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De l’apprentissage de la philosophie à la pratique du philosopher. (Le modèle didactique du philosopher de Michel Tozzi)

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Texte intégral

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EducRecherche Volume 5 N° 1 Année 2015 __________________________________________________________________________

De l’apprentissage de la philosophie à la pratique du philosopher.

(Le modèle didactique du philosopher de Michel Tozzi)1

El Kaissa Hamrouni Fodil2 From Philosophy Learning to the Practice of Philosophising

Abstract:

Ethymologically, philosophy derives from « philô », love, and « sophia », wisdom, or knowledge. That is, love of knowledge, or of love of wisdom. In this respect, it consists in a tension towards knowledge or wisdom one is seeking. As a research of truth, philosophy refers to the practice of maïeutics, such as found in Plato’s dialogues. Its didactics can therefore be taught in class, provided that students are trained to philosophize instead of learning philosophy. To reach this objective, Tozzi proposes a model labelled ‘the didactic triangle of philosophizing, which consists in :

1- Developing three basic interdependent competences in learners which are : the ability to problematize, the ability to conceptualize, and the ability to build an argumentation

2- Implementing these basic abilities to philosophize corresponding to three competences to be acquired by students, and which are :

a)- writing philosophically (learning to write a dissertation) ; reading philosophically ; discussing philosophically.

Philosophy is the expression of one of the finest forms human culture aiming at rationalization and universality, and as such, it deserves amply to be taught in schools. Yet, its teaching ought not to be the delivery of content, but the practice of philosophising whose ultimate end would be to help students emerge from ignorance, to question themselves on problematic issues, and help them refine their judgements.

Keywords :

Philosophising – didactics – problematize – competence – argumentation.

Cette contribution se propose de traiter la question de savoir si une réflexion didactique d’une discipline d’excellence qu’est la philosophie est possible. Et, dans une perspective d’apprentissage du philosopher, il nous semble judicieux de nous interroger à l’instar du philosophe Emmanuel Kant à propos de celle-ci, pour savoir si la philosophie est possible comme didactique.

L’intervention se fera à partir de deux hypothèses qui semblent devoir nous renseigner dans un premier temps si " la didactique de la philosophie est elle-même philosophique ", pour tenter

1 . Article relu et corrigé par son auteure

2. Professeure Formateure de philosophie, Université Alger 2

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de démontrer, en se basant sur le modèle didactique triangulaire que propose Michel TOZZI ensuite, que la didactique de la pratique du philosopher est non seulement possible, mais absolument nécessaire. Ce didacticien français nous présente une philosophie curieuse des autres savoirs scientifiques (disciplines) et l’introduit dans des espaces autres que la classe, comme les cafés-philosophiques et les centres de formation professionnelle où l’on enseigne des métiers qui font appel plus aux habiletés pratiques qu’à une intelligence théorique censée leur garantir un cursus académique prometteur.

Définition de la philosophie

S’il est vrai que la philosophie se distingue des autres disciplines par son objet d’étude, par sa méthode ainsi que par sa finalité, et s’il est tout aussi vrai qu’elle a la réputation d’être floue, abstraite, difficile et loin de la réalité dans laquelle nous vivons, il n’en demeure pas moins vrai qu’elle est, en tant que mère des sciences une épistémè (savoir des savoirs). Cette notion reprise par Michel Foucault dans son livre intitulé « les mots et les choses » désigne l’ensemble des rapports entre des sciences, des positivités, des figures épistémologiques et des pratiques discursives (Larousse), ou encore l’ensemble des différentes activités scientifiques qu’Edmond Husserl oppose à la doxa et qui fait d’elle un savoir constituant : l’âme, la force vitale, ou le dynamisme de tout savoir.

La philosophie est une pensée critique, méthodique, rigoureuse et cohérente (Système de pensée platonicien, cartésien, kantien……), en quête de vérité. Ainsi, pour savoir si une didactique de la philosophie est possible, il faut préalablement comprendre ce qu'est la philosophie.

Étymologiquement, le mot ‘philosophie’ dérive du grec ancien composé de deux autres mots:

philo ‘aimer’ et sophia ‘sagesse ou savoir’, ce qui veut dire littéralement ‘amour du savoir’ ou

‘amour de la sagesse’.

Les termes (philosophos) et (philosophein) apparaissent d’abord chez les penseurs présocratiques comme Héraclite et Pythagore ; mais aussi chez les penseurs contemporains de Socrate, comme Hérodote. En opposition à philo- hèdonos : ‘amour du plaisir’ d’une part et à philo-somatos : ‘amour du corps’, ainsi qu’à philo-nikos : ‘amour de la victoire’, Platon définit la philosophie comme philomathia c’est à dire "amour de la connaissance". En ce sens, elle est tension vers un savoir ou une sagesse que l'on ne possède pas, et elle relève d'un désir qui habite l’amoureux de la sagesse (le philosophe) d’une façon permanente.

Pour Platon, la philosophie est une pratique purement intellectuelle qui s'exerce dans la partie plus qu'humaine de l’être humain (le monde idéal) ou dans l’âme considérée par Socrate comme proprement intellectuelle, puisqu’elle peut contempler le savoir même après la mort (Procès de Socrate).

La philosophie en tant que recherche de la vérité, demeure cette pratique exercée par Socrate dans les dialogues de Platon (La maïeutique), et c’est elle qui détermine le type de recherche et le modèle de questionnement en quoi consiste encore aujourd'hui l’enseignement de cette discipline.

En ce sens, la philosophie peut-elle être le résultat d’un apprentissage ? Peut-elle aider au développement d’une habileté particulière chez les apprenants ? et donc peut-il y avoir une didactique de la philosophie ?

En d’autres termes, est-il possible donc d’enseigner une discipline dont les spécificités la distinguent non seulement des autres disciplines, mais qui souffre également d’une réputation de n’être qu’une somme d’idées métaphysiques, nous poussant loin de la réalité dans laquelle nous vivons. C’est ainsi qu’il lui est reproché d’être difficile, inaccessible pour les élèves, et quelquefois aussi pour les enseignants eux-mêmes, notamment les débutants.

Quant à la didactique de la philosophie, elle est non seulement possible, mais elle est absolument nécessaire parce qu’elle consiste à faciliter la transmission du savoir philosophique

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(P. Merieu) d’une part mais, et elle est aussi l’art ou la manière d’enseigner ses propres notions et sa propre histoire d’autre part.

Didactiser la philosophie : Plutôt apprendre à philosopher qu’apprendre la philosophie.

Interrogeant les conditions d’enseignement de la philosophie, le modèle didactique du philosopher que prône M. Tozzi diffère totalement des modèles didactiques de l’enseignement traditionnel qu’exprime par exemple, la position de Jacque Muglioni, et celle de Mmes Jacqueline Russ et Françoise Raffin qui fondent l’enseignement de la philosophie uniquement sur l’identité de cette discipline qui exige de l’enseignant d’être un philosophe faisant de son cours une œuvre philosophique garantissant la hauteur de sa pensée

En effet, l’approche didactique de Tozzi est caractérisée par un discours philosophique sur la philosophie. Centrée exclusivement sur la discipline philosophique, elle laisse croire que la philosophie se suffit à elle-même puisqu’elle constitue sa propre didactique. Mais ceci ne suppose-t-il pas que l’enseignement de la philosophie se passe de toute didactique ? Et là, la question se pose d’elle-même : la philosophie porte t’elle en son sein les bases de la didactique philosophique ? est-elle à elle-même sa propre pédagogie ?

Cette position privilégie l’idée que la philosophie est enseignante en soi : que l’enseignant de philosophie et le fonctionnement de l’esprit en cours de philosophie se passent des connaissances en psychologie, en sociologie, en histoire ou en littérature.

Sans négliger les sciences de l’éducation, et s’inspirant des travaux du Groupe Français de l’Education Nouvelle (GFEN), des théories socio- constructivistes de l’apprentissage

(

Burrhus SKINNER, Jean PIAGET, Lev VYGOTSKI

)

, ainsi que des théories de

l’énonciation en linguistique, comme aide à la structuration des connaissances et à construction du sens (Audin LINE et Emile BENVENISTE), M. Tozzi propose un nouveau modèle

didactique pour l’enseignement de la philosophie qui est celui de mettre l’apprenant en position de penser par lui-même. 1994).

M. Tozzi décrit le modèle didactique du philosopher qu’il a élaboré un sous une forme triangulaire, dont il dit qu’il ne s’agit pas d’apprendre la philosophie, mais d’apprendre à philosopher, parce que l’efficacité d’un enseignement philosophique pour lui ne se résume pas dans la simple transmission des savoirs, de poser à nouveau les problématiques déjà soulevées, ou des arguments avancés par les différentes théories que les philosophes ont légué à l’humanité depuis l’antiquité à nos jours, mais se centre sur les divers processus d’apprentissage des apprenants en classe et en dehors de la classe (cafés philosophiques). L’objet de l’apprentissage en philosophie selon lui consiste essentiellement à apprendre à philosopher au sens où l’enseignement de cette discipline doit aider les élèves à dépasser la doxa (ensemble des opinions reçues sans discussion, à développer leur intelligence et leur capacité d’abstraction, afin qu’ils puissent transcender la pensée commune en philosophant. Le philosopher comme processus de pensée, signifie donc pour M. Tozzi, aider les élèves à favoriser la rupture avec la banalité que produit le sens commun en les entrainant dans la réflexion philosophique profonde et rigoureuse

Il s’agit dans ce modèle didactique nommé « le triangle didactique du Philosopher », de privilégier la formation des compétences à la transmission des connaissances et propose de réaliser les objectifs qui sont :

1- Le développement de trois capacités de base chez l’apprenant qui sont : - La capacité à problématiser ;

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31 - la capacité à conceptualiser ;

- la capacité à argumenter.

2- La mobilisation de ces capacités de base du philosopher correspondant à trois compétences qu’il s’agit de faire acquérir aux apprenants afin qu’ils puissent :

a- lire philosophiquement: l’élève comprend en quoi un texte est philosophique en saisissant : les distinctions conceptuelles, la problématique soulevée par le texte et l’argumentation proposée par l’auteur du texte. Il est important de savoir lire philosophiquement, car cela permet à l’élève d’être impliqué par son enjeu philosophique, et lui offre la possibilité de savoir agir et réagir philosophiquement.

b- écrire philosophiquement : l’élève apprend à disserter et à avoir un discours cohérent et argumenté.

c- discuter philosophiquement : l’élève inscrit sa discussion philosophique dans les perspectives du socioconstructivisme, et porte en elle une finalité à la fois socialisante, démocratisante et citoyenne.

Les possibilités d’élaboration d’une didactique philosophique

Les éléments clés du modèle triangulaire de la pratique du philosopher qui sont : lire, écrire et discuter, permettent à Michel TOZZI de dégager trois conditions d’une didactique philosophique se référant aux trois pôles suivants :

o Un pôle interactionniste discussionnel : La discussion philosophique est une interaction verbale sociale sur des idées en langue naturelle, non en langage codifié univoque (comme en mathématiques). Elle implique une animation dans le groupe en discussion, crée une interaction entre les membres de ce même groupe et facilite les échanges cognitifs entre eux.

o Un pôle philosophique rationnel : le philosopher considéré comme démarche de réflexion donne à la discussion un caractère philosophique ; par la nature des questions qu’elle aborde, par l’implication de chacun comme personne qu’elle exige et enfin par l’exercice et l’usage partagés de de la raison au sein du groupe discussionnel en tant que communauté de recherche. Même si ce pôle accorde une grande importance aux exigences communicationnelles et démocratiques, il insiste sur les exigences intellectuelles particulièrement philosophiques

o Un pôle éthique communicationnel : la discussion philosophique implique une éthique qui traverse les pôles précédents. Elle repose sur les principes démocratiques d’une vie sociale communicationnelle comme le droit à l’expression, le respect de la divergence d’idées, comme elle repose également sur des valeurs morales et des exigences intellectuelles particulièrement philosophiques.

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32 En conclusion

Compte tenu de l’importance de la philosophie pour M. Tozzi, ce dernier va jusqu’à

proposer le développement de la réflexion philosophique hors de l’enseignement secondaire.

Son travail de recherche en didactique du philosopher a débouché sur :

- la mise en place d’un enseignement de la philosophie pour les enfants de l’école primaire;

- le développement d’une pratique de la discussion orale avec les enfants et les adolescents ;

- l’introduction du débat philosophique au profit les stagiaires des centres de formation professionnels

- la formation de praticiens de discussions en animant des discussions à visée philosophique dans les cafés philosophiques et les ateliers d’écriture regroupant toutes celles et ceux qui s’intéressent à la pensée et raisonnement philosophiques.

Doit-on continuer à enseigner la philosophie, plutôt le philosopher ?

Absolument, afin d’en finir avec les jugements négatifs et défaitistes sur la philosophie qui est une pensée exigeante et raffinée, et qui demeure l’une des plus hautes formes de la culture humaine. Grâce à sa visée de rationalisation, d’humanisation et d’universalisation, elle mérite largement d’être enseignée. Toutefois, l’enseigner ne consiste nullement à se contenter de délivrer un contenu (concepts, théories, doctrines et courants de pensée philosophiques), mais à pratiquer le philosopher dont la finalité est d’aider les élèves à sortir de leur ignorance, à se questionner sur ce qui fait problème, à les accompagner individuellement à organiser leur pensée et à développer leur jugement. Philosopher, c’est donc faire en sorte que les apprenants réalisent leurs objectifs et se réalisent en devenant eux-mêmes. Philosopher sert également à les encourager à développer une pensée personnelle, originale et autonome, et c’est vers cet idéal que devrait tendre la didactique de la philosophie.

Enfin, en tant que démarche rationnelle, la philosophie n’est pas seulement une façon de penser, de défendre ses positions, c’est aussi une façon de vivre et même de mourir (le Procès de Socrate). Quant à la didactique du philosopher, elle doit demeurer l’art d’aimer penser et de faire aimer penser.

Références bibliographiques

- Platon, apologie de Socrate, traduction, représentation et notes de Bernard Piettre et Renée Piettre. Librairie générale de France 1997. Ed. Le livre de poche, Libretti Espagne 2012, P.6.

- https://www.philitozzi.com/1996/09/michel-tozzi

- www.philotozzi.com sur la didactique de l’apprentissage du philosopher, Septembre 96, par J.C Pettier, université de Saint Jacques de Compostelle ; Espagne.

- M. Tozzi, Penser par soi-même, Initiation à la philosophie, Ed Chronique Sociale, Lyon, 1994.

Références

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