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RÉSUMÉ INTRODUCTION I. RÉFORME DES LANGUES VIVANTES ET RÉFORME DE L ENSEIGNEMENT SECONDAIRE

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LA PART DU SOCIOCULTUREL DANS LA TRANSMISSION DES REPRÉSENTATIONS CULTURELLES : LE CAS DES PREMIERS ASSISTANTS DE LANGUE FRANÇAISE EN ALLEMAGNE ET DE

LANGUE ALLEMANDE EN FRANCE

Sébastien RIVAL, Université de Metz, France Universität des Saarlandes, Saarbrücken, Allemagne

RÉSUMÉ

L’assistanat de langue étrangère naît à la suite des réformes de l’enseignement des langues vivantes qui ont lieu en Angleterre, en France et en Allemagne au début du 20e siècle et qui, abandonnant le paradigme grammatical, consacrent le caractère vivant de « la langue ». En septembre 1905, une convention instituant un échange d’assistants entre la France et la Prusse est signée. Jusque 1914, l’échange va connaître un grand succès au point que d’autres conventions vont progressivement être signées de part et d’autre avec différents pays européens. Cependant entre la France et la Prusse, il existe jusqu’à la guerre un déséquilibre persistant qui interroge : il y a davantage d’assistants français en Prusse que d’assistants prussiens en France. Dans quelle mesure la situation sociale et professionnelle initiale des candidats va t-elle évoluer pendant leur séjour ? En quoi l’écart créé entre leur ancienne situation et leur nouvelle situation, va-t-il pouvoir constituer un facteur explicatif de ce déséquilibre ?

INTRODUCTION

L’introduction d’assistants de langues étrangères dans les enseignements de langues vivantes au début du 20e siècle, c’est à dire de locuteurs natifs (d’abord anglais et allemands) à qui est confiée la mission très spécifique de converser avec les élèves, suit l’avènement de l’enseignement des langues étrangères dans les système éducatifs français et allemands, qui a lieu entre 1870 à 1914. Cet avènement des langues vivantes est inextricablement lié aux réformes de l’enseignement secondaire ; la question des langues vivantes qui se présentent comme un nouveau paradigme autour duquel pourrait se structurer un « enseignement réaliste », est une de celles qui polarisent d’un côté les tenants d’une nouvelle école, de l’autre les tenants de l’ancienne. La mise en place d’un tel échange, dans une période de tensions où l’Allemagne cherche à consolider son État-nation et où la France vit, du nom de l’ouvrage célèbre de Claude Digeon, la « crise allemande de la pensée française »1, ne va pas sans difficulté. En me penchant sur les premiers assistants français en Allemagne et allemands en France, je désire interroger le poids de l’identité socioculturelle des candidats à l’assistanat dans leur intégration, à la fois professionnelle et sociale, lors de leur séjour à l’étranger, ou, en d’autres termes, montrer comment le socioculturel occupe une place à part entière dans les situations interculturelles.

I. RÉFORME DES LANGUES VIVANTES ET RÉFORME DE L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE

C’est au tournant du siècle qu’en France et en Allemagne l’enseignement secondaire se voit unifié. En Allemagne, un mouvement hétérogène, dit de la Kulturkritik, s’élève autour

1. En effet, en France, la défaite militaire de 1870 est essentiellement attribuée à la supériorité du système éducatif allemand et donc à la faillite du système français ; à partir de 1880, s’engage donc, avec les réformes de Jules Ferry, un mouvement de modernisation de l’enseignement.

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des années 1890 pour critiquer la Bildung2 et son principal vecteur le Gymnasium. Certains (Nietzsche, Paulsen, Hildenbrand), partisans de la culture classique, dénoncent la dérive de la Bildung vers un « savoir purement formel, l’excès de travail de mémoire, la perte d’une vision humaniste englobante au profit de savoirs spécialisés »3 (Mombert, 2001, p. 24). D’autres plus radicaux, partisans du Realgymnasium, combinaison de l’enseignement long et des contenus

« réalistes », attaquent également le Gymnasium, mais au nom de la seule modernité et demandent « que soit réduit l’écart de l’institution scolaire à ce qu’ils présentent comme les réalités du temps, sur les plans technique, industriel, scientifique et social » (Mombert, 2001, p. 23). Cette critique de l’orientation de l’enseignement se double d’une critique du privilège des Berechtigungen (Qualifications) dont bénéficie le Gymnasium : d’une part, l’accès au Einjährige (service militaire d’une année qui permet d’obtenir le grade d’officier), d’autre part l’exclusivité réservée aux élèves issus du Gymnasium pour accéder par le Staatsexamen (examen d’état) aux fonctions les plus en vues (notamment celles de la fonction publique).

C’est parmi ces derniers que vont agir les réformistes de l’enseignement des langues qui, sous la conduite de Wilhelm Viëtor4, se réunissent en 1886 en association (l’Allgemeiner Deutscher Neuphilologen-Verband) et se dotent d’une revue en 1893 (Die Neueren Sprachen). Concernant le corps de doctrine qu’ils défendent, un consensus se dégage autour de la revalorisation du caractère oral de la langue et de la lecture et sur de la méthode dite naturelle ou directe5. La réforme, animée par la volonté réformiste de l’Empereur Guillaume II se fait en deux temps, pour aboutir en 1900 à la Gleichberechtigung, l’égalité de droit entre les trois types d’établissements proposant un enseignement long : le Gymnasium, le Realgymnasium et la Oberrealschule qui dispense un enseignement dans latin.

En France, c’est l’avènement de l’enseignement spécial crée en 1864 par Duruy et son assimilation au système secondaire qui marque l’aboutissement de la réforme. Comme en Allemagne, les partisans d’une réforme des langues vivantes sont favorables à cet

« enseignement moderne », au sein duquel les langues occupent une place privilégiée, cependant deux camps s’affrontent. D’un côté, les réformateurs éclectiques ou modérés (Charles Sigwalt par exemple), qui dans le sillage de Auguste Wolfromm6, appellent l’établissement d’une doctrine de l’enseignement des langues (qui fixerait aux professeurs les buts de l’enseignement sans leur dicter une méthodes) ; de l’autre les réformateurs directs, à sa tête Charles Schweitzer qui veulent l’imposition de la méthode directe. En 1891, l’enseignement secondaire spécial et le baccalauréat spécial deviennent respectivement l’enseignement secondaire moderne et le baccalauréat moderne (Mombert, 2001, p. 111).

Mais les familles n’adoptent pas l’enseignement secondaire moderne, ce qui se traduit par une hausse de l’enseignement libre (des congrégations), qui s’est adapté à la demande des parents, au dépend de l’enseignement public. L’inquiétude pousse les républicains à commander une grande enquête parlementaire en 1899 en vue d’une réforme qui aboutit en 1902 à la réforme de l’enseignement secondaire. On divise les études secondaires en deux cycles : le premier cycle (de la 6e à la 3e) comprend deux sections A et B, la seconde ne comportant ni latin, ni grec ; le second cycle (de la 2e aux classes terminales) comprend 4 options dont 3 ont le latin pour base : latin-grec ; latin-langues vivantes ; latin-sciences ; langues vivantes-sciences.

Comme en Allemagne, les bacheliers « modernes » bénéficient dorénavant d’une égalité

2. Idéal de la formation de l’être, la Bildung est la pierre angulaire de la formation élitiste, généraliste et désintéressée dispensée au Gymnasium et mise en place par Wilhelm von Humboldt au début du 19e siècle.

3. L’enseignement des langues anciennes au fondement de la Bildung est composé de la culture « formelle » et de la culture « humaniste », qui correspond d’une part à l’apprentissage de la rigueur logique par l’étude de la langue, et d’autre part à la découverte des valeurs morales et esthétiques de la civilisation antique. Dans la pratique, elles correspondent à deux étapes successives et, puisque les exigences linguistiques sont hautes, l’apprentissage se réduit à celui de la grammaire.

4. Le point de départ de la réforme est, en effet, son texte publié en 1882 sous le pseudonyme « Quousque Tandem ? » et intitulé : « Der Sprachunterricht muss umkehren ».

5. Les deux termes équivalents indiquent que l’enseignement est donné uniquement dans la langue étrangère, celle-ci offrant un accès privilégié à la culture qu’elle représente.

6. Celui-ci crée en 1884 la Revue de l’enseignement des Langues vivantes crée dès 1884 afin de permettre aux différents acteurs des langues vivantes d’échanger sur leurs expériences et également afin d’aider les professeurs à préparer une agrégation, pour laquelle il n’existe pas de cours préparatoires.

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juridique. Pour l’enseignement des langues, on impose comme unique méthode d’enseignement, au nom du patriotisme, la méthode directe. Ce n’est qu’après la réforme de 1902 et donc dans le cadre idéologique qu’elle fixe, que les professeurs de langues obtiennent le droit de se réunir en association7.

II. GENÈSE DE L’ÉCHANGE : LA CONVENTION ET LES INSTRUCTIONS C’est à la suite de ces réformes qui imposent enfin les langues modernes dans l’enseignement secondaire que vont se développer de chaque côté du Rhin des initiatives faisant appel aux locuteurs natifs. Étant donné, le caractère radical de la réforme de l’enseignement des langues qui a été menée en France, il est peu étonnant de voir l’assistanat se développer d’abord sur son territoire. Ainsi dès Octobre 1902-Mars 1903, un Oberlehrer (professeur de l’enseignement secondaire allemand) qui effectue un séjour en France signale que le Ministère de l’Instruction Publique « a placé dans quelques lycées de jeunes professeurs allemands pour converser en allemand avec une classe d’élite composée d’élèves avancés et studieux »8. Il évoque également quelques « inconvénients » à cette activité appelée à être généralisée, mais sans en préciser la nature. On songe immédiatement à des problèmes d’indisciplines9. Le Ministre français de l’Instruction Publique et des Beaux-Arts, Joseph Chaumié, a rapidement le souci de régler l’activité de manière uniforme sur l’ensemble du territoire français. Il rédige à cet effet une lettre aux recteurs, le 15 février 190410 par laquelle il transmet des Instructions aux établissements et dans laquelle pour la première fois officiellement il est fait mention des « assistants étrangers ». Très vite, le gouvernement français opère les premières démarches pour que l’activité fasse l’objet d’un accord binational et épouse ainsi sa forme d’échange. Au cours de l’année scolaire 1903- 1904, l’accroissement du nombre d’assistants invite, en effet, le Ministère français de l’Instruction publique à envisager la nomination d’un « représentant » en Allemagne, susceptible de se charger de leur recrutement « tant au point de vue de leurs connaissances et de leur moralité que de leur tenue et de leur caractère ». L’objectif avoué s’avère être moins la formation des professeurs de langues vivantes, dont il n’est même pas fait mention, que le besoin de contrôler les faits et gestes des assistants lors de leur séjour sur le territoire français.

Un accord va être trouvé avec les autorités prussiennes grâce aux démarches d’une part de l’Inspecteur général Firmery à l’origine de la nomination des jeunes professeurs étrangers dans les lycées, d’autre part du Dr. Rheinhardt11. Une convention réglant les démarches administratives de l’échange est émise par la Prusse le 27 mars 1905 et signée tardivement par le gouvernement français le 09 septembre 190512, du fait de l’affrontement qui oppose les deux pays au Maroc. La convention fixe notamment les règles de recrutement et d’accueil des assistants. Nous avons rassemblé les principales règles dans un tableau.

7. Il s’agit de l’Association des professeurs de langues vivantes (APVL) formée en 1903.

8. GStA PK (Geheimes Staatsarchiv Preußischer Kulturbesitz à Berlin), HA, Rep. 76, Sekt 1, Gen. L, 6A, Bd. III., Bericht vom 12 Mai 1903.

9. Entre 1830 et 1850, les maîtres de langues, souvent des locuteurs natifs sont chargés de l’enseignement des langues vivantes dans les collèges royaux et sont soumis à de graves problèmes d’autorité (Espagne, 1991, p. 77).

10. CAC (Centre des archives contemporaines à Fontainebleau) u19810353 art.41 et BA (Bundesarchiv à Berlin) R901/38583, lettre et instructions du 15 février 1904.

11. Ces deux personnages ont pris une part importante dans l’application des réformes de l’enseignement secondaire dans leur pays. Firmery est l’un des deux inspecteurs chargé d’imposer la méthode directe en France après 1902 tandis que Reinhardt dirigeait le Reformgymnasium (établissement expérimental) de Francfort, fondé en 1892, et a exposé les résultats de celui-ci devant l’Empereur à la conférence de 1900 (Gandouly, 1997, Note 167 p. 179).

12. La convention est présente dans BA R63666 et en possession du Pädagogischer Austauchdienst à Bonn.

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Assistants français en

Prusse Assistants prussiens en

France Lieux d’accueil Écoles secondaires de

garçons (höheren

Knabenschulen)

Lycées et collèges français de garçons

Dates Pour 6, 9 ou 12 mois à

partir du mois d’octobre Engagement de moins de 6 mois admis seulement dans des cas exceptionnels sur demande du directeur d’établissement

Idem mais à partir soit du mois d’octobre, soit du mois d’avril

Diplômes requis Diplôme de Licencié (Lettres, histoire, sciences, etc.) et certificat d’études supérieurs si exigé en vue des agrégations

Connaissance de la langue allemande

Ont subi l’examen d’état (Oberlehrerexamen) et ont déjà un fait un stage pédagogique

Connaissance de la langue française

Rémunérations 125 francs (100 Marks) par mois

Vacances comprises dans leur service payées au même titre

Au pair : chambre convenable, repas soit à part ou avec les répétiteurs, chauffage, blanchissage (sauf linge de corps) et éclairage Sous l’autorité Du directeur

Service 2 heures par jour (12 heures par semaine)

Pas de classe ordinaire du plan d’études ou de surveillance En ce qui concerne le fonctionnement pédagogique des établissements et le rôle des assistants dans ceux-ci, chaque pays doit théoriquement fixer ces propres règles. Dans les faits, ce sont les instructions du 15 février 1904 (qui ont également inspiré les termes de la première convention) qui sont adoptées en France, et sur lesquelles vont s’appuyer les instructions allemandes du 27 mars 190513. Les instructions françaises du 15 février 1904 sont très intéressantes au sens où elles témoignent à la fois de l’esprit radical de la réforme de 1902 et de son caractère patriotique. On est étonné de l’esprit d’innovation qui entoure la nouvelle activité : on envisage de petits groupes de bons élèves, des enseignements hors du plan d’études et hors des salles de classes puisque l’on recommande la forme

« péripatéticienne » (de la promenade) ; on souhaite des conversations naturelles, uniquement dans la langue étrangère et qui assure la transmission d’un vocabulaire quotidien et utile. On est étonné également de la situation qui est faite à l’assistant : celui-ci n’a aucun pouvoir de sanction sur les élèves, il lui est interdit d’effectuer surveillance et remplacement, également d’aborder les sujets politiques, religieux ou militaires. Il est en outre soumis à la seule autorité du directeur et ces rapports avec les professeurs peuvent être cordiaux, tout au plus… Il n’est nullement question de coopération. Le « directeur de conversation », comme ils sont nommés, ne possèdent aucun des attributs d’un professeur de langues.

Les Instructions prussiennes du 27 mars 1905, s’inspirant des précédentes en adoptent le profil mais demeurent plus floues, elles ne comportent aucune mention du contrôle des thématiques à aborder. Une attention plus grande semble apportée aux élèves. On entend écouter leurs suggestions pour ces même thématiques et on invite l’assistant à bien vouloir leur délivrer un enseignement progressif, adapté à leur niveau. On insiste également pour que

13. BA R901/38583, BA R63666 et CAC u19810353 art.41.

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l’assistant connaisse un temps d’Hospitation, c’est-à-dire d’observation avant de commencer son activité, afin de s’habituer à sa classe et au système d’enseignement. La coupure entre l’assistant et le professeur est moins sensible, la coopération conseillée. Il apparaît à ce titre hautement significatif que, dans le document français, on assimile l’assistant au « répétiteur » alors que, dans le document allemand, on l’assimile au Lehrer (professeur). De nouvelles instructions prussiennes voient le jour en 1908 (Bier, 1909, p. 1121) qui réorientent l’activité vers une pédagogie plus classique. Au nom de l’efficacité, on fait fi des innovations formelles comme les promenades et on stigmatise l’affectation d’un seul assistant sur plusieurs établissements. La réintroduction de l’écrit (tableau, livres…) implique le retour des heures de conversations dans les salles de classes. Par la mise en place de collaboration, d’association, l’assistant se rapproche de plus en plus des professeurs, notamment des professeurs en formation. La Prusse, par ces nouvelles instructions, fait par conséquent le deuil d’innovations manquées, pour se conformer à un modèle didactique plus classique et déjà éprouvé, probablement très proche de celui mis en œuvre pour les candidats au professorat prussiens lors de leur Probejahr14. C’est en tous les cas ce que semble suggérer la tenue de séminaires communs à ces derniers et aux assistants. Tout en conservant dans ses grandes lignes le statut de l’assistant forgé par les Instructions françaises du 15 février 1904, ces nouvelles instructions prussiennes font en sorte de mieux impliquer le candidat dans l’équipe pédagogique, d’en faire un véritable professeur en formation.

III. DU MALHEUR DES UNS ET DU BONHEUR DES AUTRES

L’échange est un succès puisque dès le semestre 1906-1907, on compte 47 assistants français en Prusse contre 19 prussiens en France15. Des conventions seront d’ailleurs signées avec d’autres états allemands : la Saxe en 190716, la Bavière17 et la Hesse en 191218. Au 1er août 190719, le Ministère des Cultes prussien souligne le succès de l’échange mis en place avec la France et le souhait de certains des candidats français de prolonger leur séjour pour une seconde année. En revanche, le nombre d’assistants prussiens en France n’a pas pris les proportions escomptées et est même inférieur à celui de la première année20. S’ils n’émettent pas de plaintes sur leur activité en tant que telle, les assistants allemands regrettent de ne pas percevoir, à l’instar des assistants français, une rémunération en argent. Leur accueil au pair21 semble contribuer à les isoler de la société22 et ils ressentent un fort sentiment de déclassement social dans la mesure, où l’opinion publique les assimile aux répétiteurs et surveillants avec lesquels ils habitent et vivent certes, mais contre leur gré. Ils se plaignent notamment des

14. Après l’examen d’état (Staatsexamen), les candidats au professorat prussien doivent effectuer une année de séminaire universitaire et une année probatoire dans un établissement secondaire, qui tient lieu de formation pédagogique.

15. BA R901/38587, article du 11 janvier 1907 de la Tägliche Runschau n° 17 et lettre du 20 février 1907. Tandis que le premier donne environ 45 assistants en Prusse, la lettre du 20 février 1907 du Ministère des Cultes à l’Auswärtiges Amt, donne le chiffre précis de 47.

16. BA R901/38587 et CAC u19810353 art. 41, Convention relative à l’échange d’assistants entre la Saxe et la France.

17. Convention entre la France et la Bavière CAC u19810353 art.41.

18. CAC u19810353 art.41, Convention relative à l’échange d’assistants entre la France et la Hesse. Un exemplaire en allemand non signé se trouve dans BA R901/38593.

19. BA R901/38587, lettre du 1er août 1907 et lettre du 10 août 1907.

20. BA R901/38591, article de la Zossische Zeitung du 10 décembre 1909, N° 579 BA. Un article de la Zossische Zeitung du 10 décembre 1909, revient à son tour sur les chiffres contrastés de l’échange et invoquent pour les expliquer : d’une part, la forte demande de l’enseignement de l’Allemand en France ; d’autre part, le manque de professeurs dans l’enseignement secondaire allemand qui permet aux jeunes diplômés d’obtenir très vite une place correctement rémunérée dans un établissement prussien, si bien que l’assistanat ne peut en fin de compte soutenir la comparaison.

21. Les assistants sont censés disposer d’une chambre convenable, avoir la possibilité de prendre leur repas à part ou avec les répétiteurs. Le chauffage, le blanchissage (sauf du linge de corps) et l’éclairage doivent leur être assurés. Pour remédier à certaines difficultés, les dernières conventions entre la France et la Bavière et la France et la Hesse, ajouteront encore à ces éléments fondamentaux le service et les soins médicaux et préciseront que hormis pendant les mois d’août et septembre – lors desquels les établissements français sont fermés – les périodes de vacances sont considérées comme temps d’exercice effectif, induisant ainsi que les établissements doivent, durant ces périodes, continuer à les recevoir.

22. BA R901/38587, lettre du 1er août 1907. « Abgesehen davon, dass die ihnen angewiesenen Zimmer und die Kost offenbar nicht selten auch bescheidenen Ansprüchen nicht genügen, sind sie auf diese Weise im Verkehr mit der übrigen Bevölkerung gehemmt und der Möglichkeit beraubt, gesellschaftliche Beziehungen leicht anzuknüpfen. ».

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mauvaises manières et de l’ignorance de ces derniers23. Cet état de fait est devenu d’autant plus inacceptable depuis qu’il n’est plus fait obligation aux répétiteurs de loger à l’internat.

Pour comprendre cela, il faut rappeler que les assistants allemands, non contents d’avoir passé un examen afin d’enseigner, ont effectivement enseigné pendant un an dans les établissements secondaires allemands24 : ils sont sur le point de devenir Oberleherer, de rejoindre les höhere Schichten (couches sociales supérieures). Les candidats quittent, par conséquent, leur service, en général après 6 mois, pour retourner dans leur pays et diffuser le récit de leur mauvaise expérience, ce qui fait craindre aux autorités que le nombre de candidats vienne progressivement à devenir nul. Ces dernières exigent par conséquent, au nom d’une meilleure entente entre les deux nations, que l’obligation pour les candidats étrangers de loger dans les internats des établissements secondaires français soit abandonnée et que ceux-ci perçoivent à la place une rémunération. Mais le gouvernement français va temporiser en invoquant la priorité accordée à l’amélioration des conditions de son propre personnel25 tout en s’engageant à réaliser l’externement des assistants lorsque celui-ci sera réalisable, c’est-à-dire, là où les lycées ont les ressources suffisantes pour se le permettre. Outre-Rhin, on a également invité l’état prussien à placer les assistants français dans les internats dont ils disposent26 mais leur rareté contraint l’état prussien à fournir aux assistants français, une rémunération en argent.

Une demande de budget est déposée au Landtag et les assistants français perçoivent donc pour leur service une indemnité mensuelle de 100 Marks (125 francs), y compris pendant les périodes de vacances27. Lorsque la convention entre la Hesse et la France est signée en 1912, on ajoute que l’indemnité ne sera que de 50 marks pour les vacances d’été si les assistants ne s’engagent que pour six mois et entrent en fonctions en avril28. Il semble donc qu’on ait peu à peu pris la mesure d’un système de rémunération très favorable aux assistants français, au sens où celle-ci leur permet de mener leur vie selon leur gré. Responsables de leur logement, de leur nourriture ; ils n’ont à rendre de comptes à personne.

Comme nous l’avons déjà évoqué, l’assistant est davantage pris en charge par les professeurs dans le système prussien que dans le système français. La mise à jour des instructions prussiennes qui a lieu en 1908 tend à assimiler les assistants français aux candidats au professorat prussien (en cours d’accession à une reconnaissance sociale significative) : eux qui étaient dépourvus d’expériences pédagogiques préalables bénéficient d’une formation concertée. Ce privilège sur le plan professionnel vient donc doubler le privilège social – engendré à fois par la rémunération et les appuis divers et nombreux qu’ils peuvent recevoir –, d’autant que la profession de professeur de langues vivantes en France ne bénéficie pas du prestige qu’elle a en Prusse. On serait tenté de dire que durant la période de leur séjour, les assistants français connaissent une véritable ascension sociale. Le succès de l’échange auprès des candidats français, leur engouement pour venir en Prusse, semble d’ailleurs confirmer cette hypothèse. Inversement la position des assistants prussiens est plus difficile. Alors qu’ils aspirent dans leur pays à une position sociale reconnue et qu’ils sont sur le point d’y accéder (ayant passé l’examen et parfois effectué une année de formation dans un établissement), leurs conditions de vie (accueil au pair) et d’activité (surveillance – coupure avec les professeurs, qui ne les intègrent ni en société, ni dans leur enseignement – enseignement hors du plan d’études et hors des classes) en France tendent à les assimiler aux répétiteurs. On voit réapparaître en filigranes, les traits des « maîtres de langues » du début du 19e siècle, comme si le maintien des assistants étrangers dans des conditions difficiles, sans

23. Ibid. « So bleiben unsere Kandidaten meist auf dem Umgang mit den surveillants angewiesen, junge Leute, die eben die Schule verlassen haben und weder nach ihrem Bildungsstand noch nach ihren Manieren als ebenbürtig mit unseren Kandidaten angesehen werden können. ».

24. Ibid. « Auch ihr Soziales Ansehen leidet, da sie den répétiteurs et surveillants, mit denen sie zusammen wohnen und speisen, in der öffentlichen Meinung gleichgestellt werden, während sie die zur Anstellung im höheren Lehramt berechtigende Prüfung bedingungslos abgelegt haben und ein Jahr in praktischen höheren Schuldienst tätig gewesen, also eher den jüngeren professeurs agrégés gleichzuachten sind. ».

25. BA R901/38589, lettre du 17 mars 1908.

26. BA R901/38583, lettre du 12 décembre 1904.

27. BA R901/38583 et BA R63666, Convention relative à l’échange d’assistants entre la France et la Prusse.

28. CAC u19810353 art.41, Convention relative à l’échange d’assistants entre la France et la Hesse.

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réelle autonomie ni reconnaissance, rappelait quotidiennement aux maîtres français le chemin parcouru depuis cette époque douloureuse. Pour l’assistant prussien, deux sentiments prédominent : celui de l’isolement et celui d’un désajustement profond entre son identité initiale et cette nouvelle étiquette qui lui est accolée en France29.

Les Instructions qui fixent dans chaque pays le rôle de l’assistant sont orientées en fonction des attentes que l’on nourrit pour ses propres candidats. Chaque pays fonctionne ainsi selon ses représentations culturelles propres et règle l’activité sur son territoire comme s’il s’agissait de ses propres candidats. Paradoxalement, les candidats français, qui ne sont pas nécessairement des « aspirants au professorat », vont être mis dans des conditions d’activité, qui se rapprochent de celles d’une véritable formation pédagogique ; plus paradoxalement encore, les candidats allemands, sur le point de devenir professeurs dans leurs propre pays et d’accéder à un statut reconnu, vont devoir assurer des fonctions restreintes et contrôlées, avec peu de possibilités de coopération. Ainsi l’ignorance de la position socioculturelle initiale des candidats amène chaque pays à évaluer les droits et devoirs de ceux-ci selon sa propre grille d’analyse et contribue ainsi à provoquer les mécontentements ou les bonnes surprises que nous avons évoqués. Il s’agit d’un cas typique de malentendu interculturel. Avec une certaine ironie, après un nouvel appel du Ministère Prussien en 191230 resté sans réponse, ce n’est qu’en 1914 qu’un accord sera envisagé pour permettre aux assistants étrangers en France de percevoir une rémunération mensuelle de 125 Frs au lieu d’être accueillis au pair31. Mais cette marque de bonne volonté restera veine, puisque avant la signature de l’accord, le 28 juin 1914, survient l’assassinat de l’Archiduc d’Autriche, François Ferdinand, qui entraîne dans son sillage la première Guerre Mondiale.

BIBLIOGRAPHIE

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BIER Adolf éd. (1909), Die höheren Schulen in Preussen (für die männliche Jugend) und ihre Lehrer, Verlag der Buchhandlung des Waisenhauses.

29. Il est à noter que les dernières conventions, signées entre la France et la Bavière et la France et la Hesse semble cependant tenir compte des difficultés des assistants prussiens en France en offrant d’améliorer le quotidien de leurs candidats respectifs : la convention signée entre la France et la Bavière permet ainsi aux assistants, sous certaines conditions, de dispenser des cours particuliers, tandis que la convention signée entre la Hesse et la France annoncent que les candidats seront autant que possible placés dans des villes universitaires.

30. BA R901/38593, lettre du 7 octobre 1912 et lettre du 15 octobre 1912.

31. AA, Pol. Archiv. (Politisches Archiv des Auswärtigen Amts à Berlin), R63114, rapport du 20 mai 1914.

Références

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