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Les corps travaillés par les institutions

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Programme des séances du séminaire « Les corps travaillés par les institutions » Séminaire doctoral de centre du CMH

Sabrina Nouiri-Mangold (doctorante au CMH) / Mathias Thura (post-doctorant au CESSP) Campus Jourdan - 48, bd. Jourdan 75014 Paris

Séminaire mensuel non-régulier, les vendredis, de 14h - 17h

À travers la présentation d’enquêtes empiriques par leurs auteurs, ce séminaire doctoral s’intéresse aux pratiques et aux instruments concrètement mis en œuvre au sein d’institutions spécifiques (travail, école, club, association) pour façonner les corps de leurs membres, ainsi qu’aux moyens à disposition des sciences sociales pour mesurer et décrire les effets de ce travail. Il s’adresse tout à la fois à des étudiant-e-s qu’à des chercheur-euse-s intéressés par cette thématique.

Résumé

D’un point de vue théorique, nous nous inscrirons dans le prolongement des approches d’Erving Goffman (1961) et de Michel Foucault (1975) sur les institutions totales et disciplinaires, mais en élargissant le spectre à la gamme plus étendue des « institutions enveloppantes » (Darmon, 2013), dont les degrés de coercition et d’autocontrôle qu’elles imposent peuvent s’avérer être très variables : allant du quadrillage minutieux à des fins explicites (dans le cas de l’entraînement militaire ou de l’apprentissage des gestes techniques hospitaliers) à un contrôle diffus et moins facilement identifiable (comme le travail de l’effacement des émotions ou des corps dans l’interaction) en passant par des dispositifs d’autocontrôle variés (les régimes alimentaires, l’entraînement sportif, l’« entretien » du corps).

Parallèlement, il s’agira de poursuivre la réflexion sur les méthodes et les techniques dont nous disposons pour mesurer, décrire et restituer des observations, ainsi que des moyens réflexifs permettant de faire des corps des chercheurs les instruments embarqués et situés de l’observation.

En posant le corps comme « le premier et le plus naturel instrument de l’homme » – à la fois objet et moyen technique naturel –, Marcel Mauss nous invite à assumer une conception biologico- sociologique des corps, qui articule étroitement et impose de penser solidairement l’intériorité et l’extériorité des faits sociaux. Entendant par là une série d’actes montés « chez l’individu non pas simplement par lui-même, mais par toute son éducation, par toute la société dont il fait partie », montages dotés de significations et considérés comme efficaces, il donne à penser tout autant l’adoption/l’imposition/la production de postures, de gestes concrets, de perceptions, d’émotions ou de pensées abstraites : la société inspire des sentiments eux aussi socialisés et susceptible d’une technique, d’un contrôle, d’une production normée.

Argument

La question de l’usage socialisé du corps a été abordée de multiples façons, par l’anthropologie, l’histoire sociale et la sociologie, toujours à la croisée de ces deux dimensions. On pense notamment

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ici aux travaux de Norbert Elias, Erving Goffman, Alie Hochschild, Michel Foucault, Pierre Bourdieu, Luc Boltanski, Loïc Wacquant, Dominique Memmi, Georges Vigarello, Didier Fassin (sans prétention à l’exhaustivité des approches). Par ailleurs, tout un pan de la sociologie du sport a construit ses objets dans cette direction et a décrit l’investissement socialement différencié des corps lors d’activités physiques et sportives à des fins de performances professionnelles ou de loisirs (Faure, Laillier, Loirand, Sorigné, Suaud, Schotté, Wacquant). À travers les pratiques touchant à l’usage, à l’entretien et à la transformation des corps dans des contextes différenciés, ces auteurs éclairent les modalités historiques concrètes par lesquelles les corps sont forgés, disciplinés, rectifiés, mis en scène, éduqués, dressés, domestiqués, moralisés, rendus tout à la fois capables de ressentir et de produire des impressions, des émotions et des gestes spécifiques.

Dans le sillage de ces approches, ce séminaire vise à poursuivre l’exploration des différentes manières dont les corps sont très concrètement travaillés (au sens de soumettre à un effort). Les travaux portant sur les institutions disciplinaires et/ou totales donnent ici matière à penser ce travail appliqué sur les corps de certains de leurs membres, et si les dispositifs de Foucault et de Goffman concentrent le regard sur des institutions très [trop ?] spécifiques, leurs conclusions interpellent les sociologues et ethnographes sur des pratiques plus banales et quotidiennes se déroulant dans des conditions bien moins coercitives que les contextes de la prison ou de l’asile (dans la sphère privée, professionnelle, scolaire ou publique). Pour cette raison, nous invoquerons ici le concept d’institution enveloppante repris par Muriel Darmon pour concevoir les pratiques socialement situées par lesquelles les corps sont investis par des institutions (plus ou moins formellement organisées) à des fins de reproduction – matérielle ou symbolique – de l’ordre social.

Que ce soit à l’école, au travail ou au domicile, cet effort de transformations et de contrôle peut prendre des formes discrètes et euphémisées (et alors apparaître comme infinitésimal voire négligeable), ou à l’inverse, des formes spectaculaires (parfois mises en scène à cette fin). Les institutions en question peuvent opérer ce travail en suscitant l’adhésion de leurs membres à leurs propres objectifs : inciter à modifier leurs corps pour leur « propre bien », pour réaliser un idéal professionnel, ou pour rendre possible une activité considérée désirable (ce qui pose la question des conditions de construction de cet idéal : qui le produit, le transmet, le discute et s’y oppose ou à l’inverse s’en fait le chantre et tente de l’imposer, au nom de quoi ?). Et les effets observables d’un tel travail sont multiples : se forcer à sourire ou à l’inverse, à estomper toute émotion de son visage, se forcer à changer brutalement et ponctuellement son régime alimentaire ou au contraire, contrôler et mesurer continument son alimentation, voire se forcer à la prise de poids ; se forcer à rompre son corps à l’exercice physique quitte à utiliser la médecine à cette fin, apprendre à endurer la fatigue, décaler ses cycles de sommeil et à supporter des conditions de vie dégradées, connaître les corps pour les manipuler à toutes fins pratiques (comme faire une toilette), voir réajuster ces derniers après des accidents (sous le vocable du travail de « rééducation »).

En privilégiant la présentation d’enquêtes par observations directes, en cours ou récentes, nous espérons prolonger le geste réflexif à propos de l’engagement du ou de la chercheuse sur son terrain

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d’investigation. Les recherches qui tentent de mettre les corps au centre de l’analyse impliquent souvent une exposition du corps de la ou du chercheur comme instrument de perception, de captation et d’expérimentation. Que faire de ces expériences d’enquête, qui impliquent du ressenti, du sensitif, et qui s’avèrent souvent difficile à mettre à distance, à décrire, à expliquer et à contrôler ? Quels sont les outils à notre disposition pour en faire un usage raisonné ? La participation est-elle nécessaire pour investiguer de tels objets, et, pour reprendre la mise en garde de Barchelard, comment ne pas céder aux illusions de l’expérience première dans de telles situations ? Par quels instruments objectiver son propre « ressenti » afin d’en faire des données exploitables et contrôlables ? Quelles sont les exigences, tant méthodologiques que théoriques, à respecter pour faire du corps du chercheur un instrument d’objectivation ?

Autour de ces objectifs multiples, il s’agira à chaque séance d’examiner comment des institutions travaillent les corps de leurs membres et dans le même geste, d’examiner les outils méthodologiques, théoriques et épistémologiques permettant de mesurer, décrire et rendre compte de ce travail. Les séances thématiques seront l’occasion d’une double présentation d’enquêtes par leurs auteurs et d’une discussion avec les participants, autant dans l’optique de capitaliser et transmettre les savoirs faire méthodologiques que de contribuer à l’élaboration théorique des objets présentés.

PROGRAMME

(intitulés temporaires, sous confirmation des titres des communications par leurs auteurs) 1) Introduction générale et présentation du séminaire : la place du corps dans les analyses de sciences sociales

(vendredi 27 novembre, 48 bd. Jourdan, salle de réunion du DSS, bâtiment B, 2ème étage)

• Les instruments théoriques et méthodologiques à disposition des sciences sociales pour penser les « corps » et les constituer en objets. Des techniques du corps de Marcel Mauss aux sociologues du sport ; du contrôle disciplinaire à l’autocontrôle ; des éthologistes aux

ethnométhodologues, de l’attention portée aux gestes dans les activités sociales à l’action située.

• La place accordée à l’expérience corporelle constituée par l’observateur lui-même, condition d’exploitation et de contrôle de cette dernière.

• Le corps à la croisée des disciplines : (r)apports des sciences sociales avec la médecine, la biologie, la psychologie et l’ergonomie.

2) Saisir les cultures sportives et les cultures professionnelles via le corps : anthropologues mis à contribution

(vendredi 18 décembre, 48 bd. Jourdan, salle F)

• Les techniques du rugby à Samoa : Julien Clément (Musée du quai Branly)

• Les bûcherons au travail : Florent Schepens (Université de Bourgogne - CGC)

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3) L’hexis et l’éthos mis au travail (1) (vendredi 15 janvier, 48 bd. Jourdan, salle F)

• Le travail infirmier, manipulations et interactions avec les corps des patients : Caroline Émin (EHESS – PDI)

• Apprentissage des techniques d’émotionnelles au contact de la clientèle des salons de coiffure : Diane Desprat (Université Paris Ouest Nanterre - CRESSPA)

4) L’hexis et l’éthos mis au travail (2) (vendredi 5 février, 48 bd. Jourdan, salle de réunion du DSS, bâtiment B, 2ème étage)

• Hôtesse d’accueil : Gabrielle Schütz (Université Saint-Quentin en Yvelines - Printemps)

• Hôtesse de l’air : Anne Lambert (INED)

5) Ordonner les corps pour l’action collective (vendredi 18 mars, 48 bd. Jourdan, salle F)

• L’entraînement dans l’armée de terre, approche sociologique : Mathias Thura (CESSP)

• L’entraînement des sapeurs pompiers, approche historique : Jacques Doctobre (Lille 1 - Clersé)

6) Une science des corps performants (vendredi 1 avril, 48 bd. Jourdan, salle F)

• Médecine sportive et la production de la performance : Baptiste Viaud (Université de Nantes - CENS)

second intervenant à confirmer

7) Le poids comme variable d’ajustement des dispositifs sportifs spectaculaires (vendredi 27 mai, 48 bd. Jourdan, salle F)

• Production des catégories de poids des boxeurs : Sylvain Ville (Université Paris Ouest Nanterre - CeRSM)

• Mécanismes de pari sportif et régulation du poids des jockey : Sabrina Nouiri-Mangold (EHESS - CMH)

8) Le traitement des corps accidentés (vendredi 24 juin, 48 bd. Jourdan, salle F)

• L’AVC et ses conséquences : Murielle Darmon (CSE)

• Le travail en unité de soins palliatifs : Thomas Denise (Université de Caen - CERReV)

Références

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