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Développement d'un cosmopolitisme : l'expérience des étudiants participant à un programme de mobilité de l'Université Laval

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Academic year: 2021

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DÉVELOPPEMENT D’UN COSMOPOLITISME

L’expérience des étudiants participant à un programme de

mobilité de l’Université Laval

Thèse

Brigitte Martin

Doctorat en anthropologie

Philosophiæ Doctor (Ph.D)

Québec, Canada

© BRIGITTE MARTIN, 2016

(2)

Développement d’un cosmopolitisme

L’expérience des étudiants participant à un programme de

mobilité de l’Université Laval

Thèse

Brigitte Martin

Sous la direction de :

(3)

RÉSUMÉ

Cette thèse s’intéresse à la manière dont des étudiants de l’Université Laval, à Québec, engagés dans différents programmes de mobilité pendant leur formation, donnent un sens à leur expérience et, ainsi, permettent pour une majorité d’entre eux l’émergence d’un cosmopolitisme. J’explore ces expériences de mobilité en plaçant l’étudiant au centre de ma réflexion. Ceci m’amène à analyser le sens profond de leur récit, dans le contexte de l’éducation supérieure et des enjeux de l’éducation au XXIe siècle. Mon analyse débouche sur trois parcours types d’étudiants, qui peuvent servir de guide pour faire émerger une pratique cosmopolite. À la suite d’une enquête ethnologique, j’ai analysé les données découlant de plus de 80 entrevues menées auprès de 53 étudiants inscrits dans une quarantaine de programmes d’études des trois cycles universitaires et ayant participé à l’un des dix programmes de mobilité offerts par le Bureau international. Un groupe de discussion a permis de compléter ces données et de valider un premier examen des diverses politiques en internationalisation de la formation (UNESCO, BCEI, MELS, UL) qui m’ont aidée à comprendre et à problématiser les données de la mobilité étudiante. Mon analyse s’appuie sur deux champs théoriques : d’une part, elle interpelle la théorie de la structuration d’Anthony Giddens (1987) et s’intéresse aux motivations, aux positionnements et à la capacité réflexive qui débouchent sur les interprétations qui structurent les pratiques liées à ces séjours. D’autre part, elle s’ancre dans une conceptualisation du cosmopolitisme proposée par Ulf Hannerz (2010). J’ai ainsi adopté une approche contemporaine du phénomène dans le cadre des études supérieures et construit les trois parcours types basés sur une approche anthropologique de la réflexivité de l’acteur en situation, en tenant compte de la complexité des expériences et des cheminements vécus lors d’une pratique de mobilité. Cette étude s’inscrit dans une anthropologie du chez-soi, et explore ainsi de nouveaux sentiers de recherche à considérer pour mieux saisir la construction du cosmopolitisme contemporain.

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ABSTRACT

This research focuses on how students at Université Laval, in Quebec, who participated in various mobility programs during their studies, give meaning to their experience, and how that results for a majority of them in the emergence of cosmopolitanism. I explore these mobility experiences by placing the student at the centre of my own thinking. I analyze the deep sense of their experiential narrative in the context of higher education and the challenges of 21st-century education. This leads me to propose three typical study paths that may guide the emergence of a cosmopolitan practice. My ethnological investigation led to the analysis of over 80 interviews conducted with 53 students enrolled in more than 40 university programs at all university levels, all of whom had participated in one of the ten mobility programs offered by the International Office. A focus group made it possible to complement the data and validate my preliminary review of the various policies related to the internationalization of education (UNESCO, CBIE, MELS, UL) that defined my understanding and conceptualization of student mobility data. My analysis is based on two theoretical approaches: first, questioning Anthony Giddens’s structuration theory (1987), it scrutinizes the motivations, positioning and reflexive ability at the basis of the interpretations underlying the practices associated with students’ experiences abroad; secondly, it is anchored in the conceptualization of cosmopolitanism as proposed by Ulf Hannerz (2010). Hence, I adopted a contemporary approach of that phenomenon in the context of higher education and developed three typical study paths based on an anthropological approach of a person’s reflexivity in a changing situation, and taking into account the complex experiences and evolution arising from such mobility. This study adopts an approach of “anthropology at home”, and thus explores new research avenues to be considered in the understanding of contemporary cosmopolitanism.

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TABLE DES MATIÈRES

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Table des matières ... v

Liste des tableaux ... x

Liste des figures ... xi

Liste des sigles et acronymes ... xii

Remerciements ... xiv

Préface ... xvi

Introduction générale ... 1

PREMIÈRE PARTIE : CONTEXTE DE L’ÉDUCATION AU XXIE SIÈCLE – CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIE Chapitre I Université au xxie siècle ... 13

Introduction ... 13

1.1 Survol historique de l’université ... 15

1.1.1 Nouvelles réalités en éducation supérieure ... 20

1.1.2 Enseignement supérieur et mobilité étudiante ... 25

1.1.3 Portrait statistique de la mobilité étudiante dans le monde ... 29

1.2 Système universitaire au Québec ... 35

1.2.1 Internationalisation de l’éducation au Québec ... 38

1.2.2 Modèle de l’Université Laval ... 42

1.2.3 Programmes de mobilité ... 45

1.2.4 Carte mondiale des possibilités à l’Université Laval ... 47

Conclusion ... 48

Chapitre II Cadre théorique ... 49

Introduction ... 49

2.1 Synthèse des principales études portant sur la mobilité étudiante ... 50

2.1.1 Études des perspectives interculturelles ... 54

2.1.2 Études des perspectives liées aux contraintes structurelles ... 56

2.1.3 Études liées aux bénéfices anticipés ... 58

(6)

2.2 Présentation des approches théoriques ... 65

2.2.1 Approche théorique de Giddens (1987) : notions d’analyse ... 66

2.2.2 Approche théorique de Hannerz (2010) : notions d’analyse du champ d’études ... 73

2.2.3 Processus d’intégration des notions et éléments théoriques de Giddens (1987) et Hannerz (2010) reliés aux perspectives d’études sur la mobilité étudiante ... 88

2.3 Cadre de l’analyse ... 93

2.4 Cadre de la recherche ... 94

2.4.1 Question de recherche et ses questions spécifiques ... 96

2.4.2 Questions liées au sens ... 96

2.4.3 Questions liées à l’expérience ... 96

2.4.4 Questions liées à la représentation ... 97

2.5 Concepts : mise en contexte ... 97

2.5.1 Éléments des fondements du soi ... 97

2.5.2 Éléments de la dimension de l’action ... 98

2.5.3 Éléments de la dynamique de l’action ... 102

2.6 Opérationnalisation des concepts ... 102

2.6.1 Premier concept : le sens ... 102

2.6.2 Second concept : l’expérience ... 103

2.6.3 Troisième concept : la représentation ... 103

Conclusion ... 104

Chapitre III Méthodologie ... 106

Introduction ... 106

3.1 Population à l’étude ... 108

3.2 Stratégie de recrutement des participants ... 110

3.3 Caractéristiques de l’échantillon par rapport à la population à l’étude ... 113

3.4 Sélection des participants et collecte des données ... 117

3.5 Sources ... 118

3.6 Retranscription des entretiens et traitement des données ... 121

3.6.1 Éléments d’analyse ... 125

3.6.2 Contextes de l’action ... 125

3.6.3 Dimension de l’action et connectivité entre les contextes ... 126

3.6.4 Dynamique de l’action et contexte structurel ... 127

(7)

3.7 Traitement des données ... 128

3.7.1 Création du projet Nvivo ... 128

3.72 Création des relations ... 131

3.7.3 Dispositifs analytiques pour repérer des figures types (Wynn 2011) ... 135

3.7.4 Constitution des trois parcours types et parcours type mixtes : ingénu, maelstromiste, cosmopolite ... 139

Conclusion ... 141

DEUXIÈME PARTIE : ÉTUDE ET INTERPRÉTATION – LE PARCOURS DES ÉTUDIANTS PARTICIPANTS DE L’UNIVERSITÉ LAVAL Introduction générale – Deuxième partie ... 145

Chapitre IV Parcours de l’ingénu ... 148

Introduction ... 148

L’ingénu : Qui est-il? ... 148

4.1 Carnet : rencontres et entretiens avec Louis-Jean ... 150

4.1.1 Histoire familiale de Louis-Jean ... 150

4.1.2 Zone d’expérience ... 161

4.1.3. Zone de réflexivité ... 168

4.2 Facteurs de rapprochement entre les étudiants ingénus : les autres expériences ... 176

4.2.1 Motivations des ingénus : Groupe B ... 177

4.2.2 Positionnements : compétences et savoir-faire pendant le séjour ... 181

4.2.3 Rapport structurel de l’ingénu comme objet central de réflexion face à son expérience ... 186

Conclusion ... 188

Chapitre V Parcours du maelstromiste ... 193

Introduction ... 193

Qui est le maelstromiste? ... 194

5.1 Carnet : rencontres et entretiens avec Sarah ... 195

5.1.1 Histoire familiale de Sarah ... 196

(8)

5.2 Zone d’expérience ... 203

5.2.1 Schèmes expérientiels ... 204

5.2.2 Expériences de mobilité à Taipei ... 205

5.3 Zone de réflexivité ... 210

5.3.1 Éléments de réflexivité : transformation et reproduction des actions chez Sarah ... 211

5.3.2 Retour à Québec ... 215

5.3.3 Reproduction et transformation : positionnement pour sa propre culture et celle de la différence culturelle ... 217

5.4 Facteurs de rapprochements des étudiants maelstromistes : les caractéristiques du groupe ... 220

5.5 Motivations ... 221

5.6 Positionnements : compétences et savoir-faire pendant le séjour ... 222

5.7 Reconnaissance d’une nouvelle identification ... 225

Conclusion ... 229

Chapitre VI Parcours du cosmopolite ... 232

Introduction ... 232

Qui est le cosmopolite? ... 234

6.1 Carnet : rencontres et entretiens avec Marie-Philippe ... 236

6.1.1 Qui est Marie-Philippe? ... 237

6.1.2 Positionnements : compétences et savoir-faire de Marie-Philippe ... 242

6.1.3 Expérience de mobilité au Danemark ... 244

6.2 Zone de réflexivité et éléments de cosmopolitisme chez Marie-Philippe ... 246

6.2.1 Retour à Québec de Marie-Philippe ... 249

6.3 Écoumène mondial et réseaux transnationaux ... 252

6.4 Caractéristiques communes des étudiants cosmopolites ... 254

6.5 Motivations cosmopolites ... 255

6.6 Positionnements : compétences et savoir-faire pendant leur séjour ... 259

6.7 Reconnaissance d’une identification cosmopolite ... 261

Conclusion ... 265

Chapitre VII Synthèse des parcours... 268

(9)

7.1 Synthèse des parcours type mixtes et interprétations ... 270

7.1.2 Interprétations des trois parcours type mixtes : différenciation ... 271

7.2 Ingénus : éléments synthèse du parcours type ... 272

7.2.1 Parcours type mixte : ingénu-maelstromiste ... 273

7.2.2 Parcours type mixte : ingénu-cosmopolite ... 276

7.3 Maelstromiste : éléments synthèse du parcours type ... 279

7.3.1 Parcours type mixte : maelstromiste-cosmopolite ... 282

7.4 Cosmopolite : éléments sythèse du parcours type ... 285

Conclusion ... 288

Conclusion générale ... 290

Bibliographie ... 309

Autres références ... 331

Annexe 1 : Carte mondiale des mobilités à l’Université Laval ... 333

Annexe 2 : Profil international – Projet soumis à la Fondation J.W. McConnell ... 334

Annexe 3 : Profil international – Rapport soumis à la Commission des études 2 mars 2000 .. 341

Annexe 4 : Modèle d’invitation courriel pour participation à la recherche ... 346

Annexe 5 : Grille d’entrevues individuelles... 347

Annexe 6 : Grille d’information des entrevues individuelles ... 348

Annexe 7 : Guide du groupe de discussion ... 351

Annexe 8 : Formule de consentement à l’intention des étudiants ... 359

Annexe 9 : Captures d’écran prises dans le logiciel Nvivo 10 ... 361

(10)

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Nombre d’étudiants universitaires en mobilité internationale par pays

les plus actifs ... 31 Tableau 2 : Proportion des étudiants étrangers mondiaux de l’enseignement supérieur

par pays les plus actifs en termes d’accueil ... 32 Tableau 3 : Nombre d’étudiants internationaux inscrits dans les établissements

d’enseignement supérieur du Québec ... 37 Tableau 4 : Liste des sources d’information ... 120 Tableau 5 : Grille d’analyse ... 122

(11)

LISTE DES FIGURES

Figure 1 : Comparaison des données sur la proportion des étudiants mobiles (OCDE)/étrangers (Project Atlas) de l’enseignement supérieur en 2011

selon la source ... 33

Figure 2 : Répartition des étudiants étrangers en enseignement supérieur par pays de destination pour l’année 2012 ... 34

Figure 3 : Répartition des étudiants mobiles en enseignement supérieur par pays d’origine pour l’année 2012 ... 34

Figure 4 : Carte mondiale des mobilités à l’Université Laval (version pleine page en annexe 1) ... 47

Figure 5 : Répartition des participants selon le genre ... 114

Figure 6 : Répartition des participants selon la faculté fréquentée ... 115

Figure 7 : Répartition des participants selon le ou les pays de mobilité ... 116

Figure 8 : Répartition des participants selon la durée du séjour ... 117

Figure 9 : Trajectoire de la collecte de données ... 123

Figure 10 : Circuit conceptuel et dimension de l’action ... 124

Figure 11 : Fondements du soi à la rencontre de trois parcours types ... 125

Figure 12 : Motivations de départ selon le genre : illustration du traitement Nvivo ... 130

Figure 13 : Rapport d’analyse sur la fréquence des mots (version pleine page en annexe 9) ... 132

Figure 14 : Trois parcours types de la mobilité et zones d’analyses pour les interprétations ... 138

Figure 15 : Motivations de départ des trois parcours types : illustration du traitement Nvivo ... 140

Figure 16 : Sources des éléments communs du cadre des significations des trois parcours types ... 143

Figure 17 : Synthèse du parcours type de l’ingénu ... 192

Figure 18 : Synthèse du parcours type du maelstromiste ... 231

Figure 19 : Synthèse du parcours type du cosmopolite ... 267

Figure 20 : Synthèse des parcours type mixtes : nombre d’étudiants ... 271

Figure 21 : Réflexivité du parcours type mixte : ingénu-maelstromiste ... 275

Figure 22 : Réflexivité du parcours type mixte : ingénu-cosmopolite... 279

(12)

LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES

AAA : American Anthropological Association

AGCS : Accord général sur le commerce des services AIU : Associations internationale des universités (IAU) APAI : Asia Pacific Association for International Education AUCC : Association des universités et collèges du Canada BCEI : Bureau canadien de l’éducation internationale (CBIE)

BCI : Bureau de la coopération interuniversitaire (anciennement CREPUQ) BI : Bureau international de l’Université Laval

CCU : Commission canadienne pour l’UNESCO

CERUL : Comité d’éthique de la recherche avec des êtres humains de l’Université Laval CMES : Conférence mondiale sur l’enseignement supérieur

CREPUQ : Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (maintenant BCI)

CSE : Conseil supérieur de l’éducation du Québec EAIE : European Association for international Education EduCanada : Education Canada

ERASMUS : European Action Scheme for the Mobility of University Students

EUROPA : Programmes de mobilité de l’union européenne ERASMUS+ (réseau France) FAAAD Faculté d’aménagement, d’architecture, d’art et de design

FD Faculté de droit

FFGG Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique FLSH Faculté des lettres et des sciences humaines

FM Faculté de médecine

FMD Faculté de médecine dentaire FMUS Faculté de musique

FPHA Faculté de pharmacie FPHI Faculté de philosophie

FSA Faculté des sciences de l’administration

FSAA Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation FSE Faculté des sciences de l’éducation

FSG Faculté des sciences et de génie FSI Faculté des sciences infirmières

(13)

FSS Faculté des sciences sociales

FTSR Faculté de théologie et de sciences religieuses

NORDPLUS : Programmes de mobilité de l’union européenne ERASMUS+ (réseau scandinave) NORDLYS : Programmes de mobilité de l’union européenne ERASMUS+ (réseau qualité du

nord)

GDEU : Gestion des données sur l’effectif universitaire HEI Institut québécois des hautes études internationales IEAA : International Education Association of Australia IIE : Institute for International Education

ISU : Institut de statistique de l’UNESCO

MELS : Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec MOOC : Massively Open Online Courses

NAFSA : National Association of Foreign Student Advisers

OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques (OECD) OMC : Organisation mondiale du commerce

OMPI : Organisation mondiale de la propriété intellectuelle ONU : Organisation des Nations Unies

PBCSE : Programme de bourses pour de courts séjours d’études universitaires à l’extérieur du Québec

PI : Profil international

NTIC : Nouvelles technologies de l’information et de la communication RIE : Researches in International Education

SAFSA : Study Abroad and Foreign Student Advisers SIGN : Stage interculturel Grand Nord

SHQ : Stage hors Québec

SII : Stage international et interculturel

UCL : Université Catholique de Louvain-La-Neuve UL : Université Laval

(14)

REMERCIEMENTS

À une personne pour qui j’ai une grande reconnaissance, je remercie Marie-Andrée, ma directrice. Ta direction pendant ce processus de recherche m’a permis de persévérer jusqu’au bout et de maintenir intacte cette curiosité et cette grande liberté qui m’animent depuis toujours. Tu as vite saisi mon fonctionnement, soit celui de ne pas me mettre trop de balises pour laisser vivre cette créativité qui me caractérise. Tu as respecté mes questionnements, mes prises de position, et cette naïveté de croire qu’il est encore possible de transformer le monde dans lequel nous vivons. Je sais aussi que tout cela t’aura sortie plus souvent qu’autrement de ta zone de confort, mais, si je retiens une chose de cette exploration auprès des étudiants, c’est que pour se transformer et changer les choses il faut nécessairement sortir de sa zone de confort, et ce processus doctoral a été en phase de me le rappeler chaque jour. Enfin, je suis extrêmement privilégiée d’avoir pu bénéficier de tes conseils et tes recommandations très avisés comme anthropologue, mais aussi comme femme sensible et pleine de confiance, qui sait utiliser les mots pour dire les choses simplement, avec tact et délicatesse, lorsque les idées s’emmêlent.

Pour l’appui financier, je remercie le directeur du Bureau international de l’Université Laval, monsieur Richard Poulin. J’ai reçu là un bel encouragement! Pour son soutien moral au quotidien, je remercie sincèrement Geneviève Laurendeau, une amie qui a toujours montré de l’intérêt et de l’écoute et surtout pour son accompagnement extraordinaire depuis les débuts de l’aventure, de la retranscription des entrevues à la mise au point finale de la thèse, tu as toute ma reconnaissance. De plus, pendant cette période, de nombreuses personnes, dont certaines très significatives, m’ont partagé leur vision, leur expérience, leur confiance et beaucoup d’encouragements. À mes ami(e)s et ancien(e)s collègues, une pensée toute spéciale pour vous dire combien j’ai apprécié votre présence pendant ce processus. Vous avez respecté mes moments de solitude, sans jamais remettre en doute notre amitié, je vous en remercie : Michel Paquin, Monique Généreux, Marie-Claude Tremblay, Martine Nadeau, Myriam Leblanc, Micheline Giroux, Carole Chamberland, et tous mes autres collègues du Bureau international de l’Université Laval, qui ont partagé mon quotidien pendant toutes ces années. J’espère que cette thèse pourra éclairer les évidences d’un quotidien qui nous fait perdre quelquefois le sens de nos actions.

Sur une note plus personnelle, tout spécialement à toi Henri-Paul, mon amoureux huron wendat, merci d’avoir respecté mes nombreux moments de doute et de solitude pour réfléchir et écrire, et d’avoir bien voulu écouter et discuter de tous ces sujets avec moi pendant ces dernières années. Tu m’as permis de franchir la ligne d’arrivée et j’espère pouvoir en faire autant pour t’amener à aller jusqu’au bout de la tienne.

(15)

Aussi, grâce mes parents, mon père ce travailleur acharné, et ma mère une perfectionniste, je dis merci pour avoir appris jeune ce que représentent la persévérance, la discipline et la rigueur au travail. J’étais toutefois loin de me douter que la réalisation d’un projet aussi ambitieux que cette thèse de doctorat, allait m’apprendre qu’il faut du temps et de l’expérience pour se perfectionner soi-même. Ce processus a été en phase de me le rappeler jour après jour. L’aventure a significativement fini par me rendre meilleure face à moi-même.

Enfin, cette thèse voit le jour en grande partie grâce aux étudiants qui ont accepté de me partager leur expérience en participant à ma recherche. Je tiens à leur témoignage ma plus sincère gratitude. J’ai eu droit au plus grand des égards en ayant eu accès à leur récit de formation universitaire, que je ne pourrai jamais oublier. Ces récits sont extrêmement contagieux et sont porteurs de sens pour une communauté universitaire comme l’Université Laval; aussi, je l’espère à toute la communauté de pratique étendue aux quatre coins du monde. J’ai été témoin de plusieurs transformations en cours pendant ces séjours de mobilité et j’ai souvent été surprise voire même émue par ces changements en train de se vivre et s’effectuer. Tout cela a pu me faire comprendre une chose essentielle, c’est que ces projets de formation et les représentations qui en résultent valent la peine d’être questionnés en partant du point de vue de l’étudiant, car ils permettent de comprendre la finalité de cette internationalisation de l’éducation dans ce monde en transformation, sinon comment l’orienter en partant du point de vue de l’étudiant lui-même.

Tout au long, cette recherche m’a aussi rappelé l’importance pour une communauté universitaire comme l’Université Laval, d’investir du temps et de prendre action pour faire partager ces processus expérientiels. Les motivations, les pratiques et les doutes qui fondent la base des actions des étudiants qui y participent pendant leur formation, peuvent enrichir une communauté de pratique plus large et ainsi nourrir notre réflexion sur ces sujets. C’est ainsi grâce à ces récits et aux témoignages récoltés que j’ai pu donner tout le sens à mes réflexions dans le cadre de cette thèse. J’espère que les résultats de cette recherche seront à la hauteur des récits racontés et qu’ils inspireront tous ceux qui souhaiteront vivre une telle expérience pendant leur formation. L’impact de ces séjours produit sans aucun doute des représentations porteuses de sens et de créativité pour nos sociétés.

(16)

PRÉFACE

TROUVER SA MAISON, TROUVER LA MAISON

Au moment de recevoir ce court récit d’une étudiante de l’Université Laval, que je nommerai ici Sandra1, inscrite au programme du Baccalauréat en enseignement – concentration anglais et

espagnol, ayant réalisé un séjour de mobilité en Espagne en 2008 dont le texte s’intitule, « Trouver sa maison, Trouver la Maison », j’étais aux balbutiements de l’écriture de cette thèse. J’étais loin de me douter qu’à lui seul ce petit récit allait relater de façon très significative les circonstances personnelles qui conduisent certains étudiants à vouloir réaliser cette expérience pendant leur formation universitaire. Très évocateur par son propos, j’ai choisi de le partager avec vous avant de vous présenter l’essence même des objectifs qui gouvernent ces expériences étudiantes pendant la formation, afin que vous puissiez le garder en mémoire tout au long de mon analyse. Voici son récit :

Le fait d’avoir voyagé pendant longtemps a produit chez moi plusieurs sentiments contradictoires par rapport à ce que la maison, celle avec un grand « M », que nos voisins du sud appellent « home sweet home » pouvait signifier.

Mon voyage à León, en Espagne, où j’ai séjourné dans le cadre du profil international en 2008, m’a permis d’expérimenter avec cette idée. Pour la première fois de ma vie, je quittais le nid familial : j’avais mon propre appartement. J’avais un « set de clés », ma propre vaisselle que personne n’allait faire à ma place, une facture de gaz et électricité, une série de décorations fabriquées en Chine pour dissimuler les choix quelque peu douteux de mon propriétaire en matière de papier peint, etc. Malgré mon adaptation pour le moins progressive au vieux continent, il y avait un certain confort dans l’idée d’avoir mes propres effets personnels et d’évoluer dans un environnement dans lequel je me sentais vraiment bien. Par exemple, après une épopée ponctuée de vols manqués et de sommeil sur un banc de parc en revenant d’une visite éclair en Écosse, le fait de retourner dans l’environnement familier de la Calle San Rafael et de savoir que j’étais sur le point de me coucher dans mon lit, entourée de mon petit univers familier, avait un je-ne-sais quoi de rassurant et de satisfaisant.

Pouvais-je appeler mon petit coin d’Espagne « ma maison » pour autant? Difficile à dire. Malgré le fait que je jouissais d’une nouvelle indépendance et d’une volonté de découvrir mon environnement, mon séjour d’études fut rempli d’embûches, de défis, et d’imprévus. Les choix de cours et le système administratif m’ont donné bien des migraines, et ma compréhension de la langue était très relative. Malgré mon niveau avancé, j’ai pris 3 semaines pour comprendre que le mot « céleri », même prononcé avec un accent espagnol des plus convaincants, n’était pas un vrai mot et ne provoquait que des malentendus à l’épicerie (le mot pour céleri est « apio », soit dit en passant).

(17)

Une fois repartie au Canada, ma « maison » a disparu aussi vite que je l’avais construite. Une nouvelle étudiante étrangère a pris ma place dans l’appartement, mon nom s’est effacé des listes de classe et tous mes amis sont repartis dans leur pays d’origine ou ont retrouvé leur routine… En revanche, une chose était restée : l’envie de repartir.

Une semaine après mon retour d’Espagne, je repartais guider une expédition de 24 jours de canot camping sur la rivière Moisie, sur la Côte-Nord. Sans eau, sans électricité et sans confort, j’ai accompagné 8 adolescents le long de 425 km de paysage inhospitalier dont la beauté sublime imposait le respect. En traversant la ligne de partage des eaux qui sépare le Labrador du Québec, j’avais plus l’impression d’entrer sur une nouvelle planète que de pénétrer le territoire qui était censé être le mien… et ce sentiment s’est perpétué jusqu’à maintenant, au centre-ville de Québec, où mes amis qui achètent leur première maison et discutent de la future école primaire de leur enfant pendant que je cherche un billet à rabais pour ma prochaine escapade au Portugal me font douter de l’emplacement, voire l’existence, de mes racines. Parfois, quand j’essaie de déterminer où est ma maison, je me surprends à m’ennuyer de l’odeur de friture des repas sur le pouce de ma colocataire de León, du son des mouches noires se cognant contre la moustiquaire de ma tente, ou de la réflexion des couleurs d’automne dans un canal de Bruges.

Mais avec le temps, j’ai aussi compris que si je retournais sur mes pas, tout serait différent. En dépit de mes expériences impérissables, je devrais accepter le fait que je doive me reconstruire de toutes nouvelles balises : on ne peut qu’habiter des souvenirs. Mais si je n’ai pas d’endroit précis que je puisse appeler « ma maison », où est-elle dans ce cas? Existe-t-elle, au moins?

Ma maison, la vie et les voyages me l’ont appris, n’a ni toit ni murs. Elle existe, pourtant. Elle est formée de la mosaïque de moments, d’odeurs, d’endroits et de gens que j’ai croisés dans mes voyages et que je garde dans ma tête et mon cœur où que j’aille. Comme la tortue je la porte sur mon dos à chaque pas.

Sandra a poursuivi à la maîtrise en littérature américaine et enseigne aujourd’hui l’espagnol au niveau collégial.

(18)

INTRODUCTION GÉNÉRALE

DÉVELOPPEMENT D’UN COSMOPOLITISME

Toutes les personnes en déplacement anticipent une réflexion qui vaut pour leurs

contemporains plus ou moins provisoirement sédentarisés sur un lieu de la « surface de la terre », et pour qui il pourra être bien utile un jour de se penser cosmopolites s’ils ont eux-mêmes à changer d’ancrage.

Michel Agier, La condition cosmopolite…, 2013 : 95.

Aujourd’hui, le volume croissant des déplacements lointains permet de souligner l’avènement du développement des cultures transnationales professionnelles, dont l’essor, à la fin du XXe siècle, détermine ce que certains auteurs appellent l’industrie préventive du « choc des cultures » (Berk 2006, Hannerz 2010), en particulier par la multiplication des formations institutionnelles destinées à préparer les gens à s’adapter à d’autres cultures que la leur et aux premiers pas d’une nouvelle profession. Cette industrie préventive des rapports interculturels n’est pas un phénomène normal et habituel de l’histoire de l’humanité, et la rencontre d’autres cultures et d’autres modes de vie n’a jamais été considérée jusqu’à tout récemment comme un problème produisant un « choc ». Pourquoi semble-t-on maintenant juger que ces contacts interculturels sont nécessairement problématiques et que, par exemple, il faille enseigner, entre autres aux étudiants, qu’il est tout à fait normal que les autres ne se comportent pas comme eux? D’un point de vue anthropologique, il ne s’agit pas ici de définir a priori comme problématique le contact avec d’autres cultures, mais de réfléchir au flux de significations interculturelles et leurs interrelations en éducation supérieure et dans la formation même de l’étudiant. Mais, comme je l’aborderai dans mon premier chapitre, de plus en plus fréquemment, au cours du XXe siècle, le flux de significations a dû frayer son chemin à travers une sorte de scénographie communément répandue, soit celle d’une société ayant développé une division du travail de grande ampleur, laquelle est en même temps une division du savoir (Hannerz 2010 : 31). Ce flux de significations mondiales existe de manière particulière dans des esprits particuliers qui participent à des expériences interculturelles pendant leur formation, et lorsqu’elles sont publiques, dans les institutions, ces personnes les mettent à la disposition d’autres personnes par le biais de la vie sociale.

Plusieurs programmes existent en éducation supérieure au Québec et partout dans le monde, et ce, depuis plus de vingt ans; en plus d’encadrer les étudiants, ceux-ci visent à les former et à les initier à ces différences culturelles en prévision de leur accès au marché du travail (UL, MELS, BCEI,

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AUCC, UNESCO2). Dans cette thèse, j’expose dès le premier chapitre l’objectif de ces différents programmes de formation et leurs visées en éducation supérieure.

L’Université Laval (UL) est bien entendu au cœur de ces visées, puisqu’elle encourage avec ardeur cette logique d’internationalisation de la formation qui, pour certains, sera vue comme une logique commerciale favorisant la création de toutes sortes de produits de formation. D’autres y verront une logique de distinction qui favorise l’élite étudiante en prévision d’un accès privilégié au marché du travail. Néanmoins, pour la grande majorité, ce sera surtout vu et compris comme une expérience salutaire et essentielle de formation qui permet de développer des consciences spécifiques dans un monde aux tendances « uniformistes » et aux changements rapides. C’est ici que la mobilité étudiante prend tout son sens, et elle ne saurait être réduite à une pratique instrumentalisée et soustraite aux conditions sociales de son fonctionnement universitaire. On y trouve assurément de la signification à travers chaque récit d’étudiant. Mais il s’agit éminemment d’une activité de formation soumise à la dynamique du champ social (politique, économique, culturel), j’en conviens. À l’instar des programmes « bonifiant symboliquement et matériellement » la formation dans les universités un peu partout dans le monde, au nord surtout, et pour mon propos au Québec et à l’Université Laval, ces séjours d’études ont certes une valeur déterminée en éducation supérieure; valeur qui diffère d’un pays à l’autre, d’un établissement à l’autre, d’une politique institutionnelle à l’autre, et tout cela en fonction de ce que l’on souhaite leur attribuer en termes d’objectifs au regard des politiques et des pratiques de formation qui les gouvernent (UL, MELS, BCEI, AUCC, UNESCO). Ce constat m’a conduite à considérer de facto ces séjours comme un capital qui positionne l’étudiant dans la structure sociale en lui prodiguant des avantages, des privilèges et des gratifications proportionnels à la valeur de ce que représente cette formation internationale acquise sur le marché des biens symboliques du savoir, et du label que cela procure sur le diplôme, et ipso facto de considérer la finalité ou une autre manière d’examiner une telle expérience au regard des représentations qui en émergent pour l’étudiant lui-même.

La littérature sur ces sujets abonde en rapports statistiques, articles spécialisés et études soulignant les retombées positives pour nos sociétés contemporaines. Que l’on pense aux bénéfices interculturels que cela procure socialement, tels que l’ouverture sur les cultures étrangères, la

2 Université Laval (UL), ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec (MELS), Bureau canadien de l’éducation internationale (BCEI-CBEI), Association des universités et collèges du Canada (AUCC), Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).

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connaissance de plusieurs langues, la facilité d’adaptation en contexte étranger et même localement, dans nos villes de plus en plus cosmopolites, etc. Ces prédispositions d’ouverture à l’autre peuvent être développées et enrichies par la voie des échanges internationaux dans le cadre des études universitaires, comme je l’aborderai dans cette thèse, avec le constat premier que cela favorise possiblement une petite partie des étudiants au détriment d’autres moins bien disposés à saisir ces possibilités. La véritable question au fond est celle de savoir qui sont ces étudiants qui participent à ces séjours et quel est le sens des expériences recherchées et des représentations qui en émergent par la suite. Sont-ils issus de familles instruites? Sont-ils déjà prédisposés à voyager et à vivre ce type d’expérience? Si oui, la famille, l’entourage ou une personne d’influence sont-ils à la source de cette motivation? Faut-il qu’ils soient plus curieux que la moyenne des jeunes de leur âge pour s’engager dans ce type de programme pendant leur formation? Et que dire des politiques, des institutions et des programmes de formation universitaire, habilitent-ils ceux qui sont moins prédisposés à vouloir saisir et réaliser ce type d’expérience à l’étranger? Qui sont finalement ces étudiants et que peuvent-ils nous apprendre sur la véritable finalité de ces expériences de mobilité au regard des objectifs de formation et des instances qui les régissent?

Toutes ces questions renvoient aux significations qui se perdent dans les dédales de nos administrations et des rapports quantitatifs qui nous en révèlent bien peu sur le sens des expériences et des représentations qui en émergent pour l’étudiant. Je désire donc explorer dans cette thèse ce qui habite réellement celui-ci en cours d’expérience de mobilité vécue. Par les récits d’étudiants, je souhaite tisser la trame des significations et des représentations qui en résultent et qui fondent par la suite leurs actions, leur carrière, leurs créations, etc. L’étudiant est donc central à ma recherche et c’est à partir de son point de vue que je mène mon analyse. En recueillant le récit étudiant je désire favoriser d’autres pistes de réflexion comme celle de questionner l’émergence d’un cosmopolitisme. Ce sujet m’interpelle depuis plusieurs années, particulièrement parce que le lien entre cosmopolitisme, enseignement supérieur et internationalisation de l’éducation me semble porteur d’un objectif central pour la mission éducative de nos universités et organisations internationales. L’objectif à la base de ces politiques n’est-il pas de favoriser l’acquisition de compétences sensibles et durables au regard des distinctions et des différences culturelles qui fondent nos sociétés contemporaines en transformation?

Ma recherche s’inscrit ainsi dans la lignée des réflexions et des écrits qui questionnent encore aujourd’hui la place réelle d’une formation adaptée aux enjeux du XXIe siècle. L’idée d’une formation respectueuse de la diversité des pratiques et des apprentissages se voit surtout reflétée au

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profit des institutions et des politiques qui gouvernent ces orientations. Or, à travers ces pratiques, le récit étudiant offre différentes perspectives qui méritent d’être examinées. Ce choc des cultures, vécu par le biais des programmes de mobilité, offre aussi un lien utile à explorer dans le développement d’un cosmopolitisme.

L’histoire abonde de récits les plus étonnants comme les plus déchirants sur cette manière de percevoir, d’habiter sous toutes ses distinctions le monde qui nous entoure. Les histoires les plus surprenantes sont parmi celles qui rappellent une réalité ayant contribué à façonner un rapport sensible, pratique et nuancé face à la différence culturelle. Beck, auteur prolifique sur la question, souligne que le cosmopolite est ce type de personne qui au cours de l’histoire a toujours eu ce besoin de s’installer dans la réalité d’une ère lui permettant d’être plus sensible en termes de recherche de nouvelles distinctions, pour se construire et s’enrichir aux aléas d’un monde en construction (2006 : 11). Je dis plutôt « rappelaient », car plusieurs de ces récits cosmopolites, qui ont d’une certaine manière façonné l’histoire de nos rapports et perspectives aux cultures locales et globales, ont aussi et surtout contribué, selon Hannerz (1996, 2010), à faire évoluer notre manière de penser et de vivre notre réalité en fonction de nos expériences. Il n’y a qu’à penser à nos manières de communiquer, de travailler, de nous éduquer et même de voyager (Hannerz 2010 : 301). À cela s’ajoutent aussi les récits expérientiels les plus néfastes, au sens de fermeture aux autres et de resserrement des frontières et des appartenances culturelles. Que l’on pense ici à certains pays où persiste encore le contrôle de la pensée; en Chine par exemple, où les cosmopolites faisaient partie de la neuvième catégorie des « nuisibles » de la liste des ennemis de la révolution culturelle; aux accusations adressées aux Juifs, tant dans l’Allemagne nazie que dans l’URSS stalinienne et poststalinienne, ou même en France des années 1850-1950 (Levenson 1971); au Japon, pour le traitement très fréquemment réservé aux anciens expatriés, considérés comme culturellement contaminés (White 1988); à ces récits historiques sur lesquels je reviendrai : nul doute que notre réalité quotidienne est appelée à devenir plus liée au sort des autres ou plus fermée selon nos prédispositions à l’ouverture sur le monde (Backer 1987, Beck 2006, Hannerz 2010, Konrad 1984). Il est évident que si l’on considère le cosmopolite comme une personne particulière de l’organisation de la diversité au niveau culturel mondial, il mérite ici une attention toute spéciale en tant que modèle dans la société québécoise contemporaine, et ce, parce qu’il peut représenter la résultante d’un parcours inspirant et significatif au regard des objectifs de formation de l’enseignement supérieur au Québec.

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Passeur culturel, médiateur et interprète, ce que le cosmopolite peut offrir à sa communauté locale est une sensibilité culturelle riche et une capacité à se lier à d’autres cultures, d’autres modes de vie, d’autres manières de vivre. Dans la structure universitaire (programmes de formation, associations étudiantes, services, etc.), on le retrouve souvent impliqué dans différents projets internationaux et auprès des étudiants étrangers, avec qui il développera des liens d’amitié. Par conséquent, la mobilité internationale représente pour ces étudiants une occasion de stimuler ce cosmopolitisme latent pour l’amener à se développer. Il s’agit maintenant de voir comment ce cosmopolitisme peut se révéler à travers ces expériences de mobilité.

Voilà précisément où se situe l’objectif général de ma recherche : saisir ce que je crois être une forme de cosmopolitisme émergent, non politique, plus horizontal (Hannerz 1996, 2010), c’est-à-dire débouchant dans les lieux, les biographies, les familles, la parenté, la formation universitaire, le récit, et toute autre caractéristique propre au parcours individuel des étudiants (loisirs, voyages, travail, économie, etc.), et pouvant être observé par la voie des pratiques d’une mobilité étudiante en éducation supérieure.

Le moment me paraît ainsi idéal pour explorer le sens profond de ces processus de formation, particulièrement parce que l’enseignement supérieur au XXIe siècle se trouve dans un tournant intéressant de sa mission sociale (UNESCO) – j’y accorde d’ailleurs une attention particulière dans cette recherche, surtout parce que cette organisation internationale mobilise à elle-seule plus de 182 États et 300 organisations gouvernementales pour discuter de ces enjeux – et aussi parce que l’internationalisation de la formation me semble mobiliser plus que jamais des expositions à l’autre culture et des usages d’apprentissage plus globaux à tous les cycles de la formation, même avant l’entrée à l’université. Ainsi, je pense qu’explorer les dispositifs d’apprentissage à partir desquels les étudiants font leurs choix, tels que les programmes de mobilité et leurs critères, me permet de mieux saisir comment le processus de reproduction/actualisation/réalisation du social peut nous informer sur ce qui est habilitant, ou non, dans le cadre de ces pratiques. C’est d’ailleurs ce à quoi je souhaite m’intéresser, car ces séjours d’études à l’étranger sont susceptibles de nous renseigner sur des pratiques sociales spécifiques et peut-être plus adaptées aux enjeux sociaux de nos localités. Certaines trajectoires pourraient même être porteuses de compétences cosmopolites et c’est un des éléments intéressants que j’examine dans cette recherche. Il n’existe à l’heure actuelle que très peu de données sur ces trajectoires étudiantes.

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J’ai pour intérêt premier de faire entendre la voix des étudiants participants pour saisir et explorer le récit de leur expérience, mais aussi proposer une lecture différente du contexte de l’éducation supérieure et de l’internationalisation de la formation au XXIe siècle. Pour ce faire, j’ai opté pour une anthropologie du sujet en situation qui mise avant tout sur les actions posées dans un contexte précis. L’étudiant en mobilité, relié à des moyens utilisés pour agir dans un contexte de relation dialectique – son programme de mobilité universitaire et son contexte de formation à l’étranger –, me permet d’explorer le récit des actions et des représentations qui en émerge.

La complexité des usages et des pratiques des étudiants qui s’engagent dans ces trajectoires de mobilité me permet de considérer, comme je l’expose en deuxième partie, que tous les étudiants partagent des caractéristiques communes, et la façon dont ils interprètent leur expérience me permet de les regrouper en fonction de leur(s) motivation(s) de départ et de leurs compétences. Ces regroupements, comme je le démontre, ne sont pas hermétiques et étanches, et me servent de guide pour illustrer des cheminements, des prises de conscience, des succès, des défis et surtout des difficultés qui peuvent conduire à mieux comprendre le véritable sens de ce que représente cet intérêt pour une formation adaptée aux enjeux du XXIe siècle.

Par conséquent, ces parcours étudiants, qui dans certains cas engendrent ce que je crois être une forme de cosmopolitisme horizontal, sont susceptibles de nous informer sur les motivations et les compétences qui structurent par la suite leur cadre d’action. Ce rendu expérientiel contribue ainsi à soumettre ces différentes trajectoires étudiantes aux règles implacables de ce que je considère être la force et la violence du structurel, soit de faire émaner à partir de l’étudiant comment se joue l’influence des politiques qui orientent ces programmes de mobilité. Cela m’amène alors à questionner les angles moins explorés, que peuvent être le rapport entre les objectifs poursuivis par ces politiques (UNESCO, BCEI, MELS, AUCC, UL) et les actions individuelles étudiantes par lesquelles l’ensemble des pratiques s’actualise. Pour cette raison, mon regard ne peut me conduire à faire l’économie de la critique de ces pratiques sans avoir d’abord mis en perspective le sens et les valeurs significatives de cette expérience qui n’est évidemment pas la même pour tous les étudiants. La fonction de ces séjours est donc soumise à des considérations structurelles et expérientielles, dans l’intention de placer le récit étudiant au centre de mes interprétations.

Ma recherche se divise ainsi en sept chapitres dans deux parties distinctes. La première partie pose les assises de ma réflexion en introduisant le contexte de l’Université au XXIe siècle, pour ensuite présenter le modèle théorique et la méthodologie choisis pour analyser mes données. Cela me

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permet de situer, organiser et analyser mon objet pour mener à bien mon projet. En deuxième partie, je plonge au cœur du récit expérientiel des étudiants participants en les présentant selon trois parcours types. La manière de présenter leur cheminement me permet de miser plus significativement sur les processus d’action en cours de production, à savoir l’étudiant s’observant agir et se prolongeant dans un projet de soi. Ce processus se trouve à la base de mon analyse pour vérifier en quoi et comment leur trajectoire expérientielle se situe par rapport à cet objectif qui est celui de développer cette conscience d’appartenir au monde autant que la distance nécessaire pour y arriver. Voyons plus précisément en quoi consistent les différents chapitres.

Au premier chapitre, je situe l’Université au XXIe siècle en accordant une attention particulière à ses origines, ses adaptations et ses transformations passées et à venir, de l’international au local, ici au Québec à l’Université Laval. J’insiste sur les visées et les objectifs recherchés se trouvant au cœur des grandes tendances des organisations internationales en éducation (UNESCO, BCEI) et du gouvernement du Québec (MELS). Tout ceci en tenant compte des stratégies et des défis de l’enseignement supérieur au regard de l’internationalisation de l’éducation dans les universités et particulièrement au Québec, avec l’objectif de présenter et d’explorer le cas de l’Université Laval et sa carte mondiale des possibilités proposées par ses différents modèles de mobilité étudiante. Mon objectif n’est donc pas de faire une analyse centrée sur la place de l’internationalisation dans ce qu’on pourrait appeler « l’économie politique » de l’éducation supérieure et ni d’en questionner l’impact sur l’enseignement supérieur. La perspective de recherche qui est la mienne est d’explorer le sens de l’expérience dans cet effort d’internationalisation depuis les vingt dernières années et sur lequel les politiques fondent actuellement leurs actions, mais davantage par une approche culturelle que politique ou économique.

Par conséquent, dans ce chapitre, j’ai pour intérêt de développer une tout autre approche pour aborder la « mobilité étudiante ». Plus précisément, je me concentre sur l’analyse des dispositifs d’un système universitaire réglé à l’international et à la mobilité depuis plusieurs années, avec l’intention de révéler ce qui ne se voit pas, ce qui est sous-jacent et non explicite, mais qui ressort de ces échanges. Je cherche en particulier à comprendre les facteurs qui motivent réellement tout ce système de formation mis en place et qui fondent toute la complexité de ces programmes, dont l’une des grandes visées est celle de conscientiser les étudiants.

En bref, le déploiement de ces sphères d’influence sera révélateur de la force des contraintes politiques des organisations et gouvernements, dont l’un des impacts sera pour l’institution de répondre à ses objectifs de formation et se les approprier.

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Dans le second chapitre, je décrisen trois temps mon cadre théorique. Je présente comment mon corpus théorique et la problématisation de mon objet d’étude me conduisent à explorer le sens profond de ces récits étudiants dans le contexte de l’éducation supérieure et des enjeux de l’éducation au XXIe siècle. Pour constituer une problématique et un corpus théorique en lien avec ce que vivent et réalisent les étudiants, je revisite en première partie de ce deuxième chapitre l’état récent de la littérature. Ce bilan m’amène à mettre en lumière les différentes facettes des travaux et des études réalisés depuis les quinze dernières années afin de situer ma recherche. L’analyse critique de cette littérature contribue à problématiser ces pratiques de mobilité dans une perspective davantage contemporaine.

C’est ainsi qu’en deuxième lieu, je présente les deux théories qui me servent d’appui dans cette recherche pour cibler les notions et les éléments susceptibles de nourrir et d’éclairer les données à recueillir. La théorie de la structuration de la société proposée par Giddens (1987) et celle de la complexité de Hannerz (2010) sont au cœur de mon modèle théorique. Giddens d’abord me permet de situer et d’ancrer les actions étudiantes posées dans un cadre précis et reliées à des moyens utilisés pour agir dans un contexte de relation dialectique, soit l’étude du sujet dans la structure. Je m’appuie par ailleurs sur la conception du cosmopolitisme et des espaces transnationaux de Hannerz pour explorer une distinction significative entre le local et le global, et analyser les actions en lien avec ces séjours; l’objectif étant de vérifier notamment si certaines expériences plus spécifiques que d’autres sont susceptibles de favoriser ou non l’émergence d’un cosmopolitisme.

Cela me conduit finalement à problématiser mon objet d’étude, qui consiste à présenter les différentes questions qui guident mon exploration des récits étudiants. Il s’agit plus spécifiquement d’appréhender de l’intérieur les relations complexes entre les expériences localisées et les préoccupations quotidiennes de l’étudiant en situation : comprendre comment l’expérience dans le cadre d’un programme de mobilité s’articule à des enjeux et à des politiques plus larges. Mon cadre théorique se trouve ainsi lié à la politique d’internationalisation de l’Université Laval (UL 1996) et aux objectifs des gouvernements et des organisations qui en fondent les pratiques de formation, qui se retrouvent dans le récit des étudiants qui auront repris à leur compte les principes énoncés dans ces politiques. Ce deuxième chapitre aboutit à la constitution d’un cadre théorique tenant compte de l’analyse que je souhaite mener dans cette recherche.

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Dans le troisième chapitre, je présente ma démarche méthodologique. Je privilégie une approche qualitative, parce que je crois que les connaissances sont construites socialement et non innées. En outre, je crois que les connaissances sont élaborées par des personnes uniques et qu’elles offrent de l’information importante à considérer : des comportements qui, à mon avis, sont au fondement de notre compréhension des phénomènes sociaux. Ces personnes apprennent à l’aide d’outils qu’elles s’approprient dans les lieux dans lesquels elles évoluent, à travers leurs interactions avec les autres. Et c’est ce sur quoi j’ai misé pour donner tout son sens à ma démarche. C’est donc à la suite d’une enquête ethnologique que j’ai procédé à l’analyse de données découlant de plus de 80 entrevues menées auprès de 53 étudiants inscrits dans une quarantaine de programmes d’études des trois cycles universitaires et ayant participé à l’un des dix programmes de mobilité offerts par le Bureau international. J’expose dans ce chapitre en quoi et comment ma démarche me permet de modéliser trois parcours types d’étudiants bien spécifiques qui me servent de guide pour ensuite effectuer mon analyse d’une pratique de mobilité et de l’émergence d’un cosmopolitisme.

Cette démarche méthodologique me permet de mener à bien le traitement de mes données en premier lieu, en prévision d’une analyse détaillée en deuxième partie de ma recherche. L’objectif est spécifiquement d’explorer les multiples facettes de ce processus expérientiel, de décrire ce qui émerge de l’examen des faits relatés dans les entretiens, les documents, et d’autres sources reliées, tout en considérant ce que les étudiants disent. Cette lecture, n’étant pas que méthodologique, repose bien entendu sur l’objectif de proposer une description et une explication plus complètes et plus globales que celles qui existent dans le champ de la mobilité étudiante.

La seconde partie de ma thèse débute avec le chapitre quatre, où j’explore et analyse la réalité des étudiants, ce qui sous-entend donc des caractéristiques personnelles et familiales, des motivations, des compétences particulières et, naturellement, des réflexivités, que je relève concrètement en témoignages. J’ai choisi de suivre et de raconter l’histoire et le cheminement d’étudiants, dont ce premier parcours que je nomme l’« ingénu » – un étudiant discipliné, pragmatique, curieux, réaliste et sensible, qui souhaite plus que tout s’émanciper, sauter hors du nid familial pour prendre conscience de lui-même, de son contexte de référence, et pour réaliser par lui-même que les choses ne sont pas toujours ce qu’elles semblent être. Ce parcours type regroupe des étudiants qui en sont à leur première vraie expérience à l’étranger et qui souhaitent mettre avant tout l’accent sur les acquis et les bénéfices d’un tel séjour.

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Le cinquième chapitre présente le deuxième parcours type, que je nomme cette fois le « maelstromiste », terme choisi pour illustrer l’image d’un grand tourbillon en continuelle mouvance. Ce parcours type est également unique et parsemé de rebondissements. Mon analyse démontre que, chez ces étudiants, l’offre d’une mobilité universitaire devient surtout instrumentalisée pour servir un intérêt de voyager, de bouger et de ratisser le monde pendant leurs études. L’analyse de ce type de parcours présente les liens étroits entre les forces et les faiblesses de ce groupe, dont les dispositifs d’interprétation ne sont pas nécessairement repérés par l’institution. Au sixième chapitre, j’arrive au final avec le parcours type du « cosmopolite ». Ce troisième parcours est particulier et significatif à plusieurs égards, et c’est ce que je compte démontrer dans ce dernier chapitre. Il représente la synthèse d’une expérience unique dans sa composition et son cheminement. J’analyse et expose en quoi les significations qui émergent de ce processus de mobilité présentent un canevas riche et révélateur en témoignages pour comprendre comment s’organisent dans leur réalité quotidienne et de manière pratique ces cosmopolites. Je démontre aussi en quoi ces étudiants cosmopolites sont susceptibles de nous en apprendre sur ce qu’est « être cosmopolite », à travers leur processus de formation et leurs expériences personnelles. Il se trouve aussi que cette expérience partagée est produite dans les champs sociaux de la formation qui pourvoit aux bases de ce partage, c’est-à-dire qu’elle se répercute dans la structure universitaire (étudiants, professeurs, administrateurs) et dans la structure sociale plus large de l’étudiant (amis, famille, réseaux sociaux, etc.). Par l’analyse de ce type de parcours, je présente les liens étroits entre les cadres structurels (UNESCO, BCEI, MELS, AUCC, UL) et l’émergence des représentations d’un cosmopolitisme dont les dispositifs d’interprétation ne sont pas nécessairement repérés dans les objectifs anticipés et la littérature sur ces sujets.

Finalement, dans le septième chapitre, je procède à la synthèse de ces trois parcours types et plus spécifiquement les parcours type mixtes, afin de mettre en évidence les marqueurs de signification susceptibles d’enrichir la notion de cosmopolitisme culturel. Le degré d’ouverture et d’engagement pendant ces séjours ne sont que quelques exemples qui pourront servir à illustrer l’intensité des réflexivités qui opèrent en son centre. Cela permettra de répondre à certaines interrogations et à mettre en évidence la prémisse que ces étudiants en mobilité sont par définition sources d’expansion d’un cosmopolitisme à la suite de ces séjours d’études à l’étranger. Il m’apparaît donc incontournable dans ce dernier chapitre d’éclairer les zones les plus complexes de ces parcours pour révéler ce qui différencie ou rapproche ces étudiants d’une pratique et même d’une identité cosmopolite.

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Cette recherche vient combler de vieux questionnements qui m’habitaient depuis quelques années. En effet, j’ai eu l’occasion depuis les années 2000 de m’impliquer activement dans le développement de partenariats et de programmes de mobilité étudiante à l’Université Laval. J’ai suivi le déroulement et l’évolution de ces projets de mobilité et des étudiants qui y participent. J’ai souvent eu l’impression que ces séjours à l’étranger étaient inconsciemment gouvernés et motivés par beaucoup plus que ce que l’on semble vouloir leur attribuer. Je me suis souvent demandé si les étudiants, les professeurs, les administrateurs et les dirigeants eux-mêmes, qui soutiennent et encouragent ces programmes de mobilité, prenaient réellement la mesure du sens profond de ces expériences. Bien qu’il y ait un vaste éventail de recherches en internationalisation qui s’intéressent activement à ces sujets depuis les vingt dernières années, ce phénomène croissant n’a pas réellement permis d’explorer le sens de cette expérience et des représentations qui en émergent pour l’étudiant. D’ailleurs, tel que le souligne Amit (2010 : 17), « anthropologists need to investigate, both as engaged participants as well as ethnographers, policies such as internationalisation that are shaping the institutions in which many of us are working ». Ce projet de recherche naît ainsi d’un besoin de donner toute la place à ces récits étudiants pour tenter de comprendre la complexité des expériences qui en ressortent et qui s’imbriquent dans leurs pratiques de formation en construction.

En conclusion, ma thèse présente une réflexion sur la manière dont diverses politiques en internationalisation de la formation (UNESCO, BCEI, MELS, AUCC, UL,) redéfinissent actuellement le champ de l’éducation au XXIe siècle. Ce sont ces transformations espérées en éducation supérieure, mises en relation avec la trajectoire des étudiants en contexte de mobilité, que je souhaite explorer. J’aborde également la façon dont ces objectifs peuvent nous aider à saisir cette véritable finalité recherchée, qui est celle de conscientiser les étudiants pendant leur formation. Le récit étudiant me permet donc d’entreprendre une réflexion plus contemporaine sur ces pratiques de mobilité et sur la manière dont l’anthropologie de la réflexivité peut théoriser un lien possible entre le sens de l’expérience et les représentations qui en émergent pour l’étudiant. La prise en considération du point de vue des étudiants devient ainsi incontournable à mon propos. Cette mise en contexte me paraît essentielle pour réfléchir à la problématisation des significations qui contribuent à l’émergence de ce que je crois être une pratique cosmopolite. Je souhaite ainsi contribuer à l’avancement des connaissances sur ces sujets, tout en donnant une place à l’étudiant afin qu’il participe davantage à la définition de son « intérêt supérieur » dans le cadre de l’éducation au XXIe siècle.

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PREMIÈRE PARTIE : CONTEXTE DE L’ÉDUCATION AU

XXI

E

SIÈCLE – CADRE THÉORIQUE ET

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CHAPITRE I

UNIVERSITÉ AU XXI

E

SIÈCLE

[…] à tout moment, la culture de toute société ressemble davantage aux ruines ou aux « résidus » des systèmes idéologiques passés qu’à un système, à un tout cohérent. Les touts cohérents peuvent exister (quoiqu’ils aient tendance à se loger dans la tête des individus, parfois dans celle des obsessionnels et des paranoïaques), mais les groupes sociaux humains ont tendance à chercher une ouverture vers l’avenir dans la diversité des métaphores connotant ce que pourrait être la bonne vie et dans la concurrence de leurs paradigmes.

Victor W. Turner, Dramas, Fields and Metaphors…, 1974 :14.

I

NTRODUCTION

Depuis les vingt dernières années, un nouveau paradigme de la fonction de l’enseignement supérieur dans la société s’établit peu à peu. Pour parler plus précisément de ce nouveau paradigme, il me semble pertinent de mentionner dès à présent qu’une réforme est amorcée depuis les quinze dernières années dans la plupart des grandes universités. L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) et ses partenaires de 182 États, de 300 organisations non gouvernementales et d’autres acteurs impliqués de près ou de loin en enseignement supérieur, annoncent ce virage essentiel lors de la Conférence mondiale sur l’enseignement supérieur (CMES) à Paris en octobre 19983. Les quatre grands défis de cette réforme sont la pertinence de l’enseignement supérieur au XXIe siècle, sa qualité, son financement, sa gestion, puis sa coopération internationale4.

Selon plusieurs auteurs d’importances (Denman 2005; Gibbons 2003; Petrella 2003; Arnove 2003; Altbach 2006; Amit 2010), les enjeux soulevés ont souvent directement à voir avec les exigences de l’économie de marché qui presse l’université à s’adapter de manière continue et stratégique, pour répondre aux besoins d’une production des connaissances toujours plus importante en lien avec

3 La Conférence mondiale sur l’enseignement supérieur s’est déroulée à Paris, du 5 au 9 octobre 1998, à l’initiative de l’UNESCO et a été précédée d’importants travaux de préparation à travers le monde. Consulté sur Internet (http://www.unesco.org/new/en/education/themes/strengthening-education-systems/higher-education/reform-and-innovation/1998-world-conference/), novembre 2013.

4 À cela, on associe un ensemble de principes et d’actions prioritaires que l’on proclame par l’adoption de deux projets incontournables pour le changement, une « Déclaration mondiale sur l’enseignement supérieur pour le XXIe siècle : Vision

et Actions », qui pose les bases de principes et valeurs en jeu et un « Cadre d’action prioritaire pour le changement et le développement de l’enseignement supérieur », qui priorise le changement dans l’optique d’une adaptation prévisionnelle et programmatique des grandes étapes qui s’articulent à même les principes de la « Charte des Nations Unies » de la « Déclaration universelle des droits de l’homme » et des recommandations relatives à l’enseignement supérieur des grandes commissions et conférences. (UNESCO 1998).

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des commandes marchandes bien précises. Cela conduit les universités à des transformations plus ou moins adaptées avec sa vocation de départ. Mais il n’est pas dans mon propos ici de m’impliquer dans ces questions et débats, je note simplement au passage que certains des changements en cours proposés dans cette réforme, semblent pour une part en lien avec la conséquence d’une incidence directe et pratique d’un mode de production qui accorde un rôle plus important dans ses actions à fournir une main-d’œuvre qualifiée et à produire des connaissances (Petrella 2003). Qui plus est, cela favorise peut-être un espace ouvert pour l’internationalisation de la formation supérieure et des apprentissages, sur lequel je souhaite m’attarder dans cette recherche. En outre, il me semble que cet espace offre aux étudiants une gamme optimale de choix et de dispositifs souples de points d’accès et de sortie du système ainsi que des possibilités d’épanouissement individuel et de mobilité sociale, qui peuvent éduquer de façon significative aux enjeux de la société, dans la perspective d’un renforcement des capacités endogènes, d’un développement durable, de valeurs humaines, en phase avec les réalités contemporaines dont certaines expériences vécues et bien réelles sont investiguées dans cette recherche.

Pour décrire ce nouveau paradigme de l’enseignement supérieur, en particulier celui de l’internationalisation de l’éducation, soit l’un de ses véhicules, la mobilité étudiante – je crois utile d’examiner d’un peu plus près le rôle de l’université au XXIe siècle, car c’est ici, à l’université que s’inscrit tout le processus expérientiel d’une mobilité vécue par les étudiants pendant leur séjour d’études à l’étranger. En outre, j’accorderai dans ce chapitre une attention particulière à l’université du XXIe siècle, pour comprendre ses origines, ses adaptations et transformations en cours – à l’international comme au Québec –, mais aussi pour savoir si ce que l’université souhaite inculquer à travers ces mobilités, procède réellement du processus de conscientisation énoncé dans les politiques d’éducation du Québec (MELS).

La conjecture que j’entends présenter au fil de ce premier chapitre a pour objet de décrire la mission et les visées espérées pour l’enseignement supérieur au XXIe siècle. Je ferai un bref retour sur ses origines, sa pertinence et sa finalité, pour décrire ce qui semble être devenu un terme plus englobant pour parler de formation universitaire aujourd’hui : « l’enseignement supérieur ». En outre, il apparait de plus en plus clairement qu’une distinction s’impose entre les formations universitaires et les autres types d’enseignement supérieur. Bien que cette distinction soit devenue importante, mon propos n’aura pas pour objectif d’en faire l’analyse, mais principalement d’examiner comment s’inscrit l’université au XXIe siècle dans le contexte mondial actuel et comment se déploient ses nouveaux processus de formation à l’étranger, particulièrement la

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mobilité étudiante universitaire, qui a pris beaucoup d’ampleur au Québec depuis les quinze dernières années. Et puisque « les universités sont soumises aux mêmes processus mondiaux » (Scott 1998), une description des organisations internationales universitaires et des universités partenaires permettra de constater la transformation à l’œuvre dans l’université – est-elle en train de changer pour répondre aux exigences de sociétés orientées vers l’économie de marché en plus de vouloir répondre aux enjeux internationaux basés sur de nouvelles valeurs? Cela m’amène à présenter quelques modèles d’universités dont les enjeux historiques ont contribué à l’objet de cette recherche, qui s’inscrit dans des rapports de sens liés à une pratique des connaissances en éducation supérieure.

En deuxième partie, j’aborde l’université au Québec pour décrire ses visions et modèles à l’international, mais aussi ses projets liés à l’internationalisation de la formation, et la place significative qu’occupent les programmes de la « mobilité étudiante » dans le cadre de ses formations universitaires. En particulier, je me base sur le cas de l’Université Laval et des étudiants participants à un des programmes de « mobilité étudiante » entre 2000 et 2012. La carte mondiale des partenariats et ses différents programmes sont présentés afin d’interroger plus adéquatement ses structures et ses liens avec les objectifs de formation locaux, mais aussi nationaux et internationaux.

Dans cette perspective, mon objectif ne sera pas d’effectuer une analyse critique de l’université, mais bien d’en tracer les grands contours historiques pour la situer et la définir en contexte local, national et international au XXIe siècle. Ainsi, dans ce chapitre, j’ai pour intérêt de développer une conception particulière de « la mobilité étudiante » et plus précisément, d’utiliser cette conception comme un guide pour analyser certaines particularités de ce que je crois être un système universitaire de la formation locale et globale. L’idée étant de comprendre le cheminement des étudiants engagés dans ce processus – les études supérieures et le processus de la mobilité étudiante. En outre, pour saisir toutes les composantes de ce dispositif, il faut d’abord établir le contexte dans lequel prend place ce phénomène de la mobilité étudiante dans le cadre universitaire.

1.1 Survol historique de l’université

Pour l’UNESCO, il ne fait aucun doute que l’université a prouvé sa viabilité et son importance au cours des siècles derniers par son aptitude à s’adapter, à évoluer et à engendrer le changement et le

Figure

Tableau 1 : Nombre d’étudiants universitaires en mobilité internationale par pays les plus  actifs  Pays hôte 2012 (P
Tableau 2 : Proportion des étudiants étrangers mondiaux de l’enseignement supérieur par  pays les plus actifs en termes d’accueil
Figure 1 :   Comparaison des données sur la proportion des étudiants mobiles
Figure 2 :  Répartition des étudiants étrangers en enseignement supérieur par pays de  destination pour l’année 2012
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