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Les mentalisations parentale et interparentale et les liens avec la collaboration en famille entre la mère, le père et l'enfant

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Academic year: 2022

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Thesis

Reference

Les mentalisations parentale et interparentale et les liens avec la collaboration en famille entre la mère, le père et l'enfant

LOPES, Francesco

Abstract

La mentalisation est la capacité de ressentir le vécu d'autrui et de comprendre ses comportements en termes d'états mentaux. Plusieurs études ont montré que la mentalisation maternelle est en lien avec la collaboration dans la relation entre la mère et l'enfant. La présente recherche vise à élargir le domaine d'étude sur la mentalisation à la famille composée de la mère, du père et d'un enfant en bas âge. Dans l'étude 1, nous présentons la construction de l'Entretien sur la Constellation Familiale (ECF), un nouvel instrument permettant d'évaluer les mentalisations parentale et interparentale. Dans l'étude 2, les analyses statistiques (N=26) montrent que principalement les mentalisations parentale et interparentale du père sont liées à la collaboration dans la famille. Des analyses de régression montrent que la mentalisation du père et de la mère fonctionnent comme facteurs modérateurs du lien entre la satisfaction conjugale et la collaboration entre les deux parents.

LOPES, Francesco. Les mentalisations parentale et interparentale et les liens avec la collaboration en famille entre la mère, le père et l'enfant. Thèse de doctorat : Univ.

Genève, 2014, no. FPSE 533

URN : urn:nbn:ch:unige-343694

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:34369

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:34369

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Section de Psychologie

Sous la direction du Prof. Nicolas Favez

Les mentalisations parentale et interparentale

et les liens avec la collaboration en famille entre la mère, le père et l’enfant

THESE

Présentée à la

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève

pour obtenir le grade de Docteur en Psychologie

par

Francesco LOPES de

Palermo (Italie) Thèse No 533

GENEVE Janvier 2014

07.340.409

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Les mentalisations parentale et interparentale et les liens avec la collaboration en famille

entre la mère, le père et l’enfant

de Francesco Lopes Directeur : Prof. Nicolas Favez ABSTRACT :

La mentalisation est la capacité de ressentir le vécu d’autrui et de comprendre ses comportements en termes d’états mentaux. Plusieurs études ont montré que la mentalisation maternelle est en lien avec la collaboration dans la relation entre la mère et l’enfant. La présente recherche vise à élargir le domaine d’étude sur la mentalisation à la famille nucléaire composée de la mère, du père et d’un enfant en bas âge. Dans l’étude 1, nous présentons les phases de la construction et de la mise à l’épreuve d’un nouvel instrument, l’Entretien sur la Constellation Familiale (ECF). L’ECF permet d’évaluer d’une part la mentalisation parentale, à savoir la compréhension que le parent interviewé se fait de la relation entre lui/elle et l’enfant, et d’autre part la mentalisation interparentale, à savoir la compréhension que le parent interviewé se fait de la relation entre l’autre parent et l’enfant. Dans l’étude 2, les résultats des analyses statistiques (N=26) montrent que la mentalisation parentale du père et partiellement celle de la mère (mais non la mentalisation interparentale) sont liées à la collaboration au sein du couple coparental et à l’alliance familiale dans une situation d’interaction familiale. De plus, la mentalisation interparentale du père est liée à la collaboration familiale lorsque la situation d’interaction n’est pas régie par des règles. Des analyses de régression montrent que la mentalisation du père et de la mère fonctionnent comme facteurs modérateurs du lien entre la satisfaction conjugale et la collaboration entre les deux parents. Une étude de trois cas contrastés est présentée par la suite. Une discussion de ces résultats sur les retombées cliniques et sur les limites de cette recherche est proposée.

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Remerciements

Ce travail de doctorat n’aurait pas été possible sans la présence d’un certain nombre de personnes qu’il me tient à cœur de remercier sincèrement.

Je remercie tout d’abord les 34 familles qui ont accepté de participer à cette recherche et qui ont pris le temps, l’énergie, qui ont « joué le jeu » et répondu à notre protocole de recherche de manière aussi engagée.

Je remercie ensuite le Professeur Nicolas Favez pour avoir accepté de suivre mon travail de recherche en tant que directeur de thèse. Je le remercie spécialement pour la qualité de son soutien et ses précieux conseils quant à la rédaction de ce travail, ce qui m’a permis de le rendre beaucoup plus cohérent et solide que ne l’était avant.

Je tiens également à adresser un grand merci aux membres de la commission et du jury : le Professeur Daniel Schechter et Madame Sandra Rusconi Serpa de l’Université de Genève et des Hôpitaux Universitaires de Genève, ainsi que le Professeur David Sander et le Professeur Jean Dumas de l’Université de Genève. Leurs précieuses réflexions, questions et suggestions m’ont permis d’approfondir davantage le sujet de ce travail.

Un immense merci va également au Dr. France Frascarolo-Moutinot et au Professeur Nicolas Favez, directeurs du Centre d’Etude de la Famille (Département de Psychiatrie du CHUV) à Prilly, qui m’ont permis d’accéder au laboratoire utilisé pour les situations expérimentales auxquelles les familles ont participé.

Un remerciement spécial va aussi à Madame Elisabeth Fivaz-Depeursigne, qui en 2003 m’a ouvert les portes du Centre d’Etude de la Famille et m’a permis d’approfondir les connaissances sur le « triangle primaire ». Je tiens également à remercier la Professeure Tiziana Aureli qui a eu l’intelligence et l’attention de m’introduire au livre d’Elisabeth Fivaz et le Professeur Vincenzo Caretti qui a su réveiller en moi l’intérêt pour les relations entre les parents et les enfants.

Un grand merci va également à Rhéane Koller, fidèle collègue et compagne dans cette aventure de recherche. Le travail de recrutement des nombreuses familles aux quatre coins de la Suisse romande n’aurait pas pu avoir lieu sans sa précieuse présence.

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Je souhaite remercier également les personnes qui ont collaboré avec moi pour les codages et la fidélité interjuge des entretiens et des situations d’observation d’interaction familiale : Lisa Bougeois, Julie Hustache, Rhéane Koller, Christelle Osso et Francesca Suardi.

Je remercie ensuite chaleureusement Stéphane Rothen qui m’a patiemment aidé dans le processus d’analyses statistiques effectuées dans pour ce travail. Un merci va également à Julie Hustache, Christelle Osso, Céline Martenet, Maila Kocher, Julia Jeanloz et Jennifer Norant pour leur aide minutieuse au travail de transcription des entretiens ECF.

Un très grand merci va ensuite à Muriel Bovey, Morgane Droxler, Marie Leuba Bosisio et Fabienne Crousaz qui ont eu la patience et le courage de relire ce travail et de m’aider à corriger les fautes de français et les tournures de phrase à la sauce italienne.

Je tiens à remercier aussi très sincèrement et spécialement Chloé Lavanchy- Scaiola, Mathieu Bernard, Karine Julsaint-Nussbaum, Sara Cairo-Notari et Alison Banfi, membres et ex-membres de l’équipe à l’Université de Genève, et également les amis chers, Pierre-Olivier, Giusi, Valentina, Salvatore, Beatrice et tous les autres, que j’ai eu la chance de côtoyer et de fréquenter tout au long de ces années d’assistanat et de thèse. Merci pour leur soutien, leur patience et leur écoute tant dans les moments difficiles que dans les moments heureux.

Un énorme merci va également à ma famille, spécialement à mon père, à ma sœur Fabrizia, à Anna, à ma tante Giovanna, à mes cousines Marcella, Angela et Barbara pour leur présence authentique, malgré la distance physique. Je souhaite aussi faire un coucou à ma mère qui me regarde peut-être depuis le ciel et qui me suit avec bienveillance.

Enfin, j’aimerais adresser un authentique merci à Morgane. Elle m’a accompagné, soutenu et encouragé avec beaucoup de douceur et de détermination durant ces derniers mois de travail de thèse. Sa présence a été une source d’énergie et de motivation qui m’a permis d’atteindre ce but.

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Table des matières

0.! Préambule ... 9!

1.! Introduction ... 13!

1.1.! Problématique générale ... 13!

1.2.! Buts de cette recherche ... 14!

1.3.! Plan des chapitres suivants. ... 19!

2.! La mentalisation dans le contexte de la relation parent-enfant ... 21!

2.1.! Le rôle du contexte social précoce pour le développement de l’enfant ... 21!

2.2.! La mentalisation parentale dans le cadre de la théorie de l’attachement ... 25!

2.3.! Définition de la mentalisation en tant que capacité multi-facettes ... 28!

2.4.! Synthèse du chapitre ... 46!

3.! La mentalisation du parent est en lien avec la collaboration dans l’interaction entre le parent et l’enfant ... 48!

3.1.! Les processus implicite et de perspective taking dans le contexte de la famille : la mentalisation maternelle et son lien avec la qualité de l’interaction avec l’enfant ... 49!

3.2.! Les processus implicites, explicites et de perspective taking de la mentalisation maternelle et leur lien avec la collaboration entre la mère et l’enfant 51! 3.3.! Synthèse du chapitre ... 54!

4.! Le système famille et ses sous-unités ... 56!

4.1.! Les partenaires adultes de la famille : le système conjugal et le système coparental ... 59!

4.2.! La famille en tant que système et le concept d’alliance familiale ... 64!

4.3.! Synthèse du chapitre ... 68!

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5.! Problématique et hypothèses théoriques ... 70!

5.1.! Problématique de cette recherche ... 70!

5.2.! Etude 1 : création d’un instrument pour la mesure de la mentalisation parentale et de la mentalisation interparentale ... 71!

5.3.! Etude 2 : hypothèses théoriques et question de recherche ... 72!

6.! Etude 1. Construction de l’Entretien sur la Constellation Familiale (ECF) visant l’évaluation de la mentalisation parentale et de la mentalisation interparentale ... 80!

6.1.! Méthode ... 80!

6.2.! Phases de construction de l’Entretien sur la Constellation Familiale (ECF). 85! 6.3.! Détails du protocole d’entretien ECF-R. ... 92!

6.4.! L’évaluation de la FR parentale et de la FR interparentale : le Addendum to Reflexive Functioning Scoring Manual (ARFSM). ... 96!

7.! Etude 2. Test des hypothèses principales, des hypothèses complémentaires et question de recherche. ... 106!

7.1.! Méthode. ... 106!

7.2.! Questionnaire de satisfaction conjugale : le Marital Adjustment Test (MAT) 134! 7.3.! Résultats de l’étude 2. ... 134!

7.4.! Résumé des résultats. ... 157!

8.! Etude de cas contrastés. ... 158!

8.1.! La famille de Zélie. ... 159!

8.2.! La famille d’Emilie ... 166!

8.3.! La famille de Nolan ... 176!

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9.! Discussion des résultats et conclusions. ... 187! 9.1.! Résumé des résultats de l’étude 1, de l’étude 2 et de l’étude de cas contrastés. ... 187!

9.2.! Limites de cette recherche et propositions pour des recherches futures. . 209!

10.! Conclusions : implications des résultats pour la psychothérapie dans le couple coparental et en cas de divorce. ... 212! 11.! Bibliographie ... 217! 12.! Annexes ... 251!

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0. Préambule

La conception de ce travail de doctorat a une histoire. En la découvrant, le lecteur pourra mieux saisir les raisons scientifiques qui m’ont conduit à mener cette recherche.

Durant mes études universitaires, j’ai rapidement développé un intérêt pour les théories psychanalytiques et de l’attachement ayant comme sujet d’étude la qualité de la relation affective qui s’établit entre l’enfant et son pourvoyeur de soin principal, à savoir la mère : cette relation a une influence importante sur le développement socio- émotionnel de l’enfant. Dans ce cadre, un auteur a attiré tout particulièrement mon attention. Psychiatre et psychanalyste, Daniel Stern s’est principalement intéressé à la manière dont la communication intersubjective entre la mère et l’enfant forge le développement du Soi de l’enfant. En particulier, un article de Stern (1971) décrivant les interactions entre une mère et ses deux jumeaux (Fred et Marc) a exercé une grande influence sur mon intérêt pour la psychologie du développement et de la famille.

L’auteur avait été frappé par les comportements très différents des deux enfants : après une interaction avec leur mère, Fred était souvent en pleurs, tandis que Marc était la plupart du temps de bonne humeur. Au moyen d’une micro-analyse des interactions à l’aide d’enregistrements vidéo, Stern avait pu découvrir que la mère adoptait une attitude à l’égard de Fred très différente de celle qu’elle adoptait à l’égard de Marc. Plus précisément, elle se comportait de manière intrusive sans respecter le besoin de Fred de

“prendre une pause” de l’interaction. Au contraire, avec Marc, la mère adoptait une attitude plus respectueuse du rythme d’interaction dont l’enfant avait besoin. Autrement dit, la mère essayait de capter l’attention de Fred lorsqu’il détournait le regard de la mère (pattern d’interaction appelé “chasse et esquive”) tandis qu’elle laissait Marc libre de se détourner sans essayer de retrouver le contact face-à-face avec lui. D’une part ces observations de l’interaction avaient permis à Stern de comprendre comment les patterns des comportements de la mère avaient une influence sur l’état émotionnel de chacun des enfants. D’autre part une question avait surgi dans la démarche scientifique de l’auteur : quelles étaient les raisons qui poussaient la mère à adopter ces comportements ? Influencé par sa formation de psychanalyste qui mettait l’accent sur les processus psychiques internes, Stern posait l’hypothèse que ces raisons devaient être cherchées dans l’activation de représentations que la mère avait des enfants et d’elle- même dans son rôle de mère. En effet, ces représentations auraient pu avoir une influence sur sa manière de lire l’interaction et d’agir en conséquence. Il avait donc

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décidé d’interroger la mère à ce sujet afin d’explorer ces représentations. Il a ainsi découvert qu’elle avait une idée très précise des caractères des deux enfants : Marc avait une attitude générale très active et vivante tandis que Fred se comportait d’une manière plus flegmatique et lente. Parallèlement à cette réflexion, elle affirmait qu’elle se voyait comme ayant un caractère plus proche de celui de Marc, qu’elle aimait particulièrement, tandis qu’elle voyait le caractère de Fred comme plus proche de celui du père, caractère qu’elle n’aimait pas. Il était donc probable que dans l’interaction avec ses enfants, elle agissait afin de contrer le caractère léthargique de Fred. En essayant de capter son attention et le rendre plus actif, elle tentait d’éviter qu’il ne devienne comme son père. Il est intéressant de remarquer que la mère vivait à ce moment-là une période difficile sur le plan de la relation conjugale, ce qui probablement accentuait et figeait l’ambivalence des représentations qu’elle avait de ses enfants. Les observations et les résultats de cette recherche ont permis à Stern d’ouvrir un champ de recherches sur l’étude de la qualité de la relation entre l’enfant et sa mère : il s’agissait de cibler spécifiquement le lien entre les représentations parentales de la mère considérées comme un facteur influençant les patterns d’interactions observables dans la dyade mère-enfant.

Après la découverte des travaux de Daniel Stern, la lecture de l’ouvrage d’Elisabeth Fivaz-Depeursinge et d’Antoinette Corboz-Warnery intitulé “Le triangle primaire” (1999) a également attiré toute mon attention et bousculé ma vision de la psychologie du développement et de la famille. Si les théories de l’attachement et de Stern m’avaient donné une base pour la compréhension de la qualité de la relation mère- enfant, le livre de ces deux auteurs suisses a permis d’ouvrir à nouveau mes horizons. Il me sensibilisa ainsi à l’importance de la présence du père et à la compréhension du développement de l’enfant selon une perspective systémique, en tenant compte des multiples relations entre les membres de la famille. En effet, les deux auteurs mettaient en évidence que dans le monde occidental, l’enfant ne se développe pas uniquement avec la mère : le père est en effet une présence d’importance capitale pour son développement. A ce propos, si d’une part, l’enfant établit un lien très fort avec le père au même titre qu’il l’établit avec la mère, d’autre part, les auteurs soulignaient l’importance de la qualité relationnelle entre la mère et le père en tant que couple coparental pour le développement sain ou pathologique de l’enfant. Responsable du bien-être et de l’éducation de l’enfant, devant s’accorder et se soutenir réciproquement dans cette tâche, le couple coparental joue un rôle central pour que le développement de

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l’enfant aille dans la direction de l’autonomie, sans tomber dans des pièges de coalitions et de loyautés. Si Stern et d’autres chercheurs durant les années ’70 et ’80 avaient découvert et décrit les patterns d’interaction dyadique entre l’enfant et sa mère et leur rôle sur le développement de l’enfant, Fivaz-Depeursinge et Corboz-Warnery ont mis l’accent sur l’importance de prendre en considération le contexte écologique élargi dans lequel l’enfant vit : celui-ci est constitué tant de la mère que du père travaillant conjointement pour le bien-être de l’enfant. Par contre, la compréhension des patterns d’interaction familiale en termes de représentations des deux parents constituait une limite aux recherches de ces auteurs. En effet, suivant une perspective systémique structurelle, les auteurs ont centré l’attention uniquement sur l’étude de la coordination des patterns d’interaction triadique au sein de la famille, sans s’attarder sur les raisons d’ordre représentationnel qui pourraient mener les parents à adopter un certain style parental et coparental.

La découverte des recherches de Fonagy et collègues (Fonagy, Steele, Steele, Moran, & Higgitt, 1991; Fonagy & Target, 1997) et de Slade et collègues (Slade, Grienenberger, Bernbach, Levy, & Locker, 2005; Slade, 2005) sur le concept de mentalisation parentale m’est apparue comme une réponse possible aux limites de l’étude du triangle primaire. Sur la base des travaux de Fonagy concernant la mentalisation, à savoir la capacité de lire et d’interpréter le comportement d’autrui en termes d’états mentaux, Slade s’est intéressée à étudier cette capacité chez la mère au sein de la relation qu’elle a avec l’enfant, dans le but de comprendre le rôle que cette capacité a sur le développement de l’enfant. Une mère qui n’est pas capable de lire de manière adéquate et flexible les comportements de l’enfant en tant que signes de son monde interne, ne serait pas à mesure d’adapter son comportement aux besoins de l’enfant, ce qui aurait un impact négatif sur les interactions mère-enfant. En effet, la mentalisation parentale représente une double porte d’accès : aux représentations que la mère s’est formées de l’enfant et d’elle-même dans ce rôle d’une part, et aux processus d’interprétation des comportements de l’enfant et de la mère considérés comme les causes des comportements eux-mêmes d’autre part.

Cette représentation de mes centres d’intérêt et les réflexions esquissée dans ce préambule devraient permettre au lecteur de comprendre les raisons scientifiques qui m’ont amené à développer ce travail de recherche. Cette thèse de doctorat est la réponse aux questions que tous les auteurs cités ci-dessus ont suscitées chez moi sur le lien

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affectif qui s’établit entre l’enfant et ses pourvoyeurs de soin. J’ai employé toute mon énergie et toute ma motivation pour ajouter une petite pierre à l’édifice de ce domaine de recherche qui passionne tant de psychologues du développement et de la famille.

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1. Introduction

1.1. Problématique générale

Le parent est en mesure d’entrer en relation avec son enfant sur le plan mental.

Grâce à cette capacité, nommée mentalisation, le parent peut expérimenter les émotions et les sensations de l’enfant. Il peut aussi réfléchir et donner un sens à ses comportements, en les lisant comme le reflet visible du monde mental de l’enfant.

Le concept de mentalisation parentale est né et s’inscrit dans le cadre de la théorie de l’attachement. Dans ce contexte théorique, la mentalisation est un processus qui base son fonctionnement sur des modèles de représentations de la relation entre l’enfant et le parent, et qui organise les comportements parentaux en fonction de la protection et du bien-être physique et psychique de l’enfant (Bowlby, 1973; George & Solomon, 1999;

Solomon & George, 1996). Dans ce cadre, la mentalisation est un processus permettant au parent de percevoir et d’interpréter les comportements de l’enfant et de soi-même en termes d’états mentaux probables. Une telle interprétation permet au parent de comprendre l’échange interactif entre lui-même et l’enfant non comme une simple chaîne séquentielle et “mécanique” de comportements. Au contraire, le parent mentalisant comprend l’échange en lui attribuant un sens et une logique relationnelle : cet échange trouve son explication sur la base du monde mental tant de l’enfant que du parent lui-même (Dennett, 1971; Fonagy et al., 1991).

La mentalisation parentale a un rôle central dans les interactions familiales, car elle permet au parent d’établir avec l’enfant des interactions très élaborées sur le plan de la collaboration (Fonagy, Gergely, & Jurist, 2003). De manière générale, un être humain capable de mentaliser est en mesure d’adapter son comportement à celui d’autrui, car il adopte la vision du monde de l’autre et tient compte de ses émotions, de ses intentions et de ses croyances. Dans le contexte familial, un parent capable de mentalisation est en mesure de comprendre les comportements de l’enfant comme rationnels et, par conséquent, de les envisager comme prévisibles et flexibles (Dennett, 1971) ; cela lui permet de s’adapter aux besoins de l’enfant et de collaborer avec ce dernier. De plus, la mentalisation donne un avantage important pour l’identification et la résolution de problèmes de communication, de désaccords ou de conflits, ce qui permet à l’interaction d’être d’avantage collaborative (Baars, 1993).

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Les recherches ciblant la compréhension du fonctionnement de la famille ont adopté le concept de mentalisation dans le contexte de la relation entre l’enfant et son principal pourvoyeur de soins, à savoir la mère. Selon une perspective de la théorie de l’attachement, la mentalisation parentale de la mère est associée au (et probablement favorise le) niveau de collaboration1 et de coordination que l’on peut observer dans les interactions entre la mère et l’enfant (Koren-Karie, Oppenheim, Dolev, Sher, & Etzion- Carasso, 2002; Meins, Fernyhough, Fradley, & Tuckey, 2001; Slade, Grienenberger, et al., 2005). En effet, les résultats de ces recherches montrent que, lorsque la mère manifeste un niveau élevé de mentalisation vis-à-vis du monde mental de l’enfant, ce dernier a plus de probabilités de considérer la mère en tant que base de sécurité : cet aspect est considéré comme un indice de sa capacité de collaborer avec elle (Weinfield, Sroufe, Egeland, & Carbon, 2008). De plus, la mentalisation parentale de la mère est également associée à la capacité maternelle de se montrer collaborative et ses comportements parentaux ajustés aux signes et aux besoins de l’enfant. En revanche, lorsque la mère manifeste des difficultés à percevoir et à comprendre le monde mental de l’enfant, ou alors interprète de manière systématiquement déformée ses besoins, ses intentions et sa perspective, nous observons un niveau de collaboration faible dans leurs interactions (Fraiberg, Adelson, & Shapiro, 1974; Grienenberger, Kelly, & Slade, 2005;

Lyons-Ruth, 2003; Schechter et al., 2005).

1.2. Buts de cette recherche

Bien que les différentes recherche aient montré le lien entre la mentalisation parentale de la mère et la collaboration au sein de la dyade mère-enfant, il existe toutefois un vide au sein de la littérature concernant la mentalisation dans le contexte plus ample de la famille composée de la mère, du père et de l’enfant. Comme plusieurs cliniciens et chercheurs l’ont suggéré à partir de la fin des années ’70, dans les pays occidentaux, le contexte d’acculturation où l’enfant vit et se développe durant ses premières années d’existence est multi-personne : il est le plus souvent constitué de la

1 Dans ce manuscrit le terme “collaboration” est utilisé selon la théorie de Bratman (1992) traitant des activités coopératives partagées (shared cooperative activity). Dans sa théorie, l’auteur propose qu’afin que deux ou plusieurs participants collaborent, trois conditions doivent être remplies : (1) chaque participant doit prêter attention aux actions et aux intentions de l’autre participant ; (2) les participant partagent le(s) même(s) objectif(s) à atteindre et ils partagent cette connaissance ; (3) les participants cordonnent leurs plans d’action ce qui implique que chacun comprend le rôle de chaque autre participant et par conséquent il peut lui fournir du support en cas de besoin.

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mère ainsi que du père (Belsky, 1981; Fivaz-Depeursinge & Corboz-Warnery, 1999;

McHale, 2007; P. Minuchin, 1985; Parke & Tinsley, 1987). De nombreuses études ont montré que le père représente pour l’enfant une figure d’attachement au même titre que la mère (Lamb, 1977, 1997). De plus, d’autres chercheurs ont mis en évidence que le père s’implique activement dans son rôle de parent avec l’enfant dès sa naissance et est capable de comportements parentaux appropriés à l’égard de l’enfant (Papoušek &

Papoušek, 1987). Comme pour la relation mère-enfant, la qualité de la relation père- enfant a une influence sur le développement socio-émotionnel de l’enfant (Lamb &

Lamb, 1976). Sur la base de ces considérations, l’étude de la mentalisation tant chez la mère que chez le père est essentielle.

Parallèlement aux relations que chaque parent développe indépendamment vis-à- vis de l’enfant, nous pouvons identifier également la relation coparentale au sein de la famille, à savoir la relation qui existe entre les deux parents partageant la responsabilité du bien-être de l’enfant et se soutenant pour atteindre ce but (Ahrons, 1981; Gable, Crnic, & Belsky, 1994; McHale, 1995). La relation coparentale est centrale dans le fonctionnement de la famille. Plusieurs études ont montré que la chaleur et la collaboration que l’on observe au sein du couple coparental sont associées au développement socio-émotionnel sain de l’enfant.En revanche, lorsque des conflits sont présents entre les partenaires parentaux, l’enfant a plus de probabilités de développer des troubles psychiques de type internalisés et externalisés ou des troubles de l’attention (Jacobvitz, Hazen, Curran, & Hitchens, 2004; McHale & Rasmussen, 1998; McHale, 1997; Teubert & Pinquart, 2010).

Comme la mentalisation de la mère s’est révélée être une variable associée à la qualité de la relation entre la mère et son enfant, il est probable que la mentalisation soit en lien avec d’autres relations au sein de la famille, notamment entre la mère et le père au sein du couple coparental. Afin d’expliquer ce point, nous pouvons imaginer un exemple où une mère observe le père manifestant des difficultés à s’occuper de l’enfant sur le plan de l’éducation. Grâce à ses capacités de mentalisation, elle pourra ressentir et comprendre la dynamique interpersonnelle entre le père et l’enfant en termes d’états mentaux qui s’influencent mutuellement. Cela pourrait l’aider à garder une distance pour éviter d’interférer avec le père ; elle pourrait également offrir son soutien au père et à l’enfant en cas de besoin. En revanche, si la mère n’est pas en mesure de tenir compte des états mentaux du père et/ou de l’enfant ainsi que d’interpréter correctement,

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cela peut avoir des répercussions importantes sur le plan des interactions coparentales et familiales. Par exemple, la mère pourrait intervenir dans l’interaction entre le père et l’enfant et blâmer le père pour son comportement considéré comme inapproprié. Ce type d’attitude maternelle pourrait mettre en danger la relation entre le père et l’enfant ainsi que la relation coparentale et la dynamique familiale. Sur la base de ces considérations, la mentalisation que chaque parent a à l’égard de la relation entre l’enfant et vis-à-vis de l’autre apparaît comme centrale pour comprendre le fonctionnement du contexte familial. Il est donc nécessaire d’étudier ce type de mentalisation lié à la relation coparentale. Nous l’avons appelé “mentalisation interparentale”.

Etude 1 : construction et mise à l’épreuve d’un nouvel instrument visant l’évaluation de la mentalisation parentale et de la mentalisation interparentale chez la mère et chez le père

A présent, bien que plusieurs instruments d’évaluation de la mentalisation parentale existent dans la littérature, aucun de ces instruments n’est toutefois adapté pour l’évaluation de la mentalisation interparentale. Afin d’étudier la mentalisation parentale et la mentalisation interparentale, il a été nécessaire de construire un nouvel instrument. Nous avons appelé cet instrument “Entretien sur la Constellation Familiale”

(ECF). En se basant sur les instruments déjà existants qui évaluent la mentalisation que la mère manifeste vis-à-vis de l’enfant, nous nous sommes efforcés d’en adopter la logique et la procédure et de l’adapter aux buts de cette recherche. Afin de créer cet instrument, une étude pilote a été conduite dans le but d’identifier la procédure adaptée pour mesurer la mentalisation parentale et la mentalisation interparentale. C’est ce qui sera présenté dans l’étude 1 de cette recherche. L’étude pilote a permis d’établir la procédure d’évaluation, le protocole d’entretien et le système de codage adapté pour mesurer les concepts de la mentalisation parentale et de la mentalisation interparentale.

Dans l’étude 1 nous allons donc décrire les phases de la construction de l’ECF et les phases de sa mise à l’épreuve.

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Etude 2 : associations entre la mentalisation, la collaboration au sein de la famille et la satisfaction conjugale

Suite à la construction de l’Entretien sur la Constellation Familiale présentée dans l’étude 1, nous allons présenter les différents objectifs de l’étude 2.

Le premier but de l’étude 2 vise à comprendre comment la mentalisation parentale et la mentalisation interparentale des deux parents sont en lien avec la collaboration observée dans les interactions au sein de la famille. Pour cela, nous allons analyser plusieurs unités familiales et différentes configurations relationnelles familiales dans diverses situations d’observation d’interaction.

En premier lieu, nous allons explorer les liens que la mentalisation parentale et que la mentalisation interparentale pourraient avoir avec la collaboration telle qu’on l’observe dans l’unité coparentale. Comme précisé précédemment, afin que les parents s’accordent et agissent de manière coordonnée lors d’une interaction où il est question du bien-être de l’enfant, la mentalisation des deux parents peut être central.

En deuxième lieu, afin d’entrer dans la spécificité des différentes configurations relationnelles familiales, nous allons analyser les interactions qui se déploient dans des situations où les parents prennent soit un rôle actif, soit un rôle de simple observateur.

Cela nous permettra de voir comment la mentalisation parentale et interparentale de la mère et du père sont en lien avec différents contextes d’interaction : lorsqu’un parent prend un rôle actif dans l’interaction avec l’enfant alors que l’autre parent prend un rôle d’observateur ou lorsque ou les deux parents prennent un rôle actif et doivent se coordonner.

En troisième lieu, nous allons nous demander si le lien entre la mentalisation et la collaboration observées dans la famille dépend du type de situation familiale dans laquelle les parents se trouvent en interaction. A ce propos, la situation d’interaction peut être soit très structurée sur le plan des règles que les parents doivent respecter, soit libre, en absence de règles strictement préétablies et partagées par les parents. Par exemple, dans une situation structurée, les parents ont préalablement négocié ensemble qui fait quoi, et ils partagent un plan d’action commun. En revanche, dans une situation libre, les parents sont obligés de négocier au moment présent le plan d’action afin de collaborer. La question de recherche que nous nous posons concerne le lien que la

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mentalisation parentale et la mentalisation interparentale peuvent avoir avec la collaboration en famille lorsque celle-ci interagit dans des situations structurés ou libres.

En effet, il est probable que lorsque la situation est libre, les parents soient obligés de tenir compte de la vision de l’autre afin de négocier et d’adopter un plan d’action commun. Cela implique que la mentalisation interparentale soit activée. En revanche, lorsque dans la situation d’interaction familiale, des règles sont préalablement présentes, les parents pourraient être moins contraints de tenir compte de la perspective de l’autre partenaire, sachant qu’ils partagent les mêmes règles. Cela impliquerait plutôt que la mentalisation interparentale soit moins nécessaire dans un but de collaboration au sein du couple coparental, tandis que la mentalisation parentale soit activée. Nous allons donc étudier le rôle que le type de situation familiale a sur le lien entre la mentalisation parentale et la mentalisation interparentale d’une part et la collaboration en famille d’autre part.

En quatrième lieu, nous nous intéresserons à comprendre si la mentalisation a un rôle de modérateur dans le lien entre la satisfaction conjugale et la collaboration en famille. De nombreuses études ont montré que la présence d’un stress et d’un sentiment d’insatisfaction au sein du couple conjugal est associée à une faible collaboration au sein de la famille (Katz & Gottman, 1996; Margolin, Gordis, & John, 2001). En d’autres termes, les couples qui manifestent un bas niveau de satisfaction conjugale et un haut niveau de stress ont plus de probabilités de montrer des difficultés au niveau du soutien et de la coordination au sein de la famille. Toutefois, une telle association semble absente pour un certain nombre restreint de familles qui seraient d’une certaine manière protégées d’un bas niveau de satisfaction conjugale (J. M. Lewis, Robert, Gossett, & Phillips, 1976; Talbot & McHale, 2004; Whiteside, 1998). De ce fait, malgré l’insatisfaction ressentie sur le plan des besoins d’intimité et de soutien au sein du couple, elles ont un niveau satisfaisant de collaboration en famille. Stein (2008) suggère que la mentalisation puisse promouvoir la résilience et joue un rôle de tampon contre les stress de la vie quotidienne. Compte tenu de ces observations et suggestions, nous proposons que la mentalisation puisse jouer un rôle de facteur protecteur qui permettrait aux parents d’atténuer le lien entre le stress conjugal et la collaboration familiale.

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1.3. Plan des chapitres suivants.

Dans les chapitres 2, 3 et 4, nous nous proposons de présenter les théories et les concepts sur lesquels nous nous sommes basés pour développer la problématique de cette recherche. Le chapitre 2 est consacré au concept de mentalisation. Comme nous le clarifierons, certains chercheurs ont proposé dernièrement un modèle décrivant la mentalisation comme une compétence composée de plusieurs processus ; ceux-ci s’intègrent en un phénomène complexe permettant à l’être humain d’entrer en relation mentale avec autrui. Le chapitre 3 expose l’hypothèse générale du lien entre la mentalisation et la collaboration en famille spécifiquement. Nous mentionnerons donc parmi les recherches qui visent la compréhension du rôle de la mentalisation au sein de la famille celles qui ont observé un lien entre la mentalisation de la mère et la collaboration entre la mère et l’enfant. Le chapitre 4 à a pour but de présenter l’importance de prendre en considération dans l’environnement social primaire de l’enfant non seulement la mère mais également le père. La présence des deux parents au sein de la famille permet d’identifier plusieurs sous-unités, chacune ayant un rôle dans le fonctionnement de la famille. En premier lieu, nous présenterons la sous-unité conjugale formée par les partenaires adultes remplissant leur rôle d’époux. En deuxième lieu, nous présenterons la sous-unité coparentale constituée par les deux partenaires adultes qui ensemble se partagent la responsabilité du bien-être de l’enfant et de son développement socio-émotionnel. En troisième lieu, nous exposerons le concept d’alliance familiale (Fivaz-Depeursinge & Corboz-Warnery, 1999) qui mesure le niveau de coordination atteint par les parents interagissant avec l’enfant dans un but familial partagé.

Ensuite, dans le chapitre 5, nous exposerons la problématique de ce travail de recherche et les hypothèses théoriques. Elle se développera en deux parties. La première partie visera à présenter les raisons qui rendent nécessaire la construction d’un nouvel instrument pour mesurer la mentalisation parentale et la mentalisation interparentale chez la mère ainsi que chez le père. La deuxième partie visera à présenter les hypothèses de cette étude. L’hypothèse principale concerne le test du lien entre la mentalisation parentale et interparentale des deux parents et la collaboration au sein de la famille. S’ensuivent deux hypothèses complémentaires. La première concerne le lien entre la mentalisation interparentale et la collaboration en famille compte tenu du contexte structuré ou libre dans lequel la famille est observée. La seconde hypothèse

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vérifie le rôle de la mentalisation comme facteur modérateur entre la satisfaction conjugale et le fonctionnement parental et coparental.

Dans le chapitre 6, nous présenterons l’étude 1 concernant la construction et la mise à l’épreuve de l’Entretien sur la Constellation Familiale. Deux échantillons ont été utilisés dans ce but. Nous exposerons les caractéristiques des échantillons. Les différentes phases de la construction de l’entretien seront ensuite présentées, à savoir la mise à l’épreuve des procédures et des questions. Enfin, nous décrirons le système de codage pour l’évaluation de la mentalisation parentale et la mentalisation interparentale.

Dans le chapitre 7 nous présenterons l’étude 2 concernant les tests de l’hypothèse principale et des deux hypothèses complémentaires. Nous poursuivrons avec la description de la méthodologie adoptée pour vérifier les hypothèses exposées précédemment. Nous décrirons donc la population qui a participé à la recherche et ses caractéristiques, la méthodologie d’enquête des différentes mesures choisies, à savoir les instruments utilisés et leurs systèmes de codage, afin d’obtenir les scores des variables traitées. Ensuite, nous présenterons les résultats des analyses statistiques utilisées pour tester les hypothèses.

Dans le chapitre 8, nous présenterons une étude de cas de trois familles dont les caractéristiques, sur le plan de la mentalisation et de la collaboration en famille sont contrastées. Cette analyse qualitative permettra d’exposer plus en détail la mentalisation parentale et interparentale de la mère et du père. Parallèlement, elle mettra en évidence les éventuels liens entre la mentalisation et la collaboration.

Le chapitre 9 sera consacré à la discussion des résultats de l’étude 1 et de l’étude 2 de cette recherche, aux possibles retombées au niveau des interventions préventives et thérapeutiques, aux recherches futures ainsi qu’aux limites du design et des méthodologies employées.

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2. La mentalisation dans le contexte de la relation parent-enfant

Dans ce chapitre, nous allons tout d’abord présenter le concept de mentalisation s’inscrivant dans le cadre de la théorie de l’attachement et du concept de système de soins parentaux. Ensuite, nous nous pencherons sur les processus sous-jacents à la mentalisation, en faisant référence principalement à la psychologie du développement et à la psychologie cognitive : ces approches ont offert un cadre théorique et des résultats empiriques sur lesquels se base la mentalisation étudiée chez le parent.

2.1. Le rôle du contexte social précoce pour le développement de l’enfant

C’est un truisme de dire que durant les premières années de vie de l’enfant, son contexte social, principalement constitué par les parents, a un rôle central dans son développement. En effet, dans le cadre théorique de la psychologie du développement et de la famille, les relations précoces sont vues comme les précurseurs du développement sain ou des éventuels troubles psychiques observés chez l’enfant (Bowlby, 1973;

Sameroff & Emde, 1992). Durant ses premières années de vie, l’enfant est incapable de satisfaire ses besoins physiques et de réguler ses émotions de manière autonome. Par conséquent, il est fortement dépendant de la présence et des soins du contexte social adulte qui l’entoure (Freud, 1949; Lorenz, 1970; Tinbergen, 1951). Du point de vue de la théorie évolutionniste, les comportements d’attachement que l’enfant manifeste à l’égard de ses pourvoyeurs de soin ont un rôle central. En effet, si d’une part, ils sont censés activer des comportements de soin chez les adultes qui lui assurent la survie, d’autre part, ils mettent en place le contexte social dans lequel l’enfant apprend comment son monde social agit à son égard et construit des attentes dans un but d’adaptation.

Dans ce cadre, les résultats de nombreuses recherches ont mis en évidence que l’attitude parentale de la mère caractérisée par la sensitivity2 est liée, par exemple, aux

2 La sensitivity, telle que Ainsworth l’a définie, fait référence à la sensibilité parentale face aux signaux et aux besoins de l’enfant et à la capacité d’y répondre de manière appropriée, prompte et cohérente (Ainsworth, Bell, & Stayton, 1971).

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compétences sociales chez l’enfant, au développement d’un style d’attachement sécurisé, à l’auto-régulation des émotions et au succès à l’école (Sroufe, 1997).

Par ailleurs, plusieurs études ont montré que certaines caractéristiques de l’attitude parentale sur le plan comportemental, étudiées principalement chez les mères, sont associées aux troubles que l’enfant développe. Les comportements parentaux des mères caractérisés par l’hostilité et le rejet sont liés à des troubles externalisés, à la dépression, aux comportements délinquant chez l’enfant (Feldman & Weinberger, 1994). D’autres études montrent que le laxisme et la discipline rigide instaurés par les mères sont associés à des problèmes de conduite chez l’enfant (Feldman & Weinberger, 1994; Ge, Best, Conger, & Simons, 1996). Les parents qui violent les frontières générationnelles (boundary violation), phénomène connu comme inversion de rôle3, ont plus de probabilités d’avoir des enfants avec des troubles de déficit de l’attention (Carlson, Jacobvitz, & Sroufe, 1995).

Il est aussi intéressant de remarquer que des études cliniques ont montré que des interventions de psychothérapie ciblant des changements du comportement parental de la relation mère-enfant et des représentations maternelles se révèlent efficaces sur le plan de la réduction des troubles et des symptômes chez l’enfant (Erickson, Sroufe, &

Egeland, 1985; Fraiberg & Fraiberg, 1980; McDonough, 2004; Sroufe, 1997).

Dans le domaine de la psychologie qui étudie le rôle des attitudes parentales sur le développement de l’enfant, la théorie de l’attachement occupe une place centrale.

Bowlby (1973) propose que, durant ses premières années de vie, l’enfant développe des liens émotionnels privilégiés à l’égard de son entourage social proche qui prend soin de lui. Sroufe (1996) suggère que cette relation puisse être conçue comme un système centré sur et visant la régulation des émotions réciproques (surtout négatives) tant de l’enfant que du parent. Dans ce contexte, l’interaction entre l’enfant et le parent constitue une “organisation dyadique affective-comportementale” (Sander, 1975). Le lien d’attachement que l’enfant développe vis-à-vis du parent est qualifié sur la base des expériences quotidiennes que l’enfant expérimente lorsqu’il a la nécessité de satisfaire ses besoins et demande l’intervention du parent. Le type d’interactions qui s’établit au

3 L’inversion des rôles est une forme pathologique d’interaction parent-enfant, dans laquelle l’enfant adopte des comportements à l’égard du parent qui sont typiquement observables chez l’adulte, tels que prendre soin des besoins affectifs du parent (Main & Cassidy, 1988).

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sein de cette dyade a un effet sur le sentiment de confiance que l’enfant développe à l’égard du parent, en fonction de sa présence et de sa disponibilité émotionnelle dans les moments de besoin (Biringen, 2000; Emde, 2000). Selon la théorie de l’attachement, le sentiment de confiance a un rôle central dans le développement social de l’enfant et sur sa personnalité (Ainsworth, Blehar, Waters, & Wall, 1978; Bowlby, 1973; Sroufe, Duggal, Weinfield, & Carlson, 2000). En effet, les résultats de recherches dans ce domaine montrent que les enfants attachés de manière sécurisée, à savoir ceux qui ont développé un sentiment de confiance à l’égard des parents, ont moins de probabilités de manifester des sentiments de peur (Bowlby, 1973; Stayton & Ainsworth, 1973) et de colère durant l’enfance et sont moins passifs et en retrait si on les compare aux enfants avec un attachement insécurisé (Kochanska, 2001; Lyons-Ruth, Alpern, & Repacholi, 1993; Renken, Egeland, Marvinney, Mangelsdorf, & Sroufe, 1989). En revanche, les enfants insécurisés montrent plus d’hostilité ; à l’école, ils ont la tendance à chercher des bouc-émissaires (Suess, Grossmann, & Soufre, 1992), sont moins compétents dans les tâches de collaboration avec les adultes (Matas, Arend, & Alan, 1978), et expriment également moins de comportements empathiques (Kestenbaum, Farber, & Sroufe, 1989).

Suivant une perspective évolutionniste, Bowlby (1982) propose que les attitudes et les comportements de la figure d’attachement soient organisés comme un système complémentaire et réciproque au système d’attachement de l’enfant. Bowlby l’a nommé système de soins parentaux (en anglais : caregiving system). L’originalité de la position théorique de Bowlby concerne l’aspect d’organisation interne de ce système de soins.

En effet, en opposition aux théories concernant le parentage qui ont une vision morcelée des comportements et des attitudes du parent (Bornstein, 2002), la perspective adoptée par la théorie de l’attachement est basée sur l’idée que le parentage constitue un système comportemental à part entière (Solomon & George, 1996). Cela implique que les comportements du parent à l’égard de l’enfant sont organisés et coordonnés d’un point de vue fonctionnel, qu’ils sont donc orientés vers un ou plusieurs buts (selon la théorie de l’attachement : la protection de l’enfant et son soutien émotionnel), et que le système est en partie régulé par des signes externes et internes à l’individu en relation avec les buts à atteindre (Hinde, 1982). De plus, le fonctionnement du système de soins parentaux est guidé par des modèles mentaux (Craik, 1943) que le parent se construit, et qui sont le reflet mental de la dynamique relationnelle réelle entre l’enfant et lui-même.

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Dans ce sens, le parent, sur la base de l’expérience qu’il a vécue en interaction avec l’enfant, se construit un modèle mental des probables chaînes interactionnelles entre l’enfant et lui-même sous forme de représentation généralisée d’évènements (Main, Kaplan, & Cassidy, 1985; Nelson, 1999). Dans le langage de Bowlby (1973), l’organisation du système de soins parentaux est gérée par les Modèles Internes Opérants (MIOs), un système de représentations mentales généralisées que le parent se construit au sujet de l’enfant, du parent et de la relation entre le parent et l’enfant, incluant des composantes affectives et cognitives. Les MIOs du parent lui permettent de percevoir et d’interpréter les comportements de l’enfant en tant que signes de ses besoins internes et de guider ses comportements, orientés dans le but de prendre soin de l’enfant (Bowlby, 1973; Bretherton, 1985). Les MIOs du parent fonctionnent comme un système qui simule mentalement la façon dont l’interaction avec l’enfant va probablement se dérouler. Ceci permet donc au parent de prédire et d’anticiper le comportement de l’enfant et de s’y adapter de manière adéquate (Bowlby, 1988). Le système de soins parentaux guidé par les MIOs permet donc au parent de s’adapter aux besoins de l’enfant de manière flexible (sensitivity parentale, Ainsworth, Bell, &

Stayton, 1971), ce qui assure que la dyade interagisse en terme de partenariat orienté vers le but et maintienne l'homéostasie de la dyade même.

De la perspective de la théorie de l’attachement concernant le système de soins parentaux, les chercheurs ont réorienté leur intérêt vers l’examen des représentations que le parent a de la relation avec son enfant (Main et al., 1985). Les MIOs s’inscrivent comme un antécédent expliquant l’expression des comportements parentaux sensibles face aux besoins de l’enfant. Plusieurs chercheurs ont étudié les caractéristiques du fonctionnement des MIOs, qui peuvent avoir un impact sur ces comportements parentaux, grâce à l’analyse des représentations que le parent s’est construites de la relation avec l’enfant (Bretherton, Biringen, Ridgeway, Maslin, & Sherman, 1989;

George & Solomon, 1989; Zeanah, Benoit, Hirshberg, Barton, & Regan, 1995).

Une caractéristique propre aux MIOs parentaux émerge étant centrale sur le plan théorique et capable d’expliquer le lien entre les MIOs du parent et le style d’attachement de l’enfant. Elle fait référence à un aspect de la sensitivity parentale que Ainsworth a décrit comme étant la capacité parentale de “voir le monde du point de vue de l’enfant”. Cette caractéristique propre à la sensitivity parentale fera l’objet de ce travail. Dans les prochaines pages, nous allons en décrire son fonctionnement chez

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l’être humain en général et l’inscrire dans le cadre particulier des relations familiales entre les parents et l’enfant.

2.2. La mentalisation parentale dans le cadre de la théorie de l’attachement

En s’inscrivant dans le cadre de la théorie de l’attachement et du le fonctionnement du système de soins parentaux, et sur la base des études de Fonagy et collègues (Fonagy et al., 2003, 1991), Slade (2005) a développé le concept de mentalisation parentale. Celle-ci est définie comme la capacité du parent de percevoir et d’interpréter le comportement de l’enfant en tant que manifestation de son monde interne, habité par des états mentaux tels que des émotions, des intentions et des croyances. Un parent capable de mentalisation a construit un modèle mental relationnel où l’enfant est vu comme un sujet dont les comportements sont la manifestation extérieure de ses besoins intérieurs tant physiques que psychiques. Le parent mentalisant est également en mesure de comprendre l’influence que ses comportements parentaux peuvent avoir sur l’enfant en termes d’états mentaux que l’enfant même peut vivre. Comme suggéré déjà par Bowlby et élaboré ensuite avec la notion de mentalisation par Fonagy et Slade, le cerveau «fournit des modèles mentaux plus ou moins élaborés qui permettent d’effectuer, pour ainsi dire, des expériences à petite échelle dans la tête» du monde interpersonnel, ce qui permet «de comprendre la complexité du comportement, spécialement du comportement humain» (Bowlby, 1982, pp. 80–81). Les comportements de l’enfant exprimés dans l’interaction peuvent activer le système de soins parentaux et par conséquent déclencher la capacité de mentalisation : le parent simule donc dans la tête le fonctionnement de l’interaction parent-enfant expliqué en termes d’états mentaux.

La théorie de la mentalisation de Fonagy s’inscrit dans la théorie du fonctionnement des MIOs parentaux et l’enrichit grâce au développement de l’un de ses aspects centraux (Figure 1). En effet, si les MIOs du parent offrent un modèle représentationnel de l’interaction entre le parent et l’enfant, la théorie de la mentalisation permet d’interpréter les comportements de l’enfant et du parent même en termes d’états mentaux. En d’autres termes, les états mentaux sont vus comme les causes mentales probables des comportements et des échanges interactifs. Dans cette perspective, si la chaîne interactionnelle entre le parent et l’enfant est prévisible grâce

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aux MIOs que le parent a de la relation, les processus de mentalisation permettent d’attribuer un sens logique et rationnel aux comportements de l’enfant (Dennett, 1971;

Fonagy et al., 2003).

Figure 1. Modèle de la relation parent-enfant impliquant les processus de mentalisation qui font partie du système de soins parentaux.

Sur la base de la théorie de la mentalisation de Fonagy, plusieurs auteurs ont commencé à s’intéresser aux processus de mentalisation parentale. Ils ont donc repenser le concept de sensitivity parentale et du fonctionnement des MIOs en termes de capacité à focaliser l’attention que le parent porte sur le monde mental de l’enfant, au lieu de s’arrêter sur le plan comportemental et sur la chaîne interactive entre le parent et l’enfant (Koren-Karie et al., 2002; Meins et al., 2001). Dans ce sens, les recherches montrent que lorsqu’un parent est en mesure de tenir compte du monde mental de l’enfant, alors il est probable que l’enfant développe un style d’attachement sécurisé, car ses comportements ont été perçus et correctement interprétés pare le parent sur la base des états mentaux sous-jacents. En revanche, un parent ayant une mentalisation déficitaire à l’égard de l’enfant a plus de risque que ce dernier développe un style d’attachement insécurisé (Grienenberger et al., 2005; Koren-Karie et al., 2002; Meins et al., 2001; Schechter et al., 2005; Slade, Grienenberger, et al., 2005).

La mentalisation déficitaire peut prendre différentes formes. Le parent peut avoir une totale absence de capacité à comprendre les comportements de l’enfant ou de

Système de soins parentaux

système d’attachement Modèle interne

opérant

parent

enfant processus de

mentalisation

comportement parental

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comprendre l’effet que ses comportements pourraient avoir sur le monde intérieur de l’enfant (“je ne sais pas du tout pourquoi il s’est comporté ainsi”). Dans des formes moins extrêmes, le parent peut avoir la tendance à mal interpréter le comportement de l’enfant, par exemple en termes de traits de personnalité souvent négatifs (“il est toujours méchant, presque un diable”) ; il en va de même quand il est centré uniquement sur le monde extérieur et sur les comportements (“elle est jolie dans sa belle robe” ; “il va à l’école et fréquente d’autres enfants, c’est bien cela”) ; ou lorsqu’il se montre incapable de comprendre l’état d’anxiété (“la nuit il hurle, après il s’arrête, au fond rien ne l’a dérangé”) ; ou encore quand il se fonde sur des stéréotypes (“tous les enfants à cet âge-là se comportent ainsi, comme je l’ai lu dans ce livre”). Ces différents cas montrent que le parent ayant un déficit sur le plan de la mentalisation interprète le comportement de l’enfant sans focaliser son attention sur son monde mental.

Dans ce contexte, il est également nécessaire de mentionner le travail clinique de Selma Fraiberg (1974; 1980) qui a contribué de manière indirecte au développement de la théorie de la mentalisation. Bien qu’elle n’ait pas utilisé ce terme, elle a conçu la forme de psychothérapie mère-enfant d’orientation psycho-dynamique sur la base d’interventions visant le développement de la capacité maternelle à lire les signaux de l’enfant pour lui permettre d’amener à la conscience l’expérience du monde interne de l’enfant. Elle a observé que les parents dont l’enfant présente des troubles fonctionnels, ont souvent une difficulté à focaliser leur attention sur certains comportements et certaines émotions de leur enfant. Pour cela, ils ne parviennent pas à les interpréter de manière correcte. Sur la base de cette constatation, Fraiberg suggère que le travail thérapeutique doit se focaliser sur des interventions permettant au parent d’éliminer les défenses qui l’empêchent de percevoir et de comprendre le monde émotionnel de l’enfant afin d’adopter son point de vue. Des études centrées sur l’intervention ciblant la capacité mentalisante du parent ont montré des changements, à la fois dans le comportement parental, ainsi que dans le changement de style d’attachement chez l’enfant (Emde, 1990; Robert-Tissot et al., 1996; Rusconi-Serpa, Rossignol, &

McDonough, 2009; Schechter et al., 2006; Slade, Grienenberger, et al., 2005).

Dans les sous-chapitres suivants, nous allons exposer le concept de mentalisation, son fonctionnement, ainsi que les bases théoriques sur lesquelles il a été conçu. Comme nous allons le voir, il ne s’agit pas d’un concept unitaire. Afin d’en comprendre la fonctionnement, nous allons baser la théorie de la mentalisation sur la perspective

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adoptée par des nombreux chercheurs qui considèrent cette capacité comme un processus multi-facette (Decety & Jackson, 2004; Fonagy & Luyten, 2009; Frith &

Frith, 2008). Même si ce travail de recherche cible la mentalisation que les parents manifestent spécifiquement au sein de la famille, et même s’il s’inscrit au sein du cadre de la théorie de l’attachement, nous allons traiter certains aspects de ce concept sur la base de recherches effectuées dans d’autres populations et dans d’autres perspectives théoriques. Ce choix est dû principalement au fait que la théorie du fonctionnement de la mentalisation parentale se base sur des recherches effectuées en psychologie du développement et en psychologie cognitive, ayant été élaborées à partir de l’étude de la mentalisation chez le jeune enfant. C’est pourquoi, dans les prochains trois sous- chapitres, nous allons employer cette littérature afin de placer le concept de mentalisation au niveau théorique.

2.3. Définition de la mentalisation en tant que capacité multi- facettes

Dans la recherche ici présentée, nous avons choisi d’adopter la perspective d’un certain nombre de chercheurs proposant un modèle de la mentalisation en tant que capacité multi-facettes. Selon cette approche, il est possible de distinguer trois processus de mentalisation permettant d’entrer en contact mental avec autrui. En premier lieu, il existe un processus direct et non médiatisé de mentalisation qui permet à l’être humain de percevoir et de ressentir les émotions et les sensations des autres, au niveau de l’expérience (processus implicites). En deuxième lieu, il existe un processus de mentalisation qui implique la réflexion sur les états mentaux de l’autre, dans le but d’interpréter et de comprendre son comportement et de pouvoir le prédire dans le futur (processus explicites). En troisième lieu, ces deux processus sont réglés par une capacité qui permet à l’individu de prendre du recul par rapport à sa perspective et de se décentrer. Grâce à ce processus de décentration, le sujet est en mesure d’adopter la perspective de l’autre. Le sujet tient donc en tête la perspective de l’autre et de lui- même simultanément (perspective taking).

Pour mettre en évidence la distinction entre les processus implicites et les processus explicites, de nombreux chercheurs ont exploré une nouvelle perspective de recherche, la neuronal social cognition qui fait recourt à diverses techniques d’imagerie médicale. Ils ont ainsi découvert l'existence de systèmes neurocognitifs distincts qui

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s’activent soit pour l’un ou l’autre de ces deux processus (Fonagy & Luyten, 2009; Frith

& Frith, 2008; Smith, 2006). Cela mettrait en évidence que la capacité humaine d’entrer en contact mental avec l’autre, même si elle semble au premier abord être un processus monadique, est plutôt un processus complexe et multi-facettes. Selon Singer (2009), pour qu’un individu interagisse d’une manière efficace et adéquate avec autrui, il doit coordonner simultanément tant les processus implicites qu’explicites, tout en tenant compte de la perspective d’autrui. Par contre, la manière dont ces processus de la mentalisation s’articulent pour créer les phénomènes complexes du concept de mentalisation reste encore obscure (Decety & Jackson, 2004).

Dans la suite de ce chapitre, nous allons présenter les recherches qui ont étudié les différents phénomènes de la mentalisation, du point de vue de la psychologie du développement, de la psychologie cognitive, de la psychologie sociale et des neuro- sciences socio-cognitives.

Les processus implicites de la mentalisation

Lorsqu’il est en interaction dans le monde social, l’être humain peut manifester certains comportements pro-sociaux. Ceux-ci sont souvent destinés à soulager le stress vécu par un individu qui vivrait, par exemple, une expérience de souffrance physique.

Ces comportements ont été interprétés par les éthologues et par les psychologues comme étant le reflet d’une sensibilité marquée pour la manifestation comportementale de certains états intérieurs vécus par l’autre (Buck & Ginsburg, 1997; Preston & de Waal, 2002). Le simple fait d’observer le reflet comportemental d’une émotion exprimée par un autre individu crée souvent dans l’observateur le vécu d’une émotion congruente à celle vécue par le sujet observé. Cette réponse est automatique, rapide, non réfléchie et seulement partiellement contrôlée. Cela a comme conséquence de créer un contact entre les individus sur le plan expérientiel et émotionnel. Ce type de contact émotionnel a comme avantage la régulation des interactions sociales, les activités coordonnées et la coopération vers des buts communs (de Waal, 2008; Decety & Lamm, 2006). De nombreux exemples de processus implicites de la mentalisation chez l’être humain (auxquels certains chercheurs se réfèrent avec le terme de “contagion émotionnelle”, Hatfield, Cacioppo, & Rapson, 1993) sont communs dans la vie quotidienne. Nous avons tous fait l’expérience de la contagion qui suscite un rire authentique. Le phénomène encore très mystérieux de la contagion du bâillement se

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