obtenues diffère essen-
tiellement de celui des radiographies faites avec les rayons X ordinaires. Dans ces dernières, l’enveloppe contenant les objets opaques aux rayons X, joue un rôle passif, elle se laisse
traverser et n’exerce par elle-même aucune action sur la plaque sensible ; dans les premières
au contraire, l’enveloppe joue un rôle actif, et à l’impression possible de la plaque par le
rayonnement direct de la cellule, s’ajoute l’action certaine de l’enveloppe de papier que ce rayonnement active. Les choses se passent en somme comme si on faisait avec des rayons X
.