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Cent trente ans d’anticorps-médicaments

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REVUE MÉDICALE SUISSE

WWW.REVMED.CH 12 décembre 2018

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AVANCÉE THÉRAPEUTIQUE

CENT TRENTE ANS D’ANTICORPS-MÉDICAMENTS

Elargir le panorama temporel pour mieux prendre la dimension des progrès.

C’est, sous l’angle croisé des anticorps et de la thérapeutique, l’exercice auquel vient de se livrer le Pr Yvon Lebranchu (Université François Rabelais, CHU de Tours) devant l’Académie nationale fran- çaise de médecine.1 Un regard englobant cent trente ans d’histoire concernant « les médicaments biologiques ciblés par la reconnaissance spécifique d’un antigène ».

Tout, ou presque, commence à l’époque de la science triomphante à la fin du XIXe siècle. C’est la « sérothérapie » découverte, de part et d’autre du Rhin, en 1888 avec, d’une part, le tandem Jules Héricourt (1850-1938) – Charles Richet (1850-1935) et de l’autre, Emil Adolf von Behring (1854-1919) – ce qui valut à ce dernier le prix Nobel 1901 de médecine. Ce sont les premiers pas de l’immunisation artificielle

passive (ou biothérapie) : utilisation à des fins thérapeutique d’un sérum immunisant d’origine animale ou humaine. Objectif : neutraliser un antigène pathogène.

L’histoire retient, comme naissance offi- cielle, la publication à Berlin, le 6 décembre 1890, des travaux de von Behring et Kita- sato « sur l’établissement de l’immunité contre la diphtérie et le tétanos chez les animaux ».2

« Néanmoins, la paternité de cette dé- couverte aurait dû revenir à Jules Héricourt et Charles Richet, estime aujour d’hui le Pr Lebranchu. Deux ans plus tôt, ils avaient présenté à l’Académie des sciences, lors de la séance du 5 novembre 1888, une nou- velle méthode universelle d’immunisation contre les maladies infectieuses par trans- fert d’immunité humorale, naturelle et acquise par vaccination.3 Ayant remarqué que le chien était naturellement résistant à une infection à Staphylococcus pyosepticus, contrairement au lapin, ils avaient démontré que d’une part, la transfusion péritonéale de sang de chien au lapin conférait au lapin

une immunité vis-à-vis de cette bactérie et que d’autre part, cette immunité était plus forte si le chien donneur avait subi aupa- ravant des inoculations de Staphylococcus pyosepticus.

Puis, très vite, les essais cliniques de la sérothérapie antidiphtérique firent l’objet d’une concurrence acharnée entre la France et l’Allemagne. Le premier malade de von Behring est soigné lors de la nuit de Noël 1891 tandis qu’Emile Roux (1853-1933) met pour sa part au point un protocole précis et fiable d’immunisation avec l’anatoxine et de recueil du sérum antidiphtérique chez le cheval – permettant un grand essai thérapeutique aux Enfants Malades (Paris).

Entre le 1er février au 24 juillet 1894, trois cents enfants sont traités avec une chute de mortalité de 51,71 % à 24,5 %. »

Dès l’année suivante, un comité était créé, sous l’autorité de l’Académie fran- çaise de médecine, chargé de contrôler les autorisations données aux laboratoires de fabriquer les sérums. Et dans les décennies qui suivirent la sérothérapie ne cessera JEAN-YVES NAU

jeanyves.nau@gmail.com Afin d’examiner l’association entre les troubles liés à l’utilisation d’alcool et le risque de démence, cette étude a utilisé une cohorte rétrospective nationale de tous les adultes âgés de 20 ans et plus admis dans un hôpital en France métropolitaine entre 2008 et 2013.

Les chercheurs ont examiné des sous-types de démence : la démence à début précoce (définie par un diagnostic avant l’âge de 65 ans), les dommages cérébraux liés à l’alcool, la démence vascu- laire, et d’autres démences (incluant la maladie d’Alzheimer).

Les covariables étaient : facteur de risque vasculaire, présence de maladies cérébrovasculaires et maladies cardiovasculaires, niveau d’instruction, dépression, perte

auditive, troubles visuels, apnées du sommeil, ainsi que des maladies pouvant conduire à de rares formes de démence (par exemple, urémie).

Les troubles liés à l’utilisation d’alcool étaient associés à un risque augmenté de démence (Hazard Ratio (HR) : 3,34 pour les femmes et 3,36 pour les hommes) ; ces HR étaient plus élevés que pour tous les autres facteurs de risque étudiés (par exemple, hypertension artérielle : HR 1,43 pour les femmes et 1,35 pour les hommes).

Les troubles liés à l’utilisation d’alcool étaient associés à un risque augmenté pour chaque type de démence. Sur les 57 353 (5 %) cas de démence à début précoce, la plupart étaient soit liés à l’alcool par définition (par exemple, dommage cérébral lié à l’alcool, 39 %) ou avaient un diagnostic de troubles liés à l’utili-

sation d’alcool (18%).

Commentaires : Cette étude contraste avec les études qui suggèrent des bénéfices potentiels d’une faible consommation d’alcool et amène des preuves sur les effets néfastes de l’alcool sur la fonction cérébrale. Les troubles associés à l’utilisation d’alcool étaient le facteur de risque modi- fiable le plus influent sur le risque de démence dans cette étude ; ces résultats suggèrent que la charge

de démence attribuée à l’alcool pourrait être plus importante qu’estimée précédemment.

Dr Nicolas Bertholet

(version originale anglaise et traduc- tion française)

Les troubles liés à l’utilisation d’alcool sont associés à un risque augmenté de démence

DÉPENDANCES EN BREF Service d’alcoologie, CHUV, Lausanne

Référence : Schwarzinger M, Pollock BG, Hasan OSM, et al. Contribution of alcohol use disorders to the burden of dementia in France 2008-13 : a na- tionwide retrospective cohort study.

Lancet Public Health 2018;3:e124-32.

D.R.

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ACTUALITÉ

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d’élargir son champ d’activité – essentiel- lement pour prévenir ou traiter les maladies infectieuses : sérothérapies antidiphtérique, antirabique ou antitétanique. Des sérums animaux furent aussi utilisés avec succès contre les venins de serpents et de scorpions.

« Cette branche thérapeutique a néces- sité la mise en place de toute une logis- tique pour élever des animaux,

essentiellement des chevaux, les immuniser, recueillir le sérum, titrer son activité, le stériliser, le conditionner et le distribuer et, dans la seconde moitié du XXe siècle, le frac- tionner pour en séparer les immunoglobulines, nous rap- pelle le Pr Lebranchu. Ces préparations contenaient des anticorps contre de nombreu-

ses spécificités. Il s’agissait donc d’anti- corps polyclonaux. Ces sérums pouvaient aussi, surtout en cas de répétition, dé- clencher des réactions indésirables car ils contenaient des protéines animales immunogènes contre lesquelles le receveur était susceptible de s’immuniser. Aussi ont-ils été remplacés, lorsque c’était pos- sible, par des sérums d’origine humaine prélevés chez des patients immunisés ou guéris. »

Des sérums de convalescents ont ainsi été utilisés pour prévenir la rougeole et, avant l’ère des antibiotiques, pour traiter les pneumonies et les méningites à pneu- mocoque et à méningocoque. Aujourd’hui encore, des préparations polyclonales d’IgG humaines spécifiques sont encore utili- sées en prévention du tétanos mais aussi en prévention d’infections virales pour neutraliser le cytomégalovirus ou le virus de l’hépatite B chez le nouveau-né, en cas de contamination accidentelle ou de greffe d’organe. Des immunoglobulines anti- rhésus sont également préparées à partir de donneurs rhésus négatifs immunisés avec des hématies rhésus positifs. Elles sont utilisées pour prévenir la maladie hémolytique du nouveau-né chez les femmes rhésus négatifs porteuses de fœtus rhésus positifs.

Puis vint l’ère moderne, près d’un siècle après les fulgurances d’Héricourt- Richet et von Behring. En 1975, Georges Köhler (1946-1995) et César Milstein (1927-2002) publient dans Nature 4 une technique permettant d’isoler in vitro une seule cellule plasmocytaire productrice d’anticorps, de l’immortaliser et ainsi de produire des anticorps issus d’un seul clone et ne reconnaissant qu’une seule structure antigénique (un seul épitope).

Cette découverte leur vaudra le prix Nobel 1984 de médecine.

« C’est en 1975 que MM. George Köhler et César Milstein, dans une modeste lettre publiée par la revue Nature, ont annoncé la découverte qui devait révolutionner le domaine de l’immunologie : la réussite d’une

“fusion”, d’une hybridation de cellules productrices d’anticorps spécifiques et de cellules malignes, donnant aux cultures de ces “hybrides” un caractère permanent, immortel, rappor- tait alors, dans les colonnes du Monde,5 le Dr Claudine Es- coffier-Lambiotte. Deux autres publications, en 1976, préci- saient cette découverte, qui autorisait, dès lors, la produc- tion indéfinie d’anticorps purs et dont la portée devait se ré- véler immense, tant pour la science fondamentale que pour la médecine clinique, le diagnostic ou la thérapeutique, ou par ses applications industrielles. »

Aujourd’hui, ces anticorps thérapeu- tiques monoclonaux peuvent avoir diffé- rentes fonctions (cytolytiques, agonistes, neutralisants) et sont utilisés dans de très nombreuses spécialités (hématologie, rhuma tologie, dermatologie, gastroentéro- hépatologie, neurologie, néphrologie, pneu- mologie, cardiologie, urologie, gynécologie) selon leurs actions (anti-inflammatoires, antitumorales, anti-infectieuses, antialler- giques, anticholestérolémiantes, immuno- suppressives ou immunostimulantes). Et ce sont les inhibiteurs des check points de la réponse immunitaire, dont la décou- verte a été récompensée par l’attribution du prix Nobel 2018 de médecine à James Allison et Tasuku Hanjo.

« Ils représentent une révolution en oncologie en rétablissant la réponse immu- nitaire anticancer et entraînant des rémis- sions cliniques parfois spectaculaires dans

des cancers jusque-là intraitables, comme les mélanomes métastatiques ou certains cancers du poumon. Leur marché est éva- lué en 2015 entre 45 et 100 milliards de dollars » souligne le Pr Lebranchu.

On ne saurait pour autant, selon lui, ignorer ou sous-estimer ici les complica- tions de ces anticorps monoclonaux thé- rapeutiques.6 Complications infectieuses : ils peuvent entraîner un déficit immu- nitaire en détruisant ou en bloquant un ou plusieurs composants de ce système.

Complications autoimmunes avec les inhibiteurs du check point : en libérant les freins de la réponse immunitaire, ces anti- corps peuvent en effet entraîner une réponse autoimmune avec des manifestations cli- niques telles que des thyroïdites.

« Au total, les anticorps thérapeutiques ont constitué au cours des cent trente dernières années un exemple réussi de re- cherche translationnelle récompensée par de nombreux prix Nobel de médecine, conclut-il. Ils représentent actuellement la majorité des médicaments innovants et les anticorps anti-inhibiteurs des points de contrôle de la réponse immunitaire sont à la fois une révolution conceptuelle et un espoir pour les patients. »

LES ANTICORPS THÉRAPEU- TIQUES ONT CONSTITUÉ UN EXEMPLE RÉUSSI

DE RECHERCHE TRANSLATION-

NELLE

1 Lebranchu Y. Histoire des anticorps thérapeutiques.

Bull Acad Natl Méd 2018;202, n°8, séance du 20 novembre 2018.

2 Behring E, Kitasato S. Ueber das zustandekommen der Diphterie-immunitat und der Tetanusimmunitat bei tieren. Dtsch Med Wochenschr 1890;16:1113-4.

3 Héricourt J, Richet C. De la transfusion péritonéale, et de l’immunité qu’elle confère. C R Acad Sci 1888;

107:748-50.

4 Köhler G, Milstein C. Continuous cultured of fused cells secreting antibody of predefined specificity. Nature 1975;256:495-7.

5 Escoffier-Lambiotte C. Les clés d’or de la biologie. Le Monde du 16 octobre 1984.

6 Lebranchu Y. Complications infectieuses des anticorps thérapeutiques. Rev Med Int 2015; 36S:A19-A21.

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