Travail de Jonita Simmons
Sous la direction de Rosanna Margonis-Pasinetti Membre(s) de Juré : Ingo Thonhauser
Lausanne, Juin 2016
Origine, culture et milieu social: l’impact sur les chances de
formation
Mémoire professionnelle
« Master of Advanced Studies et Diplôme d’enseignement pour le degré
secondaire II »
Table des Matières
1. PREFACE 3 2. THEORIE 6 2.1 L’ÉDUCATION COMME FORME DE CAPITAL CULTUREL 6 2.2 LA FONCTION DE L’ÉDUCATION 9 3. PROBLEMATIQUE 123.1 LA PROBLÉMATIQUE AUX ÉTATS-UNIS 12
3.2 INÉGALITÉS DEVANT L’ÉDUCATION AUX ÉTATS-UNIS 15
3.3 LA POLITIQUE DE L’ÉDUCATION EN SUISSE 18
3.4.1 LE PROBLÈME 23
3.4.2 LA THÉORIE: LA REPRODUCTION DE LA STRATIFICATION SOCIALE DANS L’ÉDUCATION ET LA THÉORIE DU CAPITAL HUMAIN DE PIERRE BOURDIEU 26
3.4.3 SOLUTIONS 28
4. CONCLUSION 31
5. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 33
6. ANNEXES : SYSTEME DE FORMATION SUISSE - INDICATEURS DE LA
FORMATION, LES IMPACTS ET LES EFFETS 36
6.1 NIVEAU DE FORMATION DE LA POPULATION 36 6.2 STATISTIQUES SUISSES EN ÉDUCATION ET FORMATION - NIVEAU DE FORMATION ACHEVÉE 38 PERTINENCE 38 RESULTAT 38 ÉVOLUTION TEMPORELLE 39 GRANDE REGION 40
DEFINITION ET MODE DE CALCUL 41
6.3 ÉDUCATION ET FORMATION - JEUNES QUITTANT PRÉMATURÉMENT L'ÉCOLE 43
PERTINENCE 43
RESULTAT 43
ÉVOLUTION TEMPORELLE 44
DEFINITION ET MODE DE CALCUL 44
PERTINENCE 45
NIVEAU DE FORMATION 46
SECTION ECONOMIQUE 47
DEFINITION ET MODE DE CALCUL 47
1. Préface
« The act of institution is an act of social magic that can create difference ex nihilo or else by exploiting as it were pre-existing differences. » Pierre Bourdieu
Que ce soit dans l’éducation ou dans le domaine de l’emploi, l’inégalité sociale basée sur le sexe, la religion la race ou l’ethnicité demeure une problématique considérablement profonde dans n’importe quelle société donnée. Elle est produite de manière arbitraire à travers ses systèmes politiques et légaux et, par conséquent, est continuellement renforcée par ses lois, ses statuts et ses institutions. Selon Kingsley Davis et Wilbert E. Moore dans leur article sur les stratifications sociales et leurs fonctions dans la société, « la nécessité principale qui explique la présence universelle de la stratification est précisément la nécessité qui fait face à n’importe quelle société de placer et motiver les individus dans la structure sociale. Comme mécanisme fonctionnel, une société doit, d’une certaine manière, distribuer ses membres selon des positions sociales et les entrainer à accomplir les devoirs de ces positions » (Kingsley et Wilbert, 2001). Si ceci est vrai, alors l’éducation et les systèmes d’éducation peuvent être considérés comme ayant un rôle significatif dans le maintien de ces devoirs, puisqu’ils représentent la pierre angulaire de n’importe quelle société dans la socialisation de ses membres individuels. Afin de comprendre comment l’éducation et la stratification sociale sont liées, cependant, nous devons tout d’abord clarifier comment ce concept est défini par les sociologues.
D’un point de vue sociologique, stratification et inégalité ont été décrites comme « le processus social à travers lequel des récompenses et des ressources telles que les RICHESSES, le POUVOIR et le PRESTIGE sont distribués systématiquement et inégalement à l’intérieur ou parmi les SYSTEMES SOCIAUX. La stratification diffère de la simple inégalité dans le sens qu’elle est systématique (et) aussi basée sur des processus sociaux identifiables à travers lesquels les gens sont triés dans des CATEGORIES SOCIALES telles que la CLASSE, la RACE, et le GENRE » (Johnson, 2000). Ceci est ensuite généré, d’après le philosophe, anthropologue, intellectuel et sociologue français Pierre Bourdieu, de deux manières distinctes et
économiques disponibles sur le plan familial et, ensuite, son institutionnalisation dans les systèmes sociaux permanents tels que l’éducation. Ces deux manières seront analysées dans le présent travail.
Pour se faire, deux parties distinctes seront développées. La première partie présentera une vue d’ensemble complète de mon travail précédent, débuté en 2003 et finalisé en 2006, sur la stratification et l’inégalité devant l’éducation aux États-Unis, mes résultats, les fondements théoriques de ma recherche ainsi que l’évidence statistique sur laquelle l’argumentation était basée. Dans la deuxième, je me tourne vers la problématique en Suisse afin de comparer et contraster les similitudes et différences entre cette situation et celle des États-Unis1
.
L’intention de ma première recherche était multiple. En 2003, j’ai entrepris un projet de recherche sur l’inégalité devant l’éducation en fonction de la race et de l’ethnicité. Ensuite, en 2004, j’ai élargi mon spectre afin d’y inclure une étude sur l’inégalité devant l’éducation et le niveau de réussite scolaire en fonction du genre ainsi que de la race et ses impacts économiques ultérieurs. Enfin, en 2006, j’ai écrit mon mémoire de Master sur l’éducation comme forme de capital culturel et de stratification sociale (Simmons, 2006).
Une des raisons primordiales pour laquelle j’ai décidé d’élargir ma recherche afin d’y inclure des études sur la problématique en Suisse, est qu’il s’agit d’un phénomène que j’ai vu se perpétuer ici, et même si ceci peut être lié à d’autres facteurs tels que le contexte migratoire, la classes sociale et économique, les valeurs familiales et le niveau d’éducation des parents, l’effet reste néanmoins le même. Les enfants de familles d’immigrants, par exemple, semblent avoir des niveaux de réussite scolaire moins élevés que leurs homologues suisses. De plus, leur accès aux ressources sociales, économiques et culturelles nécessaires pour l’ascension dans l’échelle sociale semble plus limité. C’est pourquoi, alors qu’il ne s’agit peut-être pas d’une question de race ou d’ethnicité comme aux États-Unis, la problématique de l’inégalité devant l’éducation demeure toutefois un problème même ici, et ce que je cherche à découvrir est le pourquoi.
Une fois de plus, mon axe principal sera l’impact direct que ceci aura ou n’aura pas sur l’individu au cours du processus, par exemple, « de sa socialisation dans la “grammaire culturelle” des structures éducationnelles ainsi que sur le sens qu’il ou elle leur attribuerait subséquemment et comment cela est lié à des facteurs tels que les choix éducationnels », comme présenté dans mon travail précédent, et les manières dans lesquelles « ces choix se rapportent aux contraintes perçues comme partie inhérente de ces structures elles-mêmes »(Grusky, 2001 in Simmons, 2006, pp. 9-10).
Comme précédemment, l’étude complète de David B. Grusky sur la stratification sociale, ainsi que la théorie de Pierre Bourdieu sur l’éducation comme forme de capital humain et d’instrument dans la reproduction des inégalités sociales, culturelles et économiques, serviront de fondement théorique à mon argumentation.
2. Théorie
“Symbolic power is that invisible power which can be exercised only with the complicity of those who do not want to know that they are subject to it or even that they themselves exercise it.” – Pierre Bourdieu
2.1 L’éducation comme forme de capital culturel
L’argument théorique principal de ce travail est, que ce soit en Suisse ou aux États-Unis, que l’inégalité devant l’éducation dans la société est non seulement perpétuée, mais aussi générée par le système d’éducation lui-même. En effet, que la source de la stratification sociale puisse être trouvée dans les stades les plus précoces de scolarité et que ce soit ceci précisément qui conduise à une inégalité sociale et économique supplémentaire, par exemple, dans la force de travail. Comme mentionné précédemment, les motifs pour cet argument sont basés sur les études du sociologue Pierre Bourdieu sur l’éducation comme forme de capital social et sa théorie qui explique que les fondements de la stratification dans la société occidentale étaient créés par l’inégalité de distribution des ressources de capital culturel. Développée dans les années 1960, cette théorie était fondée sur un modèle néoclassique de compétition et d’entente des individus comme propriétaires d’une forme distincte de « capital acquis à travers les efforts personnels et de développement, l’investissement financier dans le “capital humain” et, avec le temps, à travers l’achèvement de l’éducation avant l’entrée dans la force de travail ainsi que le processus d’éducation en cours d’emploi » (Simmons, 2006, p. 25). Aujourd’hui, le terme est utilisé pour décrire un individu comme « un investissement dans l’avenir de la société », et l’éducation comme « un investissement individuel dans une productivité personnelle, qui est la capacité d’une personne d’ajouter de la valeur en travaillant » (Light et Garrod, 2000, p. 87).
La théorie de Bourdieu centrée autour de l’idée de l’offre et de la demande et, l’éducation elle-même comme forme de « capital » qui pourrait ensuite être convertie en devise sur le marché de l’emploi. Il s’est avant tout focalisé sur l’éducation, comme il la considérait comme « l’institution principale contrôlant l’allocation du statut et du privilège dans la société moderne » et « le système dominant de
classification à travers lequel la puissance symbolique était exprimée » (Bourdieu, 1978 in Simmons 2006, p. 56). De plus, il distinguait trois différents types déterminants la classe sociale et la position économique, comme illustré dans le tableau ci-dessous.
Table1: Généalogie du capital humain (Light & Gold 2000:99) Capital humain Connais un ancien élève Entend parler de Yale
Capital culturel Bon étudiant Est admis à Yale Obtient
du
capital
humain
Capital économique Riche Paie frais de scolarité
Le premier type, le capital économique, se réfère aux ressources financières, cependant il ne s’agit pas toujours uniquement d’aspects matériels. Le second, le capital social, est « ce que l’on acquiert durant l’enfance dans la famille et durant la scolarité formelle, et qui est ensuite incorporé en soi à travers la participation dans la vie sociale, comme les idées et la connaissance, les règles et le savoir-vivre, comment parler et écrire correctement, et qui peut ensuite être utilisé pour remplir son potentiel génétique » (Light et Gold, 2000, p. 56).C’est une ressource externe, quelque chose d’hérité ainsi que d’acquis (à travers les contacts sociaux et les réseaux) qui comprend du potentiel réel et possible et qui peut être utilisé pour « améliorer le flux de revenus futurs » ; plus il est utilisé, plus il augmente (Simmons, 2006, è. 58). Le troisième, le capital culturel, est lié aux diplômes et attestations et ce qui a été investi pour les atteindre. Il y a trois formes de capital culturel : la première forme de capital culturel est ce que l’on acquiert de sa famille, ainsi qu’à l’école, et ce qui fournit les qualifications nécessaires pour l’atteinte future de ce que Bourdieu appelle « le capital culturel objectif » ; un phénomène survenant de la conversion du capital culturel interne en richesse matérielle externe, la signification et la valeur de laquelle sont liées à la connaissance continue et l’utilisation du capital culturel déjà intériorisé (Simmons, 2006, p. 58).
La seconde forme de capital culturel est l’habitus, « une collection d’idées relativement permanentes et largement inconscientes sur les chances de succès et comment la société fonctionne qui sont communes aux membres d’une classe sociale ou d’un groupe de statut qui conduit les individus à agir d’une manière qui reproduit la structure prédominante des opportunités de la vie» (Swartz, 997 in Simmons, 2006, p. 58). En d’autres termes, c’est ce qui comprend nos « schémas de pensée, de comportement, de disposition, de perception de la réalité et nous permet de faire des conclusions sur l’éducation sociale et le caractère d’une personne » (Simmons, p. 58). La troisième forme s’appelle le capital culturel institutionnalisé, qui est déterminée par nos qualifications et diplômes, et sert de symbole de ce qui a été investi pour les atteindre et confère aussi une « valeur » préétablie, en terme de statut économique et social, au moment de leur atteinte (Simmons, 2006, p. 58).
Ces différents types de capital sont reproduits d’une génération à une autre et peuvent être transférés d’un membre de la famille à un autre. Comme on peut le voir, l’impact du capital économique, social et culturel sur le statut d’un individu dans la hiérarchie sociale est significative et diffère également dans la manière dont ils se reproduisent et dans la difficulté de leur obtention. Le capital économique, par exemple, est quelque chose d’hérité, alors que le capital culturel est transféré par des sources tant externes qu’internes. Le capital social par contre, est surtout caché comme il garantit le maintien et la culture de relations existantes à travers l’héritage. De plus, non seulement peut-il être reproduit d’une génération à une autre, mais peut également transformer l’un en l’autre (Simmons, 2006, p. 59). L’élément clé pour comprendre comment ceci génère la stratification sociale et perpétue ainsi les inégalités se trouve dans la compréhension de la fonction, dans les sociétés modernes, de l’éducation.
2.2 La fonction de l’éducation
Comme mentionné dans mon travail de 2006, le niveau de réussite scolaire est le facteur le plus déterminant du niveau de succès, la mobilité dans l’échelle sociale et le statut économique et social. Cependant, j’aimerais également réitérer une fois de plus ma croyance, comme celle de Bourdieu, que l’un des facteurs principaux empêchant cette réussite se trouve dans la distribution inégale de capital social, culturel et économique. De plus, que l’éducation et la scolarité sont tout aussi importantes pour l’atteinte de cette réussite que le sont les ressources familiales.
L’un de ses arguments principaux, encore à être réfuter avec le temps, est la notion d’éducation comme « institution principale contrôlant l’allocation de statut et de privilège dans les sociétés contemporaines, offrant le premier contexte institutionnel pour la production, transmission et l’accumulation de diverses formes de capital culturel, et contribuant à la maintenance du système social non-égalitaire en permettant au capital culturel hérité d’influencer la réussite académique et la réalisation occupationnelle » (Swartz, 1997 in Simmons, 2006, p. 61). De plus, comme je l’ai mentionné auparavant, c’était une des causes premières de l’inégalité sociale et d’éducation entre les minorités et les non-minorités aux États-Unis 2. Ceci
est dû à trois fonctions distinctes de l’éducation qui ont elles-mêmes un impact direct sur le statut d’une personne sur le marché de l’emploi (Swartz, 1997 in Simmons, 2006, p. 62):
• La fonction de reproduction culturelle: la fonction de conserver, inculquer et consacrer un héritage culturel, qui est a fonction la plus « interne » et « essentielle » en ne fournissant pas uniquement une transmission de connaissances et aptitudes techniques mais aussi une socialisation aux traditions culturelles.
• La fonction de reproduction sociale: une fonction externe de reproduction de relations de classe sociale en renforçant plutôt que de redistribuer la distribution inégale de capital culturel.
• La fonction de légitimation: consacre l’héritage culturel transmit par le système d’éducation, détournant ainsi toute attention de la non-reconnaissance de sa fonction de reproduction sociale, tout en y contribuant.
La théorie de Bourdieu a ensuite été soutenue par le travail de sociologues tels que Floya Anthias qui, au travers d’une étude sur les immigrants grecs aux États-Unis, trouva que les ressources et attitudes culturelles avaient un impact direct sur l’assimilation, leur niveau de réussite scolaire et l’amélioration de leur statut social et économique qui résulte après la migration (Anthias, 1992). De même, les sociologues Ivan Light et Steven Gold ont découvert dans leur recherche sur les économies ethniques aux États-Unis que les ressources culturelles et ethniques avaient un impact direct sur les minorités académiques (2000).
Bourdieu a aussi tenté de déconstruire les caractéristiques structurelles du système éducatif comme le curriculum, la pédagogie et l’évaluation et la manière dont elles servaient à maintenir le statut quo en privilégiant une culture plus qu’une autre (Swartz, 1997 in Simmons, 2006 p. 64). Pour ce faire, il examina comment l’impact de facteurs tels que le contexte de classe sont arbitrées à travers l’éducation à l’école, ce qu’il considéra comme influençant nos choix ; par exemple, l’étude des lettres, pour laquelle une « conscience culturelle générale et un style de langage raffiné et élégant » est exigée, comme la connaissance de Shakespeare et Donne dans la littérature anglaise ou de Michel-Ange dans l’histoire de l’art ou comment parler l’anglais standard. En outre, plus le niveau d’éducation est élevé, plus ces différences sont réduites parce qu’il était plus difficile pour les personnes désavantagées depuis le début d’obtenir un niveau de connaissance sociale et culturelle à la hauteur de leurs collègues plus avantagés en grimpant l’échelle culturelle et sociale. De plus, Bourdieu croyait que parce que « le système éducatif inculque un système de classification cognitive largement utilisé et qui renforce les distinctions sociales », ces distinctions sociales et académiques se sont consacrées chez l’individu ainsi que le système lui-même, créant ainsi un « habitus » intellectuel nouvellement organisé qui, tout en promettant des opportunités égales basées sur le mérite, a en réalité détourné ces opportunités au travers de la distribution inégale des privilèges culturels (Swartz, 1997 in Simmons, 2006, p. 64). Ceci nous amène à la seconde et troisième fonction de
l’éducation: la légitimation des inégalités et sa reproduction sociale à l’intérieur même du système scolaire. Son quatrième et dernier argument sur la fonction de l’éducation était l’idée que notre contexte culturel informe nos décisions de stratégie d’éducation que l’on souhaite entreprendre et que « les enjeux d’éducation ne sont pas les mêmes pour tout le monde ; le plus grand bénéficiaire de la méritocratie scolaire en expansion n’est pas le capital, comme les marxistes l’argumenterait, mais les plus riches en capital culturel, notamment, les professions » (Bourdieu, 1997 in Simmons, 2006 p. 64).Bourdieu voyait aussi le langage comme un symbole de pouvoir, un moyen pour assurer la dominance d’une culture sur une autre3
.
D’autres études, comme celles faites par DiMaggio (1982), DiMaggio et Mohr (1985), Cookson et Persell (1985), Lareau (1987) se sont focalisées « exclusivement sur les institutions d’éducation, la scolarité des élites, et la relation entre la maison et l’école » pour soutenir ces arguments et idées. DiMaggio, par exemple, a découvert que le montant de capital culturel détenu avait souvent un effet sur les notes obtenues à l’école, alors que d’autres études ont indiqué que cela avait également une influence sur le degré de présence et l’achèvement des études, alors que d’autres ont indiqué également que « la race, et dans une moindre mesure, l’ethnicité, (avaient) un effet négatif sur le consensus culturel » (Lamont et Lareau, 1988 in Simmons, 2006 p. 64). C’est la base de cet argument, avec les conclusions de Pierre Bourdieu, qui serviront de fondation pour ma recherche sur le phénomène d’inégalité devant l’éducation en Suisse et ses causes.
3 Aux États-Unis, par exemple, la problématique de l’utilisation de l’anglais non-standard par rapport à l’anglais standard est reflétée dans les discours sur la faible performance académique des minorités et
3. Problématique
“La question des inégalités sociales face à l’école est importante dans tous les pays démocratiques.” – Marie Duru-Bellat
3.1 La problématique aux États-Unis
Pour commencer, il est important de comprendre les outils et mécanismes tels que la race, l’ethnicité ou la culture à travers lesquels les individus sont stratifiés dans la société. Comme mentionné dans mon travail précédent, le concept de race peut être considéré comme « n’importe quelle division traditionnelle du genre humain, les plus fréquentes étant les Caucasiens, Mongoliens et les Noirs, caractérisées par des attributs physiques supposément distincts et universels » où l’ethnicité est devenue fondamentalement classifiée comme « des traits, contexte, allégeance ou association ethniques » et ethnique comme « se rapportant à ou caractéristique d’un peuple, spécialement un groupe partageant une culture, religion, langage etc. communs et distincts » (Webster, 1996, p. 665).A nouveau, cependant, alors que les deux concepts sont souvent superposés et tendent à s’entremêler, il convient d’être très clair que la distinction exacte entre les deux comprend deux facteurs essentiels: la culture et l’identité.
Comme indiqué dans mes études initiales, le concept traditionnel d’ethnicité était basé sur la théorie de Max Weber où l’ethnicité impliquait « tous les groupes humains qui entretiennent une croyance subjective en leur descendance commune à cause de similitudes de type physique ou de coutumes ou les deux, ou à cause de souvenirs de colonisation et de migration » et donc basée sur la croyance que (Cornell et Hartmann, 1998, in Simmons 2006, pp. 23-24):
• Les attachements ethniques proviennent à la fois de descendance réelle et présumée et les liens de sang.
• Les groupes ethniques partagent la supposition que la descendance commune est moins importante que la croyance en la descendance commune.
communauté.
La race, par contre, tend à être perçue comme (Cornell et Hartmann, 1988 in Simmons, 2006, p. 24) :
• Les différences physiques plutôt que la descendance commune supposée. • Toujours attribuée par d’autres plutôt qu’attribuée par d’autres ainsi que par
soi-même.
• Reflète typiquement les relations de pouvoir, alors que l’ethnicité peut-être pas du tout.
• Signifie des différences intrinsèques dans la valeur.
• Est construite par les autres versus construite par soi-même et les autres.
Par conséquent comme la race, par exemple, est normalement stigmatisée, perçue comme une marque de différence, un aspect négatif dans la construction de l’identité, l’ethnicité, selon Weber, était considérée comme une ‘construction’ positive dans son insinuation d’une allégeance volontaire à certaines normes de comportement, pensées, valeurs et croyances basées sur « un sens fort des racines et de l’appartenance » (Simmons, 2006, pp. 22-23). Cependant, comme mentionné en 2006, la communauté peut être autant un facteur négatif que la race si elle conduit à la résistance de l’assimilation et ainsi à « l’atteinte du succès, du pouvoir et des ressources en capital, à la fois académiques et sociales » ; c’est ce qui explique, je pense, pourquoi aux États-Unis certains groupes avec des identités ethniques particulièrement fortes, tels que les Hispaniques, ont eu des résultats académiques aussi faibles que les Afro-Américains, uniquement désavantagés par les préjugés subis contre eux en tant que race (Simmons, 2006, p. 25). En effet, ce que j’ai découvert est qu’avec l’exception de la culture asiatique, qui était considérée comme bien assimilée dans le système éducatif et social aux États-Unis, il y avait souvent peu de différence dans le niveau de réussite sociale, économique et éducatif entre les deux groupes. En termes de performance scolaire des minorités aux États-Unis, par exemple, les Asiatiques obtenaient les meilleurs scores aux examens nationaux, alors que les Hispaniques et les Noirs étaient statistiquement classés parmi les moins bons.
Un facteur que Bourdieu affirme comme important est la question de la langue. Beaucoup d’Afro-Américains, par exemple, parlent un dialecte qui n’est pas conforme à l’anglais standard et ceci, d’après Bourdieu, est un aspect à ne pas négliger; selon lui « la relation dialectique entre le système scolaire et le marché du travail – où, plus précisément, entre l’unification du marché de l’éducation (et linguistique), lié à l’introduction des qualifications éducatives valables au niveau national, indépendantes (du moins officiellement) des caractéristiques sociales ou régionales de leurs détenteurs, et l’unification du marché de l’emploi – joua le rôle le plus décisif dans la dévaluation des dialectes et l’établissement d’une nouvelle hiérarchie des pratiques linguistique »(Bourdieu, 1991, p. 48). Et ainsi, comme je l’ai argumenté alors et à nouveau aujourd’hui, qu’importe l’ethnicité ou la race, la transmission du langage standard est un devoir inhérent et implicite du système éducatif qui, comme argumenté dans le discours postcolonial, sert de moyen pour établir la domination d’une culture sur une autre, ou par conséquent, la stratification sociale de la société. Pour reprendre Bourdieu une fois de plus « dans le processus qui guide la construction, légitimation et l’imposition d’une langue officielle, le système éducatif joue un rôle décisif: « façonnement de similitudes dont cette communauté de conscience représente le ciment des branches de la nation » (Bourdieu, 1991, p. 49).
Les implications et l’importance de cette déclaration sont multiples. Tout d’abord, son rôle dans la compréhension de la manière dont elles conduisent à la stratification sociale et à la reproduction continuelle des inégalités dans la société. Deuxièmement, la question imposée de sa pertinence comme outil pour étudier l’impact de cette stratification et inégalités sur la distribution et le partage des ressources sociales, économiques et culturelles. Troisièmement, la manière dont elle aide à clarifier comment la stratification, les inégalités et la discrimination sont maintenues à travers l’éducation et les institutions d’éducation de la société, étant donné que l’éducation, la problématique de la race, de l’ethnicité et de la stratification sociale vont bien trop souvent main dans la main4
.
4 Comme reflété, par exemple, par l’importance grandissante du mouvement vers “l’inter-
culturalisme” en Suisse et le curriculum “anti-biaisé” ou “antiraciste” au Royaume-Uni et aux États-Unis, l’objectif desquels est de répondre au déséquilibre au sein du système éducatif et défier le biais qui existait auparavant contre les personnes socialement, ethniquement ou racialement désavantagées.
3.2 Inégalités devant l’éducation aux États-Unis
Comme mentionné dans la préface et le résumé, l’épicentre de ma recherche initiale était sur l’impact du No Child Left Behind Act et l’abolition de l’Affirmative Action sur le niveau de la réussite scolaire par les minorités aux États-Unis. Cependant, elle incluait non seulement les Afro-Américains, mais aussi les Latinos et les Asiatiques. Les questions posées étaient les suivantes:
• Est-ce que la réforme et l’expansion de l’éducation aux États-Unis ont fourni un système éducatif plus égalitaire et de plus grandes opportunités d’éducation pour les minorités ?
• Si non, quelles raisons peuvent être attribuées à la continuation de la problématique ?
Chose non étonnante, la réponse à la première question était non. La deuxième, comme mentionné dans mon article, était plus difficile à répondre et donc reformulée de la manière suivante:
• Est-ce que les niveaux de réussite scolaire et de performance académique dépendent de facteurs individuels comme la race, l’ethnicité, la culture et les ressources économiques ?
• Si oui, est-ce que les inégalités dans le système éducatif peuvent être expliquées à travers la théorie du capital humain proposée par le sociologue français Pierre Bourdieu ?
Mes trois hypothèses principales étaient que :
• Le fossé éducatif entre les minorités et les non-minorités n’avait pas diminué en Floride et aux États-Unis, malgré les efforts de la réforme scolaire comme dans le Plan Équité dans l’Éducation A+ (Equity in Education A+ Plan). • N’importe quelle diminution de disparité entre les minorités et les
non-minorités serait celles partageant le même statut économique et social.
• Les femmes des minorités sont plus performantes que les hommes des minorités.
Initialement, le Plan Équité dans l’Éducation A+ pour la Floride semblait avoir du succès. Comme je l’ai constaté à travers ma recherche, le nombre d’étudiants pour la Floride avec ou au dessus de la moyenne du niveau des classes de la 3ème à la 10ème a augmenté de 46% à 53% en 2001, de 35% à 46% pour les Hispaniques et de 25% à 35% pour les Afro-Américains. Cependant, comme je l’avais soupçonné, malgré les améliorations générales dans la réussite scolaire des minorités, il y avait toujours un fossé significatif dans le niveau de réussite scolaire entre les minorités et les non-minorités. En examinant de plus près les variables telles que l’augmentation des opportunités éducatives (indiquées par le nombre de minorités aux cours IB et AP et prenant les examens AP et ayant des scores SAT et ACT élevés) et le niveau de réussite scolaire (par exemple le taux d’obtention de diplômes et d’inscriptions aux études supérieures), il était possible d’attester, bien au contraire, que le Plan Une Floride Équité dans l’Éducation A+ (One Florida Equity in Education A+ Plan) avait en réalité échoué en ce qui concerne le resserrement du fossé de réussite.
Les données dans mon étude initiale montraient que:
• Il n’y avait pas de diminution significative dans la disparité générale de la réussite scolaire entre les minorités et les non-minorités malgré l’amélioration relative du taux de réussite académique moyen des minorités.
• L’amélioration de la performance académique des minorités était essentiellement au niveau le plus bas et puis semblait diminuer à nouveau au niveau post-obligatoire, ce qui soutenait ma première hypothèse qu’il n’y avait pas de diminution du fossé éducationnel malgré les améliorations en termes de performance et n’était donc pas un indicateur adéquat de la disparité en baisse. • Les statistiques nationales, de l’état et du district ont également indiqué qu’il n’y avait pas eu de diminution réelle du fossé d’opportunité éducative, et ont aussi confirmé mon deuxième argument, même s’il y avait moins de différence entre les minorités et les non-minorités de la même classe économique et statut social que ceux de milieux différents, comme proposé dans le troisième.
De plus, selon des études plus récentes, cette disparité se poursuit malgré les efforts continus de la part du gouvernement des États-Unis. Par exemple, d’après le Centre
National Américain pour les Statistiques de l’Éducation (August 2015):
1. En ce qui concerne le pourcentage des minorités dans une école, la réussite pour les Noirs comme pour les Blancs était plus bas dans les institutions à forte densité d’étudiants noirs que dans les institutions avec la plus faible densité de Noirs.
2. Lorsque l’on prend en compte le statut socio-économique et d’autres caractéristiques des étudiants, d’enseignants et d’écoles:
• Le taux de réussite des étudiants blancs dans les écoles avec la plus haute densité d’étudiants noirs ne change pas par rapport au taux de réussite des Blancs dans les écoles avec la plus faible densité.
• Pour les étudiants afro-américains en général, et les hommes afro-américains en particulier, le taux de réussite était plus bas dans les écoles à plus haute densité que dans celles avec la plus faible densité.
• Le fossé de réussite entre les minorités raciales et ethniques et le fossé de réussite caucasien était plus grand dans les écoles à plus forte densité que dans les écoles à plus faible densité.
• Le fossé de réussite Noirs-Blancs par genre était plus grand dans les écoles à plus haute densité que dans les écoles à plus faible densité pour les hommes mais pas pour les femmes.
3. Concernant les différences entre les écoles individuelles et les ressources des écoles:
• Sur le plan national et dans la plupart des états examinés, le segment de fossé de réussite Noirs-Blancs attribué aux différences de réussite intra-école était plus grand que le segment attribué aux différences inter-écoles.
• Il y avait, cependant, un segment du fossé qui ne pouvait pas être clairement attribué soit aux différences intra, soit aux différences inter-écoles uniquement. Ce segment était qualifié de « indéterminé ».
3.3 La Politique de l’Éducation en Suisse
L’égalité devant l’éducation est un problème aussi important en Suisse qu’il en est dit de l’être aux États-Unis. A une conférence tenue le 12 janvier 2016 dans le Canton de Vaud, par exemple, Céline Erhwein Nihan, Députée au Grand Conseil, professeur d’étique et responsable Égalité des chances à la HEIG-VD (Haute École d'Ingénierie et de Gestion du Canton de Vaud) a déclaré que « la loi garantit à tout enfant le droit à la formation. Ceci vaut également bien évidemment pour les jeunes migrants. Cependant, avant d’intégrer les structures de formation traditionnelles, ces derniers doivent pouvoir se mettre à niveau » (Nihan, 2016). A cette fin, elle a ensuite demandé une augmentation des ressources pour les jeunes migrants en Suisse afin (Nihan, 2016):
• D’augmenter le nombre des classes d’accueil et des autres cours destinés aux jeunes migrants.
• D’adapter les formations existantes, voire de développer de nouvelles formations, de façon à pouvoir répondre au mieux aux besoins spécifiques des jeunes migrants.
« Malheureusement, il ne suffit pas de décréter l’égalité des chances pour qu’elle se réalise », a-t-elle dit également et ceci, selon moi, est l’une de ses déclarations les plus pertinentes et importantes (Nihan, 2016). Tout comme aux États-Unis, cette croyance inclut la construction de politiques d’éducation tant au niveau national qu’au niveau cantonal qui sont sensées assurer la même « égalité des chances de formation » à tous ses jeunes citoyens, quelle que soit la race, l’ethnicité, la religion, le langage ou la culture.
La déclaration de la conférence inter-cantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP) relative aux finalités et objectifs de l’École publique et d’instruction, par exemple, a établi les finalités suivantes pour le système scolaire public du canton (Beguin et Boillat, 2003):
• La mission d’instruction et de transmission culturelle auprès de tous les élèves ainsi que l’assurance de la construction de connaissances et l’acquisition de
compétences permettant à chacun et chacune de développer ses potentialités de manière optimale.
• La mission d’éducation et de transmission des valeurs sociales.
• L’acquisition et le développement de compétences et de capacités générales.
De plus, elle fournit comme valeurs sous-jacentes aux institutions d’éducation suisses :
• Le respect de la personne.
• Les droits et devoirs de la personne humaine ainsi que les droits de l’enfant. • Le principe de l’éducabilité, qui suppose que chacun est en mesure
d’apprendre si les conditions lui sont favorables et que l’enseignant, l’élève et l’environnement y contribuent.
• Les principes de l’égalité et de l’équité, assurant à chaque élève les possibilités et moyens de formation correspondant à ses besoins.
• Affirme que la réflexion ainsi qu’un capital de connaissances sont nécessaires pour adopter des comportements adéquats et pour agir opportunément.
• Se préoccupe de susciter, d’alimenter et d’entretenir le goût d’apprendre. • Différencie ses démarches pédagogiques selon les dispositions intellectuelles
et affectives des élèves.
• Affirme que l’évaluation et indissociable de l’apprentissage en tant qu’instrument de la régulation du progrès de chaque élève.
Concernant la mission de l’école publique en générale, elle souligne les lignes de conduites suivantes:
• L’articulation entre l’instruction et l’éducation, de manière à permettre à l’élève de construire ses valeurs, éthiques et spirituelles, d’édifier son capital de connaissances et de développer ses compétences.
• Conduit de chaque élève au maximum de ses possibilités en élargissant ses intérêts, en renforçant sa motivation ainsi que sa responsabilité.
• Développement d’un climat assurant la cohérence de l’action des divers intervenants et favorisant la transmission des valeurs et l’acquisition de
• Le prend en compte et rend accessible la connaissance des fondements culturels, historiques et sociaux, y compris des cultures religieuses, afin de permettre à l’élève de comprendre sa propre origine et celle des autres, de saisir et d’apprécier la signification des traditions et le sens de valeurs diverses cohabitant dans la société dans laquelle il vit.
• Conception de l’établissement comme un lieu où l’élève est respecté quel que soit son âge, son origine et sa provenance et comme un espace où il fait l’apprentissage de la considération d’autrui, de ses enseignants et enseignantes et de ses camarades ; elle veille à ce qu’aucune tendance discriminatoire ne puisse jamais s’y développer.
Intéressante est la notion d’inter-culturalité, de respect pour les ensembles de valeurs distinctes, les croyances culturelles et le souhait pour une relation réciproquement bénéfique d’une part, ainsi que la transmission des valeurs nationales culturelles et sociales de l’autre, car c’est en ceci, à mon avis, que se trouve peut-être le conflit intrinsèque et, par conséquent, la continuité de la disparité dans l’éducation en Suisse, comme montré aux États-Unis. De plus, il y a sa notion d’éducation comme forme de « capital », ce qui correspond à la base de la théorie de Bourdieu.
En essence, s’il est vrai que l’éducation est une forme de capital culturel, comme l’affirme Bourdieu et les membres de la conférence dans le passage ci dessus, et si les institutions éducatives sont responsables de la transmission de ce capital et donc de la reproduction de l’inégalité sociale, économique et culturelle, il doit donc s’ensuivre que, comme exprimé par Erhwein Nihan, la description de l’inégalité et l’élimination de l’inégalité ne vont pas nécessairement de pair. En fait, que le seul moyen de le faire de manière permanente serait d’assurer l’accès au même niveau de capital économique, social et culturel à tous les individus quelle que soit leur situation sociale et économique réelle. A cette fin, le système éducatif serait dans ce cas requis de compenser ceux qui étaient plus désavantagés dans ces domaines que les autres, comme suggéré dans sa proposition. Ma question est de savoir s’il existe un agenda similaire en Suisse, et si oui, comment. Plus précisément, de quelle manière est-ce que le système éducatif suisse peut-il se dire activement engagé dans le combat contre les
inégalités, d’un point de vue pratique ainsi que théorique, au sein de son système éducatif5.
Malheureusement, alors qu’il s’agit d’un problème de recherche et de discussion de longue-date aux États-Unis, la plupart de la recherche effectuée sur la disparité éducative en Suisse s’est focalisée sur le genre, plutôt que sur les questions culturelles, raciales et ethniques. C’est seulement récemment que les études ont commencé à adresser le problème de l’existence de telles divergences dans la performance académique et le niveau de réussite scolaire entre les résidents suisses nationaux et non-nationaux et ont tenté de regarder certains des mêmes problèmes théoriques soulevés par Pierre Bourdieu et moi-même dans mon travail précédent. C’est vers ceci, donc, que je souhaite maintenant tourner mon attention.
Les questions avec lesquelles j’ai commencé ma recherche étaient: • L’inégalité éducative existe-t-elle en Suisse ?
• Si oui, est-ce une problématique de différence de contexte racial et ethnique, de statut socio-économique et d’accès au capital culturel et social et aux ressources économiques ou plutôt une problématique de curriculum et de structuration du système éducatif ?
• De quelle manière diffère-t-elle de et ressemble à la problématique aux États-Unis ?
En réponse, cependant, basées sur la théorie de Bourdieu, mes hypothèses étaient les suivantes:
• H1: L’inégalité dans le système éducatif et les niveaux de réussite et d’accomplissement scolaires est aussi prévalent en Suisse qu’elle ne l’est aux États-Unis.
5 Ici, je voudrais souligner une différence importante entre le système scolaire américain et celui de la
Suisse. Le premier facteur vital dont il faut se souvenir est la qualité de l’éducation publique secondaire en Suisse par rapport à celle aux États-Unis. Selon des études PISA (programme international pour le suivi des acquis des élèves), le système scolaire public Suisse, par exemple, est jugé supérieur que celui aux États-Unis. C’est pourquoi la plupart des étudiants suisses attend l’école publique quel que soit leur
• H2: Les origines ethniques et nationales ainsi que le milieu culturel et national ont un impact significatif sur le niveau de réussite et d’accomplissement scolaire.
• H3: En Suisse comme aux États-Unis, l’inégalité dans le système éducatif est causée par la disparité d’accès au capital culturel et social et aux ressources économiques.
Ces hypothèses ont été formées sur la base d’une expérience de dix ans en tant qu’enseignante à Zurich, Genève et Lausanne. Elle inclut, par exemple, la différence que j’ai commencé à percevoir dans le niveau de réussite et d’accomplissement scolaire de mes étudiants provenant d’un milieu migrant par rapport à ceux d’origine suisse. Quel que soit leur milieu ethnique ou racial et leur nationalité, il paraissait que les migrants de première génération n’étaient pas aussi performants à l’école et n’atteignaient pas un niveau de formation aussi élevé que les Suisses, bien que certains de mes étudiants migrants de deuxième génération semblaient avoir de meilleurs résultats académiques, être mieux intégrés et avoir des attentes plus élevées6
. Sachant qu’il ne s’agissait pas d’une question de leurs aptitudes académiques ou intellectuelles pour les premiers, j’ai commencé à questionner l’ampleur de l’impact qu’avait l’inégalité, dans la forme d’un manque d’accès aux ressources sociales, culturelles et économiques, sur leur performance et leurs attentes, et si l’inhabilité du système scolaire à compenser pour cette disparité soutenait la reproduction et la régénération d’une stratification sociale ancienne.
6 A Zurich, ceux originaires d’ex-Yougoslavie qui avaient migré en Suisse après la guerre avaient moins d’attentes de réussite académique supérieure que les Suisses. La majorité de mes étudiants à la Haute École pour l’Économie et l’Administration (Hochschule für Wirtschaft und Verwaltung) et au Gymnase littéraire (Literargymnasium) étaient suisses, par exemple, alors que ceux à l’École de Commerce (KV Schule) étaient des migrants.
3.4 L’Égalité des Chances devant l’Éducation en Suisse
3.4.1 Le Problème
En 2001, Markus Truniger a écrit un rapport intitulé « Promotion de la réussite scolaire et de l’égalité des chances en éducation » pour la conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique sur la question de l’inégalité dans le système publique scolaire suisse en réponse au débat sur le racisme et « l’hétérogénéité scolaire ». La préface du rapport contenait une déclaration importante: « alors qu’en 1998 on élaborait des propositions concrètes pour intégrer la pédagogie interculturelle dans la formation des enseignantes et enseignants, deux années plus tard, l’intérêt s’est porté surtout sur la promotion de la réussite scolaire et de l’égalité des chances en éducation, autrement dit sur le quotidien scolaire, du point de vue apprenant et enseignant » (2001, p. 5). Il donnait trois raisons. Tout d’abord, selon son rapport « les parents se plaignent d’une baisse – effective ou supposée – du niveau de performances dans les écoles accueillant une forte proportion d’élèves migrants »; deuxièmement, comme « les organisations d’enseignantes et enseignants laissent entendre que l’augmentation du phénomène de migration dans les années 90 fait qu’il est devenu plus difficile de s’acquitter de la mission d’intégration »; troisièmement, dû au fait que « il émane de la recherche en éducation qu’en Suisse également la composition sociale d’une classe influence le niveau moyen des performances des élèves : une très forte proportion d’enfants issus des couches sociales à faible niveau d’instruction et une forte proportion d’enfants de langue maternelle étrangère ont une incidence négative » (2001, p. 7-8).
Le fait que le sujet de l’inégalité au sein du système scolaire ait commencé à générer de plus en plus de polémique et soit devenu un sujet de débat sérieux tant au niveau national qu’au niveau cantonal, ainsi que parmi les éducateurs et les intellectuels, démontre l’énormité de la problématique. En 2008, par exemple, Isabelle Eichenberger a écrit: « en Suisse, la formation est devenue le pivot des inégalités. La société suisse ressemble de plus en plus aux autres et les inégalités de genre, de revenus ou de formation y ont la vie dure. Le rapport social 2008 conclut que la
la performance personnelle qu'on ne le pense car la formation est devenue le pivot des inégalités, en raison de la sélectivité de l'école » (2008). Il est plutôt intéressant de noter, cependant, en ce qui concerne l’angle de ma recherche et mes hypothèses théoriques, que ce que la plupart ont commencé à affirmer sont que les différences de niveaux de réussite et d’accomplissement scolaires ont moins à voir avec l’aptitude naturelle ou l’intelligence inhérente, mais plutôt avec la disparité dans la répartition du capital culturel et les différences économiques et sociales.
Dans une autre enquête pour le Fonds national suisse sur l’inégalité des chances dans la formation en Suisse, par exemple, le chercheur Rolf Becker déclare: « les enfants de migrants fournissent des résultats scolaires qui ne sont en moyenne pas inférieurs à ceux des écoliers suisses. Pourtant, ils se retrouvent sous-représentés dans les gymnases et les hautes écoles. Cette situation n'est pas due au fait que les enseignants ou l'école les discriminent, mais souvent à la faiblesse du bagage financier et culturel de leurs parents. A noter qu'il existe sur ce plan des différences importantes suivant les nationalités » (2011). Et dans son rapport sur la politique de formation (Bildungspolitik) pour le Syndicat suisse des Services Publics (SSP VPOD), L’école suisse reproduit les inégalités sociales, Johannes Gruber se réfère à la seconde enquête statistique conduite par le Fonds national suisse qui, en conséquence de l’étude, a trouvé « les causes du manque de succès des enfants issus de la migration dans le système éducatif suisse et arrive à la conclusion que ce problème n'est pas lié à une discrimination ciblée mais à des facteurs socio-économiques » (2012). Ceci est similaire à ce que Macleod a été capable d’affirmer sur la base de sa propre recherche sur les Brothers qui, malgré les différences dans leurs attitudes envers la probabilité de succès, ont fini par abandonner l’école pour rejoindre les Hallway Hangers.
Le taux d’abandon plus élevé des étudiants de milieu non-suisse, par exemple, a aussi été confirmé. Comme le dit Claudio Bolzman dans son article Suisse: jeunes issus de la migration: quel accès aux formations post obligatoires: « Concrètement on observe des inégalités entre jeunes étrangers ou d'origine étrangère et jeunes autochtones qui s'expriment, par exemple, à travers le fait que les premiers arrêtent plus souvent leur formation dès la fin de la scolarité obligatoire (OCDE-CERI, 1987) ou sont orientés plus fréquemment vers des formations courtes de type travail manuel, apprentissage
ou formation professionnelle (Borkowsky, 1991). Enfin, leur taux d'abandon en cours de formation professionnelle est plus élevé que celui des jeunes nationaux » (2008). En effet, il suffit de regarder les statistiques nationales récentes sur l’éducation pour comprendre la gravité du problème.
En 2014, l’Office fédéral de la statistique a conduit une enquête sur le niveau de formation. Ce qu’elle a montré tout d’abord concernant le niveau de réussite scolaire des migrants par rapport aux non-migrants était que plus d’étudiants suisses complétaient un diplôme académique secondaire que leurs homologues migrants, qui avaient un niveau plus élevé de diplômes secondaires professionnel7
. Deuxièmement, que ce groupe avait aussi le niveau d’éducation le plus élevé et les migrants le plus bas dans tous les cantons au niveau secondaire II et le plus élevé au niveau tertiaire8
. De plus, les statistiques sur le taux d’abandon prouvent que le nombre de Suisses terminant leur éducation secondaire est aussi bien plus élevé, et que plus d’enfants migrants quittent l’école sans recevoir de diplôme9
. En outre, en ce qui concerne la participation dans la formation continue non-formelle, le pourcentage de Suisses était plus significatif que celui des migrants10
. Dans l’ensemble, il y a par conséquent une disparité claire dans la performance, la réussite et l’accomplissement scolaire entre les enfants migrants et non-migrants. La question qui demeure, cependant, est si une forme inhérente de stratification au sein du système éducatif lui-même est à accuser, dans la mesure de son manque d’aide aux personnes désavantagées, ou s’il s’agit de facteurs plutôt individuels comme les attentes, les circonstances familiales, l’origine, et les attentes culturelles.
3.4.2 La théorie: la reproduction de la stratification sociale dans l’éducation et la théorie du capital humain de Pierre Bourdieu
Comme présenté dans la section précédente par les éducateurs comme par les politiciens, une des causes principales de l’inégalité devant l’éducation en Suisse semble être la disparité dans la répartition du capital social et culturel ainsi que les ressources économiques, ce qui soutient tant la théorie de Bourdieu que l’hypothèse originale de 2006 sur l’inégalité devant l’éducation aux États-Unis et aujourd’hui. Beaucoup d’autres études confirment ceci également. Par exemple, Jean Moreau travaille sur les compétences et contexte des élèves vaudois suivant l’enquête PISA de 2003, dans laquelle il a pu constater (2007, pp. 115-119) :
• L’influence de différentes caractéristiques de l’élève sur l’orientation de leurs études.
• Que l’appartenance à une filière détermine dans une grande mesure la performance des élèves et que ces mêmes facteurs ont donc un impact sur les acquisitions des élèves à travers leur orientation.
• Que le contexte socioéconomique de la famille et la langue parlée à la maison ont un poids important sur l’orientation des élèves et par la suite sur la filière (cf. Bourdieu).
• L’influence des ressources dont les élèves disposent dans leur environnement familial (...) favorisent certains élèves (....) et sont dépendantes dans une certaine mesure du niveau socio-économique de la famille, mais se distinguent par une influence spécifique (cf. Bourdieu).
• L’importance du soutien du maître et les conditions en classe.
• L’attitude, les motivations et stratégies d’apprentissage des élèves et les élèves déclarant être effrayés par ce domaine sont ceux qui obtiennent les moins bons résultats.
• Que les images que les élèves ont d’eux-mêmes sont le reflet des évaluations scolaires et que leur influence sur la performance aux examens est indissociable.
• Le niveau de formation des parents des élèves non-suisses est moins élevé que celui des élèves suisses dans la plupart des cantons. En plus, le sentiment
d’efficacité des élèves non-suisses est moindre que celui des élèves nés en Suisse.11
• L’accès à certaines ressources (éducatives et informatiques) dans la famille dépend de l’origine nationale (cf. Bourdieu).
• Le contexte économique de la famille détermine l’accès à des ressources éducatives et informatiques à la maison. Le niveau de formation des parents d’élèves est lié au niveau socioéconomique de la famille. Néanmoins, les élèves de milieux défavorisés sont plus positifs que leurs camarades par rapport à l’école et l’investissement du maître (cf. Macleod).
Une autre étude par Thomas Meyer intitulée « Parcours de formation et inégalités: L’apport de l’enquête longitudinale TREE (Transitions de l’École à l’Emploi) », basée sur la théorie du capital humain de Bourdieu et sa reproduction également, découvre que pour les migrants, cette étude souligne l’influence qu’ont la stratification sociale précoce et la disparité dans l’éducation sur l’emploi par la suite (2011):
• Taux très élevé de trajectoires discontinues, pratiquement la moitié (cf. Macleod).
• Risque en soi de discontinuités observées pour la réussite des parcours de formation post-obligatoires (cf. Macleod).
• Rôle décisif de l’origine sociale et socio-spatiale dans la réussite formative post-obligatoire (cf. Bourdieu).
• Entrée sur le marché du travail plus difficile.
Ces études créent un lien irréfutable entre le milieu racial, ethnique et culturel d’un individu et la théorie de Bourdieu de l’impact du statut social et économique, le capital social et culturel, et les ressources économiques sur la performance académique, la réussite scolaire et le niveau d’accomplissement éducatif. La différence entre la Suisse et l’Amérique, cependant, est qu’en Suisse, ceci semble être lié à l’augmentation récente de l’immigration12
3.4.3 Solutions
Lors d’un forum en 2008 sur la thématique « Familles – Éducation – Formation » et la question de « l’inégalité devant la formation », Andrea Lanfranchini résume le problème de manière exceptionnelle en soulignant quatre causes principales (2008):
• Le rôle central de la famille: mesuré en termes de formation, de revenus et de bagage culturel, se révèle dans presque toutes les études comparatives menées au plan national ou international, et exerce une influence considérable sur les résultats scolaires. La réussite d’un système d’éducation et de formation se mesure à sa capacité, d’abord, de stimuler spécialement les enfants issus de familles socio économiquement défavorisées et, ensuite, de faire en sorte que la population à risque – autrement dit les jeunes auxquels les lacunes dans leur formation de base rendent difficile le passage de l’école obligatoire au monde du travail – reste très faible en nombre (cf. Bourdieu). • L’encouragement précoce: l’encouragement optimal des enfants, quelle que
soit leur origine sociale et culturelle, qui dépend bien davantage des investissements réalisés dès le début, c’est-à-dire dès la naissance, ainsi que d’une interaction réussie entre institutions et parents dans le sens de partenariats d’éducation et de formation: (1) avant même leur entrée dans le système, tous les enfants doivent être préparés pour que leur parcours scolaire soit une réussite ; (2) pour presque tous les enfants, il est préférable de suivre les classes ordinaires ; (3) la meilleure façon de permettre aux écoles de réduire cette inégalité des chances est de renforcer leurs compétences et de les laisser prendre une plus grande responsabilité dans l’encouragement optimal de tous les enfants (cf. Bourdieu).
• Les inégalités primaires et secondaires: les « inégalités sociales primaires», qui forment les obstacles résultant de faiblesses congénitales ou du manque de soutien au sein de la famille, et « inégalités sociales secondaires » ceux qui partent d’une discrimination motivée par des caractéristiques personnelles et les secondes qui se manifestent surtout aux points d’intersection du système éducatif, par exemple lorsque des décisions d’orientation pour des enfants aux résultats scolaires semblables sont prises en fonction de l’origine sociale de la
famille. Si l’élimination des inégalités sociales secondaires est un objectif incontesté de l’école obligatoire, la neutralisation des inégalités sociales primaires est une exigence qu’elle pourra difficilement satisfaire. Il serait probablement plus aisé de mener une discussion objective sur l’inégalité des chances en matière de formation en recourant au concept moins lourdement connoté de « formation équitable » (cf. Bourdieu).
• Des points de départs différents: les inégalités sociales primaires sont très prononcées. Au début de leur scolarité, les enfants issus de familles socio économiquement privilégiées savent déjà mieux lire et compter, et surtout disposent d’un meilleur vocabulaire, dans la langue d’enseignement, que les enfants de familles socio économiquement défavorisées. Ils ont à la maison beaucoup plus de livres, un endroit tranquille pour apprendre et l’accès à Internet. Tout cela est lié avant tout au contexte du foyer familial: si les parents manquent de temps ou d’argent, les ressources éducatives, culturelles et sociales sont moindres également (cf. Bourdieu).
Lanfranchini tente non seulement d’identifier les problèmes, mais également de fournir des solutions pratiques pour chaque problème, comme démontré ci-dessous (2008):
• L’éducation de 0 à 6 ans: un débat public à mieux prendre conscience aux parents de toute l’importance du rôle que la famille joue dans le succès scolaire.
• La mission éducative des structures extra-familiales et parascolaires: une structure extrafamiliale ou parascolaire qui reprend la partie de la famille qui ne parvient pas à remplir comme il convient sa mission importante.
• Stimulation des compétences linguistiques: pour les enfants issus de la migration, la stimulation de la langue maternelle par des professionnels, dans des cours de langue et de culture d’origine.
• Formes d’enseignement intégré: de dissocier l’examen final et l’évaluation des filières du degré secondaire I afin de revaloriser le degré secondaire I,
• Garantie de la qualité de l’enseignement: accorder des compétences accrues et assumer la responsabilité d’un bon enseignement comme des acquis scolaires des élèves.
Il conclut en soulignant tant la négligence d’efforts précédents au niveau cantonal et national en Suisse afin d’adresser de manière adéquate le problème ainsi que la conséquence de leur continuité de le faire en affirmant ce qui est devenu bien trop évident lors des débats récents sur ce thème, « les débats publics sur la politique de la formation ont trop négligé jusqu’ici un aspect que la recherche connaît depuis longtemps: les processus de formation qui se déroulent en tout premier lieu au sein de la famille. C’est là que les enfants acquièrent les aptitudes émotionnelles, motivationnelles et cognitives qui leur serviront ensuite pour l’apprentissage scolaire. Voilà pourquoi nous ne nous rapprocherons d’une formation équitable à l’école obligatoire que si nous commençons par aider les familles à apporter la contribution essentielle qui est la leur. Il faut des mesures de politique familiale telles que celles que la Commission fédérale de coordination pour les questions familiales motive, promeut et réclame dans ses lignes stratégiques 2010 » (2008). Bien que ce ne soit qu’un argument parmi tant d’autres, il est néanmoins nécessaire dans le discours actuel sur la problématique continue de l’inégalité devant l’éducation, et représente peut-être une façon de commencer à progresser vers son élimination.
4. Conclusion
« La lutte contre les discriminations à l’école n’est devenue une préoccupation politique que récemment et s’inscrit dans une prise de conscience grandissante au niveau des instances internationales et européennes en particulier. » – Rémi Thibert
L’existence de l’inégalité devant l’éducation et la discrimination et le désir de l’éliminer est un des facteurs principaux derrière la réforme de l’éducation en Europe comme aux États-Unis. Malgré ces efforts, cependant, la problématique existe encore. Une des raisons est que les causes sont aussi complexes que les solutions elles-mêmes. Une autre est le fait que les inégalités économiques et les disparités sociales font, comme le dit Bourdieu, partie inhérente de notre système social. Éradiquer l’inégalité devant l’éducation signifierait donc éradiquer l’inégalité au sein de la société qui, comme démontré par l’histoire, semble demeurer une tâche impossible.
Cependant, parler uniquement de disparité ne va pas aider à résoudre le problème. Plutôt, ce que les institutions d’éducation devraient faire est chercher activement à diminuer ces anomalies à travers la redistribution des ressources culturelles, sociales et économiques disponibles à ses étudiants désavantagés. Dans un sens pratique, ceci doit être entrepris non seulement en se focalisant sur l’assurance de « l’inter-culturalité » des études éducatives, mais aussi à travers la mise en œuvre de mesures telles que le soutien scolaire et académique, l’aide financière et les conseils éducatifs, à travers lesquels j’entends de sensibiliser les étudiants sur les possibilités d’éducation supplémentaires. Ceci est particulièrement pertinent, selon moi, pour ceux en Suisse et aux États-Unis qui, comme indiqué si intelligemment par MacLeod dans sa propre étude, ne manquent pas de volonté de chercher leur développement personnel à travers les opportunités éducatives, mais plutôt des conseils nécessaires pour surmonter ce qu’ils perçoivent correctement comme des désavantages auxquels ils font face et les contraintes du systèmes13
. En d’autres termes, la disparité face à
13 Durant mes années d’enseignement à Zurich, Genève et Lausanne, ceci a été un des obstacles clés
l’accès au capital culturel et social nécessaire pour la diminution des effets de la stratification sociale représente le problème clé.
En réponse à mes trois questions initiales ainsi qu’à mes hypothèses concernant l’existence de l’inégalité devant l’éducation en Suisse, la réponse est oui. De plus, ce qui était autrefois un sujet tabou dans le discours national en est maintenant devenu un qui ne peut être évité. En référence à ma seconde question concernant l’impact de l’origine, la race et l’ethnicité et la culture, la réponse est oui, une fois de plus. Cependant, à la troisième question, à savoir si la situation diffère ou est similaire à la problématique aux États-Unis, on peut déclarer qu’il ne s’agit pas tant d’un problème de race ou de racisme, mais plutôt d’une distribution inégale de capital culturel et social et de ressources économiques entre migrants et non-migrants, ce qui a ensuite un fort impact sur l’éducation. L’échec du système scolaire, néanmoins, participe à la continuation de la stratification sociale.
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Lanfranchini, Andrea. (2008). L’inégalité devant la formation. Forum Questions Familiales “Familles – Éducation – Formation”.- 2008- 26 juin, 2008, Kursal Bern