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«E
t vous docteur, vous êtes-vous vacciné ?» Voici une ques- tion que certains de vos patients vous auront peut-être posée en cette période automnale.Au-delà du rôle d’exemplarité que les médecins et les soignants en gé- néral devraient – peut-être – avoir en termes de comportement favorable à leur propre santé, se pose la question de notre rôle de professionnels de la santé et, par conséquent, de la sécurité avec laquelle nous prenons en charge nos patients : «ai-je tout mis en œuvre pour ne pas prétériter la
santé de mes patients ?»
Les données scientifiques, même si elles comportent des limites vu la diffi- culté d’isoler l’impact de la vaccination antigrippale par rapport à d’autres fac- teurs, suggèrent que cette intervention est sûre et efficace, limitant fortement la transmission du virus et par là contribuant à diminuer la morbi-mortalité liée à la maladie. Compte tenu de son coût et des coûts indirects faibles, elle est également efficiente, puisque c’est l’une des interventions pré- sentant un excellent rapport «coût-efficacité».
Ce geste simple – se faire vacciner – est à nos yeux illustratif, voire em- blématique d’un véritable «acte citoyen» de la part du médecin. Se faire vacciner, c’est non seulement pour notre propre santé, mais également pour favoriser celle des autres. Cette responsabilité sociale du médecin, donc du corps médical, devrait, peut-être, être mieux mise en exergue.
Notre objectif devrait être également de transmettre cette perspective de responsabilité sociale au sein de nos proches collaborateurs/trices, au sein du cabinet, de la permanence, de la clinique, du service dans lequel nous travaillons.
Ne pas se vacciner comporte un risque d’externalité, au sens où un comportement d’un acteur social a des conséquences non seulement en interne (pour lui-même), mais également en externe (pour autrui). Les médecins l’ont bien compris pour les mesures de protection contre le ta- bagisme passif : ils ont été nombreux, en particulier les médecins pneu- mologues et généralistes/internistes, à s’engager pour faire adopter une loi favorisant les lieux publics sans fumée. Dans cette même perspective, il nous semble crucial que ce corps professionnel soit sans ambiguïté en faveur des vaccinations. Notons à cet égard que la vaccination contre l’hé- patite B dans le cadre médico-professionnel bénéficie d’un soutien quasi unanime des soignants. Cette attitude est par ailleurs en concordance avec les valeurs de la charte du professionnalisme, en particulier son cha- pitre sur l’altruisme du médecin.
Certains vont même plus loin faisant de l’obligation de se vacciner contre la grippe une condition d’embauche dans un établissement médical.
C’est le cas en Pennsylvanie où plusieurs hôpitaux affichent ainsi un taux de couverture vaccinale des collaborateurs de 98% et où certains ont perdu leur emploi pour avoir refusé de se faire vacciner ! La décision d’imposer cette mesure se fonderait sur trois principes éthiques des professionnels
Faut-il rendre obligatoire
la vaccination contre la grippe pour le personnel médical ?
«… Cette responsabilité sociale du corps médical devrait, peut-être, être mieux mise en exergue …»
éditorial
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 30 novembre 2011 2323
Editorial
J. Cornuz N. Senn
Jacques Cornuz
Directeur, médecin-chef PMU, Lausanne Articles publiés
sous la direction du professeur
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de la santé : 1) les intérêts des patients priment sur ceux des soignants, 2) Primum non nocere (d’abord ne pas nuire) et 3) protéger les personnes vul- nérables ne pouvant se protéger elles-mêmes. Nombre d’experts en
bioéthique n’hésitent plus à de mander ou- vertement une obligation pour le personnel soignant de se vacciner contre la grippe, com- me récemment révélé par la littérature scien- tifique anglo-saxonne.1-4 Cela démontre que le sujet n’est plus tabou et que la question n’est peut-être plus de savoir s’il est recom- mandé que médecins et soignants se vacci- nent contre la grippe, mais bien de savoir s’il faudrait rendre la vaccination obligatoire.
Le changement potentiel de paradigme est de taille et les enjeux du débat à venir, y compris en Suisse, ont le mérite d’être clairs. Peut-être qu’à l’avenir les patients ne nous demanderont plus «Et vous docteur, vous êtes-vous vacciné ?», car cela ira de soi… En attendant, bon hiver !
2324 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 30 novembre 2011
«… Nombre d’experts en bioéthique n’hésitent plus à demander ouvertement une obligation de se vacciner…»
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 30 novembre 2011 0
Bibliographie
1 Behrman AJ, Caplan AL, et al. Doctors choosing not to be vaccinated is choosing to do harm. BMJ 2011;343:d7198.
2 Caplan A. Time to mandate influenza vaccination in health-care workers. Lancet 2011;378:310-1.
3 Dunning J, Nguyen-Van-Tam J, et al. Doctors
accepting flu vaccination is the sensible and res- ponsible choice. BMJ 2011;343:d7199.
4 Ottenberg AL, Wu JT, et al. Vaccinating health care workers against influenza : The ethical and le gal rationale for a mandate. Am J Public Health 2011;
101:212-6.
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