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Revue Linguistique et Référentiels Interculturels, volume 1, n 2, Décembre 2020 ISSN:

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QUELQUES PROCEDÉS DE TRADUCTION DE L’ARABE VERS LE FRANÇAIS :

CAS DU « DISCOURS DECISIF »

1

D’AVERROES ---

SOME TRANSLATION PROCESSES FROM ARABIC TO FRENCH:

CASE OF AVERROES’ “DECISIONAL DISCOURSE”

Noureddine SAMLAK

FLAM, Université Cadi Ayyad, Maroc nourdoo@hotmail.com

Fatima Ez-Zahra BENKHALLOUQ FLAM, Université Cadi Ayyad, Maroc

f.benkhallouq@hotmail.com

Résumé :

Le présent article a pour objectif de mettre en lumière quelques traits d‟analogie et de différence affectant la traduction du « Discours décisif » d‟Averroès de l‟arabe vers le français par Marc Geoffroy à travers une analyse des différentes techniques de traduction mises en œuvre. Pour ce faire, nous avons fait appel à une analyse contrastive de quelques extraits de l‟ouvrage originaire en arabe et leurs traductions en français sur le plan lexical (choix du lexique, des noms propres, des noms communs, etc.), syntaxique (structure des phrases, choix des parties du discours, des formes et des types de phrases, etc.), sémantique (glissement de sens, interprétation et représentation sémantiques, etc.) et stylistique (figures rhétoriques, niveaux de langue, etc.) afin d‟avoir un regard critique sur les choix du traducteur et les procédés traductologiques mis en œuvre.

Mots-clés : traduction, Averroès, étude comparée, arabe, français, différences, analogies.

Abstract :

The purpose of this article is to highlight some features of analogy and difference affecting the translation of Averroes "Decisive Discourse" from Arabic into French by Marc Geoffroy through an analysis of the different translation techniques used artwork. To do this, we used a contrastive analysis of some extracts from the original work in Arabic and their translations into French on the lexical level (choice of lexicon, proper names, common names, etc.), syntactic ( structure of sentences, choice of parts of speech, forms and types of sentences, etc.), semantics (meaning shifting, semantic interpretation and representation, etc.) and stylistics (rhetorical figures, language levels, etc.) in order to have a critical look at the translator's choices and the translation processes implemented.

Keywords: translation, Averroes, comparative study, Arabic, French, differences, analogies.

Introduction

Depuis plusieurs siècles, et même de nos jours, la traduction occupe une place très importante en sciences humaines et en d‟autres domaines de connaissances grâce à sa contribution à l‟ouverture de l‟Homme sur des cultures étrangères (dans le cas des traductions d‟autres langues) et à l‟ouverture de celui-ci également sur sa propre culture (dans le cas des

1 Averroès, Discours décisif, Trad. par Marc Geoffroy, Edition bilingue de GF Flammarion, Paris, 1996.

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traductions d‟une même langue). De ce fait, le caractère et la démarche complexes des techniques traductologiques, adoptées par les spécialistes de ce domaine, ont suscité plusieurs controverses par rapport aux différents procédés de traductions, des théories et des choix adoptés par les traducteurs ainsi que leur degré d‟implication ou de distanciation tout au long de ce processus.

La traduction de l‟arable vers le français, ou vice-versa, relève plusieurs difficultés relatives aux caractéristiques grammaticales et sémantiques de chacune de ces langues surtout lorsque le texte à traduire se veut à la fois philosophique et juridique tel que Fasl al- maqal d‟Ibn Rushd objet de cette étude. Le choix de ce texte n‟est pas aléatoire, car comme toutes les œuvres d‟Averroès cet ouvrage jouit d‟une importance capitale quant à l‟étude de la légitimité ou non de la philosophie dans l‟analyse des phénomènes sacrés et précisément ceux relatifs à la religion islamique. Il a été traduit plusieurs fois à travers l‟Histoire dans plusieurs langues voire notamment en français en adoptant, à chaque fois, des procédures différentes selon les époques et les objectifs des traducteurs. De ce fait, à quel point, les techniques déployées par Marc Geoffroy, dans cette version française proposée de Fasl al-maqal, offre une fidélité plus ou moins considérable à la langue source ? Quelles contraintes peut-on relever face à la manipulation de deux idiomes différents dans le but de gagner le défi d‟une traduction répondant à la fois aux exigences esthétique et sémantique qui s‟imposent pour une traduction réussie ?

Dans le présent article, nous allons nous focaliser sur les paragraphes de 1 à 6 de la première partie de l‟ouvrage qui traite, selon Averroès, la question de rechercher, dans la perspective de l'examen juridique, « si l'étude de la philosophie et des sciences de la logique est permise par la Loi révélée, ou bien condamnée par elle, ou bien encore prescrite soit en tant que recommandation, soit en tant qu'obligation »1. Afin d‟élucider les différentes techniques traductologiques adoptées par Geoffroy, il est important de comprendre d‟abord la visée textuelle d‟Ibn Rushd. Nous allons présenter, dans la première partie, les différentes notions de base relatives à la traduction et plus particulièrement au cas du passage de l‟arabe vers le français en relevant quelques caractéristiques de chacune de ces langues. Nous passerons, dans la deuxième partie, à une présentation du corpus textuel et de la méthodologie d‟analyse qui relève de la linguistique contrastive. Nous terminerons enfin par une analyse de quelques cas de transpositions et de modulations adoptées par le traducteur en recourant, à chaque fois, à une comparaison des structures de la langue source : LS (l‟arabe) et de la langue cible : LC (français)

1. Quelques notions de base 1.1 A propos de la traduction

La traduction peut être définie, selon Dubois, comme l‟opération qui consiste à « faire passer un message d’une langue de départ (langue source) dans une langue d’arrivée (langue cible). Le terme désigne à la fois l’activité et son produit : le message cible comme

« traduction » d’un message source, ou « original ». »2 Il s‟agit d‟une activité humaine universellement reconnue qui désigne l‟action, la manière de traduire et concerne les textes écrits alors que pour l‟oral on parle plutôt d‟interprétariat. Le verbe « traduire » est introduit en français au XIème siècle et trouve son origine au latin traducere qui provient de l‟arabe

« Turjuman, issu lui-même de l’assyrien ragamou.»3 Dans le tome 12 du livre d‟Ibn Mandhûr,

1 D‟après Alain de Liberia dans son introduction de l‟ouvrage objet de notre étude.

2 Dubois Jean (1994), Dictionnaire de linguistique, Ed Larousse, Paris, p 486

3 Guidère Mathieu (2010), Introduction à la Traductologie : penser la traduction hier et aujourd’hui, Ed De Book supérieur, Paris, p16

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Lisân al-Arab, ce terme désigne « Celui qui explique »1. Abdullah ibn Abbas, l‟un des compagnons du Prophète, « fut surnommé Turjumân al-Qur’ân (littéralement, le traducteur du Coran; autrement dit, l’exégète), car il était un illustre connaisseur du Coran »2.

Le recours à la traduction a été privilégié à toutes les époques pour plusieurs raisons (découvrir des cultures, transmettre des savoirs, défendre des idées, etc.) et avec l‟apparition des études linguistiques, vers la moitié du siècle passé, sa systématisation a commencé en s‟ouvrant sur les démarches scientifiques et les recherches dans plusieurs domaines (philosophie, sociologie, littérature, linguistique, psychologie, etc.). Ce qui a donné naissance à une nouvelle discipline appelée « Traductologie » ou « science de la traduction » fondée en 1972 par le canadien Brian Harris. Cependant, et malgré son caractère scientifique actuel, les mécanismes de la traduction, selon Oustinoff, demeurent méconnus, car on « la croit réservée aux seules spécialistes. Son domaine est en réalité bien plus vaste : avant d’être l’affaire des traducteurs ou des interprètes elle constitue dans son principe, une opération fondamentale du langage. » 3 Elle est fondée sur l‟empirisme, la pratique traductionnelle, l‟observation des faits4 en plus d‟autres manifestations écrites (littéraire, journalistique, technique) ou orales (consécutive, simultanée, etc.).

Plusieurs théories s‟appliquent alors à la traduction, on distingue selon Dubois, « la traduction littéraire de la traduction technique, ce qui correspond non seulement à une dichotomie touchant la nature des textes à traduire et le type de traduction qu’on en attend, mais aussi à un clivage d’ordre socioprofessionnel et économique. »5 Il existe également d‟autres théories largement connues dans ce domaine telle la théorie des sourciers et celle des cibistes : les uns privilégiaient le « texte source » les autres le « texte cible » (ou la « culture source » et « la culture cible ») A ce propos, Friedrich Schleiermacher souligne : « ou bien le traducteur laisse l’écrivain le plus tranquille possible et fait que le lecteur aille à sa rencontre, ou bien il laisse le lecteur le plus tranquille et fait que l’écrivain aille à sa rencontre »6.

1.2 Traduction et fonction syntaxiques en arabe et en français

Le concept « d‟équivalence » ou de « correspondance » entre les langues était toujours au cœur de débat entre linguistes et traducteurs partout dans le monde. Pour les spécialistes de la traduction arabe, malgré le caractère sacré de cette langue considérée comme langue coranique et idiome liturgique (en raison de l‟inimitabilité du Coran « i’jaz al-qur’ân ») et malgré « la non-correspondance entre les structures des différents langues, il est toujours possible de traduire, car le « sens » (al-ma’nâ) l’emporte toujours sur la « forme » (ash- chakl)) »7. Cependant, pour le cas de l‟arabe et du français, comme d‟autres langues d‟ailleurs, le passage d‟un système à l‟autre ne manque pas de relever plusieurs problèmes à savoir que les deux langues appartiennent à deux familles différentes8 et que chacune dispose de structures grammaticales difficiles à convertir lors du passage d‟une langue à une autre.

1 Ibn Mandour (1993), Lisan Al-Arab, Ed Dar Al-Sadr, Tome 6, Beyrouth, p.208

2Laroussi Foued, Albalawi Ibrahim (2010), « La traduction de l‟arabe vers l‟arabe à l‟heure de la mondialisation », In Hermès La Revue, Ed CNSR, p138

3Oustinoff Michael (2018), La traduction, Ed PUF, Paris, p3

4Al Musawi Jaafar (2016), Formation et pratique des enseignants de traduction français-arabe / arabe- français dans les universités irakiennes. Thèse de Doctorat, Pub Université de Franche-Comté, pp 17-18.

5 Dubois Jean, op.cit.

6 Cité par Oustinoff Michael, op.cit, p49

7 Guidère Mathieu, (2017), La traductologie arabe: Théorie, pratique, enseignement, Ed L‟Harmattan, Paris, p15 p15

8Voir la célèbre classification des langues par J. Greenberg selon laquelle l‟arabe est une langue chamito- sémitique alors que le français est une langue indoeuropéenne.

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Comme exemple de ces particularités, nous pouvons citer le problème d‟équivalence des catégories grammaticales (il existe trois pour l‟arabe contre neuf pour le français). Il est donc difficile de trouver des catégories similaires, avec une terminologie exacte en arabe, à l‟adverbe, au pronom, etc. et d‟avoir des équivalents exacts à la structure (mobtad’) et (khabar) (nom et propos) et aux verbes dit « incomplets » (af’al naqisa comme : kana, layta, mabariha, etc.) en français. En plus, il est difficile de gérer les structures complexes de phrases de type active, passive, direct ou indirect selon la voix, la forme, l‟objet, etc.

En ce qui concerne la conjugaison, il est difficile de trouver des correspondances de mode et de temps en arabe du plus que parfait, du futur antérieur du subjonctif imparfait et du conditionnel, etc. car , en effet, les temps en langue arabe sont très réduits et les modes sont quasiment absents par rapport aux français. En plus, on ne trouve pas vraiment en arabe de forme claire équivalente à l‟infinitif, au participe, au gérondif, aux auxiliaires (être) et (avoir) et généralement aux temps composés alors qu‟il est difficile de trouver en français des correspondances à des fonctions comme (al badal), ou (al maf’ul al motlaq) ou encore (al masdar) (verbal ou non verbal) qui constitue approximativement une sorte de nominalisation (daraba/ darban) (akala/ aklan), etc.

Sans se perdre trop dans ces différences, nous pouvons affirmer que le problème majeur émane de la terminologie elle-même propre à chacune de ces langues dans la mesure où au lieu d‟être une aide pour la manipulation d‟une langue elle en constitue, en fait, une entrave.

Le meilleur exemple est celui de (maf’oul fih) (littéralement le patient siège du procès) qui correspond normalement à un circonstanciel de lieu (« fih » signifie « dedans ») mais, de là, il peut exprimer aussi le temps, preuve que la dénomination équivalente en français devient peut satisfaisante. Ceci nous amène à constater, selon Bouhle, que :

« La traduction fidèle de certains énoncés en arabe s’avère quasiment impossible et à plus forte raison quand nous avons à rendre compte de mots relevant de la terminologie. Dans un tel cas, la rigueur scientifique exige que l’on soit extrêmement précis, mais la différence entre deux systèmes bloque la traduction qui se transforme en paraphrase. »1

Par ailleurs, il existe quelques correspondances grammaticales entre l‟arabe et le français malgré le problème terminologique qui ne donne pas accès à des formes officielles mais les spécialistes recourent souvent à la traduction du sens afin de trouver la structure la plus proche dans la langue cible. Nous citons comme : « alfa’il » le sujet, « al maf’ul bih » le complément d‟objet, « al na’t » l‟épithète, « al badal » l‟apposition, « al maf’ul li’ajlih » le complément circonstanciel de cause et de but, « al maf’ul fih » le complément circonstanciel de temps et de lieu, « al maf’ul ma’ah » le complément d‟accompagnement, « al hal » la disposition, « na’b al fa’il » le sujet passif, « al maf’ul motlaq » le complément absolu,

« attamyiz » le spécificatif, etc.

2. Description du corpus et méthodologie 2.1 Ibn Rushd et Fasl al-maqal

Ibn Rushd, ou Averroès en latin, est un philosophe, cadi, juriste, commentateur et médecin de la cour des souverains almohades né à « Cordoue en 1126, l’an 520 de l’Hégire, dans une célèbre famille de juristes malikites, [et] mort à Marrakech le 10 décembre 1198,

1 Bouhle Ezzedine (2016), Fonctions syntaxiques en arabe et en français, preuve de l'unité des langues?, Ed l‟Harmattan, Paris. p30

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après une période d’exil à Lucena (1195).»1 Influencé par son grand-père Abu-l-Walid Ibn Rushd qui fut, lui aussi, cadi de la dynastie précédente des almoravides à Al-Andalous (l‟Espagne musulmane), il a laissé une œuvre capitale dans tous les domaines du savoir. Ses consultations juridiques les « fatwas » firent longtemps autorité. Selon De Liberia, l‟œuvre d‟Ibn Rushd dépasse évidemment, par sa portée, le travail d‟un « « intellectuel organique », elle n’en est pas moins fortement déterminée par le contexte dans lequel elle se développe, celui très particulier du projet almohade, du fait de l’interférence étroite entre champs politique, religieux et intellectuel qui caractérise l’époque .»2 Parmi ses ouvrages nous citons ses travaux en astronomie et en mathématiques à partir des œuvres de Ptolémée dont il fait un abrégé en 1158 inspiré des travaux d‟Ibn al-Haytham. Dans le domaine de la médecine, il est connu par son principal ouvrage « al-kulliyyat » (Colliget en latin) en 1161 qui englobe tout le savoir médical en soulignant, par un raisonnement logique, ce qu‟il faut garder et ce qu‟il faut rejeter en analysant les œuvres de Gallien (médecin grec), d‟Ibn Sina et surtout les travaux d‟Ibn Zohr qui était un de ces maitres avec Ibn Tofail. Dans le domaine juridique nous citons deux grands ouvrages : Le « Fasl al-maqal » et la « Bidaya » qui constitue, selon son auteur, un début pour les gens assoiffés du savoir et une fin pour les lecteurs qui se contentent de l‟enseignement reçu.

Le Fasl al-maqal3 ou Discours décisif, selon sa traduction par Marc Geoffroy, est un livre à caractère juridique d‟Averroès dans lequel il essaie de concilier la philosophie et la religion en s‟interrogeant sur la légitimité de recourir aux sciences de la logique dans l‟explication des phénomènes liés à la religion. Il s‟agit d‟un livre qui constitue, comme le précise De Liberia, non pas :

« Un manifeste du rationalisme mais la mise en œuvre d’une réflexion sur la philosophie au sein d’une certaine rationalité discursive. Le Fasl al-maqal est une fatwa. C’est un avis légal (…) qui répond à une question formulée dans les termes et le registre de la jurisprudence religieuse. C’est comme juriste et cadi qu’Ibn Rushd intervient pour persuader.»4

Autrement dit, le musulman a-t-il droit à l‟usage de la philosophie pour comprendre les Lois divines et consolider sa foi ? C‟est-à-dire recourir à une double vérité celle de la religion et celle de la pensée humaine. Pour Ibn Rushd, il n‟y a pas de contradiction entre « vérité philosophique » et « vérité religieuse » car elles sont, par contre, complémentaire pour le bon croyant qui fait appel à ses capacités intellectuelles pour se rapprocher du Créateur.

Le corpus, que nous avons choisi pour cette étude comparative se constitue d‟extraits du texte source en arabe et leurs traductions en français et proviennent de la première partie du livre du paragraphe 1 à 6. Nous avons choisi ce corpus car il développe l‟objet principal du livre et présente une richesse linguistique marquante qui illustre précisément les différentes techniques du traducteur et les contraintes de correspondances qui lui ont fait face lors du passage d‟une langue à l‟autre.

1 Averroès, op.cit. p5 (Introduction par Alain De Liberia)

2 Ibid, p94

3 Selon De Liberia dans son introduction à la traduction du Discours décisif par Geoffroy, le texte « nous est connu par deux manuscrits arabes anciens : celui de la Bibliuoteca National de Madrid, n°5013, daté de l‟an 633h/ 1235-36, où le Fasl al-maqal figure à la suite d‟une copie du Colliget (al-kulliyyat fit t-tibb) et le manuscrit de l‟Escurial (n° 632 du catalogue Hartwig Derembourg (…) ).Toutes les éditions du texte faites en Europe comme dans le monde arabe jusqu‟en 1959 sont fondées uniquement sur ce dernier manuscrit.» op.cit, p97

4 Ibid, p10-11

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Le paragraphe (1) de ce traité désigne clairement la visée juridique du texte qui se focalise sur le statut légal de la philosophie selon le fiqh (jurisprudence) qui subdivise les actes en actes permis, actes prescrits (recommandés ou obligatoires) et actes condamnés (blâmables ou interdits qui aboutissent soit à une récompense ou à un châtiment. Les paragraphes de (2) à (6) sont consacrés à justifier et à préciser la thèse générale jusqu‟au paragraphe 17 fin de la première partie. Le paragraphe (2) explique en quoi consiste l‟acte de philosopher qui n‟est rien d‟autre que « l’examen rationnel des étants et dans le fait de réfléchir sur eux en étant qu’ils constituent la preuve de l’existence de l’Artisan. »1 Cela constitue une sorte de preuve téléologique de l‟existence de Dieu et que la philosophie est, de par la Loi révélée, « soit obligatoire soit recommandée.»2

1 Ibid. p14

2 Ibid. p15

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Le paragraphe (3) invoque, quant à lui, une série de versets du Coran en guise d‟arguments comme le montre cet exemple : LIX, 2 « Réfléchissez donc, ô vous qui êtes doués de clair-voyance. »1 Les paragraphes (4) et (5) annoncent qu‟il est bien établi que la Loi révélée oblige à examiner l‟existence en faisant appel à la raison en déclarant « l’obligation de recourir au syllogisme rationnel pour l’examen des étants, et en l’occurrence, à l’espèce de syllogisme la plus parfaite : la démonstration. »2

Enfin, le paragraphe (6) entame une nouvelle procédure de développement qui va jusqu‟au paragraphe (17) : « la défense de l’étude du syllogisme rationnel contre l’accusation d’innovation blâmable. »3 Autrement dit, le philosophe est le mieux placé pour en profiter et même il semble obligatoire pour lui de connaître le syllogisme rationnel dans l‟interprétation des Lois divines, une interprétation qu‟on ne peut qualifier de blâmable car son intérêt suprême est de consolider la foi du musulman.

2.2 Méthodologie

2.2.1 La méthode comparative et contrastive

D‟après le Vocabulaire de philosophie de Lalande4, « la comparaison est l’opération par laquelle on réunit deux ou plusieurs objets dans un même acte de pensée pour en dégager les ressemblances et les différences ». Autrement dit, l‟analyse comparative consiste à chercher les différences et les ressemblances existant entre les situations qui font l‟objet de la comparaison en interprétant les résultats et en essayant de découvrir des régularités. La méthode comparative est une démarche largement utilisée par les chercheurs en sciences sociales. A ce propos, Durkheim précise que : « nous n’avons qu’une manière de démontrer qu’entre deux faits il existe une relation logique, un rapport de causalité par exemple, c’est de

1 Ibid. p16

2 Ibid. p17

3 Ibid. p17.

4 Lalande André (2010), Vocabulaire technique et critique de la philosophie, PUF, Paris.

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comparer les cas où ils sont simultanément présents ou absents.»1 La comparaison de corpus linguistiques peut faire apparaître des différences de divers ordre : structural et matériel comme l‟ordre des mots, les types et les formes de phrases, l‟agencement des sons et des phonèmes, etc. Selon Loubet, il existe des comparaisons proches (étroites ou approfondies) : « portant sur des phénomènes présentant un assez fort degré d’analogie, tant par leur structure que par le contexte dans lequel ils se situent»2 ; et des comparaisons éloignées qui se caractérisent par les libertés qu‟elles prennent avec l‟exigence de l‟analogie. « Elles portent sur des phénomènes de structure assez sensiblement différente, dont le contexte dimensionnel et culturel peut être assez éloigné.» 3

2.2.2 Eléments d’analyse traductologique

Pour analyser le corpus, nous allons étudier quelques procédés de traduction adoptés par Geoffroy en parallèle avec une étude linguistique des caractéristiques de chacune des langues étudiées sur le plan morphosyntaxique, lexico-sémantique et pragmatique.

Nous allons nous référer aux travaux de J. P Vinay et J. Darbelnet qui ont élaboré la première méthode scientifique d‟étude traductologique en publiant la Stylistique comparée du français et de l’anglais en 1958. La démarche de ces auteurs consiste à classifier les procédés techniques du traducteur selon trois grands axes :

« Lexique (« étude des notions »), agencement (« constitution des énoncés ») et message (« ensemble des significations de l’énoncé, reposant essentiellement sur une réalité extralinguistique, la situation [et faisant]

entrer en ligne de compte les réactions psychologiques du sujet parlant et celles de son interlocuteur.)» 4

De manière détaillée, les procédés de traductions, selon Vinay et Darbelnet, sont au nombre de sept : l‟emprunt, le calque, la traduction littérale, l‟équivalence, l‟adaptation, la transposition et la modulation. Nous allons nous focaliser sur les deux derniers procédés étant donné que l‟emprunt et le calque sont rarement des procédés à proprement parler car ils se trouvent souvent intégrés au lexique ; l‟équivalence n‟est qu‟une modulation lexicalisée, quant à l‟adaptation elle fait entrer en jeu des facteurs socio-culturels et subjectifs autant que linguistiques.

L‟analyse morphosyntaxique se focalisera sur les constructions de phrases simples et complexes, les tournures grammaticales, les règles syntaxiques (genre, nombre, accords, etc.), les temps verbaux (modes et valeurs temporelles, nature et typologie des verbes, etc.), les parties du discours (noms, verbes, adjectifs, adverbes, etc.) et d‟autres éléments. L‟analyse lexico-sémantique a pour but de déceler la signification des énoncés et de recenser le lexique employé dans le texte source et le texte cible. Sur le plan pragmatique et pour assimiler la nature des énoncés et le type d‟échanges qu‟elles produisent, il convient de se rapporter également à la notion d‟« acte de langage ». En effet, chaque énoncé procure un contenu, mais il est en même temps un acte, visant à modifier le cours des événements. Un énoncé possède trois types de valeur, locutoire (l‟énoncé), illocutoire (l‟intention communicative) et

1Durkheim Emile (1894), Les règles de la méthode sociologique, Ed électronique 2002 à Chicoutimi, Québec.http://classiques.uqac.ca/classiques/Durkheim_emile/regles_methode/durkheim_regles_methode.pdf, p129, Consulté le 18/08/2020

2 Loubet Del Bayle Jean-Louis (2000), Initiation aux méthodes des sciences sociales. Paris - Montréal : Harmattan, Éditeur, 2000, 272 pp. http://classiques.uqac.ca/ p298. Consulté le 10/05/ 2020. p302

3 Ibid.

4 J.P Vinay & J. Darbelnet (1985), Stylistique comparée du français et de l’anglais, Paris, Didier, pp46, 93 et 159

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perlocutoire (l‟effet de l‟acte de langage sur l‟interlocuteur) ; mais c‟est surtout à l‟aspect illocutoire que se réfère à la nature « pratique » d‟une proposition.

3. Analyse comparative 3.1 La transposition

La transposition peut se définir, selon Oustinoff, comme des « recatégorisations car elles consistent à remplacer une catégorie grammaticale par une autre » 1 sans changer le sens de l‟énoncé. Ce phénomène émane du problème de ré-énonciation qui se pose toujours lors d‟une traduction « oblique » non « littérale » qui procure une liberté au traducteur car ce ne sont pas des mots que l‟on traduit, mais des contextes. C‟est un phénomène qui peut se manifester à l‟intérieur même d‟une langue comme dans le cas de la reformulation2. En plus, selon Chiquet et Paillard 3, nous pouvons avoir des catégories invariables et des catégories qui peuvent être affectées par une transposition interne au niveau du genre et du nombre pour les noms ou au niveau des modes, des temps ou d‟aspects pour les verbes par exemple.

3.1.1 Cas généraux de transpositions

Dans la traduction de Fasl al-maqal, nous avons décelé plusieurs transpositions que Geoffroy a entamées lors du passage de l‟arabe vers le français. Nous proposons, ci-dessous, quelques exemples illustratifs des cas de figure les plus fréquents en faisant un rapprochement approximatif entre les structures grammaticales arabes et celles du français, à savoir la difficulté de trouver des correspondances terminologiques officielles entre ces deux langues :

- Transposition (nom/ verbe) : ex : (« ئلٓ ٠ِػ س٬ُٜحٝ ٙيٓخلٓ غ٤ٔـر الله ئك يؼر » / « Ayant louangé Dieu de toutes les louanges qui lui sont dues et appelé la prière et le salut du Muhammad »). Dans cet exemple, nous avons une transformation des noms ou précisément des (masdar) de formes nominales en arabe : (ئك) et (س٬ُٜح) en verbes composés en français : (ayant louangé) et (ayant appelé) qui sont des formes participiales passées des verbes (louanger) et (appeler). Le premier verbe conserve le sens de la langue source (LS) isolément contrairement au second verbe qui a subi une modulation métaphorique (appeler la prière) inexistante dans le modèle en arabe (س٬ُٜح) qui présente une ambiguïté de traduction littérale car il peut désigner, en guise d‟équivalence en français, à la fois un verbe (prier) et un nom (la prière). Nous citons également d‟autres exemples de transpositions verbo-nominales ou inversement comme dans les cas suivants : (« شلِٔلُح َؼك »/ « l‟acte de philosopher ») (« ١خز٘ظٓح

ِّٞؼُٔح ٖٓ ٍٜٞـُٔح » / « extraire l‟inconnu du connu »), («غٗخُٜح ٠ِػ خٜظُ٫ى »/ « constituent la preuve de l‟existence de l‟Artisan ») etc.

- Transposition nom / adjectif verbal : ex : (« ٍُٚٞٓ ٝ ٠لطُٜٔح ٙيزػ ئلٓ » / « Muhammad, Son serviteur élu et Son envoyé). Nous remarquons ici que lors du passage de l‟arabe vers le français le traducteur a converti le nom (٠لطُٜٔح) qui veut dire (َ َّ٠لُُٔح ،٠زظـُُٔح ،ٍخظؤُُح) par un adjectif verbal (élu) qui vient du verbe de troisième groupe (élire) pour atteindre un degré considérable d‟équivalence sémantique. Car, en effet, (٠لطُٜٔح) est un (ism maf’ul) nom du complément, selon sa traduction littérale, qui constitue une catégorie grammaticale inexistante de manière claire en français mais qui pourrait être similaire à l‟adjectif verbal dans ce

1 Oustinoff Michael, op.cit.p73

2 Comme exemple, on peut formuler en français deux énoncés pour dire la même chose : « Je le contacterai dès qu‟il arrive » (syntagme verbal) « Je le contacterai dès son arrivée » (syntagme nominal)

3 Chiquet Hélène et Paillard Michel, Approche linguistique des problèmes de traduction, Ed Ophrys, Paris 1987.

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contexte car selon le sens générale de la phrase (Muhammad est élu par Dieu et c‟est Dieu qui a élu Muhammad) (الله ٖٓ ٍخظوٓ ٠لطٜٓ ئلٓ) ce qui montre, en fait, que ce nom peut remplacer un complément après transformations de la phrase.

- Transposition adjectif / nom : ex : («نِطُٔح ّخ٤وُح »/ « le syllogisme en général »). Le traducteur a remplacé, dans cet exemple, l‟adjectif (نِطُٔح) (« l‟absolu » selon sa traduction littérale en français) par un nom commun (général) précédé d‟une préposition (en) ce qui a modifié, à notre avis, un peu le sens entrainant une modulation de traduction. En effet, l‟adjectif susmentionné (نِطُٔح) a pour rôle de qualifier et décrire le nom qui le précède (ّخ٤وُح) (qui veut dire la mesure ou le syllogisme en se référant au traducteur) mais, par contre, l‟expression (en général) semble avoir une signification plus large générant l‟ensemble de la phrase et se focalise peu sur ce qui précède. En plus, le mot (syllogisme), choisi pour remplacer (ّخ٤وُح), a subi, lui aussi, une modulation1 lexicale car, en effet, le traducteur a gardé le même terme pour désigner plusieurs autres expressions comme : (raisonnement logique, réflexion rationnelle, etc.)

- Transposition verbe / adjectif : ex : («٠ٜلط ٫ ٢ظُح صخ٣٥ح » / « d‟autres innombrables versets encore »). Dans cet exemple, le traducteur a remplacé le verbe arabe (٠ٜلط) par l‟adjectif (innombrables) dans sa recherche de correspondance. Dans ce contexte, le verbe arabe est un (mabni lil majhoul) (construit pour l‟inconnu) selon la traduction littérale de l‟expression. En fait, du point de vue terminologique, il s‟agit d‟une forme inexistante en langue française mais qu‟on peut avoir comme équivalent de la voix passive avec absence du complément d‟agent.

Le traducteur a opté, peut-être, pour cette transposition pour éviter des traductions comme (les versets qui sont innombrables) qui préserve le pronom relatif (qui) équivalent de (٢ظُح) ou (les versets qui ne sont nombrables par personne), etc.

-Transposition adverbe / verbe : ex : (« الله ئك يؼر» / « Ayant louangé Dieu »). Le traducteur a opté pour un remplacement de l‟adverbe de temps (يؼر) (après) par le verbe avoir au participe présent (ayant) qui joue ici le rôle de l‟auxiliaire du verbe (louanger) du premier groupe. Cet adverbe de temps peut exprimer aussi le lieu pour le français (ex : après le virage /avant le virage, après la première rue / avant la première rue la maison, etc.) chose qui semble poser problème lors de l‟interprétation sémantique de ce genre d‟adverbes en passant d‟une langue à l‟autre. Nous pouvons stipuler également que le traducteur a changé de catégorie grammaticale pour que la phrase cible soit plus soutenue et éviter la structure littérale (Après les louanges à Dieu) ou (Après avoir louangé Dieu), etc.

- Transposition adverbe de lieu / préposition : ex : (« غٗخُٜح ٠ِػ خٜظُ٫ى »/ « constituent la preuve de l‟existence de l‟Artisan »). Dans cet exemple, nous avons un remplacement de l‟adverbe de lieu arabe (٠ِػ) par la préposition (de) en français (de l‟Artisan= غٗخُٜح ٠ِػ) car l‟équivalent littéral de cet adverbe (sur) aurait abouti à une phrase asémantique en déformant le sens (sur l‟Artisan). Chose qui rend souvent légitime de recourir à la transposition afin de trouver des correspondances de sens plus que de forme pour nombreux traducteurs. Il est à noter aussi que la différence de structure se voit également à travers la fonction des éléments de l‟arabe et du français car (٠ِػ) est considéré comme (modaf) « annexé » et (غٗخُٜح) (modaf ilaih) « relié à lui » alors que (de) joue un rôle de préposition qui introduit le complément d‟objet indirect. Nous avons un autre exemple («صحىٞؿُٞٔح ٢ك َظُ٘ح »/ « l‟examen rationnel des

1 La modulation est un changement de point de vue par le traducteur nous allons revenir sur le phénomène de modulation dans ce qui suit dans cet article.

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étants ») où l‟adverbe de lieu (٢ك) a été remplacé par l‟article contracté (des) se formant de la preposition (de) + l‟article défini (les). Ou encore, la préposition (en) qui remplace l‟adverbe de lieu (٠ِػ) dans l‟exemple: («دٞؿُٞح شٜؿ ٠ِػ خٓحٝ ديُ٘ح شٜؿ ٠ِػ خٓا »/ « soit en tant que recommandation, soit en tant qu‟obligation »).

- Transposition nom/ locution conjonctive : le cas du dernier exemple du paragraphe précédent présente une autre transposition entre la catégorie du nom et celle d‟une locution conjonctive. Nous avons remarqué que le traducteur a procédé par une transposition du nom (شٜؿ) par une locution conjonctive (tant que) associée à la préposition (en) dans un usage à double reprise : («دٞؿُٞح شٜؿ ٠ِػ خٓحٝ ديُ٘ح شٜؿ ٠ِػ خٓا »/ « soit en tant que recommandation, soit en tant qu‟obligation »). Cette transposition a conservé le sens exprimé par la phrase en arabe en maintenant l‟aspect du choix et de l‟insistance avancés par l‟auteur d‟origine. Il est à noter également que le traducteur a converti les signes de ponctuation en remplaçant la conjonction de coordination (ٝ) (et) en français par une virgule pour lier les deux parties de la phrase.

- Transposition par absence ou présence de déterminants : en comparant les extraits en arabe du « Discours décisif » avec leurs équivalents en français nous avons recensé plusieurs décalages de détermination et plus précisément l‟absence ou présence d‟articles définis. Nous citons, à titre d‟exemple, le mot indéfini (دخظً) qui a été remplacé par le mot défini (le livre) dans la phrase : (« ٍخٜط٩ح ٖٓ شٌٔلُح ٝ شؼ٣َُ٘ح ٖ٤ر خٓ َ٣َوطٝ ٍخؤُح َٜك دخظً » / « le livre du Discours décisif où l‟on établit la connexion existant entre la révélation et la philosophie ») alors que la détermination des autres noms a été conservée par le traducteur (شؼ٣َُ٘ح/ la révélation), (شٌٔلُح/

la philosophie). Un autre exemple est celui du mot indéfini (ِّٞػ) remplacé par le mot défini (les sciences) dans l‟expression : (« نطُ٘ٔح ِّٞػ »/ « les sciences de la logique »). Il est à noter qu‟il existe des cas inverses où c‟est le traducteur qui délaisse la détermination des noms comme dans la phrase suivante : («دٞؿُٞح شٜؿ ٠ِػ خٓحٝ ديُ٘ح شٜؿ ٠ِػ خٓا » / « soit en tant que recommandation, soit en tant qu‟obligation », le mot défini (ديُ٘ح) a été remplacé par le mot indéfini (recommandation) et le mot défini (دٞؿ ) a été remplacé par le mot indéfini ُٞح (obligation). Nous citons également d‟autres exemples comme : (« شلِٔلُح َؼك »/ « l‟acte de philosopher ») (« َوؼُح»/ « raison »), («ٍخؤُح »/ « discours »), etc.

- Transposition conjonction / pronom relatif de lieu : Nous avons recensé plusieurs cas de ce genre de transposition ex : («ٍخٜط٩ح ٖٓ شٌٔلُح ٝ شؼ٣َُ٘ح ٖ٤ر خٓ َ٣َوطٝ ٍخؤُح َٜك» / « Discours décisif où l‟on établit la relation entre la philosophie et la Loi révélée »). Dans cet exemple, nous avons une substitution de la catégorie conjonctive en arabe par la catégorie pronominale en français en remplaçant la conjonction de coordination (ٝ) par une un pronom relatif de lieu (où). Ce phénomène a déclenché une autre transposition du nom (masdar) (َ٣َوط) en le remplaçant par le verbe de troisième groupe (établir) afin de rester fidèle au sens. En revanche, cela semble plus simple en arabe que son équivalent en français car le traducteur a dû passer d‟une simple coordination par conjonction à une phrase relative incluant une subordonnée circonstancielle de lieu (où l‟on établit). Cependant, nous nous demandions, à ce propos, pourquoi le traducteur n‟a-t-il pas opté pour la conservation de la structure d‟origine pour obtenir la phrase suivante (Discours décisif et examen de la relation entre la philosophie et la Loi révélée) ?

- Transposition par changement du genre : l‟étude comparative du corpus arabe et sa traduction française a révélé également plusieurs cas de transpositions du genre qui affectent les noms, les verbes, les articles, etc. Nous avons, à titre d‟exemple, l‟usage des noms féminins (étude, sciences, logique, Loi) pour désigner successivement les noms masculins en

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arabe (َظُ٘ح, ِّٞػ ,نطُ٘ٔح, عَُ٘ح) et le recours à un participe passé (permise) qui s‟accorde avec le sujet féminin (étude) pour que la phrase soit grammaticale comme le montre l‟exemple suivant ex : (« عَُ٘خر فخزٓ نطُ٘ٔح ِّٞػ ٝ شلِٔلُح ٢ك َظُ٘ح َٛ»/ « si l‟étude de la philosophie et les sciences de la logique est permise par la Loi révélée »). Dans cette phrase, le français semble plus féminin que l‟arabe qui privilégie le caractère rigide et viril des termes (nous pouvons expliquer cela, peut-être, de manière culturelle, historique ou même géographique à travers le milieu aride où l‟arabe était véhiculé autrefois). Il existe d‟autres exemples de transpositions par changement de genre comme le cas de («عَُ٘ح »/ « la Révélation ») que nous croisons fréquemment parmi les équivalences choisies par Geoffroy et autres concernant le nombre comme (« ّخ٤ور ْ٤ُ خٜ٘ٓ خٓ ٝ ّخ٤ه خٜ٘ٓ خٓ »/ « lesquels sont des syllogismes valides et lesquels ne le sont point »).

- Transposition par changement de temps : au niveau de la conjugaison, plusieurs transpositions temporelles ont été relevées lors de l‟étude comparative du corpus arabe et français. Nous citons comme exemple le passage du passé au présent (ضٗخً) (fi’l madi naqis) verbe incomplet au passé qui a été remplacé par le verbe être (est) au présent de l‟indicatif comme le montre la phrase suivante : ex (« ْطأ غٗخُٜخر شكَؼُٔح ضٗخً خًِٔ ,ْطأ خٜظؼٜ٘ر شكَؼُٔح ضٗخً خًِٔ»

/ « la connaissance de l‟Artisan est d‟autant plus parfaite qu‟est parfaite. La connaissance des étants dans leur fabrique »). Le traducteur a procédé de la sorte, peut-être, pour une question de raffinement de style car, en effet, le passé de la phrase originale en arabe n‟exprime pas vraiment un passé, au vrai sens du terme, mais son rôle est de situer les propos dans un passé récent qui a pour but de valoriser l‟importance de connaître bien la création pour connaître l‟Artisan. En plus, cette phrase contient aussi un changement de parallélisme à caractère croissant qu‟on remarque dans la version arabe par une comparaison introduite par « autant que » qui met en valeur l‟égalité des deux énoncés de la phrase traduite.

- Transposition par changement de comparatif : les transpositions relevées à travers l‟analyse du corpus affectent également les comparatifs. Le traducteur a remplacé, par exemple, le superlatif (ٖٓ َؼًأ) (plus que) par une complétive par (que) comme le montre la phrase suivante : («صحىٞؿُٞٔح ٢ك َظُ٘ح ٖٓ َؼًأ خج٤ٗ ْ٤ُ شلِٔلُح َؼك ٕخً ٕا »/ « Si l‟acte de philosopher ne consiste en rien d‟autre que dans l‟examen rationnel des étants »). Sur le plan sémantique, nous pouvons avancer que la phrase en arabe exprime un degré plus élevé d‟intensité par rapport à la traduction en français qui se base plutôt sur la négation (rien que) pour compenser celui-ci en dépassant la négation arabe exprimée par (ْ٤ُ).

De par les exemples susmentionnés, nous pouvons citer d‟autres cas où la transposition porte sur l‟un des termes d‟un syntagme qui, globalement, ne change pas de nature. Ce type de transposition locale est souvent lié à un choix du traducteur pour des raisons syntaxiques ou lexicales. Il existe aussi d‟autres cas où le traducteur a préservé la structure de la langue source (pour ne pas dire que toute la traduction a été touchée par la transposition) comme le montre l‟exemple suivant : (« ٢ػَُ٘ح َظُ٘ح شٜؿ ٠ِػ ٚللٗ » / « chercher dans la perspective de l‟examen juridique ».). Il y a donc ici conservation d‟équivalences de catégories qui donne une traduction presque littérale : (ٚللٗ/ chercher) (٠ِػ/ dans) (شٜؿ/ la perspective) (َظُ٘ح/

l'examen) (٢ػَُ٘ح/ juridique). Pour finir, nous pouvons dire que nous ne pouvons pas malheureusement citer les cas nombreux qui ont affecté d‟autres catégories grammaticales lors du passage de l‟arabe vers le français.

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3.1.2 Cas particuliers de transpositions a- Le « chassé-croisé »

Le chassé-croisé se définit, selon Chiquet et Paillard, comme étant « une double transposition où l’on a à la fois changement de catégorie grammaticale et permutation syntaxique des éléments sur lesquels est réparti le sémantisme. »1 Ex : («٠ٜلط ٫ ٢ظُح صخ٣٥ح » /

« innombrables autres versets encore »). Dans cette phrase, le traducteur a effectué une double transposition de manière croisée c'est-à-dire en changeant l‟emplacement des parties transposées par permutation de position grammaticale dans la structure de phrase. Le verbe (mabni lil majhoul) (٠ٜلط) et le pronom relatif (٢ظُح) ont été remplacés en français de manière croisée par l‟adjectif qualificatif (innombrables) et l‟adjectif indéfini (autre). Un autre cas de transposition par chassé-croisé se voit clairement dans l‟expression traduisant le titre d‟Averroès : («ٍخؤُح َٜك » / « Discours décisif») où l‟on réalise une double transposition. La première est plus explicite par changement de catégorie du nom (َٜك) (masdar) par celle de l‟adjectif qualificatif (décisif) alors que la seconde s‟opère par élimination de détermination en passant de l‟arabe (ٍخؤُح) défini par (ٍح) au français (Discours) où on remarque l‟absence de l‟article défini (le).

b- L’étouffement

Le phénomène de l‟étouffement est réservé, comme le précisent Chiquet et Paillard, au type de transposition qui consiste, de manière directe ou inversée, à « introduire un syntagme nominal ou verbal pour traduire une préposition, un pronom ou un adverbe interrogatif, bien que l’on trouve parfois ce terme employé dans des acceptions plus larges »2. Il se distingue, selon les mêmes auteurs, de l‟équivalence ou la « dilution » qui n‟est pas un procédé de traduction mais une simple analogie lexicale entre un élément simple et un élément composé.

L‟exemple de l‟expression : (« شلِٔلُح َؼك »/ « philosopher ») relève alors de la dilution car on a rétréci le volume de l‟énoncé en arabe qui se compose de deux mots (َؼك) et (شلِٔلُح) en le remplaçant par un seul mot en français (philosopher). Pour le phénomène de l‟étouffement nous donnons l‟exemple du remplacement de la conjonction de coordination (ٝ) par l‟expression (par le biais de). Parfois en passant d‟une langue à l‟autre on pourrait souvent faire appel à un procédé inverse appelé « dépouillement » par Vinay et Darbelnet3 comme nous pouvons le concevoir à travers les exemples suivants : («صحىٞؿُٞٔح ٍخزظػح ٠ُا خػى عَُ٘ح »/

« la Révélation nous appelle à réfléchir sur les étant), («ٚ٤ولُح »/ « le docteur de la Loi »), («َظُ٘ح »/ « examen rationnel »), (« غٗخُٜح ٠ِػ خٜظُ٫ى »/ «constituent la preuve de l‟existence de l‟Artisan ») etc.»).

c -Présence ou absence d’un syntagme verbal

Un syntagme verbal pourrait être présent dans la langue source et absence dans la langue cible ou inversement. Dans ce cas, on parle également du phénomène de transposition car, en effet, comme le précisent Chiquet et Paillard : « l’introduction d’un syntagme verbal est déclenchée par des facteurs d’ordre syntaxique et liée aux différences de fonctionnement entre les deux langues »4. Dans l‟exemple suivant : («٠ٜلط ٫ ٢ظُح صخ٣٥ح » / « d‟autres innombrables versets encore ») nous réalisons que l‟énoncé en arabe contient un verbe (mabni lil majhoul) ce qui implique l‟introduction d‟un syntagme verbal alors que la traduction en français semble éliminer ce syntagme en optant pour une phrase nominale. Il est à noter que la plupart des transpostions que nous avons mentionnées plus haut concernant le changement de

1 Chiquet et Paillard, op.cit p13

2 Ibid. p15

3 Vinay et Darbelnet, op.cit.

4 Chiquet et Paillard, op.cit. p17

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la catégorie du verbe par celle du nom ou inversement affectent nécessairement l‟ensemble du syntagme où elles se trouvent

3.1.3 Répercussions de la transposition a - Transposition en chaîne

Le phénomène de transposition engendre une série d‟opérations en chaine car il s‟avère très fréquent que les transformations de catégories affectent nombreux énoncés autres que ceux ciblés au préalable par le traducteur. Il est, donc relativement rare de trouver une transposition isolée à savoir que « le choix de transposer sur un élément de l’énoncé déclenche souvent une sorte de réaction en chaine qui rend contraignante la transposition sur un (ou plusieurs) autre(s) élément(s) de l’énoncé »1. Nous citons comme exemple en français l‟ajout d‟une préposition peut déhancher un changement du verbe à l‟infinitif ex : (« َؼك شلِٔلُح»/ « l‟acte de philosopher») l‟introduction de la préposition (de) a engendré l‟infinitif.

Dans la phrase suivante : (« عَُ٘خر فخزٓ نطُ٘ٔح ِّٞػ ٝ شلِٔلُح ٢ك َظُ٘ح َٛ»/ « si l‟étude de la philosophie et les sciences de la logique est permise par la Loi révélée ») le changement du genre qui passe du masculin (عَُ٘ح) au féminin (l‟étude) a déclenché transformations du genre affectant le participe passé (permise). D‟autres séries de transpositions ont été déclenché par le changement d‟autres éléments comme le nombre des noms, les temps verbaux, les formes de phrases, etc.

b- Nominalisation ou adjectivation et niveau de langue

En passant d‟une langue à l‟autre, le phénomène de transposition peut engendrer des répercussions marquantes sur le niveau de langue qui peut passer, selon le traducteur, du courant au soutenu, du familier au courant ou autre de manière volontaire ou involontaire.

Nous citons, à titre d‟exemple, la transposition par nominalisation ou adjectivation en passant du verbe (ou autre catégorie grammaticale) au nom ou à l‟adjectif en passant de l‟arabe vers le français dans la mesure où une construction nominale par exemple « apparaît comme plus soutenue que la construction verbale exprimant la même relation. A l’intérieur d’une même langue le choix d’une tournure nominale ou verbale est souvent effectué en fonction du registre »2 Pour mieux illustrer cela, nous présentons un exemple que nous avons relevé dans le corpus : (« ْطأ غٗخُٜخر شكَؼُٔح ضٗخً خًِٔ ,ْطأ خٜظؼٜ٘ر شكَؼُٔح ضٗخً خًِٔ » / « la connaissance de l‟Artisan est d‟autant plus parfaite qu‟est parfaite la connaissance des étants dans leur fabrique»). Le traducteur a procédé par adjectivation en remplaçant le verbe ( طأْ ) (fi’l madi) par l‟adjectif qualificatif (parfaite) afin que la phrase soit soutenue et conserver l‟effet de l‟insistance et du parallélisme exprimés dans la phrase d‟origine. Cela a changé à notre avis le registre de langue car la phrase en français semble plus soutenue que celle de l‟arabe qui préfère se focaliser directement sur l‟objectif du propos.

3.2 La modulation

Les modulations peuvent se définir comme un changement de point de vue qui affecte le sens des énoncés. Elles s‟appliquent au mot, à l‟expression ou à l‟énoncé en général et relèvent du lexique et/ ou de la grammaire. En plus, les modulations ne s‟accompagnent pas nécessairement d‟une transposition mais les deux procédés se trouvent souvent associés.

Cependant, « en passant d’un premier signifié à un second pour que l’on puisse parler de traduction, il faut que les deux soient reliés par un lien d’implication réciproque. »3 Pour

1 Ibid.p19

2 Ibid.

3 Ibid. p76-77

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cela, le traducteur devrait être méfiant à chaque fois qu‟il procède par modulation afin de conserver le sens malgré le changement de point de vue. Ce phénomène déclenche, alors, le problème d‟objectivité du traducteur face au texte qu‟il traduit. Nous avons relevé par exemple quelques modifications dans ce sens affectant des énoncés traduits par Marc Geoffroy. Dans la phrase suivante : («صخػٜٞ٘ٓ ٢ٛ خٓ شٜؿ ٖٓ ٢٘ػأ غٗخُٜح ٠ِػ خٜظُ٫ى شٜؿ ٖٓ »/ « la preuve de l‟existence de l‟Artisan, c'est-à-dire, en tant qu‟ils sont des artefacts ») le fait de remplacer (٢٘ػأ) (je veux dire) par (c‟est à dire) implique un rejet de responsabilité de la part du traducteur. De ce fait, en traitant un texte à caractère sensible, du point de vue religieux, Geoffroy a opté, peut-être, pour l‟objectivité au lieu de s‟impliquer comme l‟a déjà fait Ibn Rushd dans le texte d‟origine (la question qui se pose ici c‟est pourquoi il a entamé ce choix ?).

En plus, certaines modulations paressent parfois familiales comme, par exemple, les modulations métaphoriques d‟ordre lexical dans les proverbes, alors que d‟autres « le sont beaucoup moins (inversion du point de vue, déplacement métonymiques) car leur analyse fait appel à divers éléments de sémantique grammaticale et lexicale »1.

3.2.1 Les modulations grammaticales

Comme nous l‟avons déjà mentionné plus haut, la séparation entre procédés de traduction et grammaire semble impossible pour le traducteur. Il est donc difficile de séparer une modulation lexicale ou stylistique et les différentes stratégies de traduction lors du choix des opérations grammaticales. De ce fait, selon Chiquet et Paillard, « tout décalage grammatical entre les deux langues est une modulation un changement de point de vue plus systématique et contraignant dans ce cas »2 De ce fait, nous avons détecté, à travers l‟étude du corpus, plusieurs cas de traductions ou Geoffroy a modifié les catégories grammaticales ainsi que l‟ordre des phrases ce qui a engendré des modulations fréquentes partout dans le texte cible. Nous donnons l‟exemple des phrases déjà analysées plus haut où il y a un léger changement de point de vue telles : (« ْطأ غٗخُٜخر شكَؼُٔح ضٗخً خًِٔ ,ْطأ خٜظؼٜ٘ر شكَؼُٔح ضٗخً خًِٔ » /

« la connaissance de l‟Artisan est d‟autant plus parfaite qu‟est parfaite la connaissance des étants dans leur fabrique»), («ٍخٜط٩ح ٖٓ شٌٔلُح ٝ شؼ٣َُ٘ح ٖ٤ر خٓ َ٣َوطٝ ٍخؤُح َٜك» / « Discours décisif où l‟on établit la relation entre la philosophie et la Loi révélée »), etc.

3.2.2 Les modulations métaphoriques a- Les décalages métaphoriques

De par sa nature, la métaphore se définit, Selon Dubois, comme « l’emploi de tout terme auquel on en substitue un autre qui lui est assimilé après la suppression des mots introduisant la comparaison. »3 Autrement dit, il s‟agit d‟un déplacement de sens par similarité, ou comparaison implicite. Lors du processus de traduction, il arrive parfois que la langue source et cible n‟exploitent pas la même image métaphorique chose qui provoque un décalage d‟équivalence. En effet, la recherche de métaphores d‟une langue à l‟autre est un des problèmes majeurs de traduction. La traduction de la métaphore (ش٣ٞ٘لُح), par exemple, qui veut dire littéralement (populace) (شٓخؼُح) utilisée ici pour désigner les savants qui s‟amusent à ajouter des éléments au Hadith (Parole du prophète) afin de servir leurs intérêts, a été traduite par (bornés) dans la phrase : (شِ٤ِه ش٣ٞ٘لُح ٖٓ شلثخ١ ٫ا) (un petit nombre de littéralistes bornés) qui modifie un peu le sens de la phrase. Car ces deniers, dont parle Ibn Rushd, ne sont pas effectivement bornés mais ils s‟amusent à rejeter la légitimité de la philosophie dans

1 Ibid. p10

2 Ibid. p33

3 Dubois Jean, op.cit. p302.

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l‟explication des textes sacrés pour servir des causes autres que théologiques. Ils ne sont donc pas bornés mais ils procèdent de manière volontaire pour des fins doctrinales.

b- Présence/ absence d’image

En comparant un texte et sa traduction nous pouvons concevoir un décalage relatif à la présence ou l‟absence d‟image métaphorique pour le même énoncé de la langue source et son équivalent dans la langue cible où on peut trouver une diminution ou augmentation du degré de métaphorisation (+ métaphorique Vs – métaphorique). En effet, selon Chiquet et Paillard, l‟appréciation d‟un énoncé « peut parfois varier sur la question de savoir si tel mot ou expression est perçu comme nettement métaphorique mais certaines différences de degré sont indiscutables »1. Nous citons comme exemple, l‟absence de métaphore dans le texte source en arabe pour désigner (prière) (« ئلٓ ٠ِػ س٬ُٜح ») et sa présence dans le texte cible car le traducteur a intégré en français le verbe (appeler) en l‟associant à (prière) (« appelé la prière et le salut du Muhammad »). En ce qui concerne le changement de degré de métaphorisation, nous avons (غٗخٛ) (constructeur, concepteur, créateur, etc.) qui semble (-) métaphorique en comparaison avec son équivalent choisi par le traducteur (Artisan) qui s‟avère être (+) métaphorique. D‟autres décalages de degrés de métaphorisation étaient relevées comme pour les expressions : (صخػٜٞ٘ٓ) vs (Artefacts), (َوؼُح) vs la raison, etc.

c- Métaphore et parallélisme prosodique

Il existe un rapprochement solide entre la métaphore et le parallélisme prosodique et surtout que ce dernier joue « un rôle de renforcement ou de substitution de la métaphore dans la traduction et qu’ils fonctionnent l’un et l’autre sur deux plans différents, selon le principe d’évocation par similarité. »2 L‟exemple le plus marquant où l‟on pourrait apercevoir ces deux procédés est celui de la traduction de proverbes ou de figures rhétorique d‟une langue à autre. Nous avons recensé quelques exemples à travers l‟étude du corpus comme dans le cas suivant : («دٞؿُٞح شٜؿ ٠ِػ خٓحٝ ديُ٘ح شٜؿ ٠ِػ خٓا »/ « soit en tant que recommandation, soit en tant qu‟obligation ») où la phrase en arabe semble (+) métaphorique en employant l‟adverbe de lieu (٠ِػ) associé au nom commun (شٜؿ) qui signifie littéralement (sur la région de) que la traduction en français qui semble (+) parallélisme prosodique en guise de compensation.

3.2.3 Les modulations métonymiques

La métonymie peut se définir, selon Dubois, comme étant une figure stylistique qui consiste à « désigner un objet ou une notion par un terme autre que celui qu’il faudrait ; les deux termes ou notions étant liés par une relation de cause à effet (…), par une relation de matière à objet ou de contenant à contenu (…), par une relation de la partie au tout »3 Il s‟agit d‟un déplacement de sens par contiguïté : partie pour une autre, contenu/ contenant, cause/ conséquence, etc. et manifeste un rapport de contiguïté, par opposition à la métaphore", qui manifeste un rapport de similarité; elle est un important facteur de création lexicale. Nous citons, ci-dessous, quelques exemples et la liste est longue (voir les procédés de la rhétorique).

Le fait d‟exprimer :

- L’abstrait pour le concret : ex : le mot (ْطأ) remplacé par l‟adjectif (parfaite) au lieu de (complète).

1 Chiquet et Paillard, op.cit. p28

2 Ibid. p29

3 Dubois Jean, op.cit. p332-333

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- La cause pour l’effet : ex : (« خٜظؼ٘ٛ شكَؼٔر غٗخُٜح ٠ِػ ٍيط خٔٗا صحىٞؿُٞٔح ٕبك »/ car de ce fait c‟est dans la seule mesure où l‟on en connaît la fabrique que les étants constituent une preuve de l‟existence de l‟Artisan »). Il y a ici inversement de l‟ordre de la phrase en français ce qui provoque une substitution de la cause par l‟effet et de l‟effet par la cause.

- Le moyen pour le résultat : ex : (حَٝزظػخك) : traduit littéralement comme (ayez cela comme moralité) qui a été remplacé par (réfléchissez) car, en fait, la réflexion n‟est qu‟un moyen pour assimiler une moralité. Un autre exemple le moyen (appelé la prière) qui a remplacé (س٬ُٜح) le résultat.

- La substance par l’objet : comme le cas de (َوؼُح) substitué par le mot (la raison).

- La partie pour le tout : comme le cas du remplacement du mot (ٕآَوُح) par (texte sacré)

- Le contraire négativé : cette modulation est très fréquente, elle concerne l‟orientation générale de l‟énoncé vers le sens opposé en introduisant la négation pour rétablir le sens. ex : (ٍٜٞـٓ) (inconnu).

- Le renversement des termes ex : («٠ٜلط ٫ ٢ظُح صخ٣٥ح » / « d‟autres innombrables versets »), etc.

- Changement de point de vue spatio-temporel : c‟est une modulation qui

« correspond le plus littéralement à la définition comme changement de point de vue »1 elle peut toucher le niveau spatial ou temporel de manière isolée ou impliquer un passage du spatial au temporel ou inversement.

Conclusion

En guise de conclusion, nous pouvons avancer qu‟il existe plusieurs difficultés qui se posent lors du processus de traduction à commencer par l‟interprétation du sens pour passer ensuite à sa transmission et enfin la réalisation du texte traduit et surtout entre deux langues comme l‟arabe et le français ayant des sphères culturelles et propriétés linguistiques différentes. De ce fait, la traduction est un processus périlleux à cause de nombreuses opérations qui l‟accompagnent à savoir le traitement des ambiguïtés de la réception du sens, la gestion des polysémies des mots, le problème des changements grammaticaux, des valeurs et des temps, en plus d‟autres difficultés d‟ordre socioculturel.

Pour le cas étudié, nous avons remarqué que malgré les exemples de décalages susmentionnés, le texte de Geoffroy a pu conserver, au plus haut degré, les propos d‟Ibn Rushd en comparaison avec d‟autres traductions qui ont été faites dans ce sens. En plus, lorsque la traduction littérale s‟avère impossible ou maladroite (« calque »), il est facile de deviner que la traduction « oblique » procédera essentiellement à deux sortes de transformations : celles qui opèrent sur le signifiant et celles qui opèrent sur le signifié c'est-à- dire les modulations et les transpositions (les deux procédés peuvent naturellement se combiner).

De ce fait, la traduction directe ou littérale est maintenue dans le cas où elle aboutit à un énoncé équivalent correct sur le plan linguistique et rhétorique. Dans le cas contraire elle est remplacée par la traduction oblique ou idiomatique où l‟on doit donner l‟impression que l‟original a été écrit directement dans la langue de traduction la visée est cibiste. « Les unités de traduction permettent le découpage de tout le texte (…) en passant d’une langue à

1 Chiquet et Paillard, op.cit. p30

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une autre on a bien les mêmes unités de traduction mais naturellement avec un découpage différent. (…) une fois ces unités délimitées apparaissent alors des correspondances. »1

Bibliographie

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1 Oustinoff Michael, op.cit, p 70-71

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