LES NOUVEAUX HORAIRES tournent-ils le dos à la modernisation de l'Ecole ?

C. FREINET

a ..

LES NOUVEAUX HORAIRES

tournent-il s le dos

modern isation de l' Eco le

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Notre ami Chatton, du Haut-Rhin, m'écrivait il y a quelque temps déjà, des applications des nouveaux horaires :

Ayant étudié L'arrêté sur les 1nodifirntio1111 lL'/wraires da111> Le:; classes CP el Cl\1, j'<1i élé éto1111é de voir la pl1ipart des techniques f]llC

nous ·

TSF, activités nrnm1elles) reportées en ^{dehors cle} la clr111se cw.x heures d'étude_

Je st1is i11q1liel vour te développement de notre es7nil et de 1101> techniques. A mon avis, cet arrêté condamne /'Ecole Nouvelle. Persom1elleme11t je ne we fais auc1in so1ici, mais je pense aux jc1wes. Po-ur 7Jen qu'il aient m1 Inspecteur latillon, finie l'application de nos techniques. J'e11. ui fait 7>arl ù nos camarades <l1i groupe el leur ai demandé cl'ét1ulier ta 11uestion vour que nous p11issio11s en <lisc-uter ci notre prochaine réu.nion.

J'ai aussitôt communiqué ce~le crainte :'l. 101 certain nombre de nos collabora- teurs, y compris quelques Inspecteurs Primaires acquis ;\ nos efforts. J'accompa- gnais cette circulaire de mes propres impressions que voici :

J'ai lu el relu ces instructions, el je ne suis pas aussi pessimiste que Chatton.

D'aborrl petll-~tre parce l)tle je me ^{fais moins tl'ill11si011s :} l'im11rimerie à l'Eeo- le, le journal scolaire, le fichier, les enquéles, les colleclions, les e:qJériences el réalisallo11s scientifiques n'ont jamais été formellement portés sur les lw- raires. Ceu.x-ci - et la récente circzilaire semblerait aggraver la siliwlion - restent exclu.dvement axés snr l'm1cienne pédagogie des manuels scolaires, des leçons à él11dier et des devoirs à faire. 1ilors que l'exposé des motifs de la non- velle loi précise qn'il faut dépasser ces formes retardataires de notre 71édagogie.

ll y a, évidemment, comme toujoius, ri boire el à manger clans ces progrmn- mes et horaires : chacun petit y mettre el y 7n-e11dre ce qui t'intéresse, l'Ins- 11ecteur aussi bien que le maitre.

De ce 71oi11t de vue, 11ons 71ouvo11s dire IJLi'iC n'y a rien de clrnngé. Mais nous ne pouvions raisonnablement ni. espérer ni de1naiHler 1111e des te.rle1> officielv conseillent oti i1npose11l a11.x éducate1as cle prévoir drms ll'ur /1oaûre l'impres- sion d'un texte et la réalisation !L'un jowrnul, des enquêtes ou cles expériences scientifiques. NOtlS n'en s<nmnes vas l<i, et une telle ol1/igr1tion su ait actuelle- ment pour nous catastropli-ique étant rlonné l'im.préparation et les conception.~

pédagogique~ d'une partie dti personnel.

Seulement, d'autre pari, le te:rte libre est officiel. [,e journal scolaire

i• a

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Notre ami Bertrand (Landes) esl aussi pessimiste, sinou plus, que _Chatton : Dans mon école, seules la classe de ma femme el la mie1111e imprimaient.

JI ais 011 11e potL'vail pas dire q1w les autres classes étaient. architradilionneU.es·:

on n'y niellait 71ns de 1wtes, 011 n'y faisait 71as de classement, it n'y avait n.ut

µrobLt!me de discipline, l'ambi.ance était bonne, on était en famille.

Et mai11le11a11t, voici la petite réforme . . C'est-ci-dire le rétablissement des notes chiffrées 7101tr le CM, et du. classement (011 aurait 7nt se cu11le11ter de noter seu- lentent les can<li<lats en Gm•. Jlois comme 011 ne sait jamais au. juste quels élt!- ues .~e vrésenteront en 6"'^0, tonie lu classe marche nui même régime). El le CB cl le CFI!,' en ont fait autant. Car il fauclrn.it e.r.pliquer cm moi.11s pe11clanl vtu-

·'icurs années rwx parl'nts avant qu'ils c01n71r1m11e11t pourquoi on note dans imr dri.~se el pas cl1111s Jes autres.•

Et nwinlcncml, inco11lcstnblemc11t, l'ambiance est clumyée : on lrcwoille pour les notes, on /ail al>solnmenl n'importe quoi ci pculir <lu 1nome11t que c'est poiu- 11/Jtenir 11ne note: on tric/te, on s'e11vie, on se bal! Quelle mi.rn en pratique d~

/11 pltls 111nlsai11e "morale".

L11 pérla9ogie a fail i11co11teslableme11t w1 lrt!s araiic pas en arrière. Celle petite 1·éfornte a introd1lil </cuis les· 1·èuleme11ts scolaires les molli "11utes'', "clas-

~emenls", alors que dons les lf'.rlcs prérédwts, on ne lrs tro1wail nulle 7Jarl ri que l'a11pn:ciation clcs /rrwauu: était laissée ri l'i11ilialioe r/11, nwilre.

Les inslruc/ions di.Mienl: u Un caltie1· de devoirs mensuels oblif.atoirc ... mais la plus grande liberté est laissée nux maitres et aux I.P .... » (orr1 tf> r/11 18/f/87.

l'irculaires des 13/ I /95 cl 21/ I / 12).

IL est 1fUeslio11 cle notes cl !Ir rtas.~eme11l obligatoireR .~rulement li 1wrlir tle

ri? mois rie décembre f9!îG !

El 11ous ctoye~ que 11011,~ devons pn.yer la suppression rl1•s <levoir.1 du .~oi1 put 1.rs pratiques incroyablement rélroyrades et réaclio1maires ?

Bien sûr, tous les maitres 1111i impriment el qui pr<lli111wnl le 1Jletn cle travail hebdomadaire s'en tireront toujo1us. Mni.~ les uolres, r1•1u qui .~r la11çuic11l, qu~

/ai.rnienl leurs 1»1:périe11cc11, tes ooilri nu 111011ient où ils allaient reprendre souf- fle â la surface, lirusquement renvoyés ou {on~ <L'un bea11 coup de talon.

fi 1l pns en a uant ?

Non, rlcll.J. par 1in 11,, iè1 e !

Berll':rnd n'avait pas eu communication rie la lettre de Chatton. 11 résume assez bien, je crois, l'opinion d'1111e lionne partie dtJ nos camarade:; et je 1n'excu- se rlc ne pouvoir ciler toutes les lettres reçues.

Le prnblème est autrement complexe 11 la Yille parce qu'il est faussé pur la l[Ueslion des études. El nous croyons qu'en défillilive tous les aménagements dont nous nous plaignons soul venus de la nécessité où se trouvait l'administra-

1 ion de sunver les l>tucle::;.

Queslion excessivement délicate, qui touche aux salaires des illsliluteurs, qui a donc uu a:.pi:ct ::.uciul très 111arqué el donl nous ne discuterons pas, pou1·

attjourd'hui clu 111oi11s.

Voici cependanl l'opinion d'ttn im;lit11te11r dP. vi!IP, not,.e canrnrade Costa, de ;\[arsei lie.

le suis porf(lilement de 1011 f<t>is, que rien n'est, d1111s la pratique, c/1an{jé pour nous.

le ne parlrtyl' pos tin tout L'inquiélucle de Chatton . . l 111011 tivis, il a disjoint de l'ensemble d.1t texte, le passage relatif (l l'oryrmisation <le l'Elude. U faut - 11' je rroi~· être objectif en le discmt -- t1!consiclérer le problème dans· son ensem- /111' 1·/ 111 ro111·/11sion praliqne n'est pas cl11 tout moiivnise.

- :!Ci -

l.

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Alais, ces acti.vi/és 71euvent aussi trou,ver lenr pl.ace pendant l'él1ule. Aucun éducateur ne pourrait accepter de les </épincer en tola!Ué, car il priverait une partie de ses élèves de l'enseignement anquct ils 011L droit, et il serait en cela fort SOllle111L par les ]J<l1'e1ltS.

2. Le te.cle libre reste u.ne uclivilé normale et si le tfraye est fait pendcmt l'ét1Ldc, ce ne sera pas un désastre; l'étucle c1i serti revalorisée nux yewc des e.nf<wls. Ils sont <léjà ravis cle faire ce trcivait pe11danl les récréations.

3. Nos outres ouli/s individuels sont iles inslr1m1e11ts de travail el Leur place n'en est que mieux définie à l'llenre des "tlevoirs" qili ne sont plus cles exercices d'application.

4.Un point important 01Lssi, -~eillcmen/. évoqué par ln circ1uaire, est e7J fait posé : celui de la simple fi.cation des proarnmmes. 011 a e11/e1ié cinq he1ires, H fnut diminuer la quanlilé des acquisitions, voilà ce qne nous <levons dire. El 1wus rep!'enclrons ?LO/l'e ht/le contre les 1nanue/s qtLi ont sitrc/iargé les progl'am,- mes inilirm.c.

Mn conclusion est donc optimiste. On ne nous a 1ien 1wle1ié, mais i/, nous rcslr. encore - el toujours - à lutter po11r avoir mieux. N'est ce pas notre tôle penna11ent?

NotL5 aurons à examiner ùa11s les n°• qui suivrout:

1. Dans quelles mesures nos diverses lechniqnes pourn\ient trouver utilement place dans les heures d'études qu'elles revaloriseraieul, confonné111enl au souci gouvernemental.

:?. Cou1ment la pratique du Plan de travail, el du lra\•ail libre pour le plan à certaines hew·es, pourrait changer complèlcment la nolion des devoirs. Il n'y aurait bien souvent qu'une substitution de nouis à opérer... cl d'esprit a11Ssi bien sùr.

3. Comment le Plan de travail, le graphique hebdomadaire el Jes brevets pourraient reinplacer peu ù peu noies et. classements.

A nous d'apporter ici encore les solutions techniques.

El voi.ci maintenant deux opinions d'Tnspecteurs Primail'es amis. Nous ne donnons pas les noms pour ne pus compUquer inutilement Jes con!J·o\·crses.

De M. X ...

Je ne crois vas qu'il y ait des raiso1is de s'ulurmer. En fait, l'arrêté est. Le résultat d'un compromis: on a voulu. plaire au:c inslilu/enrs, aux parents, a /.out le monde, srws trop se soucier <le la pédagogie. C'est une mesure ltcilive, qui ne vise pas rlu. lo1tl l'Et:ole noiivelle, mais risque de Lui. ètre défaJJorable si rwu.s 11e faisons 71as c11tendrc notre voix.

La solution est d'éviter la mentalité qu'adople11t parfois les membres <le la C. E. L., celle de gl1ello. ll faut. que les a<ll1éren/.~ - ou sympolhisanls - fassent. connaitre leur point <le VtlC dans toute la presse pédagogique, mème téaetionnairc.

La position rie l'inspecteur-type - qtli n'est 71as un sectaire s'il est parfois un scepliqlle - c'est que l'instituteur doit obtenir un cerlriin rendement. E11 lecture, en écrit ure, e1l calcnl, en français, il exige certains résultats et il /ai.sse la ]J(IÎX attx éducateurs qui croie11t au journal scolaire. Perso11nellemenl je n'ai jamais connu d'lnspeclellr sectaire (sauf un qui ·im]Josait praliqueme11t les

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méthodes 1101welles-) ni comme cllefs, ni comme coltégues mais j'ai connu des i11sli/ulwrs qui croyaient faire des méthodes nouvelles et à qui j'ai clù, avec uentillesse el en rédi6eai1t un rapport satisfaisant, rappeler que la société avait le droit d'exiger d'eux nn certain re11deme11t.

Des résultats convenables an point de vue rendement, cl des réussites specta- wtaires en dessin, 71ermellent aisément de faire naitre lrt consùléralion cle L'Ins- 71ectenr, qui n'est, ne l'oublions pas, qn'un agent d'exécution. J'expligue sou.- vent aux maitres qui se lancent <Lans les méthodes nouvelles qtt'ils doiuenl toujours se soucier de 71rrse11ter leur travail. Et je les compare à w1 marchand qui étalerait <les fruits poiu-ris. Sans allet jusqu'd lfl pratique adverse qui cons- tilLLC une escroqneric, il est permis <le me/lrc en valeur ses résultais : meilleurs dessins exposés, var c:remple; cahiers cl'équipe montrés d L'inspecteur Primaire;

usage dl1. fic/lier <wtocorrectif montré, etc.

(1 'y a rendement el rendement, et il réside peut-être des points d'achoppe·

111ent entre iustituteurs de notre groupe et certains Inspecteurs. lllais nous som- mes cependonL d'accord avec notre collaborateur sui· la nécessité de mi>l!re en \'Uleur nos tra\'aux cl nos réussites. Nous avons toujours dil que c'est au pied du mur qu'on voit le maçon. Soyons de bons maçons.

EL voici enfin l'opinion d'un autre Iuspecteur Primaire, opinion que nous faisons nôtre à 100 %. li n'y a )His que les Inspecteurs à tous les degrés à convaincre de la nécessité de !'Ecole lllotleme. Tl y a aussi les instituteurs et les parents. EL ne l'oublions pas en remerciant tous ceux, dans quelque milieu qu'ils se trouvent, qui savent réfléchir, essayer de comprendre, et agir.

Voici donc la lettre de M. Y ... , Inspecteur Primaire:

A vrai dire, 1:et nrrèlé se uwntrait inquiétant, moins an regard des tech- niques tl'e:rpression libre que clc la nwrche gé11ér(lle <les classes.

li ne fallait nvoir jamais conduit 1111e classe rurale pour penser que tous lrs rnseig11rme11ts sern.ienl massés pcn<ltrnt les cleu.t tiers de la journée, les rlevoirs élrrnt réservés û l'heure finale.

Aussi bien, uoe circultiire complémentaire est-elle venue ap7Jorter cles amendemenfa.

vu' elle p1·eco11 isc pcnrlrmt l' /1 cnre ri' él iule cl es procédés motlerne.~ cl' ensei- gnement ne signifie 7JC1s qt1'cllc les 7J1·oscri11e de /'ac/ivilé régulière de.ç rlc1s.\·es.

La liste donnée n'est pas e:l'11auslive. Le maitre placera ce qu'il voudra dans les << elc '"

Une foi.~ tle vlus, jr rrgre/te q1t'll1t de 11os camarc1cles se crée tics i11lertlils el en al/ri/me la paternité aux Inspecteurs Primaire.~. C'csl une men/ulilé cuntre laquelle je réayis chaque jonr: voici un ^instituteur qui a prévu rie terminer

<i Pliques .~011 fJrO(Jramme de C.E.P.E.; il réservern cle11.1: 11iois à <les révisions.

Qurl lns11ectcur <i jamais conseillé une telle hérésie? Ge n'est qu'un e.remvte cnlre lant d'autres.

Si l'un v1•11/ en1mine1· /es choses an 71oi11/ de vue de l'avenir lies lcc/rniques

<l'c.qircs.sio11 /ibrr, on sera plus alarmé t/11 11rojel de réforme de !'Enseignement.

li est vrni qu'il a<lople la formule de «pas plus cle 1Jinyt-cinq élève.~ 11'11" classe";

mais il rnvisagc lies co11ce11/rci/io11s </'écoliers qui nuiront cl la liberté <les mai- /l'es. Tl fondra rlonc aiu pl'aticiens uue volonté bien clélenni11ée 1ww· maintenir 1111e friço11 d'enseigner qui leur est chère.

C'e.~I en 11011s IJllC 1wu.~ tll'l'Ons aroir co11firmcc. Grrmrlirs à tnll~ers les épreu- 11es, les u lf'<"lllliqurs u lrio11171flcro11/ 11wlaré de 1101œe/les tprrunrs si lrvn adeptes t•eu/enl, comme 11ou.,, regonler l'avenir auec oplimhmr, c'est-ci-clire avec co1troye.

La cl iseussion rPste ou verte.

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