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Quelques considérations sur le rôle de l'Etat dans le domaine économique et social

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Quelques considérations sur le rôle de l'Etat dans le domaine économique et social

MECKENSTOCK, Charles

MECKENSTOCK, Charles. Quelques considérations sur le rôle de l'Etat dans le domaine économique et social . Thèse de doctorat : Univ. Genève, 1888, no. D. 244

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:26636

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:26636

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UNIVERSITÉ DE GENÈVE

QUELQUES CONSIDÉRATIONS

SUR LE

RÔLE DE L'ÉTAT

DANS LE

DOMAINE ÉCONOMIQUE ET SOCIAL

DISSERTATION

PRÉSENTÉE POUR L'OBTENTION DU TITRE DE DOCTEUR EN DROIT

PAR

C. MECKENSTOCK

Licencié en droit.

---~~~E8~~3~PP---

GENÈVE

IMPRIMERIE CHARLES SCHUCHARDT

1888

G ? ~-/{ Lf-4

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QUELQUES CONSIDÉRATIONS

SUR LE

ROLE DE L'ÉTAT

DANS LE

DOMAINE ECONOMIQUE ET SOCIAL

A V ANT-PROPOS.

Il ne faut chercher dans ce modeste travail ni disserta- tion systématique, ni vaste érudition, ni aperçus nouveaux .sur une question fort ancienne.

Attirer l'attention sur un point de vue trop négligé,

·esquisser les conséquences que l'on pourrait en tirer à la

·lumière des lois naturelles et des expériences humaines, tel était le but de l'auteur. Il a cherché à l'atteindre, .sans se faire d'illusions ni sur la grandeur du but, ni sur

la faiblesse des moyens dont il disposait.

Neuchâtel, avril1888.

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CHAPITRE I.

<< Une science, a dit J.-B. Say, ne fait de véritables

<< progrès que lorsqu'on est parvenu à bien déterminer le

<< champ où peuvent s'étendre ses recherches et l'objet

<< qu'elles doivent se proposer.)) Ce n'est certes pas tou-

jours chose aisée. Toute science touche à quelque autre par un de ses côtés, par son objet, par ses prémisses, ses pro- cédés ouson critère. Ils' agit de choisir dans une quantité de faits, ceux qui appartiennent à tel ou tel autre domaine, de distinguer soigneusement l'accessoire du principal et la cause de l'effet. Ce ne _peut guère être que l'œuvre du temps; lui seul permet d'établir avec une sûreté relative des divisions toujours un peu arbitraires et qui ne sau- raient prétendre à la rigueur d'un théorème.

Le domaine économique et le domaine social1, qui ont chacun leur science propre et leur art particulier, ont entre eux des rapports si étroits qu'il est plus difficile que jamais de les restreindre dans des limites définitives et certaines.

Il a déjà fallu des siècles pour que l'on en vînt à conce- voir l'abîme qui sépare l'économie politique, ce réseau de lois tirées de l'observation constante des phénomènes économiques, lois auxquelles chaque année nouvelle, cha- que expérience faite, donnent une autorité plus grande - et la politique, envisagée non comme l'activité et la vie d'un État, mais comme. la science des rapports qui existent

1 Nous prenons ici le mot social dans un sens restreint. Le do- maine économique n'est qu'une fraction du domaine social sensu lctto

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entre le gouvernement et le peuple et entre les gouverne- ments entre eux 1

La première cependant est tout entière fondée sur des faits, sur la nature des choses et les événements qui en résultent; elle repose sur les expériences qu'ont faites successivement tous les peuples et toutes les civilisations.

La seconde, par contre, cherche à asseoir ses doctrines sur quelques principes nuageUx qui n'ont d'autre avantage que de satisfaire en une certaine mesure les instincts de l'homme et de servir aux beaux raisonnements et aux grandes théories; la seule preuve de leur vérité que l'on puisse alléguer est leur antiquité.

Il est évident que, déjà dans les beaux jours des civili- sations antiques, les institutions politiques avaient une influence énorme et souvent néfaste sur l'économie des États. A Athènes, l'esclavage et le mépris du travail qu'il entraîne dans les classes élevées ont contribué pour leur part à la perte et à la dispersion des richesses qu'avaient amassées de longues périodes de gloire; d'un autre côté, la notion anti-économique du théorikon, la conception qui faisait du trésor public la bourse commune des citoyens, ont marqué fortement leur empreinte sur la constitution intérieure de l'État et ont hâté la fin de la prépondérance hellénique.

Ces relations, cette influence des faits appartenant au domaine économique sur ceux qui rentrent dans la poli- tique, ont pendant longtemps suffi à faire croire qu'une seule et même science présidait à tous. On croyait pouvoir émettre en principe qu'une mauvaise politique engendrait une situation économique fâcheuse, et qu'un progrès dans l'une amenait un progrès dans l'autre. La féodalité, ce triomphe du morcellement et de l'anarchie, n'a-t-elle

1 La politique est la science de l'État en général ou la doctrine des lois de développement de la vie publique, en tant qu'elle se manifeste dans des sociétés indépendantes pourvues d'une force coercitive naturelle et formées en vue d'une durée illimitée. (États).

(Roscher, Principes d'économie politique, I, 6.)

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7

point tari pour un temps les sources du commerce et de l'industrie et les progrès qu'ont faits ceux-ci dans ces der- niers siècles n'ont-ils pas puissamment contribué à

I:

éman- cipation politique des individus et au perfectionnement des relations internationales ?

Tout le XVIIIme siècle en était là. On ne songeait pas qu'un État dont la constitution politique serait la plus tyrannique et la moins conforme à nos principes modernes, peut être florissant, tandis que le désordre et la déchéance économique peuvent être l'apanage d'un peuple où règne la démocratie pure, l'idéal des gouvernements!

Ce fut Adam Smith (1723-1790) qui débarrassa le ter- rain de la foule d'utopies et de sophismes qui y régnaient depuis longtemps et qui circonscrit enfin d'une façon précise l'ac.tion de la science économique. Ses travaux ont servi de base à ceux de ses successeurs qui, profitant des expériences faites, en sont arrivés à toujours plus de pré- cision; l'on en est arTivé à définir l'économie politique :

« la science qui a pour objet la manière dont la richesse (( se produit, s'échange, se distribue et se consomme 1>>

Le domaine économique et le domaine social sont deux aujourd'hui et possèdent leurs sciences propres; il ne résulte pas de là qu'ils soient étrangers l'un à l'autre.

S'il est relativement facile de distinguer les ordres de faits divers qu'étudient l'Économie politique et la Poli- tique, la question se complique encore lorsqu'on tente de séparer la première de ce qu'on pourrait appeler la science sociale.

Toutes deux supposent une société organisée et ont pour objet définitif l'homme, intelligent et libre, et sa position relativement au monde qui l'entoure; les points de vue seuls sont difï"érents. Si donc nous ayions à poser des définitions - et, si ingrate que soit la tâche, nous n'oserions nous y soustraire au début de ce travail, - nous dirions :

1 o L'économie politique a pour domaine la production,

1 Ba udrillart, Mcm~tel d'Économie politiq~te.

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l'échange, la distribution et la consommation des richesses, et les lois qui y président. Elle ne regarde l'homme que comme producteur et consommateur, agent d'échange ou de distribution.

2° La science sociale a pour domaine la constitution de la société, tous les faits qui peuvent l'influencer et les lois auxquelles elle est soumise; elle n'étudie l'homme que comme l'unité d'un tout, soit dans ses rapports avec l'ensemble, soit dans ceux avec les autres co-unités.

Encore cette limitation n'est-elle que théorique; en pra- tique, un seul et même fait peut rentrer dans l'une ou l'autre classe, selon le point de vue auquel on se place.

Ainsi, une loi limitant la durée du travail des ouvriers dans une fabrique, appartient au domaine social en tant qu'elle modifie par sa protection la position d'une classe de citoyens à l'égard d'une autre, et elle ressort de la science économique en tant qu'elle influe sur la liberté de travail, sur la production et sur les lois de l'offre et de la demande.

Idéellement, on peut toujours décomposer ce fait en deux fractions dont chacune appartient à un domaine distinct. En outre, si les lois et les faits exclusivement politiques étendent leur action sur l'économie d'un pays, il en est de même des faits sociaux sur les faits écono- miques.

Il résulte de tout cela qu'il est presque impossible d'étu- dier ces deux domaines et ces deux sciences séparément;

partout l'on retombe de l'un dans l'autre, partout l'une vient au secours de l'autre.

Ce qu'il y a de commun à tous deux, c'est ce facteur : l'homme, qui, s'il ne crée pas, est un principe d'activité et de transformation, l'homme tel qu'il est, imparfait, libre et par conséquent responsable, perfectible et socia- ble; ce qui les distingue, c'est le domaine dans lequel cette activité se manifeste. L'homme travaille-t-il comme agent de production ou consomme-t-il, ille fait sous les lois éco- nomiques; son activité tend-elle à modifier la position qui lui est faite dans la société, elle est réglée par les lois sociales naturelles.

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Ce qui frappe à première vue, lorsqu'on considère le domaine économique et le domaine social, c'est l'anarchie apparente qui y règne, la lutte acharnée que s'y livrent des intérêts qui se croient opposés. Dans les phénomènes éco- nomiques surtout, où l'homme apparaît avec le désir légi- time de satisfaire à ses besoins ou bien avec sa cupidité et ses besoins de luxe, il semble que l'on assiste à un entre- déchirement. Travailleurs et capitalistes, producteurs et consommateurs, propriétaires et prolétaires, semblent vivre clans un perpétuel état de guerre; on paraît croire que la richesse de l'un fait la misère de l'autre.

Il est à remarquer que, si de nos jours et surtout depuis les éloquentes démonstrations de Bastiat, ce principe de la lutte des intérêts n'est plus guère soutenable, grâce aux progrès de la civilisation, il n'en a pas toujours été de même. Il est un antagonisme plus ou moins réel que peut seule créer une mauvaise organisation politique, reposant sur des préjugés ou sur la violence.

Il est certain qu'aux temps où l'esclavage était clans les mœurs des cités, où tout travail manuel était jugé indigne d'un citoyen et d'un homme libre et où cependant tous les honneurs et tous les droits compétaient à ces derniers, 1 'intérêt des· maîtres était en lutte ouverte avec celui des esclaves, celui des producteurs avec celui de la grande majorité des consommateurs. Mais c'étaient là des abus, des maladies sociales et économiques qui ne pouvaient résister aux années et qu'ont fatalement balayées les révo- lutions ou les évolutions.

Ce qui est demeuré de reste, ce qui semble inhérent à l'humanité, c'est la division toujours plus prononcée en capitaliste et ouvrier, fournisseur et consommateur. Ce sont là des classes de citoyens que ne pourront jamais fondre les mouvements politiques, ni détruire les actes législatifs. Nous aurons à voir plus loin si vraiment les intérêts qui s'agitent clans ces deux camps sont al_ltagoni- ques; mais ce qu'il y a d'évident, c'est que pour tout esprit superficiel, pour toute personne même qui ne s'est pas appliquée à rechercher le pourquoi et le comment, cet antagonisme pàraît indéniable.

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De bonne heure déjà, car la question économique est vieille comme le monde et toujours quelqùes esprits se sont préoccupés des moyens de rendre moins profonde la dift'érence entre les couches sociales au point de vue éco- nomique, de bonne heure on a cherché une autorité assez forte pour s'opposer à ce qui semblait être la destinée fatale de l'homme, pour remédier à l'inégale et injuste réparti- tion des richesses et pour parer aux surprises terribles que ne ménageaient pas les phénomènes économiques. Instinc- tivemen.t l'on s'est tourné vers ce que l'on s'était accou- tumé à regarder comme le protecteur attitré de tous les intérêts, vers l'État, vers le gouvernement son organe; on lui demande de s'interposer entre les citoyens et les lois économiques et de mettre sa puissance au service des iilté- rêts privés. .

Les Athéniens, paresseux et bavards, demandèrent à l'État les ressources que ne pouvaient leur fournir letra- vail et l'industrie qu'ils méprisaient. De là les confiscations et les amendes qui frappaient journellement les meilleurs citoyens, de là les exactions commises dans les terres con- quises et le pillage organisé des peuples alliés ; de là aussi le néant du développement économique des Hellènes et la perte de leur liberté.

Lacédémone, elle aussi, a voulu réaliser une utopie que n'ont point dépassée les rêveurs du

xrxme

siècle; dans ses murs naquit ce système étrange qui fait de l'État la seule individualité véritable et qui va jusqu'à faire d'une collee- . tivité une mère de famille.

Le Romain demande à l'État d'entreprendre ces vastes expéditions dans les pays lointains, où lui qui dédaigne le commerce pourra s'enrichir des trésors que ce trafic qu'il hait y a accumulés.

A partir de Charlemagne, alors que le travail et le com- merce commencent à prendre la place qui leur est due, l'intervention de l'autorité se manifeste directement dans le domaine économique. C'est à ce monarque, administra- teur modèle et propriétaire économe, que l'on doit le pre-:- mier essai de fixation officielle du maximum de prix que

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peuvent atteindre certaines denrées. Malgré l'expérience faite de la vanité de cette action du pouvoir supérieur, il n'est pas de siècle qui n'en signale une. C'est Philippe le Bel qui, en 1294, règle le costume, le manger et le boire et qui, tout en fixant le maximum des prix, contraint en 1304 les marchands de fournir de blé les marchés. Puis ce sont Charles VI (1407), Henri III (1580), Henri IV (1597), et plus tard Louis XIV (1673) qui achèvent l'organisation du monopole créé par Louis IX dans un but louable et autorisent ainsi 1' exploitation des malheureux à peine échappés dü servage. Colbert fut la cause, innoce:B.te peut- être, du système de douanes, conséquence de préjugés dont souffrent encore les nations modernes ; puis Law se vit obligé, pour soutenir son système financier chancelant, de faire intervenir l'État clans le crédit et d'user du cours forcé.

Jtï.squ'à nos jours, cette fatale erreur qui consiste à voir dans l'État le seul pouvoir capable d'arrêter dans leur marche les phénomènes économiques que l'on juge préju- diciables et de se faire le gardien des intérêts de tous, s'est maintenue dans les populations; elles regardent toujours à lui comme au tout-puissant qui ne peut refuser le secours, tant il est vrai que les nations ne profitent jamais des leçons de l'expérience. Comme l'a dit un éco- nomiste, lorsqu'elles seraient en état de profiter de l'expé- rience, elles n'en auraient plus besoin, leur simple bon sens leur suffisant alors.

Notre siècle a vu éclore les écoles de ces rêveurs géné- reux qui, voulant trancher du même coup la question éco- nomique et la question sociale par des institutions politiques de leur invention, en sont arrivés à ces créations bizarres, œuvres de poètes ou de fous, aux phalanstères de Fourier ou aux essais malheureux de Saint-Simon, d'Owen et de Campanella, à Ménilmontant et à New-Harmony.

Actuellement encore, dans nos pays oü la liberté de commerce et d'industrie est complète, le bras de l'État est toujours étendu pour protéger une classe, puis l'autl'e, des producteurs par un réseau de tarifs dont le naïf con- sommateur paie les frais.

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L'État demeure toujours pour la foule le grand secours dans le .domaine économique.

La question économique est aussi antique que la société, elle est la conséquence nécessaire des besoins de l'homme, des circonstances dans lesquelles il est contraint de vivre et des phénomènes qui échappent à son action. Simple à l'origine comme la civilisation dans laquelle elle était née, elle est devenue avec les siècles toujours plus compliquée et toujours plus menaçante. Chaque solution qu'on a voulu lui donner, en faisant intervenir dans le domaine économi- que une force extérieure, n'a fait qu'accentuer ou aggra- ver le mal déjà existant. Reposant sur des principes erro- nés ou des dogmes nuageux, elles ne pouvaient aboutir.

La question économique, qui ne fit éclore que bien tard la science qui porte son nom, se posa pratiquement dès la naissance des sociétés ; la question sociale, elle, est contem- poraine de leur organisation. Il suffit pour qu'elle se posât, que se fût opérée la scission fatale entre le fort et le faible, l'habile et le simple. C'est elle qui a si souvent secoué jusqu'en ses fondements les institutions du monde antique, c'est elle qui a si souvent soulevé les flots de la révolte populaire. En effet, si les réalités et les nécessités de l'existence imposent aux esprits le grand problème écono- mique, la question sociale est bien mieux faite pour pas- sionner les esprits. Elle ne s'adresse pas seulement aux facultés que l'homme applique à préserver lui et les siens des privations et de la souffrance, elle ne parle pas seule- ment à cet amour de soi, source de tout travail et de tout progrès, mais elle touche à ces deux grands sentiments ip.séparables de la nature humaine : l'amour de la liberté

et le besoin de justice. ·

La question sociale a deux sources bien distinctes: l'une gît dans l'organisation donnée à la société par ceux qui la composent ou par une portion d'entre eux plus puissante et plus forte, l'autre dans la nature même de l'homme, dans la diversité des constitutions intellectuelles et physi- ques. La première de ces questions s'est partiellement

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résolue d'elle-même grâce au déloppement de la culture, à l'élargissement des idées et au contact des civilisations;

la seconde cherche encore une réponse qu'elle ne trouvera sans doute jamais.

Le paupérisme, cette hydre sociale, n'est pas né d'hier;

il se cachait dans l'ombre aux temps des Périclès et des Auguste, ne se montrant le plus souvent que pour laisser échapper de son sein un de ces grands courants destruc- teurs, fils de la misère, de l'envie et de la haine. C'est cette question sociale, cette ombre de Banquo au ban.quet de Macbeth, comme la nomme Bastiat, qui a déchaîné la guerre des esclaves, la Jacquerie et 1789.

De nos jours, à la fin de ce XIXme siècle qui a résolu tant de problèmes et qui reconnaît la liberté individuelle et l'égalité de tous devant la loi, la question sociale plus res- treinte, mais non moins terrible, demeure encore dans uu vague plein de menaces. Personne ne rit plus de ce pro- blème qui risque à tout instant de bouleverser l'ordre existant ; chacun cherche à le résoudre et 1 'on propose une foule de systèmes fort beaux sur le papier.

Ce n'est guère qu'à partir du XVIIIme siècle et de ses philosophes que l'on commence à s'occuper de la question sociale d'une façon tant soit peu systématique et théorique.

C'est alors que l'on se sent saisi du besoin de chercher à toutes les institutions humaines une base rationnelle, besoin qui dès lors a tourné à la manie.

On fait la théorie de l'État, on trouve sa cause première dans la socütbilité, les nécessités de la défense ou le contrat social, on imagine la lumineuse volonté générale si souvent présentée par les théoriciens à l'adoration des peuples. A la lueur de ces grands principes que penseurs et philoso- phes se croient tenus d'imposer aux institutions humaines, l'on étudie la question sociale.

Ceux qui se vouent à cette étude, non comme Montes- quieu ou Rousseau, c'est-à-dire en faisant une large part à l'imagination, mais sérieusement et scientifiquement, aboutissent soit à l'affirmation soit à la négation de la pos- sibilité d'une solution. Ceux-ci renoncent à remédier à

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une situation qu,ils jugent déplorable et injuste mais fatale ; ils tâchent seulement de rendre moins pénible le sort des déshérités et de combattre la misère par la cha- rité. C,est ainsi que Ricardo, Mac Culloch et leurs disci- ples envisagent la lutte économique et sociale comme iné- vitable et que Malthus, par les remèdes qu,il propose, con- sent implicitement au paupérisme sans issue.

En ce qui regarde les théoriciens optimistes, ils se par- tagent tout œabord en deux camps, ceux qui veulent le retour à P organisation naturelle et ceux qui veulent une organisation artificielle nouvelle, ceux qui voient le remède dans la liberté et ceux qui le voient dans la contrainte, les économistes et les socialistes. Ces derniers élèvent leurs théories sur ce principe que les intérêts humains sont fatalement antagoniques, si un pouvoir supérieur ne S1in- terpose entre eux ; les premiers croient à tort ou à raison que les lois providentielles réglant les faits économiques et sociaux sont harmoniques entre elles, que Popposition qui semble s,y manifester ne provient que de Pintervention humaine mal dirigée, et qu,il suffit de laisser Pintelligence et Pactivité de Pindividu se déployer librement, pour tout ramener à Pétat normal.

A l, école socialiste ont appartenu les Saint-Simon, les Owen, les Fourier ; ce n, est pas à dire que ce soit à eux seulement que remontent les essais de régénération so- ciale; à n,en citer qu,un cas, la grande révolution fran- çaise avait été un effort gigantesque vers un état social meilleur. Mais c'est à. ces utopistes que Pon est redevable des premières sociétés artificielles imaginées de toutes pièces et réalisées en quelque mesure 1

Saint-Simon proclame dans ses écrits le règne de Pin- dustrialisme; il rêvait un gouvernement où le pouvoir spiri- tuel serait aux mains des savants, le pouvoir temporel aux mains des propriétaires, et C1est à ce singulier gouverne-

1 L'on pourrait citer encore Platon, Morus, Harrington, Campa- nella, Fénelon, la République, l'Utopie, l'Océana, la Cité du Soleil et Salente.

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ment qu'il veut confier la haute surveillance du travail et des intérêts particuliers •. Plus tard sa doctrine, plus pré- cise, proclame l'abolition de l'héritage et le classement des positions selon les capacités. Le saint-simonisme s'égara bientôt plus loin que ne l'aurait imaginé son fondateur, et cette nouvelle doctrine qui devait régénérer le monde et qui souriait aux masses par ses tendances égalitaires et les coups qu'elle portait à la propriété privée, s'en fut échouer misérablement dans ces communautés économico- théocratiques que djspersa la police. .

La réforme de Fourier devait consister dans l'associa- tion et l'organisation des forces isolées par (( l'attraction passionnée, >> le désir du bien-être. Grâce à ses phalans- tères, à sa division du travail et du capital, à sa centrali- sation de la propriété foncière, à ses séries de talents et d'âges, il voulait supprimer le paupérisme, les hôpitaux, les prisons et les guerres. Ce système dont on n'a pu con- stater jusqu'ici les résultats suppose des hommes bien diffé- rents de ceux qui peuplent le monde actuel. Bon sens, amour du travail, connaissance exacte de sa valeur et de ses capacités, absence de jalousie et respect inné de l'ordre, ne se troùvent pas souvent réunis sur la même tête.

Owen, qui dénonçait les religions comme cause de tous les maux sociaux, voulait les combattre par l'abolition de la propriété, la suppression de toutes les inégalités sociales et par une discipline d'une sévérité excessive. C'est au gouvernement qu'incomberait le devoir de mettre de l'ordre dans la production et la distribution des richesses.

Ce sont là des idées qui ne sont point mortes avec Owen et qui fermentent toujours dans les nations que travaille la question sociale.

Depuis une vingtaine d'années, le nombre de ceux qui s'occupent sérieusement de la question sociale est devenu légion, sans que pour cela de grands progrès aient été réa- lisés·. Des flots d'encre ont été répandus, une foule d'uto-

1 Lettre d'tin habitant de Genève à ses contemporains

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pies jetées dans le monde, et partout pourtant le paupé- risme enfle sa voix pour demander un sort meilleur'.

Aujourd'hui, le centre de toute la discussion, le remède universel des uns et la terreur des autres, c'est l'action de l'État. L'État doit-il intervenir dans le domaine écono- mique et social ? Ceux qui répondent affirmativement à cette question se font de l'État une conception toute par- ticulière. L'État, pour les nombreux théoriciens qui se rattachent à ce qu'on a coutume d'appeler socialisme d'É- tat, a pour origine une sorte d'association ayant pour but la protection et l'accroissement de la prospérité matérielle et morale; c'est une sorte de société coopérative où tous doivent travailler au bien de chacun. L'État se compose bien d'individus, de volontés particulières, mais celles-ci ne sont point assez puissantes et agissantes pour pouvoir apporter un remède aux maux qui ravagent le monde;

elles sont d'ailleurs portées à se laisser diriger par l'intérêt personnel et à baser leur activité sur leur égoïsme ou leur égotisme. L'État, lui, est en quelque sorte une création supérieure à l'homme, c'est la grande unité qui dispose de la puissance ; il a une volonté à lui, la volonté générale, quintessence des volontés individuelles· et supérieures à elles. L'État, être volontaire et par conséquent agissant, a pour organe et pour interprète le gouvernement ; il est au-dessus des mesquines rivalités qui déchirent le monde:

n'étant personne et étant tous, il n'a d'autre intérêt que

1 Karl Marx estime que la plus-value d'un produit sur les frais de production, équivaut à une durée de travail non payée, à un surplus de temps sur la durée nécessaire, dont le patron est seul à profiter. Par conséquent, la plus-value, source du capital, étant illégitime, la production doit cesser d'être capitaliste, les instru- ments de travail doivent faire retour à la communauté.

Proudhon exclut la rémuuération du capitaliste, sous prétexte qu'il faut que le travailleur soit payé de telle façon qu'il puisse avec son salaire racheter son ·produit. Il voudrait la gratuité du crédit.

Lassalle prône le système de l'abolition des risques; l'État doit commanditer le travail et se charger des risques, etc., etc.

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celui des particuliers et son but est le bien de tous, comme le but de l'individu est son bien propre.

Mais, comme les volontés particulières ne sauraient être toujours d'accord et qu'il se trouve toujours des gens qui voient leur avantage dans les abus et les troubles sociaux:

comme d'autre part la volonté générale n'est pas consti- tuée par l'unanimité des volontes individuelles, mais bien par le résultat définitif provenant du concours de ces der- nières, c'est-à-dire par la majorité, l'Etat a pour but de veiller à la prospérité et au bonheur de la majorité. C'est cette majorité qui fait la volonté de l'État qui doit être la norme de tous. Si donc le gouvernement, interprétant la volonté générale, supprime la propriété pour le plus grand bien de tous, la minorité ne saurait s'opposer à l'activité d'un être supérieur qui ne fait que marcher vers son but et qui doit le faire, dût-il écraser les intérêts particuliers qui voudraient l'arrêter dans sa course.

En résumé, l'État, en tant qu'universalité, est tout- puissant envers sa minime fraction : l'homme ; il ne com- prendrait plus sa tâche, il ne remplirait plus son but, s'il se croisait les bras, laissant à l'individu seul le soin de ré- soudre les problèmes qui l'écrasent. C'est à lui qu'échoit le rôle d'intervenir dans tous les domaines où la volonté individuelle se reconnaît impuissante.

Cette conception de l'État, de son but et de ses fonc- tions dans la civilisation, est faite pour plaire à la foule qui ne demande qu'à rejeter sur d'autres épaules le souci de sa position dans la société et la plus grande partie de sa responsabilité. C'est l'État qui devient responsable des intérêts des individus ; e' est sur une fiction que reposent les plus lourdes charges de l'humanité.

Cette théorie qui du domaine des idées passe peu à peu dans celui des faits n'a point manqué de soulever une foule d'objections et de susciter une forte opposition. La liberté du citoyen à l'égard de l'État a trouvé des cham- pions éclairés, éloquents et convaincus ; des livres ont paru qui sont d'énergiques plaidoyers pour la liberté et la res- ponsabilité qui font la dignité de l'homme. De ce côté-ci,

2

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comme de l'autre, on rencontre des théories absolues qui voudraient repousser tout compromis comme une faiblesse.

Citons Stuart Mill qui, dans son beau livre << De la li- berté, >> veut proclamer ce principe très simple : le droit individuel est de faire ce qui ne nuit pas aux autres, le droit social d'empêcher tout ce qui nuit. Contraint ce- pendant de faire quelques concessions, il n'en rejette pas moins jusqu'à l'instruction publique et s'écrie:

<< Le seul objet qui autorise les hommes individuelle-

<< ment ou collectivement à troubler la liberté d'action

<< de quelqu'un de leurs semblables est la protection de

<< soi-même... L'espèce humaine gagne plus à laisser

<< chaque homme vivre comme bon lui semble, qu'à l'obli-

« ger de vivre comme bon semble au reste 1>>

J.-B. Say est, lui aussi, adversaire de l'immixtion de l'État dans le domaine économique et social et partout, dans ses œuvres, il s'applique à démontrer les résultats fâcheux qu'elle ne peut manquer d'avoir.

« Je voudrais même, dit-il, qu'on ne perdît pas de vue

« que cette intervention, quoique utile, est un mal; un bon

<< gouvernement la rendra aussi rare que possible » ••• Et

ailleurs : « Si le gouvernement est éclairé, il se mêlera

<< aussi peu que possible des affaires des particuliers, pour

{( ne pas ajouter aux maux de la nature ceux qui viennent {( de l'administration 2»

Bastiat est plus énergique encore : « Toute tentative

« pour détourner le cours naturel de la responsabilité est

{< une atteinte à la justice, à la liberté, à l'ordre, à la ci-

« .viiisation et au progrès ... ; le socialisme a deux élé-

<< ments : le délire de l'inconséquence et le délire de l'or-

{( gueil 3Les intérêts sont harmoniques, donc la solution

c< de la question sociale est tout entière dans ce n:i.ot : li-

« berté 4»

1 Op. cit., ch. I.

2 J.-B. Say, Traité d'Éconornie politique, II, 7 .

.s Bastiat, De la responsabilité.

4 Bastiat, A la jeunesse française.

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Il faudrait des volumes pour citer l'avis de tous ceux qui se sont occupés de la question sociale et faire connaître tous les remèdes proposés. Ce travail n'a pas pour but de revenir sur les moyens de résoudre la question sociale et d'ajouter une chimère à tant d'autres.

La discussion acharnée à laquelle se sont livrés les théo- riciens repose au fond sur ceci: l'État a-t-ille droit d'inter- venir? Les uns disent oui et appuyent leur affirmation sur les devoirs de l'État et sur les conséquences de la sociabi- lité, les autres ont nié, au nom des droits primordiaux de l'individu. Loin de nous la pensée de trouver vaine toute -discussion théorique ; si elle repose sur des principes tirés

·de l'observation des faits, elle ne peut qu'être bienfaisante et utile, mais nous croyons que ce n'est pas la question de droit qui doit être le centre de la discussion.

Say a déjà combattu au point de vue de l'utilité cette tendance des théoriciens : «Qu'importe la question lon-

« guement discutée dans les écrits des économistes, si la

« puissance souveraine est ou n'est pas co-propriétaire de

« tous les biens-fonds d'un pays? Le fiât est qu'en tout

« pays elle prend, ou qu'on est obligé de lui donner sous

{< le nom d'impôt, une part dans les revenus des biens-

·<< fonds. Voilà un fait, un fait important qui est la consé-

« quence de certains faits auxquels on peut remonter et

« qui est la cause d'autres faits auxquels on peut être con-

« duit avec sûreté. Le point de droit reste toujours plus

« du domaine de l'opinion; le point de fait est susceptible

« de certitude et de preuves. Le premier n'exerce presque

<< aucune influence sur le sort de l'homme; le second est

<< tout pour lui 1»

Nous irons plus loin encore dans le domaine qui nous occupe et nous dirons : On ne peut accorder ou refuser à l'État le droit d'intervention. L'État ne repose sur aucun principe rationnel; il est un fait; comme tel il ne saurait .avoir des droits, il ne peut avoir que des conséquences.

Ou, si l'on veut, comme il ne peut y avoir dans l'État

1 J.-B. Say, Op. cit., Discours préliminaire.

(21)

d'autres droits que ceux que l'État veut bien reconnaître, l'État étant la puissance supérieure, ale pouvoir de faire ce qu'il veut, et ce qu'il veut devient un droit par ce fait seul qu'ille veut. L'État n'a point à la base de son organisa- tion un principe rationnel en vertu duquel il peut logique- ment donner à son activité tel ou tel champ d'activité ou tel ou tel but; c'est un fait donnant naissance à d'autres faits. On ne dira donc jamais en parlant d'un acte de celui- ci : c'est un acte illogique ou qui. dépasse la limite des devoirs qui lui compètent; tout au plus pourra-t-on dire : c'est un fait malheureux ou heureux.

C'est ce que nous tâcherons de démontrer; si nous y par- venons, nous n'aurons pas fondé l'omnipotence de l'État, nous aurons ramené simplement la question sur son véri- table terrain, la pratique.

(22)

21

CHAPITRE IL

C'est une déplorable manie de 'notre époque de vouloir donner une vie propre à de pures abstractions. BASTIAT.

L'État est, d'après la définition la plus brève et la plus ()rdinaire qui n'a la prétention ni d'être complète ni d'être parfaite : une collectivité politiquement organisée sur un territoire déterminé. Le mot État ne désigne donc qu'une abstraction, à savoir l'unité idéale formée par la réunion, la juxtaposition d'un certain nombre d'individus. De plus, il n'est point quelque chose de supérieur aux individus, comme on feint si souvent de le croire, puisqu'il n'existe que par eux; il a seulement à l'égard de l'homme isolé la supériorité que donne le gra:nd nombre, la force 1 Or, voyons un peu ce qu'est l'homme, matière vivante de l'État.

A le considérer isolément, en faisant abstraction du monde qui l'entoure, il est libre de cette cc liberté philoso- phique2 >> qui consiste dans l'exercice de sa volonté, ou s'il ne l'est pas, comme voudraient le démontrer les diverses Bcoles fatalistes, il croit pouvoir faire sa. volonté, il se sent libre. Le libre arbitre trouve, comme on l'a dit, un

1 Si le peuple peut avoir le pouvoir matériel, produit par l'adjonction du grand nombre d'individus, il ne peut avoir la force morale, à laquelle l'adjonction ne suffit pas, et qui procède par

<:ombinaisons, par épurations et surtout par subordination (Brocher, Des révolutions du d1·oit, I, p. 184).

2 Montesquieu, Esprit des lois, XII, 2.

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22

défenseur dans chaque homme qui naît ; lui seul semble compatible avec la noblesse de la créature; nous l'admet- tons comme tant d'autres, nous confiant plus en la

·conscience, seule source de connaissances certaines, qu'aux plus beaux systèmes philosophiques. Comment donc les.

individus libres se sont-ils groupés pour former un État?

Montesquieu traite incidemment cette question (E. d. 1.

I, 2.); pour lui, le mobile qui a poussé les hommes à s'unir- est double : la faiblesse de l'individu isolé et la différence des sexes. L'homme_, dans· l'état de nature, songe tout d'abord à la conservation de son être; il ne sent d'abord que sa faiblesse et sa timidité est extrême. Il fuit donc ses.

semblables qui, pénétrés eux aussi de leur impuissance, fuyent de leur côté. Ce sont ces marques mêmes d'une crainte réciproque qui les engage bientôt à se rapprocher;

ils y . seraient portés par un plaisir identiqu~ à celui qu'éprouve un animal à l'approche d'un animal de son espèce. Si l'on ajoute à cet aimant la sympathie que s'in- spirent les deux sexes par leur difi'érence même, l'on pos- sède le secret de la formation de la société et par elle de l'État, car la société est l'embryon de l'État et le pourquoi de la société est aussi le pourquoi de l'État. Ce dernier ne serait donc à tout prendre ou tout au moins n'aurait été à son origine que le rapprochement et l'association d'une multitude de timidités et de frayeurs, jointes à des besoins.

sexuels.

Cette thèse en vaut bien d'autres, mais il semble que, comme tant de ses compagnes, elle n'a pas été basée sur- une étude de l'homme, mais que Montesquieu a laissé le champ libre à son imagination pour créer un homme fan- taisiste auquel pût s'adapter la théorie qui lui souriait. La fierté de la race humaine et la noblesse du roi de la créa- tion rece~raient une rude atteinte, si, par impossible, cette rêverie se transformait en évidence.

Personne n'ignore la célèbre doctrine de Rousseau ; si elle est peu vraisemblable et si l'on en peut tirer des con- séquences qui sont en contradiction évidente avec ce qui est, elle a le bon côté de sauvegarder la liberté et la

(24)

23

dignité humaines. Pour le philosophe genevois, la seule société dont l'existence soit conforme au droit naturel, est celle de la famille 1 Encore les enfants ne restent-ils liés au père qu'aussi longtemps qu'ils ont besoin de lui pour leur conservation. Sitôt que ce besoin cesse, le lien naturel se dissout, car tout lien répugne à la nature de l'homme dont la première loi est de veiller à sa propre conserva- tion, les premiers soins ceux qu'il se doit à lui-même.

Sitôt que l'individu devient juge·des moyens propres à le conserver, il devient par là son propre maître.

Cette phase de l'individualisme absolu et de l'égoïsme érigé en loi naturelle, est le beau temps des origines ! Mais il arrive malheureusement une époque où les obsta- cles qui s'opposent à la conservation de l'homme dans l'état naturel, sont plus puissants que les forces que cha- que individu peut déployer afin de se maintenir dans cet état. Alors 1 'individualisme primitif, seul conforme à la loi naturelle, ne peut plus subsister. Il ne reste plus aux hommes d'autre moyen que de «former par agrégation

cc une somme de force qui puisse 1' emporter sur la résis-

<< tance, de les mettre en jeu par un seul mobile et de les

<< faire agir de concert. >>

Nous avons la raison d'être et le but de l'État dans le postulat auquel il satisfait : << Trouver une forme d'asso-

<< ciation qui défende et protège de toute la force com-

e< mune la personne et les biens de chaque associé, et par

c< laquelle chacun, s'unissant à tous, n'obéisse pourtant

« qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant2» Les hommes, sentant que par eux-mêmes ils ne peuvent surmonter toutes les difficultés de la vie, unissent leurs forces, leurs besoins, leurs personnes, par le pacte social;

ils se placent par là sous la suprématie de la volonté générale. L'individu aliène tous ses droits, sans excep- tion, pour écarter toute possibilité de conflit entre lui et la communauté. De l'individualisme absolu dans l'état de

1 Rousseau, Contmt social, I, 2.

2 Rousseau, Op. cit., I, 6.

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nature, le saut est grand jusqu'à ce communisme absolu, jusqu'à cette immolation du moi devant l'apparition me- naçante du spectre de la volonté générale. C'est une uni- fication qui dépasse de cent coudées tout ce qui se peut faire et qui compte sur des hommes faits de toutes pièces à l'appui d'uné théorie.

D'autres penseurs, et ils sont en grand nombre, croient avoir trouvé le pourquoi de l'État dans la structure mo- rale de l'individu, dans une faculté, un instinct, qui se développe en lui avec tous les autres; c'est la sociabilité qui servait déjà à Aristote à définir l'homme 1

cc La sympathie, une sympathie irrésistible rapproche les

« membres de la famille humaine, et l'intérêt cimente

« ensuite leur union; la sociabilité est un instinct impé-

« rieux de notre nature, et l'échange, sous toutes ses for-

<< mes, éch~nge d'idées, de sentiments, est le lien unique

<< de la société~. >> L'Etat aurait donc à sa base un in-

stinct et serait une conséquence nécessaire de la nature de l'homme.

D'autres ne voient dans la formation de l'Etat qu'une question d'intérêt; les hommes se seraient associés, ou pour protéger leur fortune et. assurer leur intégl'ité, ou pour arriver à une position meilleure. cc La sécurité des

<< personnes et des propriétés, la justice égale pour tous,

<< sont les premiers besoins de la société et les premières

<< fins du gouvernement3>> C'est l'amour de soi, dans le

sens heureux du mot, c'est-à-dire la légitime envie de sa- tisfaire aussi largement que possible à ses besoins, qui serait le lien social.

Dans toutes ces théories il y a un point commun; la formation de l'État est le résultat d'un acte volontaire des individus, et non pas seulement d'une majorité. Que l'on adopte l'une ou l'autre des doctrines, on en arrive toujours au même résultat: l'homme, ayant compris qu'il

1 Aristote, Politig_He, I, 1.

2 Bauclrillart, Manuel d:Économie politique, III, 3.

~ Stuart Mill, Du gouvernement 1·eprésentati{, ch. xv.

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trouverait son avantage à l'association, s'est volontaire- ment uni à ses semblables. Peu importe le motif qui l'a poussé à cette détermination; personne ne le saura jamais.

Pour nous, la formation des communautés dans l'histoire du monde est un fait, et rien de plus.

De ce que l'homme est entré volontairement dans l'as- sociation, il résulte que, par 1' effet de cette même volonté, il peut en sortir quand bon lui semble, perdant par là tous les avantages qu'il retirait de la communauté et re- prenant les droits que lui donne la loi naturelle.

Tout cela était bel et bon à l'origine des sociétés; la raison demande qu'on admette à la base de l'État un con- cours de volontés libres, puisque l'homme, de sa nature, est libre, et qu'il n'y a point sur terre de pouvoir supé- rieur à lui. Mais de nos jours il est loin d'en être ainsi.

L'individu, en venant au monde, ne peut plus peser à la balance de son intérêt propre l'isolement ou l'association;

il ne peut, par un libre effet de sa volonté, entrer dans l'État ou s'en tenir à l'écart, car les premiers habitants de la terre ont voulu pour lui. Par le fait seul de sa nais- sance, il s'est trouvé englobé dans un État dont il ne sor- tira que pour tomber dans un autre. Le jour oü l'homme naît au monde, il naît à l'État; il est citoyen sans avoir voulu l'être, et malgré cela, la communauté qui n'est qu'une agglomération de volontés individuelles sembla- bles à lui et par conséquent P.gales, s'arroge des droits sur sa personne, ses biens et sa vie. Il n'est plus question de liberté philosophique, si ce n'est dans le domaine de la pensée; à elle se trouve substituée de fait la liberté politi- que. Montesquieu, cet esprit si clair, la définit comme suit : << La liberté politique consiste dans la sûreté, ou du

« moins dans 1' opinion qu'on a de sa sûreté 1 >>

Rien de moins actif que cette liberté; qui dit liberté dit possibilité d'action, libre activité, tandis qu'ici il ne s'agi- rait que d'une passivité; c'est une liberté d'être et non de faire. La liberté politique, dit encore ce même auteur, est

1 Esp1·it des lois, XII, 2.

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26

dans un citoyen cette tranquillité d'esprit qui provient de l'opinion que chacun a de sa sûreté; et, pour qu'on ait cette liberté, il faut que le gouvernement soit tel, qu'un citoyen ne puisse pas craindre un autre citoyen •.

Montesquieu donne pourtant une certaine valeur active à la liberté politique dans un État qui a des lois ; elle ne peut consister qu'à pouvoir faire ce que l'on doit vouloir, et à n'être point contraüit de faire ce que l'on ne doit pas vouloir 2En d'autres termes, la liberté de l'individu à l'égard de l'État consiste dans la faculté qu'il a de faire ce que l'État lui ordonne de vouloir et de ne pouvoir être contraint à faire autre chose. Nous sommes bien loin de la liberté vraie. On ne peut être libre de faire ce que l'on doit, car le devoir 3 est déjà une contrainte, une direction donnée à la volonté de l'individu par un autre que lui.

Liberté veut dire absence de toute contrainte; or, qui dit:

je dois, reconnaît implicitement que sa liberté n'est plus complète.

La liberté est l'exercice libre d'une volonté libre; si j'ai la faculté de vouloir ce que je dois vouloir, je n'ai que la liberté d'obéir, et ce n'est plus la liberté. Il est plus juste de dire que le citoyen dans l'Etat a une liberté limitée par celle de ses semblables ou par un effet de leur vo- lonté. Il a dans certains domaines la liberté d'agir comme il lui plaît, ce qui est la vraie liberté; dans d'autres, il a celle d'agir ou de ne pas agir, mais doit se conformer, s'il agit, à certaines règles; dans d'autres, enfin, il est contraint ou d'agir d'une manière donnée ou de demeurer passif.

Comment l'État peut-il justifier ces restrictions qui sont, quoi qu'on en dise, plus étendues aujourd'hui que celles. qu'exige le simple respect de la liberté d'autrui;

comment l'homme peut-il être contraint par des égaux,

1 Op. cit., XI, 6.

2 Op. cit., XI, 3.

8 Il n'est naturellement question ici que des devoirs reconnus et sanctionnés par l'État.

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27

des semblables, non seulement à être membre de l'État, ce qui est une nécessité de fait, mais à sacrifier une partie de sa liberté à une institution qu'il n'a pas voulue, et pourquoi ce sacrifice est-il exigé, quand bien même le citoyen déclarerait renoncer aux avantages que peut lui procurer l'association'? Quel est 1' élément qui fait des vo- lontés de tous quelque chose de supérieur à la volonté de chacun, car, si chacun est égal a chacun, tous devraient être égaux à chacun'?

Si l'on définit la liberté dont doit jouir l'individu par la faculté qu'il a de faire ce qu'il veut, tant qu'il ne blesse pas, par l'exercice de sa liberté, celle d'autrui, il faut re- connaître qu'il n'est point libre, même dans la démocra- tie pure. Si la liberté de l'homme n'est limitée que par celle de ses. semblables, il ne doit y avoir dans l'État qu'un pouvoir capable d'obliger la communauté, c'est l'unanimité. En effet, toute majorité, agissant librement, blesse la liberté de la minorité. Or, chacun sait que l'una- nimité dans un État est plus introuvable que la pierre philosophale ; il faut donc renoncer à trouver un mode de gouvernement qui satisfasse la raison et qui soit complète- ment conciliable avec la liberté humaine.

Tout Je monde a senti cette incompatibilité, et comme cependant on continuait à croire nécessaire à la dignité de l'État qu'il lui soit reconnu un fondement logique, les théoriciens ont fait la lumineuse trouvaille de la volonté générale. L'État, dit-on, manifeste sa volonté, qui est la volonté générale, par l'intermédiaire du gouvernement;

cette volonté, par le fait qu'elle est celle de l'État, c'est- à-dire de la communauté, est supérieure à la volonté indi- viduelle.

C'est la volonté générale qui est l'autorité suprême et qui fait la loi; on ne saurait lui résister sans méconnaître son caractère même de volonté générale suprême.

Qu'est-ce donc que la volonté générale? D'après Rous- seau, chaque homme, membre de l'Ètat, a deux sortes de volontés; en tant qu'individu une volonté particulière, en tant que citoyen une volonté générale.

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La volonté générale qui restreint sa liberté n'est donc point une contrainte, puisque c'est aussi sa volonté et qu'on ne saurait parler d'une pression morale exercée par l'individu sur lui-même. L'homme est donc toujours libre. Mais il peut arriver que la volonté particulière de l'individu ne soit pas d'accord avec la volonté générale du citoyen, en ce sens que, pour des motifs personnels, il veuille pour lui autrement que pour la communauté.

Qu'arrivera-t-il alors, laquelle de ces deux volontés triom- phera? Si c'est la volonté particulière, la volonté géné- rale, et par là l'État, est sapée à sa base; si c'est la seconde, il y a contrainte réelle, action contraire à la liberté individuelle et violation des droits subjectifs de l'homme.

Rousseau essaie de se tirer de cette dernière difficulté par un des plus prodigieux sophismes qu'il ait enfantés :

« Quiconque refusera d'obéir à la volonté générale y sera

« contraint par tout le corps, ce qui ne signifie autre

<< chose, sinon qu'on le forcera d'être libre 1Au reste, il

« y a souvent bien de la différence entre la volonté de

« tous et la volonté genérale; celle-ci ne regarde qu'à l'in-

<< térêt commun, l'autre regarde à l'intérêt privé, et n'est

« qu'une somme de volontés particulières; mais" ôtez de

« ces mêmes volontés les plus et les moins qui s'entredé-

<< truisent, reste pour somme des différences la volonté

<< générale 2>J

La recette est loin d'être claire. Il semble que la volonté générale étant la volonté commune, elle doive renfermer un élément de la volonté de tous les citoyens. Or, si l'un d'entre eux oppose sa volonté particulière à celle du tout, il se crée un antagonisme entre le tout et la partie. Le tout moins une partie n'est point le tout, et tant que ce rapport subsiste, dit Rousseau lui-même, il n'y a plus de tout, mais deux parties inégales; d'où il suit que la volonté de l'une n'est point générale par rapport à l'autre. Donc point de volonté générale.

1 Op. cit., I, 7.

~ Op. cit. 1 II, 3.

(30)

29

Comment arriver à cette sorte d'unanimité que Rous- seau reconnaît nécessaire à la formation de la volonté gé- nérale? Quand l'auteur nous donne pour remède la con- trainte exercée par la volonté générale, ou plutôt par le corps, pour obtenir l'obéissance à cette volonté, il suppose l'existence çle quelque chose qui n'est point encore, puis- que la volonté générale n'existera que lorsque la con- trainte aura été exercée. Il est vrai qu'il n'est pas besoin pour qu'une volonté soit générale qu'elle soit unanime;

mais où est la limite où elle cesse d'être générale? Cela est pourtant important, car Rousseau déclare que lors- que la volonté n'est celle que d'une partie et non du corps du peuple, elle ne saurait faire loi ; nous pouvons supposer donc la minorité à contraindre considérable.

Au reste, on ne peut forcer quelqu'un d'être libre, car.

la liberté consiste aussi dans la faculté qu~ l'on a de n'en pas jouir. Si je suis libre, je puis faire ce que je veux, et par conséquent ne pas user de ma liberté; toute action tendant à faire jouir quelqu'un de sa liberté contre son gré est une contrainte.

D'un côté·, nous arrivons donc à l'annulation de la vo- lonté générale, de l'autre à la vulgaire et simple con- trainte exercée par la majorité, et le problème demeure sans solution.

Mais Rousseau n'est point à bout de ressources et nous trouvons une nouvelle théorie qui est évidemment en con- tradiction avec celle que nous venons d'exposer. D'après le Contrat social, IV, 2, le citoyen consent à. toutes les lois, même à celle qu'on promulgue malgré lui. Lorsqu'on lui propose une loi, ce qu'on lui demande n'est pas préci- sément s'il approuve la proposition ou s'il la rejette, mais si elle est ou non conforme à la volonté générale qui est la sienne. Quand donc l'avis contraire au sien l'emporte, cela ne prouve autre chose sinon qu'il s'était trompé et que ce qu'il estimait être la volonté générale, ne l'était pas. Si son avis particulier l'eût emporté, il aurait fait autre chose que ce qu'il aurait voulu: c'est alors qu'il n'aurait pas été libre!

(31)

L'on aboutit donc fatalement à un dualisme; l'homme n'est plus une unité, c'est la réunion de deux êtres distincts:

l'homme, la créature, envisagée indépendamment de tout ce qui l'environne, qui possède une volonté particulière, et le citoyen, le rouage d'un organisme social, qui a la volonté générale. Donc, dans la même créature deux êtres distincts, deux volontés distinctes qui peuvent êtrP en opposition l'une avec l'autre.

Ceci n'est pas seulement contraire à la science, mais contraire à notre conscience philosophique qui montre en nous une personnalité distincte de tout ce qui nous entoure et non le mélange de deux individualités contraires. La volonté peut être contradictoire et multiple dans ses effets, dans ses manifestations, mais elle demeure toujours une et identique dans son principe, dans son essence. Je puis vouloir blanc pqur moi et noir pour autrui, mais il n'y a là que deux manifestations successsives et dissemblables de ma volonté, non pas deux volontés.

En outre, le citoyen peut-il se tromper sur ce que sont les postulats de la volonté générale, puisque c'est en même temps sa volonté? L'on dit bien en langage vulgaire :Je ne sais pas ce que je veux, mais cela revient simplement à dire que l'on ne veut pas encore. L'on ne peut vouloir en général, la volonté s'applique toujours à un acte déterminé et certain; si cet objet certain n'existe pas, la volonté n'existe point non plus •.

Nous disons donc : La partie ne peut errer sur ce qui est la volonté générale, puisque cette volonté est aussi la .sienne ; toute loi portée malgré elle sera donc contraire à la volonté générale qui est la sienne aussi, et, privée de .cette sanction, ne saurait être juste. L'on en arrive donc à

·Conclure à l'injustice de toute décision qui n'est pas prise .à l'unanimité. Malgré la volonté générale qui devait sau- ver toutes les apparences, nous en sommes toujours au

1 Il est évident que nous parlons ici de la volonté active, de l'acte volontaire et non de la volonté virtuélle, de la faculté de vouloir.

(32)

31

même point, cherchant la solution de ce problème : Quel Bst le fondement rationnel du pouvoir de la majorité?

Nous ne voulons point nous attacher à la question de savoir si vraiment la majorité, le tout moins la partie est toujours en possession de la vérité et a pour devoir de l'imposer à ceux qui errent; en effet, la liberté n'est pas limitée à la faculté que l'on a d'avoir rais.on, mais s'étend à celle d'errer, d'avoir de fausse notions sur tel ou tel point donné. Si le devoir de ceux qui croient posséder la vérité et faire le bien est de chercher à répandre leurs {?,Onvictions et leurs manières de voir, ils doivent le faire par la persuasion et non à coups de bulletins de vote. Le fait qu'une loi a été adoptée par la majorité ne convaincra jamais une minorité opposante de la fausseté de ses opinions et de l'excellence de la loi, car même la volonté générale, telle que la conçoit Rousseau, peut de son propre avis er- rer.

Elle est toujours droite et tend toujours à l'intérêt pu- blic, il est vrai ; mais l'intention seule, si bonne soit-elle, .n'a jamais suffi à rendre inattaquable l'acte qui en a été la suite. Puisque l'on admet en principe que l'individu peut Brrer, en exerçant la parcelle de volonté générale qui se trouve en lui et qui est toujours dirigée vers le bien, pour- quoi admettre que la minorité seu1 e, si petite soit-elle, doit se tromper par ce fait qu'e1le est la minorité? Chez Bile aussi l'intention est bonne, et ce qu'elle regarde comme le bien l'est peut-être en effet.

Sans aller jusqu'à dire, comme maints penseurs, que le règne de la majorité est celui de la médiocrité, il est bon de constater que le progrès scientifique et le développe- ment intellectuel eussent été fort ralentis et peut-être ar- rêtés, si on s'en fût toujours aveuglement tenu au verdict du plus grand nombre. La terre tournait quand bien même Gallilée était condamné, et les autodafés n'ont point suffi à faire rejeter à toujours la liberté de conscience.

Au reste, cette volonté générale que Rousseau décore d'une foule de vertus et de pouvoirs, perd singulièrement de son prestige, lorsqu'on la considère d'un peu près. C'est

(33)

cette volonté, devant laquelle tout le monde devrait s'in- cliner, quintescence de la volonté humaine, indestructible et éternelle, supérieure à toute volonté particulière, qui est ce qu'il y a de plus élevé dans l'État.

Et, cependant, de l'aveu même de l'auteur du Contrat social, elle est impuissante à créer par elle-même un corps de lois saines et justes. Ici nouvelle contradiction: c'est au peuple à faire les lois ou tout ou moins à leur donner, pae son assentiment, la force et la vie, car, sans ce concours des citoyens, la loi ne serait plus qu'une volonté particulière, et c'est la volonté générale seule qui oblige les individus.

Mais le peuple, tel qu'il est avant que l'œuvre législative soit terminée, n'est point capable de juger, car << il y a

« mille sortes d'idées qu'il est impossible de traduire dans

« la langue du peuple )) et chacun aperçoit difficilement les avantages qu'il doit retirer des privations continuelles qu'impose la loi. Cela revient à dire : une volonté générale bien dirigée peut seule faire les lois; or, l'usage seul des lois peut créer une volonté générale bien dirigée. Il est difficile de résoudre une pareille antithèse.

Nous retrouvons une contradiction semblable dans Mon- tesquieu qui ne se livrait cependant pas à de grands écarts d'imagination et qui marchait sùrement de déduction en déduction. Il divise les lois en deux classes 1 : la première comprend celles qui n'étaient que des rapports d'équité antérieurs à la formation de l'État (Talion), la seconde, celles que se donnent les hommes. C'est un principe fonda- mental de la démocratie que le peuple seul fasse des lois et Montesquieu, qui étudie dans son Esprit des lois une république tout idéale, reconnaît à ce législateur souve- rain beaucoup plus de discernement que ne lui en accorde l'admirateur de l'état nature. Cependant, pour que le peu- ple donne de bonnes lois, il faut qu'il ait l'amour de la ré- publique. Or nous lisons : « L'amour de la République,

« dans une démocratie, est celui dela démocratie; l'amour (( de la démocratie est celui de l'égalité... et encore

1 Op. cit., I, 1.

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