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arallèlement à la mise en place de soins standardisés, à la promo- tion d’une médecine «basée sur les preuves», à l’introduction d’une rationalité économique dans les systèmes de soins et à la technicisation de l’art médical, nous voyons émerger dans les discours médicaux et publics des concepts comme ceux de patient-centeredness, shared decision-making ou empowerment.Rappelons ici cette banque qui, réduisant considérablement le nombre de ses guichets pour lancer le e-banking, affichait le slogan suivant : «Banque XY plus proche de vous»… En médecine, les discours actuels proclament que «le patient est au centre». Soit ! La question se pose toutefois de sa- voir au centre de quoi. Au centre de l’intérêt, de l’attention, des soins, nous dit-on, alors que ces soins sont standardisés, économicisés et tech- nicisés.
Cela revient à dire que le patient se trouve au centre d’injonctions paradoxales au même titre que son médecin soignant. Cela revient égale- ment à dire que le patient est à même d’optimiser sa prise en charge, et donc qu’il est autonome, qu’on s’adresse à lui en tant que sujet et qu’on le soigne dans sa globalité. Ces notions sont en fait des présupposés. Ils présupposent que le patient est déjà autonome, qu’il est un sujet que le médecin rencontre dans sa réalité biologique, psychologique, sociale et sociétale. Cela présuppose également que le médecin est en mesure de connaître ou de questionner les fondements des notions de sujet et d’autonomie. Ce qui implique que le regard du médecin ne se fixe pas sur l’individu-patient et sur sa propre interaction avec lui. Il s’agit pour le mé- decin de poser son regard à la fois sur lui-même et sur le dispositif médical, lequel – dans le même temps – est façonné et façonne ses membres.
Les soins médicaux ne relèvent pas seulement de l’exercice d’un mé- tier : ils incluent une «dimension réflexive au niveau des praticiens et des patients quant à leur rôle dans la production des dispositifs médicaux et sanitaires et, enfin, la dimension de critique sociale de la manière dont la médecine produit, maintient et utilise son autorité à travers les champs sociaux».1
Deux articles de ce numéro de la Revue Médicale Suisse centré sur la
«psychiatrie de liaison»2,3 visent à apporter un «autre regard» et invitent à étendre notre champ de perception.
Le patient est au centre !
«… le patient se trouve au centre d’injonctions para- doxales au même titre que son médecin …»
éditorial
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 12 février 2014 371
Editorial
F. Stiefel
du professeur
Friedrich Stiefel
Service de psychiatrie de liaison CHUV, Lausanne
et du docteur
Alessandra Canuto
Service de psychiatrie de liaison et d’intervention de crise HUG, Genève
Articles publiés sous la direction
Bibliographie
1 Panese F. Situation des sciences sociales de la médecine et de la santé. Bulletin SAGW 2013;3:42-3.
2 Stiefel F, Bourquin C, Saraga M. Instances d’alié- nation : portrait du patient tiraillé – I Individu et contexte. Rev Med Suisse 2014;10:373-5.
3 Stiefel F, Saraga M, Bourquin C. Instances d’alié- nation : portrait du patient tiraillé – II Dispositif médical et discours dominants. Rev Med Suisse 2014;
10:376-9.
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