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LE PORTE-PAROLE DE LA DGSN SE CONFIE

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Academic year: 2022

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1345 - Du 24 au 30 avril 2020

Prix : 15 Dhs

© Photo DR

Interview de Driss El Azami El Idrissi, président du conseil national du PJD et député-maire de Fès :

“S’ENDETTER, D’ACCORD, MAIS DANS QUEL BUT ?”

LE PORTE-PAROLE DE LA DGSN

SE CONFIE

À MAROC HEBDO

INTERVIEW EXCLUSIVE DU COMMISSAIRE DIVISIONNAIRE, BOUBKER SABIK.

LIMITATION DES DÉPLACEMENTS, NOUVELLE APPLICATION NUMÉRIQUE DE CONTRÔLE, FAKE NEWS ET ESCROQUERIE…

Boubker Sabik, porte-parole de la DGSN et de la DGST.

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PAR MAROUANE KABBAJ

IL FAUT ABSOLUMENT SE FAIRE CONFIANCE

Aujourd’hui, au Maroc, il est question de cultiver une culture de confiance entre nous et dans nos institutions.

C’

était attendu. Et

c’était inévitable.

Attendu, le pas- sage à l’étape 3 du confinement, ou tout bonnement le confinement to- tal, est justifié et incontournable. De prime abord, le nombre de personnes contaminées approche à grands pas la barre des 4.000. Ce plafond psy- chologique qui devrait inquiéter sera finalement atteint dans les heures qui viennent. Le relâchement et l’insou- ciance constatés ces derniers jours de certains de nos compatriotes, au- tant dans les grandes villes que dans les patelins lointains, n’en est qu’un facteur. Il y en a un autre, non né- gligeable et non moins important, à prendre en considération. En vérité, il y a aussi la généralisation relative des tests de dépistage qui a permis de déceler la présence de ce virus fatal chez nombre de personnes ne présentant pas de symptômes pa- tents, visibles. Ce qu’il faut savoir, c’est que ce sont des amis, des proches et peut-être des collègues qui circulent librement, qui nouent contact et qui échangent densément avec nous sans qu’ils ne dégagent le moindre symptôme publiquement re- connu mais qui transmettent le virus qu’ils portent. Ils représentent un danger certain pour la communauté et contribuent à propager le nouveau coronavirus.

Asymptomatiques, ces porteurs du virus doivent être détectés et mis en quarantaine, pour ne pas dire mis

«hors d’état de nuire». Et c’est à ce niveau que l’on peut comprendre pourquoi le confinement total était inévitable, voire souhaité. Quand le ministère de l’Intérieur a annoncé, le 23 avril 2020, l’interdiction de dé- placement nocturne à compter du 1er Ramadan entre 19H00 à 05H00, dans le cadre du renforcement des mesures de l’état d’urgence sanitaire durant le mois sacré, c’était juste- ment pour faire d’une pierre deux coups. On savait que les Marocains

ont pris l’habitude quelques jours à la veille et pendant le Ramadan de faire leurs emplettes, même plusieurs fois par jour. Et l’inavoué, ce sont ces personnes asymptomatiques qui croiseront dans les souks, les mar- chés, les commerces… cette grande foule friande des mets et recettes atypiques de ce mois sacré.

Il fallait agir au plus vite. Aussi, avant l’annonce de la Fatwa du conseil supérieur des oulémas interdisant les Tarawihs, sur le net, des ap- pels inconscients ont circulé pour des prières surérogatoires clandes-

tines qui soi-disant respectent des consignes de sécurité (1 mètre de distance entre deux fidèles…). Fal- lait-il patienter et prendre le risque de voir ces «insoumis» infidèles aux consignes du confinement commettre l’irréparable? Absolument pas.

Derrière les vieux bâtiments qui abritent les responsables de la sécu- rité de ce pays, il y a des stratèges.

Des têtes bien pensantes qui ont bien su gérer cette crise sanitaire, avec les particularités et les spécificités de la culture marocaine et en prenant en compte la mentalité marocaine.

Oui, ce sont des éloges. Amplement mérités. Car en Italie ou en France, pays auxquels une large catégorie de Marocains aiment se référer et que la moindre est magnifiée, le passage au stade 3 a été retardé et dont le point de déclenchement a été dilaté. La résultante est in fine indescriptible, macabre.

Aujourd’hui, au Maroc, et dans les conditions actuelles, il est question de cultiver une culture de confiance entre nous et dans nos institutions, même si certains avancent que son capital a été réduit telle une peau de chagrin. Il faut absolument se faire confiance. S’ils décrètent le confine- ment total, c’est dans notre intérêt.

Heureusement, la grande majorité l’a compris. L’heure est grave. Il faut se mobiliser pour dépasser cette époque la tête haute, en prenant soin bien entendu, une fois arrivés au quai de la sûreté, de marquer avec un feutre les erreurs à ne pas reproduire l

ÉDIT OR IA L

Etape 3, confinement total

ASYMPTOMATIQUES, CES PORTEURS DU VIRUS DOIVENT ÊTRE

DÉTECTÉS ET MIS EN

QUARANTAINE.

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COUVE RTURE

Propos recueillis par Marouane KABBAJ

LE PORTE-PAROLE DE LA DGSN

SE CONFIE

À MAROC HEBDO

INTERVIEW EXCLUSIVE DE BOUBKER SABIK, SUR LE DISPOSITIF

DE LA SURETÉ NATIONALE POUR FAIRE RESPECTER L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE.

A partir du 1er Ramadan, tous les déplacements noc- turnes, de 19 h à 5 h du matin, seront interdits. Qu’est-ce qui justifie une telle décision?

Ce sont les autorités publiques, représentées par le minis- tère de l’Intérieur et le ministère de la Santé, qui ont pris cette décision pour préserver la santé des Marocains. Le rôle des services de police est de veiller sur l’application des mesures de confinement prises dans le cadre de l’urgence sanitaire. Ils sont un acteur essentiel dans l’application de ces mesures, sur un plan préventif ou dissuasif d’abord, à travers le renfor- cement des points de contrôle et des rondes quotidiennes puis sur le plan répressif par l’application des sanctions contre les contrevenants. Toutes les personnes qui enfreignent les dis- positions réglementaires encourent des sanctions qui peuvent être des peines privatives de liberté ou des amendes. Donc, dans le milieu urbain, les officiers et agents de police judiciaire sont chargés d’interpeller et de déférer devant la justice ces personnes qui ne respectent pas la loi en vigueur pendant cette période d’état d’urgence sanitaire.

Mais pourquoi en ce moment précis? L’avènement de Ra- madan y est pour quelque chose?

Chaque plan de travail sécuritaire est précédé d’un travail d’études, d’analyse et de prévision. À chaque Ramadan, les gens se déplacent fortement notamment après la rupture du jeûne, soit pour l’accomplissement des prières d’Al Ichae et

SOCIÉTÉ

&

Santé

Dans cette interview exclusive, en cette période particulière marquée par le passage au confinement total visant la limitation de la propagation du coronavirus, le Porte-parole de la Direction générale de la Sûreté nationale et de la Direction générale de la Surveillance du territoire, le commissaire divisionnaire Boubker Sabik, accompagné de Layla Ezzouine, commissaire principale chef de service central de lutte contre la criminalité liée aux nouvelles technologies rattachée à la direction de la police judiciaire, et Smail Kdidar, chef de division Etudes et Développement au sein de la direction des systèmes d’information et de la communication, parle des nouvelles mesures de limitation des déplacements en ce mois de Ramadan, de la nouvelle application numérique de contrôle, du dispositif de sécurité, des points de contrôle, des cas de fake news et d’escroquerie…

LIMITATION DES DÉPLACEMENTS, NOUVELLE APPLICATION NUMÉRIQUE

DE CONTRÔLE, FAKE NEWS ET ESCROQUERIE…

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Tarawih ou bien pour une autre occupation.

D’ailleurs, le Conseil supérieur des oulé- mas a interdit la prière collective pendant Ramadan pour éviter les rassemblements, préserver la santé des Marocains et empê- cher la propagation du virus.

Mais il y a eu des appels sur Facebook aux prières collectives. Cela a-t-il pesé dans une telle décision?

Si je vous dis que cette décision est une réaction à ces appels sur les réseaux so-

ciaux, c’est comme vous dire que les po- litiques publiques sont basées sur des facteurs conjoncturels ou temporels. Or, c’est faux. Comme vous le savez, dès les premiers signes de l’apparition du virus au Maroc, S.M. le Roi Mohammed VI a donné ses hautes instructions pour la mobilisation des autorités afin de réussir ce défi. Les autorités publiques et les services de police ont effectué des études prévisionnelles.

Pour notre part, la DGSN a réalisé des études prévisionnelles dans le domaine de

la sûreté et de la sécurité ainsi que dans la lutte contre les fake news qui se propagent rapidement sur les réseaux sociaux. Ces appels au déconfinement sur le net consti- tuent une partie des études. Nous les sui- vons. Beaucoup de gens ont commencé à publier des photos soi-disant prises à Tan- ger, montrant des attroupements de fidèles accomplissant la prière sur les toits des maisons, en période de confinement, bran- dissant ces slogans “Tous pour l’accom- plissement des prières de cette manière”.

Il s’est avéré que ce sont des fake news. Et nous avons communiqué avec l’opinion pu- blique en expliquant que ces photos ont été prises en Egypte. Personne n’est contre la prière. Sauf qu’aujourd’hui, notre mission principale est la préservation de la santé et des vies des Marocains. Le Commandeur des croyants, S.M. le Roi Mohammed VI, a donné la priorité à la santé des Marocains.

Nous avons constaté, ces derniers jours, un relâchement des citoyens.

Pourquoi et quelle a été la réaction de la DGSN?

Cette question de relâchement ou de dépla- cement intensifié des citoyens est à relati- viser. Le ministère de la Santé a constaté que beaucoup de citoyens ont renoncé, de- puis le début du confinement, à la vaccina- tion de leurs enfants. Il a donc fait un appel aux parents pour leur dire que la vaccina- tion des enfants est capitale et incontour- nable. Nous avons donc demandé à tous les services de police de faciliter la tâche à ces familles, à condition de justifier d’un carnet de santé de leurs enfants, ainsi qu’à tous les Marocains qui ont des rendez-vous avec leurs médecins ou dans les hôpitaux.

Concernant les automobilistes, je vous as- sure qu’il n’y a pas de relâchement. Et c’est d’ailleurs pour lutter contre un éventuel re- lâchement que la DGSN a mis au point une application numérique de contrôle baptisée

“Contrôle Covid-19”.

Boubker Sabik, porte-parole de la DGSN et de la DGST.

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application. On ne peut pas la télécharger ou la transférer non plus. Cette application a été testée dans un premier temps à Rabat puis à Temara et à Salé. Elle a donné de bons résultats. Elle a été appliquée à Casablanca à partir du 23 avril. Marrakech suivra. Et ainsi de suite jusqu’à sa généralisation. Son but est d’enrayer les déplacements anarchiques et inutiles. Son fonctionnement est simple.

L’agent de police dispose, via cette applica- tion, d’une seule donnée, en l’occurrence le numéro de la carte d’identité nationale de la personne contrôlée. Le but est de voir l’itiné- raire des déplacements de la personne à tra- vers les différents points de contrôle où elle a été pointée. Il n’y donc aucune violation des données personnelles. D’ailleurs, cette application a été développée en concertation avec une équipe de la Commission nationale de protection des données à caractère per- sonnel.

Revenons aux fake news et aux appels à enfreindre les consignes de confine- ment. Comment se présente la veille in- formatique au sein de la DGSN en cette période?

La veille informatique de la DGSN travaille sur ces sujets et soumet ses conclusions et ses constats aux décideurs. Elle est liée à la sécurité générale et au champ d’inter- vention de la police judiciaire. Tout ce qui se rapporte aux interventions étrangères, ce sont d’autres services qui s’en occupent. Les équipes de la commissaire principale Layla Ezzouine, cheffe du service central de la lutte contre la criminalité liée aux nouvelles technologies rattaché à la Direction de la police judiciaire. Celle-ci a mis en place un système de veille, sachant que l’avènement d’une pandémie, d’un fléau ou d’une crise sécuritaire est toujours accompagné de fake Comment cette application peut-elle limi-

ter les déplacements inutiles?

Il faut savoir d’abord que cette application a été développée en interne, en seulement deux semaines, par une équipe d’ingénieurs et de techniciens de la DGSN, sous la super- vision du commissaire divisionnaire Smail Kdidar, chef de division Etudes et Dévelop- pement au sein de la direction des systèmes d’information et de la communication de la DGSN. Cette application a pour objectifs de donner à l’agent de police un outil infor- matique pour appliquer la loi relative à l’état d’urgence sanitaire et pour contrôler les dé- placements sous autorisation des citoyens en lui procurant assez d’informations sur ceux-ci. Il saura si le citoyen est passé par d’autres points de contrôle et s’il a enfreint les consignes de confinement.

Comment s’assurer qu’elle ne sera pas utilisée de manière abusive?

Cette application est mobile. Des agents du service technique de la DGSN l’installent sur les smartphones des agents de police en poste sur le point de contrôle, préalable- ment habilités à en faire usage. Ce n’est pas n’importe quel policier qui peut installer cette

“CETTE APPLICATION A ÉTÉ DÉVELOPPÉE EN CONCERTATION AVEC UNE ÉQUIPE DE LA

COMMISSION NATIONALE DE PROTECTION DES DONNÉES À CARACTÈRE PERSONNEL.”

Boubker Sabik, accompagné de Layla Ezzouine, commissaire principale chef de service central de lutte contre la criminalité liée

aux nouvelles technologies rattachée à la direction de la police

judiciaire et Smail Kdidar, chef de division Etudes et Développement

au sein de la direction des systèmes d’information et de la communication.

Le vendredi 24 avril 2020. Rabat.

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news. Les équipes de la commissaire prin- cipale Layla Ezzouine travaillent sur la cy- bercriminalité, l’escroquerie, les extorsions, l’incitation contre les personnes et les biens, l’incitation à la violation des consignes de confinement… mais aussi sur la veille sur internet 24h/24, 7j/7.

Justement, relativement aux faits de vio- lation des consignes de confinement rele- vés dans plusieurs villes et notamment à Tétouan et Tanger, avez-vous détecté ces incitations très tôt?

Nous avons détecté ces incitations en temps réel. C’était au début du confinement, il y avait des précipitations, et des gens vou- laient appeler au “latif”. Alors ils ont investi la rue. La riposte des forces de l’ordre a été instantanée et ferme. Les instigateurs, deux à Tanger, trois à Tétouan et cinq à Fès, ont été déférés devant la justice. Puis, tout est rentré dans l’ordre. Les instigateurs sont des personnes lambda. Ils ne sont ni Imams ni extrémistes. Mais la loi est claire dans ce sens. Car ils ont exposé leur vie et celle des autres au danger.

Quels autres phénomènes avez-vous dé- celé lors de votre veille informatique en cette période de confinement?

Beaucoup de personnes considèrent les fake news comme un jeu ou une manière de se distraire. Or, ces fake news occupent une place importante dans le plan de travail de la DGSN. Il y avait, par exemple, des fausses informations qui appellent à faire attention contre des voleurs qui se passent pour des médecins et infirmiers portant des masques et des blouses blanches. Dans la forme, elle apparait comme une rumeur qu’il suffit juste de démentir. Or, quand elle circule et se partage, elle fait ses effets néfastes, dans ce sens où les Marocains n’auront plus confiance dans les éléments de la Protection civile et les responsables du ministère de la Santé. Autrement dit, si quelqu’un a le coro- navirus ou a des doutes d’être porteur du co- ronavirus, il ne va pas informer les autorités sanitaires. Et même s’il le fait, il va refuser d’ouvrir la porte à l’équipe d’intervention spé- ciale Covid-19. Ce qui va se passer, c’est que des foyers de contamination vont être créés

au sein des familles et des usines. Vous ré- alisez maintenant la dangerosité d’une telle fausse information.

Une autre fake news a parlé du déploiement des militaires qui vont prendre la place de la police dans la ville de Marrakech, avec des mesures de fermeture des magasins de distribution et interdiction de circulation.

Sur le plan juridique, cela veut dire qu’on dit au peuple marocain que l’ordre public s’est effondré. Les enjeux d’une fake news de ce genre sont périlleux. Car on dit aux Maro- cains qu’il n’y aurait plus de nourriture, de médicaments… La conséquence directe est que tout le monde va s’approvisionner en même temps et en masse dans les marchés, les supermarchés, les pharmacies… Celui qui voulait acheter une boîte d’aspirine va prendre 20 boîtes à la fois. La rumeur et la manière dont elle est enrobée finit par mener en bateau presque toute la population. Dans les cas de crises, le citoyen est assoiffé d’in- formations. Et dans le flux d’informations qui lui parviennent s’infiltrent souvent deux ou trois fake news qui le poussent à y croire sans vérification.

Ceci dit, je précise que pour la quasi-totali- té des gens qui ont véhiculé ces fake-news, c’était un divertissement. Il y en a qui ne pen- saient pas que leurs fake news allaient avoir l’effet de boule de neige qu’elles ont fait.

Quel impact ces fake news ont-elles sur

le sentiment de sécurité des citoyens?

Je vous donne deux exemples concrets. Il y a eu une photo accompagnée d’un commen- taire de ce genre: “Si vous voulez récupérer vos aides financières (qui concernent les ramedistes, les employés des entreprises sinistrées déclarés à la CNSS…), ne sortez pas seuls. Il y a des agressions partout. Voici ce qui s’est passé dans telle ou telle ville”.

En vérité, la photo qui circulait sur Facebook et les autres réseaux sociaux a été prise au Mexique. Et quand on demande aux gens de sortir accompagnés, on leur signifie qu’il va falloir enfreindre les consignes de confi- nement. Celui qui a publié cette fake news est originaire d’El Jadida. Il a été arrêté.

D’autres individus dans d’autres villes ont été aussi interpellés pour avoir véhiculé la même photo.

Une autre photo avec ce commentaire “Re- gardez ces attroupements des gens devant les guichets bancaires pour retirer les aides financières. Les mesures de sécurité ne sont pas appliquées. Pourquoi ces aides financières ont été octroyées alors que les mesures d’accompagnement n’ont pas été mises en place?”, s’est répandue comme une trainée de poudre. Après vérification, il s’est avéré que la photo est bien réelle mais elle a été prise en Tunisie.

Combien de diffuseurs de fake news ont été alors interpellés?

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COUVE RTURE

Depuis le début du confinement et jusqu’au 23 avril 2020, 127 personnes ont été inter- pellées pour diffusion de fake news. En de- hors bien entendu de ceux qui ont été arrê- tés avant la déclaration de l’état d’urgence sanitaire comme ce Meknassi qui portait un masque et qui disait qu’il avait fui l’hôpital où d’innombrables cas de personnes atteintes du coronavirus ont été décelés. Il y a eu aus- si la fausse vidéo de soi-disant personnes malades allongées à même le sol.

Pour ce genre de fake news, aux yeux de la loi, la personne interpellée sera poursui- vie pour diffusion de fake news mais aussi pour d’autres délits comme la publication de photos de personnes sans leur consente- ment. Elle commet plusieurs délits à la fois.

Les gens pensent qu’un post sur Facebook ou la publication d’une vidéo truquée est un jeu d’enfant sans conséquences. Ils se retrouvent après poursuivis pour plusieurs délits: diffamation, injures, diffusion de fake news…

On a eu affaire à une directrice d’une agence de microcrédit à Marrakech qui a publié un audio où elle dit que la ville a été investie par les militaires et qu’il y avait des morts…

Quand on l’a interrogée, elle a rétorqué qu’elle a été surprise qu’il a suffi de 15 mi- nutes pour que son audio fasse le tour du monde.

Peut-on avoir une idée sur le profil des personnes arrêtées?

Il y a eu 127 personnes arrêtées pour dif- fusion de fake news, dont 92 hommes, soit 72% de la totalité. Par rapport à la tranche d’âge, 38% ont entre 20 et 29 ans et 33%

sont âgés entre 30 et 39 ans. Donc 71% ap- partiennent à cette tranche d’âge de 20 à 39 ans, soit la population la plus active sur les réseaux sociaux. Concernant la catégorie socioprofessionnelle, 58% exercent des pe- tits métiers (marchands ambulants, ouvriers, journaliers…) ou sont sans profession.

Ils sont suivis des élèves et des étudiants (24%). Pour le reste, ce sont des minorités.

Nous avons des cas isolés d’un médecin, d’un enseignant, d’un cadre, d’un infirmier…

Par rapport à la ventilation de ces cas par ville, les auteurs de ces publications sont établis dans différents régions du Maroc. Le

phénomène ne touche pas spécifiquement une région donnée (Tanger 9 cas, Settat 7 cas, 6 à Rabat, Fès, 4 à Tétouan, El Jadida et Casablanca…). Il n’y a pas un profil type.

Souvent, l’auteur trouve l’information et la partage sans trop réfléchir.

Est-ce que vous faites de la veille infor- matique anticipative?

Nous avons relevé, depuis le début de cette période de confinement, l’émergence de crimes économiques et financiers telles l’escroquerie via le net ou l’escroquerie matérielle. Notre service central, rattaché à la direction de la police judiciaire, fait de la veille informatique sur internet 24h/24 pour détecter des personnes qui font de l’escro- querie en vendant des faux produits ou des produits falsifiés. Grâce au travail accompli par les équipes de la commissaire principale Layla Ezzouine, nous avons publié une sé- rie de tweets sur le Twitter de la DGSN et un numéro spécial de Police magazine sur l’escroquerie sur internet en mettant l’accent sur la vente illicite de beaucoup de produits, dont les gels de désinfection et les masques non conformes aux normes. Toutes les annonces de vente louches sur internet, provenant de comptes personnels, sont su- jettes à vérification. Car cela peut constituer un danger pour la santé des gens. Notre

objectif est de détecter les contenus illicites de manière anticipative. Nous ne faisons pas de la surveillance des individus ou des internautes.

Ce service central a détecté une personne en train de vendre un gel de désinfection qui serait produit par une société basée à Mohammedia. Après vérification, il a été re- levé que la société en question ne produit pas de désinfectants. Il en a informé les services concernés à Mohammedia et à Bernoussi (Casablanca), et après enquête, ces derniers ont pu arrêter la personne en question en état de flagrant délit, avec 5.000 boîtes en sa possession. Il fabriquait ce gel désinfectant dans un hangar clandestin au quartier Moulay Rachid, à Casablanca.

Y a-t-il d’autres formes d’escroquerie qui caractérisent cette période de confine- ment?

A Marrakech, la SPPJ de Marrakech, en concertation avec la police judiciaire de Ben Ahmed, a pu mettre hors d’état de nuire un individu qui se passait pour un Caïd qui veut venir en aide aux personnes nécessiteuses et qui a pu collecter une grande somme d’argent auprès de pharmaciens d’officine.

Un autre individu a utilisé le même modus operandi sur Facebook. Il se servait d’un cachet falsifié et d’une carte de visite le

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présentant comme responsable d’une or- ganisation de scoutisme marocain et gérant d’un organisme d’œuvres sociales. Il a de- mandé et réussi à subtiliser de l’argent à 52 sociétés, basées entre Mohammedia et Casablanca, en les convaincant qu’il en fera profiter des personnes atteintes du corona- virus. Vu l’anticipation du service central et la communication quotidienne de la DGSN (via la MAP, la Télé, les radios, les comptes Facebook et Twitter de la DGSN…) autour de ces cas, les gens ont acquis une immuni- té contre ces formes d’escroquerie. Depuis l’affaire du faux Caïd de Marrakech, en deux semaines, nous n’avons enregistré aucune nouvelle affaire de ce genre.

Avez-vous arrêté des personnes vendant certains produits largement utilisés en cette période?

Nous avons publié le 23 avril 2020 un com- muniqué faisant état de l’arrestation de 96 personnes qui ont été déférées devant la justice pour, dans l’écrasante majorité des cas, confection, production ou de vente de masques non conformes aux normes, dans 15 villes marocaines. Il y avait des excep- tions qui ont été enregistrées avant l’état d’urgence sanitaire au moment où la pénurie de masques a été constatée partout en Eu- rope. Il y avait un ressortissant anglais d’ori- gine indienne qui s’apprêtait à exporter de manière illicite 16.000 masques médicaux FPP2 vers l’Angleterre, le 22 février. Puis, le 4 mars, à Tanger, nous avons saisi chez un autre ressortissant étranger 107.000 masques FPP2, achetés au Maroc et desti- nés à être commercialisés en Europe.

Qu’en est-il des personnes interpellées pour non-respect des consignes de confinement? Quelles infractions ont- elles commises précisément?

A ce jour, 61.129 personnes ont été inter- pellées dans toutes les villes, dont 32.725 ont été placées en garde à vue puis défé- rées devant la justice pour violation du dé- cret-loi encadrant l’état d’urgence sanitaire.

La plupart des personnes arrêtées n’avaient pas une autorisation qui justifie leur dépla- cement. D’autres ont été interpellées pour refus d’obtempérer à une sommation de

s’arrêter ou de présenter les papiers admi- nistratifs, émanant d’un agent de police. Il y en a qui font du transport clandestin entre les villes. Pire, à Safi, on a trouvé même des ambulanciers privés qui transportaient clan- destinement des personnes vers d’autres villes en contrepartie de 2.000 dirhams par personne. D’aucuns incitaient les citoyens à ne pas respecter les consignes de confine- ment, comme Abou Naïm ou Mi Naïma.

En tout état de cause, le confinement a dé- buté le 20 mars. Et ce qu’il faut savoir, c’est que, ce jour-là, il y a eu une note invitant les agents de police à faire plus de sensibi- lisation et de communication. Mais à partir du 21 mars, les arrestations ont commencé.

Est-ce que c’est juste une impression que l’on a que dans certaines villes, il y a eu plus d’arrestations?

Quand on voit qu’il y a eu 8.309 arrestations dans la wilaya de Casablanca, qui compte 13 districts, en plus de Mohammedia, Me- diouna, Tit Mellil, et si on dispatche sur tout le territoire, on va constater qu’il y a eu 400 arrestations par jour dans chaque comman- dement. Ce n’est donc pas beaucoup ou inquiétant. Au contraire. Les Marocains ont généralement bien respecté les consignes de confinement. C’est dire aussi que les communiqués que nous publions ont un en- jeu dissuasif et non répressif.

Quel est le dispositif sécuritaire déployé par la DGSN pour faire respecter l’état d’urgence sanitaire?

La DGSN compte 70.000 policiers. Si on re- tranche ceux qui travaillent dans les repré- sentations diplomatiques et consulaires, il reste 60.000 policiers qui sont intégralement déployés à travers le territoire national. Et le jour de la décision de la fermeture des fron- tières et de l’annonce de l’état d’urgence

sanitaire, tous les policiers des postes fron- tières, des groupes de voyages officiels et des centres d’enregistrement des données identitaires et des services de contrôle des étrangers ont été appelés à venir en renfort à leurs collègues des préfectures de police.

L’objectif est de renforcer le dispositif pour faire appliquer les consignes de confinement mais aussi pour sécuriser les personnes et les biens de ceux à qui on a demandé de fermer leur boutique ou leur restaurant, en renforçant le nombre des rondes.

Combien y a-t-il de points de contrôle sur le territoire national?

Chaque préfet de police a la prérogative d’adapter son plan d’action propre à sa ville, en installant les points de contrôle qu’il estime suffisants au niveau des inter- sections les plus pratiquées, des quartiers surpeuplés ou bien des sites sensibles (hô- pitaux…). Ce ne sont pas des points fixes mais bien mobiles. Chaque préfet peut dres- ser, par exemple, trois points de contrôle dans le même quartier aujourd’hui et les dé- placer demain en fonction du trafic. Ce que nous avons relevé, c’est que les citoyens, dans leur écrasante majorité, respectent les mesures de sécurité et les consignes de confinement. Les cas de non-respect des consignes sont rares.

Nous avons constaté que le taux de cri- minalité a baissé en général. Mais qu’en est-il du trafic de stupéfiants?

En effet, il y a eu globalement une baisse du taux de criminalité et du trafic des drogues.

Cela n’a pas empêché la saisie de grosses quantités de chira à Guergarat et à Assila et au port de Tanger Med, de psychotropes à Tanger et à Fès… l

“DEPUIS L’AFFAIRE DU FAUX CAÏD

DE MARRAKECH, EN DEUX SEMAINES, NOUS N’AVONS ENREGISTRÉ AUCUNE NOUVELLE

AFFAIRE DE CE GENRE. ”

(10)

POLITIQ UE

Prochain traçage des contaminations

LE PLAN CONTRE LA CRISE COVID-19

Mustapha SEHIMI

Le déploiement de la première version de l'application de traçage se fera le 30 avril, précédant la poursuite des travaux sur des versions suivantes.

L

e 9 avril 2020, le ministre de l’Intérieur a lancé un appel à manifestation d’in- térêt relatif à un plan pour une solu- tion de traçage des contaminations.

Il s’agit de mettre sur pied une solution digi- tale renforçant le dispositif actuel et préparant les prochaines étapes. Cette initiative s’ins- crit dans le cadre des recommandations de l’OMS, lesquelles considèrent que le traçage, les tests et l’isolement constituent la “colonne vertébrale” de la réponse à apporter au Co- vid-19. Le traçage permet l’identification des personnes potentiellement exposées à des patients contaminés, sur la base des antécé- dents de localisation.

Les tests, eux, opérés en masse, recouvrent les tests gratuits et les tests au volant. Quant à l’isolement des contaminés –ou potentiels-, il participe de l’auto-confinement même avec les symptômes légers, couplés avec une dis-

tanciation sociale à respec- ter.Plusieurs pays ont déjà appliqué des solutions di- gitales: Chine, Corée du Sud, Singapour, Royaume- Uni, etc. Au Maroc, la mise en place de cette solution obéit à plusieurs para- mètres. Il s’agit, avec le tra- çage des cas de Covid-19, d’opérer et de réussir une détection précoce et rapide

des contaminations et ce par l’historique de contact avec des cas confirmés; de cibler les tests en focalisant sur les populations à haut risque ou ayant été en contact avec des cas confirmés; et enfin de préparer le déconfine- ment en assurant un suivi pour isoler rapi- dement les nouveaux cas et éviter aussi de

nouveaux foyers locaux. Le plan marocain se propose de couvrir un ensemble de fonction- nalités avec des niveaux de priorités différents, les uns relatifs au back-tracking et au pilotage, les autres liés à une information officielle à l’ensemble des utilisateurs de cette solution sur les zones à risque pour leur permettre d’éviter celles-ci lors des sorties autorisées, les derniers à propos de la mise à disposition des utilisateurs d’une autorisation de sortie digitale pendant le déconfinement.

Protection et sécurité

Un tableau de bord va pouvoir ainsi être éla- boré et finalisé sur la base de plusieurs indica- teurs (nombre d’installations de l’application et évolution de ce chiffre, nombre de contaminés déclarées, nombre de potentiels contaminés et zones à risque élevé de contamination ou d’ap-

parition de foyers locaux, avec une gradation éven- tuelle. Cette solution sera la propriété intellectuelle du ministère de l’Intérieur. Elle sera déployée sur plusieurs millions de smartphones;

elle assurera la protection et la sécurité des données personnelles.

Les propositions des ac- teurs de l’écosystème digi- tal devaient être présentées le 13 avril puis sélection- nées le lendemain; les travaux devaient être lancés le 15 avril pour une livraison de la solution digitale le 24 avril avant le déploiement de la première version le 30 avril précédant la poursuite des travaux sur des versions suivantes. Une nouvelle étape donc dans la lutte contre le Covid-19 l

RÉUSSIR UNE DÉTECTION RAPIDE PAR L’HISTORIQUE

DE CONTACT AVEC DES CAS

CONFIRMÉS.

Abdelouafi Laftit.

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POLITIQ UE

Le gouvernement serre la vis

ÉLIGIBILITÉ À L'INDEMNITÉ VERSÉE PAR LA CNSS

Aissa AMOURAG

Sur 808.000 employés déclarés à la CNSS, 92.000 d’entre eux n’ont pas encore touché leurs indemnités au titre du mois de mars pour cause d’irrégularités.

V

ersée dans la précipitation et dans l’urgence, l’aide financière de la CNSS au titre du mois de mars, qui a bénéficié aux em- ployés en arrêt temporaire d’activité et dont les cotisations ont été payées au titre du mois de février 2020, connaît désormais un véritable coup de frein. Il est vrai que cette aide financière a constitué une véritable bouffée d’oxygène publique pour les sala- riés en difficultés financières. Mais il s’est avéré que son octroi a été mal géré et que certaines entreprises, qui ne sont pas réelle- ment en difficultés économiques, ont profité de ce mécanisme social pour faire payer la crise au fonds spécial dédié au Covid-19.

C’est ce que révèle officiellement le minis- tère de l’emploi et de la formation profes- sionnelle. Ainsi, sur 808.000 employés dé- clarés à la CNSS, 92.000 d’entre eux n’ont pas encore touché leurs indemnités au titre du mois de mars après avoir découvert que leurs dossiers sont entachés d’irrégularités

manifestes. Le ministre de l’emploi, Moha- med Amkeraz, cite plusieurs secteurs aux- quels appartiennent les salariés bloqués.

Parmi eux, les écoles privées, les boulange- ries, les cliniques privées et les entreprises de pêche. Pour les écoles privées, elles tiennent la part du lion dans le chiffre des salariés bloqués avec 44.000 personnes.

Nouveaux critères

Le ministre de l’emploi s’en prend direc- tement à ces écoles en déclarant qu’il est anormal que celles-ci perçoivent les frais de scolarité au titre du mois de mars et en même temps déclarent plusieurs de leurs salariés en arrêt temporaire d’activité. Il semble donc que le gouvernement se soit ravisé rapidement sur la procédure de dé- claration pour le mois d’avril, qui est désor- mais suspendue.

Pour mieux encadrer l’opération et éviter les tricheries et autres comportements ir- responsables de certaines entreprises,

il légifère deux textes fondamentaux. Le premier est le projet-loi numéro 25-20, qui édicte des mesures exceptionnelles en fa- veur des employeurs affiliés à la CNSS et de leurs employés déclarés, qui pâtissent réellement des retombées de la propagation du Covid-19.

Ce texte est déjà adopté par la Chambre des représentants, le mardi 21 avril dernier en attendant son adoption par la Chambre des conseillers, avant sa publication au Bul- letin officiel. Mais le deuxième texte régle- mentaire est certainement le plus décisif. Il précise, en effet, les critères fixés par le gou- vernement pour bénéficier de l’indemnité forfaitaire. Parmi les plus importants, l’entre- prise éligible doit pouvoir justifier une baisse de son chiffre d’affaires d’au moins 50% du- rant la période de l’état d’urgence sanitaire.

Autre critère: l’entreprise ne doit pas déclarer plus de 500 salariés. Dans le cas contraire, son dossier est traité par un comité spécial au niveau du ministère de l’emploi. À travers les nouvelles mesures prises, l’Etat espère ainsi remédier à une injustice flagrante à travers laquelle certains entreprises tentent de profiter, injustement et frauduleusement, de l’argent public pour se soustraire à leurs responsabilités et leurs devoirs de solidarité envers la Nation l

Abdellatif Mortaki, directeur général par intérim de la CNSS.

L’ENTREPRISE DOIT POUVOIR JUSTIFIER UNE BAISSE DE SON CHIFFRE D’AFFAIRES

D’AU MOINS 50%.

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1345 - Du 24 au 30 avril 2020

“Le Maroc post Covid-19 va décoller ou couler”

En tant qu’architecte, que pensez-vous des récents projets, notamment les hôpitaux de campagne, réalisés dans des temps records?

Comme tous les Marocains, j’applaudis. En temps normal, ces projets n’auraient jamais pu voir le jour dans des délais aussi courts.

La pression de la crise sanitaire actuelle et l’urgence d’agir ont poussé les autorités publiques à se surpasser. De fait, elles ont montré qu’elles étaient capables de mettre en place un système hyper efficace de gestion et d’exécution des projets. Cela interpelle forcément l’architecte que je suis, coutumier des pesanteurs bureaucratiques, en temps

«normal».

Comment se passaient, avant la réalisation des projets, les procédures?

Il y a deux périodes: avant et après la dématérialisation. Pendant la première, les procédures étaient longues et compliquées parce que la décision d’autoriser un projet de construction relevait de plusieurs administra- tions et se prenait à leur unanimité. Il fallait négocier à n’en plus finir. C’était le parcours du combattant pour les architectes et leurs clients, parfois un cauchemar. Après la dématéria- lisation, entrée en vigueur il y a quatre ans environ, les choses se sont paradoxalement aggravées et l’obtention de l’autorisation admi- nistrative est devenue encore plus compliquée qu’avant.

Mais pourquoi cette dématérialisation n’a pas réussi à résoudre les problèmes de la lenteur au niveau de l’obtention des autorisations?

Parce qu’on a plaqué un système tech- nologique (plateforme numérique) sur les anciennes procédures administratives sans

les remettre en cause et sans faire suffisam- ment d’efforts d’implémentation. Il y a donc eu cumul de la pesanteur technologique et de la lourdeur bureaucratique. Au lieu d’alléger et d’accélérer les anciennes procédures, dans l’objectif louable de gagner des points dans le classement «Doing Business», on a obtenu le résultat inverse sur le terrain. Pourtant, la dématérialisation en soi revêt un potentiel d’amélioration et de progrès indéniables mais mal exploité jusqu’à présent. Pour plus d’efficacité, il faut réformer l’ADN même des procédures d’instruction des dossiers de demande d’autorisation.

Voulez-vous être plus explicite?

Je veux dire qu’il faut mettre en place un sys- tème administratif, d’instruction des dossiers

de demande d’autorisation qui tienne compte de la spécificité du projet d’architecture, nécessitant une grande souplesse dans son instruction. Cette nouvelle approche permet- trait d’accélérer la délivrance des autorisations, de favoriser les investissements et d’améliorer l’innovation et la qualité architecturale et urbaine. Cela est possible. Covid-19 a montré que l’Administration possède une grande ca- pacité d’adaptation quand les pouvoirs publics en ont la volonté.

Quels sont vos pronostics pour le Maroc post-Covid-19?

Je pense que rien ne sera plus comme avant.

ENTRETIEN AVEC OMAR FARKHANI,

ancien président de l’Ordre National des Architectes

Sous la conduite volontariste et novatrice du Souverain, les autorités publiques ont été à la hauteur de la situation, depuis le début de la crise. Les Marocains l’ont constaté et apprécié. Une confiance collective et un esprit solidaire inédits se sont installés dans le pays.

Cette confiance mutuelle restaurée va faciliter la mise en place d’un contrat social renou- velé, soubassement précieux au «nouveau

modèle de développement» que S.M. le Roi Mohammed VI a appelé de ses vœux.

Maintenant, c’est à nous tous, Marocains, d’ici et d’ailleurs, de nous engager avec conviction dans ce chantier exaltant du développement.

Ce qui était impensable hier, où le Maroc se voyait presque en train de couler, est devenu de l’ordre du possible. Nos jeunes talents marocains ont donné l’exemple en démontrant une forte résilience à inventer des solutions technologiques pour aider à lutter efficacement contre la maladie. Ils ont symboliquement initié le décollagel

Propos recueillis par Aissa AMOURAG

L’OBTENTION DE L’AUTORISATION ADMINISTRATIVE EST DEVENUE ENCORE PLUS

COMPLIQUÉE QU’AVANT.

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Président du conseil national du PJD et député-maire de Fès, l’ancien ministre chargé du Budget revient sur la controverse qui l’oppose à Aziz Akhannouch suite à la proposition du ministre de l’Agriculture et président du RNI de dépasser le cap du Covid-19 à travers l’endettement public.

Votre réaction, par voie d’une tribune publique, à la proposition de Aziz Akhannouch de s’endetter pour dépas- ser la crise actuelle a fait couler beau- coup d’encre, et d’aucuns y ont vu une réponse politique plutôt qu’intellec- tuelle de votre part à cette proposition.

Où se trouve la vérité, M. El Azami?

Je ne peux nier la double nature et poli- tique et intellectuelle de ma réaction. In- tellectuelle d’abord, car ma démonstration s’est faite sur la base d’arguments et de réalisations économiques tangibles de notre pays et non de simples points de vue.

Ensuite politique, dans la mesure où il est évident que j’ai parlé à partir de mon expérience et de mon engagement poli- tiques. Mais je dois aussi dire que j’ai été agréablement surpris par le débat suscité par la tribune pour m’opposer au choix de M. Akhannouch, lequel choix est selon moi non-viable pour notre pays au vu des nombreux sacrifices consentis au cours de la dernière décennie pour lui permettre d’assainir ses finances et lui assurer des gains d’attractivité et de compétitivité.

Ce débat renseigne à mon avis sur la pré- occupation des Marocains pour les choix fondateurs et novateurs devant présider

INTERVIEW DE DRISS EL AZAMI EL IDRISSI, président du conseil national du

PJD et député-maire de Fès

“S’endetter, d’accord, mais dans quel but?”

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Propos recueillis par Wissam EL BOUZDAINI

aux politiques publiques de notre pays, et je considère cela comme un phénomène sain et même souhaitable.

Quand vous dites que le choix de M.

Akhannouch est non-viable, vous faites référence à quoi exactement?

Pour moi, ce choix a davantage mis l’ac- cent sur les moyens que sur les finalités.

S’endetter, d’accord, mais à quel niveau, dans quel but et avec quelle efficacité de l’action et de l’investissement publics?

Avons-nous fixé des objectifs qui nous appelleraient, voire nous commande- raient de sortir de la voie que nous nous sommes tracée et qui fait que notre pays est aujourd’hui considéré, et ce à juste titre, comme une référence dans la ré- gion? Car si nous pouvons aujourd’hui si facilement accéder à des financements comme la LPL sur laquelle vient de tirer le gouvernement pour faire face au choc sur les devises dû au Covid-19, c’est parce que nous avons su nous tenir à cette voie.

Je ne dis bien sûr pas que le chemin de la rigueur budgétaire est le plus aisé, il est même le plus difficile à tenir.Ceci étant, il y a lieu de noter que les prévisions récem- ment publiées par le FMI ont déjà acté un niveau de déficit budgétaire au Maroc en 2020 à plus de 7% du PIB et un niveau de dette du Trésor à plus de 72% du PIB en 2020 et 2021. Ce qui veut dire que la crise et la réponse à cette crise auraient déjà coûté au budget et à la collectivité.

Mais même des tenants purs et durs du néolibéralisme économique sont aujourd’hui d’avis qu’il faudra faire sauter le verrou des 3% de déficit pu- blic permis et que les Etats devront au minimum compenser le déficit de crois- sance que le Covid-19 est en train de provoquer...

C’est une option, c’est vrai, mais que nous, au Maroc, nous ne pouvons pas nous permettre à outrance sans compro- mettre toutes les réalisations faites au plan macroéconomique. Nous ne pouvons pas nous comparer aux pays de l’UE ou aux Etats-Unis, qui, il faut se rendre à l’évidence, évoluent dans une sphère

CETTE CRISE DOIT JOUER LE RÔLE D’ACCÉLÉRATEUR ET DE CATALYSEUR DE LA RÉFORME DE LA FISCALITÉ AU BÉNÉFICE DE TOUT LE MONDE.

économique différente de la nôtre et qui ont surtout la possibilité de financer leur propre dette puisque c’est leurs monnaies qui servent de référence à l’international.

Qui plus est, ces pays disposent d’un sys- tème productif et bancaire plus profond, plus élargi et plus diversifié. Dans le cas du Maroc, il faudra faire appel, surtout, à notre créativité, à notre génie, en puisant notamment dans nos valeurs de solidarité illustrées, comme vous avez pu le voir, par les montants extraordinaires reçus par le Fonds spécial que S.M. le Roi Mohammed VI avait ordonné de créer le 15 mars der- nier.

Ce fonds a permis d’effectuer une mobili- sation sans précédent et un mix intelligent entre l’utilisation des marges budgétaires disponibles et l’effort de solidarité natio- nale pour nous permettre de répondre aux retombées socioéconomiques de la crise, sans pour autant creuser de ma-

nière insoutenable le niveau du déficit et de la dette.De même, le travail de suivi et de proposition du Comité de veille écono- mique (CVE), avec sa composition combi- nant d’un côté les partenaires publics que sont le gouvernement et Bank Al Maghrib (BAM) et de l’autre privés avec les secteurs productif et bancaire, a permis de sortir des solutions innovantes et adaptées à la réali- té marocaine et est de nature à faire mûrir des solutions concrètes et pragmatiques pour assurer la reprise.

Par ailleurs, la solidarité nationale doit, à mon sens, être prolongée, de façon plus structurelle et dans le temps, et pour cela il faut impérativement travailler sur l’élar- gissement de l’assiette fiscale et faire par- ticiper tout un chacun selon ses facultés contributives au financement des charges

publiques plutôt que de privilégier la nor- malisation avec la dette.

Vous n’ignorez pourtant pas, en tant qu’ancien ministre du Budget, la diffi- culté d’abord et surtout politique de la chose, et pour revenir au point de la dette, celle-ci a considérablement aug- menté sous les différents gouverne- ments PJD pour dépasser aujourd’hui les 81% du PIB…

Il s’agit d’abord de la dette publique et non celle du Trésor, mais je suis entièrement d’accord avec vous quand vous parlez de la difficulté de l’élargissement de l’assiette fiscale et de la transparence fiscale. Vous vous rappelez sans doute de la polémique qu’il y a eue au milieu de l’année dernière dans le cadre des Assises de la fiscalité de Skhirat (organisées début mai 2019, ndlr).

C’est, je le concède, loin d’être une chose simple. Mais pour autant, doit-on rester

inactifs? Doit-on juste accepter la situation, céder à la facilité et avoir peur d’entamer de tels chantiers et de se confronter à cette réalité? Moi je dis que cette crise doit jouer le rôle d’accélérateur et de catalyseur de la réforme de la fiscalité au bénéfice de tout le monde, et il ne faut plus que ce soit les mêmes qui passent à chaque fois à la caisse. Je crois qu’il faut donc continuer de se battre et d’inclure et de faire contribuer le maximum de contribuables à l’effort national de développement. Nous sommes actuelle- ment à un moment plus propice parce que la crise a révélé au grand public à la fois la légitimité et l’utilité de l’impôt et la vulnérabi- lité et la fragilité du secteur informel et des couches les plus défavorisées l

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LES CHOIX ÉCONOMIQUES À LONG TERME DES AUTORITÉS PUBLIQUES EN CAUSE

Pourquoi l’Etat doit changer

Si les autorités marocaines persistent dans leurs recettes actuelles, elles pourraient tout simplement rater l’opportunité que représente la pandémie de Covid-19 pour changer de cap.

D

riss El Azami El Idrissi le dit dans l’interview qu’il nous ac- corde cette semaine: les Ma- rocains sont, en ce moment de pandémie de Covid-19, plus que jamais préoccupés et occupés à discu- ter des choix fondateurs devant présider aux politiques publiques de leur pays. “Un phé- nomène sain et même souhaitable,” avance l’ancien ministre du Budget.

On pourrait, en fait, en dire autant de tous les pays du monde, car cette pandémie est rien moins qu’en train de bousculer l’ordre économique international dans son entièreté, sa matrice idéologique faite notamment de libre-échangisme et de dépenses publiques réduites à leur plus simple expression, et l’on se trouve à se remémorer les multiples dimen-

sions de l’Etat autres que régaliennes et du rôle éminemment social qu’il peut jouer tant dans les périodes de disette comme celle que nous éprouvons actuellement que, potentielle- ment, au temps de la prospérité.

Modèle de développement

A ce titre, on pourrait citer la récente sentence de l’économiste en chef de “Natixis”, Patrick Artus, prononçant “la fin du “capitalisme néolibéral” qui avait choisi la globalisation, la réduction du rôle de l’Etat et de la pression fiscale, les privatisations, dans certains pays la faiblesse de la protection sociale.” En tout état de cause et en mettant de côté l’effroy- able drame humain qui se joue et des morts qui avaient fait couler jusqu’aux larmes du chef du gouvernement au parlement le 13 avril

2020, on se risquerait même à avancer que la pandémie ne pouvait mieux tomber pour le Maroc, alors que le Royaume se trouve depuis le début de l’année 2020 dans une dynamique de débat -momentanément, certes, mise en sourdine- afférente à son modèle de dévelop- pement, suite à l’installation de la commission Benmoussa par le roi Mohammed VI le 12 dé- cembre dernier. Car oui, l’on se rend compte (se rappelle?) que la mondialisation n’est pas forcément heureuse; qu’en temps de crise, ceux-là même qui la défendent ne manquent aussitôt pas de se parer des habits du protec- tionnisme; et si jamais les choses reprennent là où elles étaient à la fin de la pandémie, si le succès se trouve même, pour certains, de nouveau au rendez-vous, cela ne voudra pas dire que pour autant il n’est nul ver dans le fruit.

Mohamed Benchaaboun et Abdellatif Jouahri.

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Wissam EL BOUZDAINI

Les mesures prises par le Maroc au cours des dernières semaines ont, de l’aveu général, été courageuses et salutaires, et point là de tres- sage de lauriers malvenu car des médias in- ternationaux de la trempe du Canard enchaî- né, qu’on ne pourrait pour le moins pas taxer de complaisance, ont également franchi le pas de saluer “l’exemple marocain”.

Ces mesures ont surtout été rapides: là où des pays autrement développés, avec des sys- tèmes de santé à l’avenant, ont laissé traîné les choses et trouvent aujourd’hui toute la dif- ficulté du monde à se sortir de la pandémie, le Maroc a, lui, préféré couper court à la menace représentée par la propagation du Covid-19 au sein de sa population et, dès le 20 mars, décrétait l’état d’urgence sanitaire, encore en cours pour au moins le 20 mai prochain.

Changement de logiciel

Le rôle particulier du Comité de veille écono- mique (CVE) mis en place le 11 mars par le gouvernement pour parer aux effets néfastes et ravageurs de la crise économique due à la pandémie est, dans ce sens, indéniablement à mettre en avant, et même si le cheminement du comité n’a pas été sans accrocs, au titre desquels on pourrait notamment citer la passe d’armes de fin mars entre la CGEM et le grou- pement des banques, l’ensemble fait, à tout le moins, mouche. Mais encore? Se donner les moyens de résoudre les problèmes posés dans et par l’urgence est une chose, mais quid des défis structurels, en l’occurrence ceux qui se rapportent à la gestion macroé- conomique de l’Etat et de son implication sur le long terme? Ces défis, qui avant même le déclenchement du Covid-19 avaient amené l’autorité politique à appeler à l’actualisation du modèle de développement, commandent d’abord et avant tout une transformation para- digmatique et un changement de logiciel sans lequel l’Etat sera toujours condamné à repro- duire les mêmes erreurs, avec les mêmes

effets indésirables par voie de conséquence.

Dans l’interview que nous avions faite de lui pour notre numéro du 17 avril, le chercheur en sciences sociales Rachid Achachi avait parlé

“de produire un «logos marocain””. Or, ce qu’il y a lieu de constater est que c’est toujours l’an- cien “logos” qui continue de dominer.

Sortie de crise

La maîtrise budgétaire est toujours d’actuali- té. N’étaient les pressions, il est dit que Mo- hamed Benchaâboun serait même passé à l’austérité. Un suicide raté de peu finalement, sachant que le Maroc a pour particularité de dépendre, à plus d’un tiers de son PIB, de l’investissement public par le biais de la com- mande de l’Etat. Ce qui n’enlève pas qu’un arrêt de nombre de dépenses jugées “non-es- sentielles” a été décidé par le gouvernement le 14 avril. Et que dire de la LPL sur laquelle le Maroc a finalement tiré le 7 avril après que le FMI l’a reconduite à son profit trois fois depuis 2014 et ce, officiellement, pour protéger le di- rham et maintenir la balance des paiements à un niveau de déficit “acceptable” -de -33,3 mil- liards de dirhams en 2019-? M. Benchaâboun et Bank Al Maghrib (BAM), dans le communi- qué qu’ils avaient publié le lendemain de leur décision, avaient notamment mis l’accent sur le fait que cette dernière ne grèverait en rien la dette publique, qui déjà dépasse les 81% du PIB selon la Cour des comptes.

Y avait-il toutefois urgence? Car la LPL, si elle

peut faire figure de mal nécessaire susceptible de protéger le Maroc de tout éventuel choc sur ses devises comme justement celui dû actuel- lement au Covid-19, pouvait tout compte fait être utilisée ultérieurement au cas où d’autres recettes n’auraient pas d’abord marché. Rien n’empêchait par exemple de réduire, voire carrément d’interdire certaines importations non-nécessaires par les temps qui courent, et notamment celles s’inscrivant dans la logique du dumping. Il aurait ainsi été possible de s’en ouvrir à l’OMC pour demander des déro- gations, même à titre temporaire. Surtout, la LPL n’est, pour le moins, pas gracieusement offerte, et appelle en échange à des politiques publiques d’un certain bord qui, selon nombre d’observateurs, n’ont pas été étrangères aux mouvements sociaux qu’a connus le Maroc au cours des dernières années, d’Al-Hoceima à Jerada. Et puis, l’on apprend que le gou- vernement est en train de confier à certains cabinets étrangers le soin de lui peaufiner sa stratégie de sortie de crise, alors que les stratégies sectorielles mises en place dans les années 2000 par ces mêmes cabinets se sont avérées, dans beaucoup de cas, de retentissants échecs. Ce qui laisse à penser que le Maroc pourrait encore longtemps conti- nuer de tourner en rond, et que les leçons d’aujourd’hui pourraient, hélas, ne jamais être complètement assimilées...l

LE MAROC POURRAIT ENCORE LONGTEMPS CONTINUER DE

TOURNER EN ROND.

(18)

PAR MUSTAPHA SEHIMI

AUSTÉRITÉ OU PAS?

Le débat binaire sur l’endettement et l’austérité paraît décalé, daté, alors que les défis actuels sont inédits.

À

la fin mars, il était question que le gouvernement examine des mesures d’austérité. C’était le 25 mars dernier, plus précisé- ment; avec l’annonce par le Chef du gouvernement de mesures inscrites dans ce sens. Référence étant ainsi faite au gel ou report d’investissements et à la réduc- tion des dépenses de fonctionnement. Puis, il y a eu des corrections adoptées par le Co- mité de veille économique où officie surtout le ministre de l’Économie et des Finances avec d’autres parties. S’est alors posée cette interrogation: où trouver les ressources fi- nancières nécessaires pour faire face à la triple crise sanitaire, sociale et économique?

Il y a bien le Fonds spécial de 10 milliards de dirhams créé par S.M. le Roi, ainsi que l’ap- pel à la solidarité nationale soldé par la mo- bilisation de quelque 22 milliards de dirhams, soit au total 32 milliards de dirhams. Cela ne suffisait pas pour autant. D’où le décret-loi autorisant le dépassement du plafond fixé par la loi organique des finances (31 milliards de dirhams) pour recourir à l’emprunt.

Tout cela a centré le débat national, dans les milieux spécialisés, sur cette question: quelle politique budgétaire post-confinement? Les prévisions de la loi de finances 2020 ne tiennent plus sur tous les plans d’ailleurs:

taux de croissance, taux de chômage, solde extérieur, etc… Si bien que tous les déficits ne peuvent que se creuser: compte courant du Trésor, balance des paiements, com- merce extérieur.

Aziz Akhannouch, ministre de l’Agriculture et président du RNI, prend alors position. Dans une tribune publiée dans une plateforme électronique créée par son parti, il consi- dère que «face à la crise, il faut soutenir la

demande, maintenir l’offre et s’éloigner de l’austérité». Un gros pavé interpellant son collègue au gouvernement en charge du département de l’Économie et des Finances, Mohamed Benchaâboun, membre du RNI.

Une position qui va cependant bien au-delà puisqu’elle tranche quelque peu avec l’atti- tude du Chef du gouvernement PJD, Saâd Eddine El Othmani. Des divergences au sein de l’exécutif gouvernemental? Le 16 avril, celles-ci s’expriment publiquement par le voie d’un ancien ministre PJD du Budget, Idriss El Azami El Idrissi, maire de Fès et

président du Conseil national de la formation islamiste. Il réplique pratiquement comme suit: «Face à la crise, il ne faut ni austéri- té ni excès, mais solidarité, responsabilité et juste milieu». Il critique le choix proposé par Aziz Akhannouch de recourir au «creu- sement du déficit budgétaire et de la dette publique», l’estimant «dangereux et grave».

Il estime qu’il est «contre-productif», risquant de mette à mal les fondamentaux engrangés par la maîtrise des grands équilibres et qu’il peut porter atteinte au risque–pays Maroc, jugé stable et modéré par les agences de notations internationales. Et de conclure

qu’un endettement supplémentaire ne pour- rait à terme que se traduire par des impôts et de l’inflation, tous deux pénalisants pour les entreprises et les ménages.

Par-delà la terminologie qui focalise sur l’austérité –mot connoté négativement– ne faudrait-il pas plutôt parler de rigueur? Il est sûr que des réallocations budgétaires devront se faire tant pour ce qui est des dé- penses d’investissement que d’autres dans des chapitres relevant des dépenses de fonctionnement. Des mesures fiscales sont incontournables, sauf à demander davan- tage à l’assiette fiscale et aux hauts revenus plutôt qu’au gros des contribuables soumis à une fiscalité inéquitable.

Au Maroc et dans le monde, l’activité éco- nomique va enregistrer une rapide et forte contraction. La récession va suivre, même après la réponse sanitaire face au Covid-19.

La peur et l’incertitude se sont bien installées, sans doute durablement, avec des consé- quences négatives pour la stabilité financière et les perspectives de reprise économique.

Il ne faut ni être tétanisé ni surréagir et se préoccuper non seulement de l’impact des mesures d’urgence actuelle mais aussi de ce qui interviendra en dehors de leur portée.

Et quand?

L’idée qui avance est celle d’un infléchisse- ment vers une économie de coupe-circuits.

Celle-ci limiterait les risques économiques majeurs ainsi que ceux de boucles de ré- troaction financières. Des compromis, des arbitrages et des décisions modulables sui- vant la conjoncture. Le débat binaire sur l’en- dettement et l’austérité paraît décalé, daté, alors que les défis actuels sont inédits et que les dogmes encore prégnants, ne paraissent ni pertinents ni opératoires l

IL EST SÛR QUE DES RÉALLOCATIONS

BUDGÉTAIRES DEVRONT SE FAIRE.

Divergences au sein de l’Exécutif

CHR ONIQ UE

Références

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