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L'interprétation de l'article 121, paragraphe 3, de la convention de Montego Bay sur le droit de la mer : les "rochers qui ne se prêtent pas à l'habitation humaine ou à une vie économique propre

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L'interprétation de l'article 121, paragraphe 3, de la convention de Montego Bay sur le droit de la mer : les "rochers qui ne se prêtent

pas à l'habitation humaine ou à une vie économique propre

KOLB, Robert

KOLB, Robert. L'interprétation de l'article 121, paragraphe 3, de la convention de Montego Bay sur le droit de la mer : les "rochers qui ne se prêtent pas à l'habitation humaine ou à une vie économique propre. Annuaire français de droit international, 1994, vol. 40, p. 876-909

DOI : 10.3406/afdi.1994.3227

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:44875

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Annuaire français de droit international

L'interprétation de l'article 121, paragraphe 3, de la convention de Montego Bay sur le droit de la mer : les «rochers qui ne se prêtent pas à l'habitation humaine ou à une vie économique propre... »

Robert Kolb

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Kolb Robert. L'interprétation de l'article 121, paragraphe 3, de la convention de Montego Bay sur le droit de la mer : les

«rochers qui ne se prêtent pas à l'habitation humaine ou à une vie économique propre... ». In: Annuaire français de droit international, volume 40, 1994. pp. 876-909;

doi : https://doi.org/10.3406/afdi.1994.3227

https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1994_num_40_1_3227

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ANNUAIRE FRANÇAIS DE DROIT INTERNATIONAL XL - 1994 - Editions du CNRS, Paris

L'INTERPRETATION DE L'ARTICLE 121, PARAGRAPHE 3, DE LA CONVENTION

DE MONTEGO BAY SUR LE DROIT DE LA MER : LES «ROCHERS QUI NE SE PRÊTENT PAS À L'HABITATION HUMAINE OU À UNE VIE

ÉCONOMIQUE PROPRE...»

Robert KOLB

SOMMAIRE I. - Introduction

II. - Les éléments historiques

A) Avant la Conférence de Codification de La Haye de 1930 sur la mer territoriale B) La Conférence de Codification de La Haye de 1930

C) La Conférence de Genève sur le droit de la mer de 1958

D) Les travaux préparatoires de la Convention de Montego Bay de 1982 III. - L'ÉLÉMENT EMPIRIQUE : LA PRATIQUE DES ÉTATS

IV. - LA BOÎTE DE PANDORE : L'INTERPRÉTATION DE L'ARTICLE 121, PARAGRAPHE 3 V. - Conclusion

(*) Robert Kolb, Diplômé en droit de l'Université de Berne, Diplômé en droit international de l'Institut Universitaire de Hautes Etudes Internationales (Genève), LLM (Law of the Sea), University College, Londres, Doctorant à l'IUHEI (thèse en préparation sur La bonne foi en droit international public).

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LES « ROCHERS... », ART. 121, § 3, DE MONTEGO BAY 877 I. - Introduction

1. L'article 121, paragraphe 3, de la Convention de Montego Bay sur le droit de la mer dispose :

«Les rochers qui ne se prêtent pas à l'habitation humaine ou à une vie économique propre n'ont pas de zone économique exclusive ni de plateau

continental. » (1)

2. Il y a deux millénaires, dans le contexte de l'interprétation

testamentaire, l'illustre Gaius posait le principe : In dubiis benigniora(2). Les Etats, en quête avide d'extension spatiale de leurs prérogatives souveraines et ce particulièrement dans le domaine maritime (3), n'en ont guère oublié les mérites; à condition bien entendu que le «benigniora» s'applique en faveur de leurs intérêts nationaux. Dans cette ligne de pensée, si l'on suivait les critères traditionnels d'attribution d'espaces maritimes aux îles tels que retenus par l'article 10 de la Convention de Genève de 1958 sur la mer territoriale et la zone contiguë, ou si, après l'entrée en vigueur de la Convention de 1982, les paragraphes 1 et 2 de son article 121 sont interprétés extensivement aux dépens du paragraphe 3, de larges espaces océaniques seront accordés à de minuscules îles inhabitées (4). Par exemple : les îles Cook avec un territoire de 243 km2 obtiendraient 352 240 km2 de ZEE. Nauru avec 21 km2 obtiendrait plus de 323 750 km2 de ZEE (5). Sur un plan plus général, il est estimé qu'il existe plus d'un demi million d'îles (6) dont un grand nombre sont extrêmement exiguës. Il est vrai que souvent ces îles seront englobées dans le régime nouveau et particulier des eaux archipéla- giques(7), spécialement dans certaines mers semi-fermées (par exemple les Caraïbes) ou dans le Pacifique du sud-ouest, où elles sont innombrables. Il est vrai aussi que souvent de telles îles se situent à proximité des côtes.

Mais il existe beaucoup d'élévations, de bancs ou d'îlots solitaires, disséminés à travers les océans, avec un énorme potentiel de façades côtières pouvant engendrer des revendications maritimes. A ce propos, on mentionnera, à titre d'exemples: Rockall(8), disputé entre le Royaume-Uni, l'Irlande, le Dane- CD Dans la version anglaise : «Rocks which cannot sustain human habitation or economic life of their own shall have no exclusive economic zone or continental shelf».

(2) Dig. 50, 17, 56. Voir aussi : Mabcellus, Dig. 34, 5, 24, et Paulus, Dig. 50, 17, 12.

(3) Ne soit à ce propos citée que la formule parlante de R.-J. Dupuy, dans R.-J. Dupuy/D.

Vignes, Traité du nouveau droit de la mer, Paris / Bruxelles, 1985, p. 219 : « vent de la terre vers le large (...) porteur de souverainetés ». A un niveau plus général, cf. W. Friedmann, « Selden Redivivus - Towards a Partition of the Seas», A.J.I.L, vol. 65, 1971, p. 763.

(4) Cf. J.M. Van Dyke/R.A. Brooks, « Uninhabited Islands : Their Impact on the Ownership of Ocean Resources, Ocean Development and International Law (ci-après : O.D.I. L.), vol. 12, 1983, p. 265 s.

(5) Voir Neptune, n° 5, 1975, p. 5 s., cité par J. Symonides, «The Legal Status of Islands in the New Law of the Sea », Revue de droit international de sciences diplomatiques et politiques, vol. 65, 1987, p. 162 (chiffres que de milles carrés j'ai converti en kilomètres carrés).

(6) Symonides (ibid.), p. 161.

(7) Sur ce régime, voir R. Lattion, L'archipel en droit international, Lausanne, 1984 ; P.E.J.

Rodgers, Midocean Archipelagos and International Law, New York, 1981, et sur l'évolution historique en particulier : D.P. O'Connell, « Mid-Ocean Archipelogos in International Law », B.Y.B.I.L., vol. 45, 1971, p. 1 ss, et CF. Amerasinghe, «The Problem of Archipelogos in the International Law of the Sea», International and Comparative Law Quarterly, (ci-après : I.C.L.Q.), vol. 23, 1974, p. 539 ss.

(8) Sur Rockall : E.D. Brown, «Rockall and the Limits of National Jurisdiction of the United Kingdom », Marine Policy, 1978, p. 202 ss ; C. Symmons, « The Rockall Dispute Deepens : An Analysis of Recent Danish and Icelandic Actions», I.C.L.Q., vol. 35, 1986, p. 344 ss. Voir aussi : R.G.D.I.P., vol. 81, 1977, p. 1173 et R.G.D.I.P., vol. 89, 1985, p. 762 s.

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878 LES « ROCHERS... », ART. 121, § 3, DE MONTEGO BAY

mark et l'Islande; Clipperton, appartenant à la France et situé à 930 km au sud du Mexique ; Aves, appartenant au Venezuela et situé à 500 km au nord de ses côtes ; Okinotorishima (8a) appartenant au Japon et situé à plus de 2 000 km au sud-ouest de Tokyo; Jan Mayen appartenant à la Norvège et situé entre le Groenland, l'Islande et la Norvège ; les îles Pulo Wai dans le Golfe du Siam; les îlots hawaiiens (9), etc. (10).

3. Il importe donc de savoir si toutes les eminences découvertes à marée haute, sans aucune restriction, généreront les espaces maritimes de la ZEE et du plateau continental. Contrairement à la mer territoriale, ils retireraient à la haute mer et aux grands fonds marins des espaces s'étendant jusqu'à un maximum de 200 ou 350 milles (11) à compter des lignes de base utilisées pour mesurer la largeur de la mer territoriale. Il s'agit d'établir si les espaces communs, notamment la haute mer, déjà soumis paraît-il à une véritable

«décomposition» (12) face aux appétits territoriaux, mais aussi face à la Zone internationale des fonds marins - déclarée patrimoine commun de l'humanité dès la Résolution 2749 (XXV) par l'Assemblée générale de l'O.N.U. et destinée par la Convention de Montego Bay à une gestion internationalisée par des institutions autonomes (13) - seront encore davantage amoindris par une interprétation restrictive donnée à l'article 121, paragraphe 3. Ainsi serait rendue justice singulière à l'adage «in dubiis benigniora» cité d'entrée, car, nous le disions, il s'appliquait à l'interprétation des volontés ultimes qui seraient, en l'occurrence, symbolisées par une idée communautaire

dépérissante en ce qui concerne la mer.

4. De par l'importance notamment économique des zones entourant les îlots, un grand nombre de différends risquent de naître. La création de ces zones risque de provoquer une ruée de la part d'Etats qui jusqu'alors s'en désintéressaient, menant à des revendications de souveraineté qui ne sont pas sans rappeler les rivalités succédant aux grandes découvertes (14). De plus, et c'est un autre facteur déstabilisant, il n'est pas improbable que, (8a) A.L. Silverstein, « Okinotorishima : Artificial Preservation of a Speck of Sovereignty », Brooklyn Journal of International Law, vol. 16, 1990, p. 409 ss.

(9) Sur ces îlots, voir particulièrement J.M. Van Dyke/J.R. Morgan/J. Gurish, « The Exclusive Economie Zone of the Northwestern Hawaiian Islands : When Do Uninhabited Islands Generate an EEZ?», San Diego Law Review, vol. 25, 1988, p. 425 ss.

(10) Voir les exemples donnés par B. Kwiatkowska/A. Soons, «Entitlement to Maritime Areas of Rocks which Cannot Sustain Human Habitation or Economic Life of Their Own », N.Y.I.L., vol.

21, 1990, p. 145 s.

(11) Pour la zone économique exclusive, voir l'article 57 de la Convention de Montego Bay et, pour le plateau continental, l'article 76, paragraphe 5, de la Convention, qui précise aussi un critère alternatif basé sur la profondeur, introduit sur proposition de l'U.R.S.S. (R.-J. Dupuy,

«Cours général de droit international public», R.C.A.D.I., vol. 165, 1979-IV, p. 133).

(12) A. Cocatre-Zilgien, « La répression des infractions commises en haute mer en temps de paix », Revue égyptienne de droit international, vol. 15, 1959, p. 71.

(13) Sur la notion de patrimoine commun, on peut citer les études suivantes : C.C. Joyner,

«Legal Implications of the Concept of the Common Heritage of Mankind», I.C.L.Q., vol. 35, 1986, p. 190 ss. ; R. Wolfrum, « The Principe of the Common Heritage of Mankind », Z.a. 6. R. V., vol.

43, 1983, p. 312 ss. ; R.-J. Dupuy, « La notion de patrimoine commun de l'humanité appliquée aux fonds marins », Mélanges Colliard, Paris, 1984, p. 197 ss. ; A.-Ch. Kiss, « La notion de patrimoine commun de l'humanité», R.C.A.D.I., vol. 175, 1982-11, p. 99 ss. Sur le futur organisme de gestion, on citera : F. Orrego Vicuna, Los fondos marinos y oceamcos, junsdiccion nacional y régimen internacional, Santiago de Chile, 1976; F. Paolillo, «The Institutional Arrangements for the International Sea-Bed and their Impact on the Evolution of International Organisation. » - R.C.A.D.I., vol. 188, 1984-V, p. 145 ss. et dans Dupuy/Vignes, Traité du nouveau droit de la mer,

Paris/Bruxelles, 1985, p. 603 ss. ,

(14) Voir le cas de Rockall (note 8).

(6)

LES « ROCHERS... », ART. 121, § 3, DE MONTEGO BAY 879 comme pour la ZEE en général (15), ce soient une fois de plus les Etats développés, ex-colonisateurs et puissances maritimes, qui s'assureront la part du lion : d'un côté parce qu'ils disposent encore de nombreuses possessions territoriales à travers le monde, notamment d'îlots océaniques, de l'autre côté parce qu'ils possèdent les moyens techniques et financiers pour créer sur l'îlot, selon l'interprétation choisie, les conditions requises pour qu'il soit traité en île au sens des paragraphes 1 et 2 de l'article 121 et non en rocher au sens du paragraphe 3(16).

5. Face à ces constatations, qui montrent l'intérêt d'une question à première vue anodine, on constate une passivité étonnante de la doctrine.

Peu d'auteurs se préoccupent de la question, et rares sont ceux qui savent donner un sens au paragraphe 3 à partir d'une interprétation historique ou textuelle (17). Généralement les auteurs se bornent à souligner l'imprécision et l'ambiguïté de la disposition : Brown (18) parle d'une «entirely new rule of unique vagueness», O'Connell(19), Dipla(20) et Churchill/Lowe (21) mettent l'accent sur la subjectivité de la règle, sur son caractère vague ou ambigu, et sur son «poor drafting» (22). Herman (23) constate lapidairement que le paragraphe 3 de l'article 121 est «replete with uncertainties», tandis que d'autres, comme Stevenson/Oxman(24), peut-être pour avoir participé à la Conférence, préfèrent s'exprimer avec plus de réserve mais sans pour autant donner de réponses qui iraient au-delà d'un constat des «unclear effects of this text». Pour expliciter et illustrer leurs doutes, certains auteurs comme O'Connell(25), Symonides (26) ou Dipla(27) ajoutent un catalogue de questions dont le caractère rhétorique dispense leurs auteurs de toute tentative de réponse. Déjà lors de la Conférence, certains Etats avaient relevé ces insuffisances : ce fut le cas du Venezuela, qui souligna la nature « équi-

(15) Par exemple R. Churchill/V. Lowe, The Law of the Sea, Manchester, 1991, p. 147 ss., particulièrement p. 149 in fine.

(16) Par exemple en y implantant des usines de dessalinisation d'eau pour rendre l'espace habitable.

(17) II s'agit notamment de Kwiatkowska/Soons (op. cit., note 10) et de Van Dyke/Brooks (op. cit., note 4).

(18) Brown (op. cit., note 8), p. 205.

(19) D.P. O'Connell, The International Law of the Sea, vol. II, Oxford, 1982, p. 731 s.

(20) H. Dipla, Le régime juridique des îles dans le droit international de la mer, Paris, 1984, p. 41 : « les critères qui sont à la base de cette distinction sont arbitraires et vagues ».

(21) Churchill/Lowe (op. cit., note 15), p. 41, 127 et 135 s.

(22) Ibid.

(23) L.L. Herman, «The Modem Concept of Off-Lying Archipelago in International Law», Canadian Yearbook of International Law, (ci-après C.Y.I. L.), vol. 23, 1985, p. 194.

(24) J.R. Stevenson/B.H. Oxman, «The Third United Nations Conference on the Law of the Sea: The 1975 Geneva Session», A.J.I.L., vol. 69, 1975, p. 786.

(25) D.P. O'Connell, op. cit., note 19, p. 732 : «is the test conjunctive or disjunctive? [human habitation / economic life of its own]. Does sustain refer to natural sustainance (such as availability of water) or survivability ? »

(26) J. Symonides, op. cit., note 6, p. 165 s. : « [Does it also cover] reefs, sandbanks or other small land formations which are not rocks in a strict sense? (...) Does the exploitation of biological resources in the surrounding waters amount to economic life, or does it not? Would it be possible for the State to which the rock belongs to establish a contiguous zone ? ».

(27) R. Churchill, V. Lowe, op. cit., note 21, p. 42: «Cela veut-il dire qu'un rocher inhabitable, mais ayant une vie économique du fait, par exemple, qu'on a découvert dans son sous-sol des dépôts de minéraux, a droit à une zone économique et un plateau continental ? D'autre part, est-ce que tout rocher habitable, mais pas nécessairement habité, et sans vie économique propre, a droit à des espaces maritimes?».

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880 LES « ROCHERS... », ART. 121, § 3, DE MONTEGO BAY

voque et très relative » (28) du paragraphe 3 qu'il soumit d'ailleurs à une critique dévastatrice. Ce qui précède suggère que l'article 121, paragraphe 3, de la Convention de Montego Bay mérite un examen plus approfondi.

II. - Les éléments historiques

Au début de sa «Politeia», Aristote nous enseigne que la meilleure manière de voir les choses, c'est de les considérer dans leur développement naturel et dès leur commencement (29). Nous ne pouvons hélas donner qu'un aperçu extrêmement sommaire (sans considérer la pratique diplomatique) de la façon dont a évolué l'allocation d'espaces maritimes aux îles.

A. Avant la Conférence de Codification de La Haye de 1930 sur la mer territoriale

La question de savoir si des rochers ont une mer territoriale est ancienne.

Celle de savoir s'ils peuvent générer d'autres zones juridictionnelles, telles qu'un plateau continental ou une ZEE, n'a surgi qu'à partir de l'émergence de ces zones en droit international après la Deuxième Guerre mondiale (30).

D'une façon générale, et abstraction faite des Conférences de codification des années 1930 et 1958, pratique et doctrine étaient divisées sur le point de savoir si des îlots ou rochers devaient être traités en îles pour l'allocation d'espaces maritimes ou si une distinction devait être établie. En cas de réponse affirmative à cette dernière question, il fallait définir la differentia specifica entre les deux catégories, tâche qui s'est toujours avérée

extrêmement ardue.

1. Il y a des cas où îlots et rochers se sont vus accorder les mêmes espaces maritimes que des îles plus grandes.

a) Dans une série de cas soumis à des tribunaux nationaux, on s'est demandé si la souveraineté étatique, donc la juridiction de l'Etat côtier, s'étend à des zones autour d'îlots proches des côtes; plus précisément, il s'agissait de savoir si l'Etat côtier pourrait revendiquer, autour de ces îlots, une mer territoriale de trois milles. Cette revendication a été admise de façon répétée notamment pour des raisons de sécurité.

Dans l'affaire de l'Anna (31) (1805), par exemple, devait être tranchée la question de savoir si la capture d'un navire américain par un corsaire britannique à moins de trois milles d'îlots de boue près de l'embouchure du Mississippi, mais à près de cinq milles de la côte continentale, devait être

(28) Bureau des affaires maritimes et du droit de la mer, Régime des îles, Travaux

préparatoires concernant la Partie VIII (article 121) de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Publication des Nations Unies, 1987, numéro de vente. F. 87 V. 11, p. 90.

(29) Politeia, livre I, chapitre. II, 1252 a, 25.

(30) La doctrine du plateau continental s'est établie à partir de la Déclaration Truman sur le plateau continental du 28 septembre 1945 (voir par exemple M. Evans, Relevant Circumstances and Maritime Delimitation, Oxford, 1989, p. 7, et affaire du Plateau continental de la mer du Nord, C.I.J., Rec, 1969, p. 32 s.). Les premières revendications d'une zone exclusive de 200 milles, que ce soit pour des pêcheries ou à titre d'entière souveraineté, sont celles des pays

latino-américains à partir de 1947 (voir par exemple F. Orrego Vicuna, La zone économique exclusive : régime et nature juridique dans le droit international, R.C.A.D.I., vol. 200, 1986-V, p. 19 ss.). La ZEE n'a été suffisamment reconnue et ne s'est généralisée que parallèlement à la troisième Conférence sur le droit de la mer de 1974 à 1982 (voir par exemple Churchill/Lowe {op. cit., note

15), p. 144 ss. et affaire du Plateau continental Libye/Malte, C.I.J. Rec, 1985, p. 33).

(31) English Reports, vol. 165, p. 809 ss.

(8)

LES « ROCHERS... », ART. 121, § 3, DE MONTEGO BAY 881 considérée comme étant intervenue à l'intérieur de la mer territoriale des Etats-Unis. Les capteurs faisaient valoir que «these formations having the character of temporary deposits of logs and drift, not fixed or permanent and being unable to support human habitation, could not be assimilated to the notion of territory» (32). Le juge Scott, récusa cette manière de voir en

retenant la sécurité comme argument principal en faveur d'une mer territoriale pour toute élévation en mer (33).

Dans l'affaire du Schooner John Fallon(34) (1917), un navire fut saisi pour pêche illégale dans la zone de trois milles entourant l'île canadienne de St-Paul. La question posée était de savoir si cet îlot faisait partie de la

«côte» du Canada telle que définie par un traité entre les Etats-Unis d'Amérique et le Royaume-Uni. Dans ce Traité, les Etats-Unis avaient renoncé à pêcher à l'intérieur d'une ceinture de trois milles marins au large des territoires britanniques. St-Paul est un îlot de granit exigu, n'ayant aucune population excepté quelques pêcheurs occasionnels pendant l'été et quelques agents de l'Etat (tels qu'une équipe pour des sauvetages en mer ou pour entretenir les phares). Les pêcheurs firent valoir que l'extension de la souveraineté territoriale sur des eaux adjacentes n'était pas admise dans le cas de minuscules îles inoccupées et improductives. La Cour rejeta cette manière de voir, et le juge Duff affirma avec force : «This contention is quite without foundation. The international recognition of sovereignty in respect of marginal seas rests upon very easily intelligible and well settled principles (...). Imperium over these waters is necessary for the safety of the State (...).

Control over the marginal seas is just as essential for this purpose in the case of a barren island as in the case of a small highly productive one» (35).

Dans l'affaire United States v. Middleton (36) (1929), enfin, l'accusé avait transporté des passagers cubains destinés à être débarqués aux Etats-Unis en violation de l'article 8 de V Immigration Act de 1917. Il fut condamné après être passé à l'intérieur d'une ceinture de trois milles entourant un îlot inhabité ; celui-ci était en effet censé être doté de sa propre mer territoriale, puisqu'il «[does] not make any difference that these islands were

uninhabited» (37).

b) Le Harvard Research on the Law of Territorial Waters de 1929 (38) allait jusqu'à suggérer, à son article 7, que «the marginal sea around an island, or around land exposed only at some stage of the tide, is measured outward three miles therefrom in the same manner as from the mainland».

Le commentaire précise que l'expression «land exposed only at some stage of the tide is meant to include any rock, coral, mud, sand or other natural solid formation...» (39). Une fois de plus, le critère décisif semble être celui de la sécurité (40), sous-tendant, ici, une position maximaliste.

(32) Ibid., p. 811, 815.

(33) Ibid., p. 815 : «I think that the protection of territory is to be reckoned from these islands; and that they are natural appendages of the coast on which they border (...). Consider what the consequence would be if islands of this description were not considered (...). If they do not belong to the United States of America, any other power might occupy them ; they might be embanked and fortified ».

(34) Dominion Law Reports, vol. 37, 1917, p. 659 ss.

(35) Ibid., p. 665.

(36) Federal Reporter, 2nd, 1929, p. 239 s.

(37) Ibid., p. 240.

(38) A.J.I.L., vol. 23, 1929, Suppl., p. 241 ss. Le Rapporteur était G.G. Wilson.

(39) Ibid., p. 276.

(40) Voir les déclarations des Etats-Unis à l'Espagne concernant la sécurité des côtes cubaines, ibid., p. 276 et J.B. Moore, A Digest of International Law, vol. I, Washington, 1906, p.

711.

(9)

882 LES « ROCHERS... », ART. 121, § 3, DE MONTEGO BAY

2. Dans d'autres cas on a, en revanche, tenté de restreindre la vocation de très petites formations terrestres à de propres zones maritimes.

a) La Résolution 4 de YImperial Conference de 1923.

Ce document faisait partie d'une série de résolutions définissant une common policy de l'Empire britannique pour la question des limites de la mer territoriale et renfermait le passage suivant : « The coastline from the low-water mark of which the 3 mile limit of territorial waters should be measured, is that of the mainland and also that of islands. The word 'islands' covers all portions of territory permanently above high water in normal circunstances and capable of use or habitation» (41). Dans un mémorandum explicatif destiné à la Conférence, on peut lire ceci :

«22. The phrase 'capable of use or habitation' has been adopted as a

compromise. It is intended that the words 'capable of use' should mean capable, without artificial addition, of being used throughout all seasons for some definite commercial or defence pupose, and that 'capable of habitation' should mean capable, without artificial addition, of permanent human habitation.

«23. It is recognized that these criteria will in many cases admit of argument, but nothing more definite could be arrived at in view of many divergent considerations involved... » (42).

Ce texte appelle les cinq commentaires suivants :

Premièrement, l'établissement des critères restrictifs mentionnés s'est fait dans la difficulté et dans la controverse. Ces critères sont le fruit de la traditionnelle hostilité du Royaume-Uni, puissance maritime par excellence, à tout empiétement sur les zones où la liberté des mers s'applique. Dès leur première apparition, ces critères n'ont reçu aucun appui franc et

inconditionnel. Cela tenait autant à leur maniement difficile au niveau de l'interprétation qu'à des raisons de politique juridique.

Deuxièmement, il découle du mémorandum explicatif que la Résolution 4 n'est qu'un compromis en quelque sorte négatif, puisqu'il ne reflétait pas un accord sur les mérites intrinsèques de la solution retenue, mais était la conséquence indirecte du rejet de toute autre solution par une majorité (43).

Troisièmement, les termes de la Résolution 4 révèlent un effort de précision et frappent par leur caractère plutôt restrictif. Si ce texte retient une formule abstraite ou hypothétique («capable of use or habitation») et non concrète ou actuelle («actually used or inhabited»), qui prête à plusieurs interprétations, toute une série de précisions absentes de l'article 121, paragraphe 3, sont présentées: «throughout all seasons», «for some definite commercial or defence purpose » pour la condition d'utilisation ; « permanence » pour la condition d'habitation; «without artificial addition» pour les deux.

Au critère général sont donc joints une série d'éléments particuliers qui lui donnent un relief, en régissent l'interprétation et en restreignent la portée.

(41) Imperial Conference, 1923 Report of Inter-Departemental Committee on the Limits of Territorial Waters, Doc. T. 118/118/380 (1924); Public Record Office, Réf. F.O. 372/2108, p. 5. Les italiques sont de nous. Cette option semble d'ailleurs correspondre à une position plus ancienne du Royaume-Uni, car déjà en 1852, lors d'un différend avec l'Espagne ayant trait à la souveraineté sur quelques bancs près de la côte cubaine, le Gouvernement de Sa Majesté avait fait valoir que seules les îles habitées possèdent des eaux territoriales (voir : H.A. Smith, Great Britain and the Law of Nations, vol. II, Londres, 1935, p. 224, 240).

(42) Ibid. Voir aussi Brown (op. cit., note 8), p. 207 s. Les italiques sont de nous.

(43) Ce sera très similaire pour l'article 121, paragraphe 3, voir infra, H. D. 4 et 5.

(10)

LES « ROCHERS... », ART. 121, § 3, DE MONTEGO BAY 883 Quatrièmement, l'élément d'application générale («without artificial addition») est particulièrement important. Pour donner suffisamment d'effet utile au mot «artificial», il ne faut pas retenir l'autarcie complète de l'île (par exemple en recherchant si l'île possède des ressources d'eau potable propres), mais un degré moindre d'indépendance. En effet, l'autarcie ne refléterait qu'une partie des termes de la disposition («without addition») en délaissant le qualificatif (« artificial »). L'interprétation correcte me semble être celle qui cherche appui dans la notion d'abus de droit (44).

Cinquièmement, tels qu'ils sont énoncés, les critères de l'utilisation et de l'habitation sont alternatifs (45). Il est douteux qu'il en soit de même pour l'article 121, paragraphe 3.

b) II convient de citer encore, dans ce contexte, l'intervention de Lapra- delle dans le cadre des travaux de l'Institut de droit international (IDI) (1927), où il s'était opposé à la proposition d'accorder une mer territoriale à «une île ou un rocher qui n'est pas utilisable » (46). Pour Fauchille, il ne faut assimiler aux îles que «des rochers, écueils et bancs de sable, habités ou non, où l'Etat peut d'une manière fixe établir des ouvrages» (46a). La réflexion paraît être faite sans approfondissement. Elle pouvait avoir un sens à une époque où les moyens techniques étaient encore rudimentaires

comparés à ceux que l'on a aujourd'hui et qui permettent d'établir des ouvrages à peu près partout à condition d'y mettre le prix. Quoi qu'il en soit, s'il s'agit d'une condition d'utilisation, elle est très restrictive, car le terme

« ouvrage » laisse présager des réalisations d'une certaine envergure

accompagnées tout naturellement de fixité. Il n'en sera plus ainsi à la Conférence de codification de La Haye de 1930.

B. La Conférence de codification de La Haye de 1930

1. Dès 1896, le Gouvernement néerlandais avait proposé de fixer par convention internationale la limite extérieure de la mer territoriale, faisant état des projets adoptés par l'IDI en 1894 et par l'ILA en 1895(47). Mais ce ne fut qu'un quart de siècle après, à la suite d'incidents de pêche entre la Grande-Bretagne et l'URSS en 1922 et 1923, que la première insista pour

(44) Voir infra, TV. 2 et 3. f. pour l'article 121, paragraphe 3. D.W. Bowett, The Legal Regime of Islands in International Law, New York, 1978, p. 34, suggère d'interpréter les termes «of their own » / « propre » de l'article 121, paragraphe 3, en faisant appel à la notion d'« artificial economic life », l'injection de laquelle ne ferait pas d'un rocher une île à part entière.

(45) Cela est surtout vrai si l'on songe au « defence purpose », qui ne nécessite pas une habitation effective. La sécurité militaire semble exclue par l'article 121, paragraphe 3, car elle n'est guère rattachable à l'économie à défaut d'en donner une interprétation si large qui la viderait de toute spécificité.

(46) Ann. IDI, vol. 33, 1927 - I, p. 79. Il a été soutenu par Diena. Sir Thomas Barclay et W. Schucking se sont exprimés dans le sens inverse. Plus tôt déjà, F. De Martens (Ann. IDI, vol.

XIII, 1894, p. 298) disait « ...que les rochers, les îlots qui émergent toujours de la mer seront assimilés au territoire » et généreront donc des eaux territoriales.

(46a) P. Fauchille, Traité de droit international public, 8e éd., Paris, 1925, p. 202 in fine.

(italiques de l'auteur).

(47) Voir G. Gidel, Le droit international public de la mer, t. III, Paris, 1934, p. 136 ss.

(11)

884 LES « ROCHERS... », ART. 121, § 3, DE MONTEGO BAY

que la question de la mer territoriale et de son étendue fût inscrite à l'ordre du jour d'une Conférence de codification (48) (49).

2. Dans le contexte de la présente note, on relèvera que, dans les réponses des gouvernements faites au Comité préparatoire de la Conférence et recueillies dans les Bases de discussion (50), les Gouvernements de

l'Australie (51), de l'Afrique du Sud (52), de la Nouvelle-Zélande (53), des Indes (54) et de la Grande-Bretagne (55) ont souhaité que la définition des îles inclue la condition de la capacité d'utilisation et d'occupation effective (55a). Déjà l'on peut constater un appauvrissement considérable du contenu normatif.

L'occupation est un terme qui a une signification particulière en droit international puisqu'elle est un titre d'acquisition du territoire (56). L'ajout

« effective » paraît superflu car l'occupation a toujours été une catégorie de l'effectivité (57). De plus le texte parle de «capacité d'occupation», ce qui représente à son tour une conditio vitiosa, non seulement parce qu'une occupation est dans les faits toujours possible, mais encore parce que la capacité d'occupation est une présupposition axiomatique du droit

international qui est fondé sur l'attribution de tout territoire à une souveraineté étatique (58).

(48) A.S. Bustamante y Sirven, La mer territoriale, Paris, 1930, p. 189 ss. J.G. Guerrero, La codification du droit international, Paris, 1930, p. 80 ss. A. Raestad, « Le problème des eaux territoriales à la Conférence pour la codification du droit international », Revue de droit

international, vol. 7, 1931-1, p. 140 s. ; J.S. Reeves, «The Codification of the Law of Territorial Waters», A.J.I.L., vol. 24, 1930, p. 486 ss.

(49) La Conférence tint ses séances sous les auspices de la Société des Nations à La Haye du 13 mars au 12 avril 1930. Le régime des eaux territoriales, un des trois sujets retenus, fut confié au Deuxième Comité, qui ne put arriver à un accord sur l'étendue de ces eaux malgré les efforts de son Rapporteur J.P.A. François (qui devait se trouver face au même problème en 1958).

Un rapport fut adopté (voir B.Y.B.I.L., vol. 11, 1930, p. 177 ss.).

(50) Bases de Discussion, Conférence pour la codification du droit international de la Société des Nations, vol. II, (Eaux territoriales), Doc. C. 74 M. 39. 1929 V, Genève, 1929.

(51) Op. cit., p. 52 : «Par île, il faut entendre une fraction de territoire entourée d'eau et qui, dans les circonstances normales, se trouve d'une façon permanente au-dessus de la marée haute. Il faut, en outre, que ce territoire puisse être occupé et utilisé.Rien ne permet de prétendre établir une zone d'eaux territoriales autour d'un rocher ou d'un banc... ». Texte original anglais :

« An island is a piece of territory surrounded by water, permanently above high water in normal circumstances and capable of occupation and use. There is no ground for claiming a belt of territorial waters around a rock or bank...».

(52) Op. cit., p. 52 : «Seront seules considérées comme des îles, les parties de territoire qui émergent d'une manière permanente à marée haute et qui peuvent être effectivement occupées et utilisées. On ne considérera pas comme des îles les simples rochers ou bancs qui ne répondent pas aux conditions indiquées ci-dessus ». Texte original anglais : « Only those pieces of territory are to be considered islands which are permanently above high water and capable of effective use and occupation. Mere rocks and banks not complying with the requisites laid down should not be considered islands ».

(53) Op. cit., p. 53 (suivant le Royaume-Uni).

(54) Op. cit., p. 53 (suivant le Royaume-Uni).

(55) Op. cit., p. 53 : «On ne doit pas considérer comme une île une fraction de territoire qu'il serait impossible d'occuper et d'utiliser effectivement. Le Gouvernement de Sa Majesté estime qu'on n'est pas fondé à prétendre qu'il existe une zone d'eaux territoriales autour de rochers et de bancs.... ». Texte original anglais : An island does not include «a piece of territory not capable of effective occupation and use. His Majesty's Government considers that there is no ground for claiming that a belt of territorial waters exists round rocks and banks... »

(55a) Ce qu'approuve G. Gidel (op. cit., note 47), p. 675.

(56) Voir l'affaire de Palmas, R.S.A., vol. II, p. 839 s.

(57) Affaire de Clipperton, R.S.A., vol. II, p. 1110; Groenland Oriental, C.P.J.I., sér. A/B, n° 53, p.46.

(58) Voir déjà le célèbre dictum de Max Huber dans l'affaire de Palmas (op. cit., note 56), p. 839 : « Territorial sovereignty cannot limit itself to its negative side, i.e. to excluding the activities of other states ; for it serves to divide between nations the space upon which human activities are employed, in order to assure them at all points the minimum of protection of which international law is the guardian » (italiques de nous).

(12)

LES « ROCHERS... », ART. 121, § 3, DE MONTEGO BAY 885 Quant à l'utilisation, elle est de peu de valeur pratique, parce que tout rocher peut servir, si cela est souhaité, à des fins stratégiques, scientifiques, etc. Qu'une conjonction (« et/and ») ait été utilisée à la place d'une disjonction («ou/or») entre les éléments d'utilisation et d'occupation apparaît dès lors insignifiant : car quand ne reste qu'un seul critère opérationnel, l'utilisation, toute définition de rapport devient impossible. Peut-être faudrait-il présumer que les Etats du Commonweath, auteurs de la proposition, n'ont pas voulu se départir de la définition précitée de YImperial Conference de 1923, ce qui permettrait par exemple d'éliminer les objectifs scientifiques, puisqu'elle parle de «definite commercial or defence purpose».

Face à ces Etats, il y en avait d'autres qui favorisaient un régime unique pour toute élévation naturelle (59) ou qui rejetaient même explicitement toute restriction basée sur l'habitabilité ou l'utilisation (60).

Au vu de ce désaccord, le Sous-Comité II du Deuxième Comité décida de ne pas retenir les critères d'occupation ou d'utilisation. Ainsi toute île devait avoir une mer territoriale (61). Cela étant, on a affirmé que le projet exprimait l'état du droit coutumier en la matière (62).

3. En doctrine, deux auteurs notamment ont exprimé des vues

marquantes sur notre sujet à la suite de la Conférence de 1930. Il y a d'abord Gidel qui considère que rentre dans la définition de l'île la nécessité que les

«conditions naturelles permettent la résidence stable de groupes humains organisés» (63); peut-être cette formule (souvent lue isolément) est-elle trop exigeante en vue du but poursuivi. Car Gidel la justifie par l'idée que toute restriction inutile à la liberté de l'utilisation licite et normale des espaces maritimes doit être évitée et que, dans cette perspective, il convient de ne pas qualifier d'île une « surface infime » ; bien au contraire seule une élévation

«effectivement utilisée ou susceptible de l'être» (63a) mériterait de faire exception. En fait, il revient donc aux propositions de la Conférence de 1930.

Johnson (64), quant à lui, interprète de manière singulière les résultats de la Conférence de 1930. Il raisonne en s'appuyant vaguement sur un argument ad absurdum (65), en posant comme question : « Can it be that a mere pin-point rock (...) is entitled to have a territorial sea around it?». II répond : « Surely not. In view of the precautions deliberately taken to limit the effect of low-tide elevations, even large ones, on the territorial sea, it can hardly have been the intention to allow every single high-tide elevation, (59) Finlande, Allemagne (« il convient donc de considérer comme île naturelle toute eminence de la terre dans l'eau »), Estonie, Japon, Pays-Bas. (Bases de Discussion (op. cit., note 50), p. 52 s.).

(60) Bases de Discussion (op. cit., note 50), p. 52, en se référant à l'affaire de l'Anna, citée sous II. A.l.a.

(61) Actes de la Conférence pour la codification du droit international, vol. I, Genève 1930, p. 133. (Doc. C. 230. M. 117 1930 V, p. 13), Rapport de la Deuxième Commission. Voir aussi Bases de Discussion, n° 12 (op. cit., note 50), p. 50 s.

(62) D.H.N. Johnson, «Artificial Islands», International Law Quarterly, vol. 4, 1951, p. 212 s. Van Dyke/Brooks (N 4), p. 271. Ceci peut paraître surprenant si l'on tient compte de la position des pays du Commonwealth, grandes puissances maritimes.

(63) G. Gidel (op. cit., note 47), p. 684.

(63a) G. Gidel (op. cit., note 47), p. 674.

(64) Johnson (op. cit., note 62), p. 205.

(65) Sur ce type d'argument, voir V.D. Degan, L'interprétation des accords en droit

international, La Haye, 1963, p. 111 ss. ; C. Rousseau, Droit international public, t. I, Paris, 1970, p.

279 ; G. Dahm, Volkerrecht, t. III, Stuttgart, 1961, p. 50 ; et Panama Riot Claims (J.B. Moore, History and Digest of the International Arbitrations to Which the United States Has Been a Party, vol. II, Washington, 1898, p. 1376) ; C.P.J.I., sér. B, n° 1, p. 22.

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886 LES « ROCHERS... », ART. 121, § 3, DE MONTEGO BAY

however small, to have territorial waters (...) It is suggested that by area of land is to be understood an appreciable surface above the sea visible in normal weather conditions » (66). Rien n'étaye cette façon de voir qui paraît une prise de position purement doctrinale.

C. La Conférence de Genève sur le droit de la mer de 1958

Pendant les délibérations préparatoires de la CDI, Sir Hersch Lauter- pacht proposa, revenant à l'idée fixe britannique, d'ajouter la phrase «capable d'occupation et de contrôle effectif » (67) à la définition de l'île telle que reçue des projets de 1930(68). Il trouva pour cela l'appui de Hsu(69). Cependant François, Rapporteur spécial de la Commission, s'y opposa car il estimait que tout rocher pouvait être utilisé à des fins de radiodiffusion ou

d'observation métérologique et que, dans ce sens, tout rocher était capable

d'utilisation et de contrôle. Ce serait donc créer de la confusion que d'admettre une telle proposition (70). Lauterpacht retira alors sa proposition, non parce qu'il avait des doutes sur son bien-fondé, mais parce qu'il désirait éviter de longs débats sur le sens à attribuer aux mots «contrôle» et «effectif» (71).

Ainsi l'article 10 de la Convention sur la mer territoriale et la zone contiguë finit par accorder une mer territoriale à toute élévation naturelle en mer (72).

Il n'y a pas lieu de commenter longuement une condition qui n'a pas été retenue. On note toutefois qu'en ce qui la concerne à la ténuité a succédé la vacuité du propos : le seul critère auquel nous avions pu précédemment attribuer une valeur opérationnelle minimale, à savoir celui de l'utilisation, a été éliminé pour faire place à celui du contrôle. Or toute occupation implique un contrôle ou est au moins consubstantielle avec lui; et à la

«capacité d'occupation» s'applique ce que nous avons déjà pu dire. Pour paraphraser R.-J. Dupuy(73), l'évolution est celle d'une condition sage qui devient sauvage. C'est dans le contexte de ce déclin de précision qu'il faut lire l'article 121, paragraphe 3, de la Convention de Montego Bay; il en est, malheureusement, la dernière manifestation.

D. Les travaux préparatoires de la Convention de Montego Bay de 1982 1. Contrairement à ce qui est le cas en droit interne, le statut des travaux préparatoires est obscurci par quelques interrogations en droit international. Ces interrogations sont issues du système interprétatif proposé par la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969. Ses articles 31 et 32 n'attribuent à ces travaux qu'un caractère subsidiaire (74).

(66) (Italiques de l'auteur). Johnson s'appuie aussi sur le fait que l'invisibilité pour le marin avait été utilisée par G. Gidel lors de la Conférence, pour exclure d'une mer territoriale les fonds découvrants.

(67) En anglais : « Capable of effective occupation and control ».

(68) Yb. 1LC 1954, I, p. 92.

(69) Ibid., p. 93.

(70) Ibid., p. 94.

(71) Ibid., p. 94.

(72) Contra: L.F.E. Goldie, «The ICJ's 'Natural Prolongation' and the Continental Shelf Problem of Islands », N.Y.I.L., vol. 4, 1973, p. 247.

(73) Voir l'article célèbre de R.-J. Dupuy intitulé : « Coutume sage et coutume sauvage », Mélanges Rousseau, Paris, 1974, p. 75 ss.

(74) Les moyens qu'énonce l'article 32 ne peuvent servir que pour confirmer le sens résultant de l'application des règles générales de l'art 31 ou afin de déterminer le sens d'une clause qui sera restée obscure ou ambiguë, voire qui aurait conduit à un résultat manifestement absurde ou déraisonnable. Il s'inspire de l'ancienne formule du Digeste (Marcian) : «In ambiguis oratwnibus maxime sententia spectanda est eius, qui eas protulisset » (Dig. 50, 17, 96).

(14)

LES « ROCHERS... », ART. 121, § 3, DE MONTEGO BAY 887 Pour certains, l'article 121, paragraphe 3, sera l'exemple-type d'une clause obscure ou ambiguë, même après utilisation des moyens primaires d'interprétation proposés par l'article 31. Dès lors le recours aux travaux préparatoires se justifie. Pour ceux qui pensent que les travaux préparatoires apportent toujours un (pas le, mais un!) élément de compréhension possible, qu'on ne doit exclure qu'à posteriori et non à priori, le recours aux travaux préparatoires n'aura pas besoin d'être justifié (75).

2. Au début des nouveaux efforts de codification se situe un constat d'insatisfaction avec le droit en vigueur sur les îles. Il y a à cela trois raisons principales. Premièrement, la menace que de nouvelles zones maritimes aussi vastes que la ZEE et le plateau continental élargi font courir à l'étendue

des espaces où s'applique la liberté de la haute mer et à la Zone

internationale des fonds marins était clairement ressentie (76). En ce qui concerne la liberté des mers, on savait par exemple que l'établissement de ZEE autour d'îlots comme St-Peter et St-Paul (Brésil) ou Sala y Gomez (Chili) pourrait avoir de dramatiques effets sur les pêcheries, spécialement sur celles des flottes étrangères (77). Deuxièmement, la menace de nouvelles zones

maritimes était particulièrement appréhendée par les pays en voie de

développement, car elle risquait de profiter notamment aux îles sous domination coloniale (78). Troisièmement, il y avait un sentiment croissant que la définition retenue dans la Convention de 1958 était trop vague et simpliste face

(75) Presque tous les arguments à l'encontre des travaux préparatoires reposent sur des généralisations abusives ou des pétitions de principe (par exemple que les travaux préparatoires seraient souvent vagues, incomplets, imprécis, témoignant trop peu du changement de positions au cours des conférences, qu'ils tendraient à affaiblir le texte et sa sécurité juridique apparente), et ils s'opposent au caractère flexible que la Commission du droit international voulait reconnaître au processus d'interprétation tout comme à son unité herméneutique. (Voir J.P. Muller, Ver- trauensschutz im Volkerrecht, Beitrage zum auslandischen offentlichen Recht und Volkerrecht, n° 56, Cologne/Berlin, 1971, p. 123; J. Stone, «Fictional Elements in Treaty Interpretation - A Study in the International Judicial Process », Sydney Law Review, vol. I, 1953/5, p. 364). Plus

généralement, un texte étant un produit finalisé, le point de départ de toute compréhension est l'intention des auteurs, quitte à ne pas être nécessairement le point d'arrivée.

(76) Par exemple, Déclaration du Danemark, 39e séance (session de Caracas, 1974) : « If such islets and rocks were to be given full ocean space, it might mean that the access of other countries to the exploitation of the living ressources in what was at present the open sea would be curtailed, and that the area of the sea-bed falling under the proposed International Sea-Bed Authority would also be reduced» (dans la version anglaise qui est plus claire, Third United Nations Conference on the Law of the Sea, Official Documents, vol. II, p. 279. Version française : Troisième Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, Documents officiels, vol. II, p. 313. Voir aussi : Colombie {ibid., p. 280, par. 17). Turquie (ibid., p. 284, par. 62), Singapore (ibid., p. 285 par. 72). Déjà lors des sessions du Comité des fonds des mers A. Pardo (Malte) avait dit : « If a 200 mile limit of jurisdiction could be founded on the possession of uninhabited, remote or very small islands, the

effectiveness of international administration of ocean beyond national jurisdiction would be gravely impaired (UN. Comité des fonds marins, Doc. A/AC. 138/SR. 57, p. 167). En doctrine, voir J.

Symonides (op. cit., note 5), p. 162 ; H. Jayewardene, The Regime of Islands in International Law, Dordrecht /Boston/Londres, 1990, p. 5 ; et A. Pardo, « An International Regime for the Deep Sea-Bed : Developing Law or Developing Anarchy? », Texas International Law Forum, vol. 5, 1970, p. 205 : « It is entirely unacceptable that the Continental Shelf doctrine should apply without modification to rocks or remote and uninhabited islands (...) Where not only no state but no population exists, basis for the doctrine is lacking ».

(77) Van Dyke/Morgan/Gurish, (op. cit., note 9), p. 442 (hors du contexte des travaux préparatoires).

(78) Jayewardene (op. cit., note 76), p. 5. Sur cette question : Doc. A/CONF. 62/C.2/L.30, partie B. Voir aussi la Déclaration de l'Argentine, Documents officiels (op. cit., note 76), p. 284, paragraphe 66.

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888 LES « ROCHERS... », ART. 121, § 3, DE MONTEGO BAY

à l'énorme diversité des îles (79). Ainsi un débat devait s'instaurer entre ceux qui ne désiraient aucun changement du droit (80) et ceux qui, au nom d'une équité apte à refléter des différences factuelles par un traitement différencié, voulaient son évolution (81). Les premiers étaient ceux qui désiraient assimiler au territoire terrestre toute élévation permanente en mer sans

discrimination, les seconds ceux qui refusaient cette assimilation et proposaient des critères de distinction. Cette opposition, qui devait marquer

fondamentalement tous les débats sur le sujet, est traduite par une fracture dans l'article 121. Des « égalitaristes » émanent les paragraphes 1 et 2; pour une fois ce sont eux les conservateurs. Les dispositions en question reproduisent le droit reçu, coutumier, qui est formel et clair. Des « discriminateurs » émane le paragraphe 3 ; ce sont eux les révisionnistes. Ce paragraphe renferme le droit nouveau, conventionnel, qui est matériel et imprécis. Si on comprend aisément les deux premier paragraphes, le sens du troisième est difficile à établir. Voyons sa genèse et tâchons de lui donner un sens.

3. Les premières propositions relatives à une redéfinition du concept des îles en droit international remontent au temps du Comité des fonds marins (82). Les efforts de cet organe se sont cristallisés autour de deux idées-force : pour les uns la summa divisio à la fin d'une distinction juridique entre diverses catégories d'îles doit être la superficie de celles-ci; pour les autres, une pluralité de facteurs doivent entrer en ligne de compte, facteurs que l'on peut qualifier de nébuleuse équitable. On trouve reproduite cette même fracture qui devait partager les tenants de l'équidistance et ceux des principes équitables dans le contexte de la délimitation maritime (83).

Malte se situait dans la première catégorie. Dans un avant-projet d'articles, cet Etat avait défini une île comme étant «une étendue naturelle de terre, d'une superficie supérieure à un kilomètre carré» (84). Cette proposi- (79) Déclaration de la Roumanie, 39e séance (Caracas) : « ...Complexity of the problem for which generalized solutions along the lines of those adopted at the 1958 Geneva Conference would no longer be adequate » (Documents officiels (op. cit., note 76), p. 281, No. 29 m fine). Aussi : Tunisie (ibid.., p. 288, paragraphe 25), etc. C. Symmons, The Maritime Zones of Islands in International Law, La Haye, 1979, p. 12.

(80) Canada, Nouvelle Zélande, Madagascar, Trinité et Tobago, France, Chypre, Fiji, Jamaïque, Tonga, Grèce, Venezuela, Samoa Occidental (Documents officiels (op. cit., note 76), p. 278 ss.).

(81) Roumanie, Turquie, Singapour, Royaume-Uni, Algérie, Mexique et une série de pays africains (Guinée, Côte-d'Ivoire, Libéria, Mali, Mauritanie, etc.), ibid., p. 278 ss. et, pour les pays africains, Doc. A/CONF.62/C.2/L.62/Rev.l.

(82) Comité dont les débuts remontent à 1967 (Résolution 2340 (XXII) du 18 décembre 1967), voir Dupuy/Vignes (op. cit., note 13), p. 123 ss. ; A. De Marffy, La genèse du nouveau droit de la mer, le Comité des fonds marins, Paris, 1980; J.R. Stevenson/B. Oxman, «The Preparations for the Law of the Sea Conference », A.J.I. L., vol. 68, 1974, p. 1 ss.

(83) S.P. Jagota, Maritime Boundary, Dordrecht/Boston, 1985, p. 219 ss. ; Caflisch, in : R-J.

Dupuy/D. Vignes (op. cit., note 13), p. 418 s.

(84) Doc. A/AC. 138/SC II, L. 28 du 17 juillet 1973 (Avant-projet d'articles relatif à la délimitation de la juridiction de l'Etat riverain sur l'espace marin et aux droits et obligations des Etats riverains dans la zone soumise à leur juridiction : Titre I, Juridiction de l'Etat riverain sur l'espace marin, Définitions, article 1). La Roumanie devait proposer une approche similaire à l'ouverture de la Session de Caracas, voir Doc. A/CONF. 62/C.2/L.53. (Documents officiels (op. cit., note 76), vol. III, p. 264). Déjà avant (voir Documents officiels de l'Assemblée générale, 11e session, Suppl. 9, A/3159, Doc. A/AC 138/53), Malte avait proposé un projet de traité sur l'espace marin dans lequel l'idée qu'un Etat peut « transférer l'administration de récifs, bancs de sable, ou îles ayant moins de 10 000 habitants permanents à des institutions internationales », en une espèce de nouvelle tutelle internationale, était lancée (voir Titre V, article 90). On se souvient que Malte, par les interventions de son Ambassadeur A. Pardo à l'Assemblée générale, était à la pointe de la diplomatie à ce sujet et souhaitait une internationalisation poussée.

(16)

LES « ROCHERS... », ART. 121, § 3, DE MONTEGO BAY 889 tion était parallèle aux efforts de classification du Bureau Hydrographique International (85) et de l'expert Hodgson, qui s'en tenait aux définitions suivantes : « 1. Rocks : less than 0,001 square mile in area ; 2. Islets : between 0,001 and 1 square mile; 3. Isles : between 1 and 1000 square miles;

4. Islands : larger than 1000 square miles » (86). Ces critères rigidement numériques n'ont d'atout que leur précision. Ils sont passablement

arbitraires, comme le démontrent les différences d'un expert à l'autre, et n'ont pas été retenus par la Conférence qui allait suivre (87).

Parmi les partisans de la seconde thèse se situent d'abord une série de pays africains. Suivant en cela une déclaration de l'OUA (soumise au Comité en 1973), (88) ils faisaient appel, pour déterminer l'espace maritime des îles, à des «principes équitables», à savoir la superficie, la population ou absence de population, la proximité du territoire principal, la structure géologique et géomorphologique, etc. (89). Cette doctrine comprend une variante plus précise, qui préfigure le texte de l'article que nous analyserons : la Roumanie proposait que soient exclus du régime international des îles «les îlots et les petites îles, inhabités, sans vie économique, situés sur le plateau continental des côtes, [qui] n'ont pas en propre de plateau ou autre espace marin de la même nature». (90) Enfin il y avait évidemment ceux qui étaient hostiles à toute redéfinition (91).

Comme la Conférence n'a pas voulu s'enfermer dans la voie formaliste, c'est du côté de la nébuleuse équitable qu'on s'est orienté.

4. Lors de la Session de Caracas en 1974,(92) l'affrontement principal fut celui entre les Etats désirant une révision du statut des îles dans le sens d'un régime différentiel, et les Etats voulant en rester à un régime de stricte égalité (93). Ainsi la question était celle d'un régime unique ou de régimes multiples. Ceux qui s'opposaient à toute distinction faisaient valoir que la souveraineté sur les espaces étatiques était partout la même (94), ou qu'il serait particulièrement inéquitable de priver de petits îlots «qui n'ont pratiquement pas de ressources terrestres [et qui] ont plus que tout autre territoire besoin d'avoir une zone économique » (95) de la possibilité d'exploi- (85) R.D. Hodgson/R.W. Smith, « The Informai Single Negotiating Text (Committee II) : A.

Geographical Perspective », O.D.I.L., vol. 3, 1976, p. 230.

(86) R.D. Hodgson, « Islands : Normal and Special Circumstances », in : J.K. Gamble/G.

Pontecorvo, Law of the Sea ; Emerging Regime of the Oceans, Cambrigde/Massachussets, 1974, p.

150 s. Pour les « rochers », vu leur exiguïté, il tire les conséquences suivantes : « due to their small size [they] would be unfit for human habitation. The value of rocks, as a result, would be negligible or non-existent. They might [...] be used as sites for navigational lights, but this form of occupation is both artificial and transitory, depending entirely on external support for its continuance» (ibid., p. 151).

(87) Kwiatkowska/Soons (op. cit., note 10), p. 155 ss.

(88) Documents officiels (op. cit., note 76), vol. Ill, p. 63.

(89) Doc. A/AC. 138/SC 11/ L.40 et Corr. 1, 2 et 3 du 16 juillet 1973 (Algérie, Cameroun, Côte d'Ivoire, Ghana, Kenya, Libéria, Madagascar et autres), article XII. Doc. A/AC. 138/ SC II/L.

43 (Cameroun, Kenya, Madagascar, Tunisie et Turquie).

(90) Doc. A/AC. 138/ SC. II./L.53. Le texte anglais parle de «uninhabited and without economic life », alors que l'article 121, paragraphe 3, utilise la formule alternative.

(91) Bureau des affaires maritimes... (op. cit., note 28), p. 12.

(92) J.R. Stevenson/B. Oxman, « The Third United Nations Conference on the Law of the Sea : The 1974 Caracas Session», A.J.I.L., vol. 69, 1975, p. 1 ss. La question des îles fut traitée comme « item 19 ; Régime des îles ».

(93) Malgré cela quelques tentatives de maintenir une définition se rapportant à la superficie furent maintenues, voir note 84 in fine (Roumanie).

(94) Trinité et Tobago, Documents officiels (op. cit., note 76), vol I, 23e séance, par. 4.

(95) Déclaration de la Micronésie, Documents officiels (op. cit., note 76), vol. III, p. 96, Doc.

A/CONF. 62/L.6.

(17)

890 LES « ROCHERS... », ART. 121, § 3, DE MONTEGO BAY

ter les ressources maritimes situées autour d'elles (96), voire, dans une curieuse façon de concevoir le processus conventionnel, qu'une telle

distinction ne serait pas conforme à l'article 10 de la Convention de Genève de 1958 précitée (97).

Ceux qui désiraient une distinction, en revanche, insistaient sur la

« grande diversité » (98) entre les îles et le danger qu'« une petite île pas plus grosse qu'une tête d'épingle (...) pourrait annexer une grande partie de l'Atlantique » (99). Pour les uns et les autres s'y ajoutaient des intérêts particuliers (100). Dans le cadre de la thèse favorable à une pluralité de régimes, on peut retenir trois propositions intéressant notre question.

Une proposition de la Roumanie commence par faire remarquer que, dans le cadre des opérations de délimitation, les îlots inhabités ne méritent pas la même considération que les îles (101). Par la suite, cette proposition prend la forme d'un Projet d'articles sur la définition et le régime applicable aux îlots et îles analogues aux îlots (102). Pour la délégation roumaine, «la pratique des Etats, la jurisprudence et la doctrine du droit international reconnaissent la nécessité de faire une nette distinction entre les îlots et rochers d'une part et les îles proprement dites d'autre part. L'établissement d'un régime unique (...) conduirait à des solutions inéquitables» (103). Quant au critère matériel de distinction, c'est la «viabilité socio-économique» (en anglais : «economic and social viability») qui est retenue (104). Ceci est d'une importance non négligeable, car l'habitabilité et la vie économique sont considérées comme formant un tout, un unum et non distinctum (105).

La Turquie s'est ralliée à ces vues. L'article 3, paragraphe 3, de son Projet d'articles sur le régime des îles (106) dispose que «les îles sans vie économique situées en dehors de la mer territoriale d'un Etat n'ont pas d'espace marin propre », et le paragraphe 4 du même article ajoute : « Les rochers et les hauts-fonds découvrants n'ont pas d'espace marin propre ». Les (96) Dans le même sens : Fidji (ibid., vol. II, 39e séance, par 48 ss., p. 283) et Royaume-Uni (ibid., vol. IL, 40e séance, par. 36, p. 288).

(97) Fidji, ibid., vol. II, 39e séance, par. 48 ss., p. 283 (sur l'habitabilité).

(98) Royaume-Uni, ibid., vol. II, 40e séance, par. 34, p. 288.

(99) Colombie, ibid., vol. II, 39e séance, par. 17, p. 280. Dans le même sens : Tunisie, (37e séance, par. 11), Danemark (39e séance, par. 5), Madagascar (22e séance, par. 51), Singapour (39e séance, par. 72), etc.

(100) Par exemple pour la Turquie les îles grecques et pour la Roumanie les îles du Serpent situées à l'embouchure du Danube et qui appartenaient à l'URSS : Dipla, (op. cit., note 20), p.

38 ss.

(101) Documents officiels (op. cit., note 76) vol. L, 32e séance, paragraphe 13. Cela aboutit au projet d'articles sur la délimitation dont l'article 2 ignore les îlots et les îles analogues aux îlots - définis au Doc. A/CONF. 62 /C.2./L.53, Documents officiels, loc. cit., vol. III, p. 264 comme étant « une élévation naturelle de terrain (...) d'une superficie supérieure à un kilomètre carré mais inférieure à.. .kilomètres carrés, qui n'est pas ou ne peut pas être habité (de façon permanente) ou qui n'a pas ou ne peut pas avoir sa propre vie économique » - aux fins de la délimitation.

(102) Doc. A/CONF. 62 / C.2/ L. 53 précité (op. cit., note 101). Sur la définition des deux notions : (op. cit., note 101).

(103) Documents officiels (op. cit., note 76), vol. II, 39e séance, par. 30, p. 281.

(104) Ibid., paragraphe 31. S'y sont opposés formellement l'Italie : «inacceptable» (ibid., vol.

II, 25e séance, par. 15) et Trinité et Tobago: «tout à fait arbitraire» (ibid., vol. H, 39e séance, par. 46).

(105) Dans le même sens : Symmons, (op. cit., note 79), p. 48., et déjà l'article 2 (3) du Projet d'articles de la Roumanie sur la délimitation (op. cit., note 101) qui, dans la version anglaise, plus claire, parle de « small size » d'un côté et de « uninhabited and without economic life », de l'autre, comme deux aspects décrivant une même réalité et non une alternative ayant trait à deux situations différentes.

(106) Doc. A/ CONF. 62/ C.2 / L. 55 (Documents officiels (op. cit., note 76), vol. III, p. 266).

(18)

LES « ROCHERS... », ART. 121, § 3, DE MONTEGO BAY 891 commentaires précisent que s'il n'est pas simple de trouver des critères de distinction, « il ne faut pas perdre de vue qu'il existe des îles n'ayant aucune forme de vie économique, ni aucune forme de société («without any form of economic or social life»). A ce propos (...) des droits à la navigation et l'existence d'installations militaires ou de police ne suffisent pas à justifier l'établissement d'une zone économique» (107). Notons deux choses : ici aussi l'élément économique et l'élément social ne sont pas dissociés mais tributaires d'une descriptio rei commune; ensuite, de simples installations de gestion publique isolées ne suffisent pas à justifier une vie économique et sociale.

Enfin il y eut la proposition de quatorze pays africains, prolongement naturel si l'on ose dire des positions que ces pays avaient défendues au Comité des fonds marins, et ayant trait elle aussi au régime des îles en général (108). Elle définit île, îlot et rocher («élévation rocheuse naturelle de terrain qui est entourée par la mer et découverte à marée haute») à son article premier et à son article 2, paragraphe 4, et dénie à un Etat la juridiction « sur l'espace marin » en raison de sa souveraineté sur un îlot ou rocher. Ne sont réservées que les zones de sécurité (109). Il s'agit là de la première apparition officielle du terme «rocher», défini d'ailleurs un peu malencontreusement, car partiellement per idem ; il apparaît qu'à ce stade, un caractère particulier du sol («rocheux») était requis.

C'est de la jonction des propositions roumano-turques et africaines que naîtra l'article 121, paragraphe 3. L'accent sera mis sur les éléments socio- économiques, car de la proposition africaine seul le terme «rocher» sera repris. L'on verra par la suite si la nécessité d'un caractère géologique particulier du sol s'est maintenue.

5. A la fin de la session de Caracas, un document («Main Trends») a été préparé qui a retenu les trois formules débattues (110). Une majorité de délégations s'est exprimée dans le sens d'un régime différencié (111).

A la suite d'intenses consultations officieuses ayant réduit l'éventail des variantes à envisager, la Conférence a décidé de prier les Présidents de ses trois grandes Commissions d'élaborer un texte unique de négociation

(officieux) (TUN) sur les questions ayant été attribuées à leur Commission (112).

Pour les îles, l'article 132 du TUN contenait déjà la formule de l'actuel article 121(113), qui devait rester inchangée à travers toutes les révisions : le Texte unique de négociation révisé (1976) (114), le Texte de négociation

(107) Documents officiels (op. cit., note 76), vol. II, 39e séance, par. 63, p. 284.

(108) Doc. A/CONF.62/C.2/L.62/Rev. 1.

(109) Article 2, paragraphe 5.

(110) Doc. A/CONF. 62/C.2/L.53. Formule A (Solution de la Convention de Genève 1958);

Formule B (pays africains) ; Formule C (Roumanie). Par la suite, le Bureau de la Commission s'est attaché à établir une série de documents de travail officieux pour exprimer dans des formules généralement acceptables les principales tendances qui s'étaient dégagées lors des observations et des commentaires formulés au sein de la Commission. Ces documents furent ensuite regroupés en un Document de travail unique (A/CONF. 62/C.2/WP 1). Dans sa disposition 239, Formule C, paragraphe 2, ce dernier retient les proposition roumaines, dans sa disposition 242, Formule B, paragraphe 6 il retient celles des pays africains.

(111) Voir, synoptiquement, Bureau des affaires maritimes... (op. cit., note 28), p. 21 ss.

(112) Documents officiels (op. cit., note 76), vol. IV, p. 20 ss. (55e séance, 18 avril 1975).

(113) Doc. A/CONF. 62/WP.8. Voir Dupuy/Vignes (op. cit., note 13), p. 163 ss.

(114) Doc. A/CONF.62/WP.8/Rev. 1; Dupuy/Vignes (op. cit., note 13), p. 179 ss. B. Oxman, AJ.I.L, vol. 71, 1977, p. 247 ss.

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