FACULTÉ DE
MÉDECINE
ET DEPHARMACIE DE BORDEAUX
.iATSTlsTÉE 1896-97 No 67
QUELQUES CONSIDÉRATIONS
LIGUÉ 1 LïflITl 1 Cil
et notamment les inconvénients que présente le
rouissage
tel qu'il se pratique dans la Sarthe.
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MEDECINE
présentée et soutenue
publiquement le 26 Février 1897
Raoul-Francois-Lucienu
DORIZON
Ancien interne de l'Hotel-Dieu du Mans.
Né à Chahaignes (Sarthe), le 30 septembre 1872.
Examinateurs de laThèse
MM. LAYET, professeur.... Président.
MORACHE, professeur.... i MESNARD, agrégé > Juges.
AUCHÉ, agrégé
\
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les diverses
parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE Y. CADORET
17 rue montméjan
1897
u
FACULTE DE MEDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
M. PITRES Doyen.
PROFESSEURS :
Professeurs honoraires.
MM. MICE.
AZAM
Cliniqueinterne.
Clinique externe Pathologieinterne....
Pathologieetthérapeu¬
tique générales Thérapeutique
Médecineopératoire...
Clinique d'accouchements
Anatoiniepathologique
Anatomie
Anatomie générale et histologie
MM.
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Physiologie Hygiène Médecinelégale Physique
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MM.
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FIGUIER.
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PIÉCHAUD.
BOURSIER.
AGREGES EN EXERCICE :
section de médecine (Pathologie interneet Médecine légale).
MM. MESNARD.
CASSAET.
AUCHÉ.
MM. SABRAZES.
Le DANTEC.
section de chirurgie et accouchements
MM.VILLAR.
Pathologieexterne 1 BINAUD.
BRAQUEHAYE
Accouchements MM. RIVIERE.
CHAMBRELFNT.
section des sciences anatomiques et physiologiques Anatomie 1 MM- PRINCETEAU.
A,iat0mie
( CANNIEU. Hhysiologie MM. PACHON.
Histoire naturelle BEILLE.
section des sciences physiques
Physique MM. SIGALAS. I Pharmacie
ChimieetToxicologie.. DEN1GËS. M. BARTHE.
COURS COMPLÉMENTAIRES :
Cliniqueinternedes enfants MM. MOUSSOUS.
Cliniquedesmaladiescutanéesetsyphilitiques DUBREUILH.
Cliniquedes maladiesdesvoies urinaires POUSSON.
Maladiesdularynx, desoreilles etdunez MOURE.
Maladiesmentales RÉGIS.
Pathologie externe DENUCÉ.
Accouchements RIVIÈRE.
Chimie DENIGÈS.
Le Secrétaire dela Faculté : LEMAIRE.
Pardélibérationdu 5 août1879, la Facultéaarrêtéqueles opinions émises dans les 1lièsesqui lui sont presentees doivent être considéréescomme propres à leurs auteurs, et qu'elle n'entend leur donner niapprobationni improbation.
A MES MAITRES
DE BORDEAUX
A Messieurs les Docteurs LE
BAIL
etDROUIN
Anciens internes des Hôpitaux de Paris, Chirurgiens àl'Hôtel-Dieudu Mans.
A mon Président de thèse
Monsieur le Docteur LAYET
Médecin principal de la Marine en retraite,
Professeurd'hygièneàlaFaculté demédecine deBordeaux,
Chevalierdela Légiond'honneur, Officier del'Instructionpublique,
Membrecorrespondantde l'Académie demédecine.
AVANT-PROPOS
Bienrares sont dans lavie les occasions
qui
nouspermettent
de rendre hommage à tous ceux
qui
nousont porté quelque
intérêt. Aussi je suis heureux
de pouvoir, dans cette circons¬
tance solennelle, témoignermatrop
faible reconnaissance à tous
les maîtres auxquelsje suis
redevable d'un pareil honneur.
Que M. le professeur
Gervais,
quela limite d'âge a enlevé
trop
prématurément à l'affection de ses élèves et de ses malades,
reçoive ici mes plus
sincères remerciements.
Que M. le professeur
Boursier, dont les leçons éclairées, et
dans son service à l'Hôpital des
Enfants, et dans
sescliniques à
l'Hôpital
Saint-André, m'ont rendu de si grands services, soit
assuré de ma plus
profonde gratitude.
Que MM. Verdalle, Lande et
Martin du Magny veuillent bien
agréerce faible
témoignage de reconnaissance.
Que mes chefs de service
de l'Hospice du Mans soient per¬
suadés queje garde le
plus agréable souvenir de leurs leçons
et de l'année quej'ai passée
auprès d'eux
enqualité d'interne.
Enfin que M. le professeur
Layet daigne agréer avec tous mes
remerciements l'hommage le plus sincère
de toute
magratitude
pour les bons
conseils qu'il m'a donnés si gracieusement en me
guidant dans ce
travail, et
pourle grand honneur qu'il me fait
en acceptantla présidence
de
mathèse.
QUELQUES
CONSIDÉRATIONS
suit
L'HMM M L'INDUSTRIE III CHANVRE
Et notamment les inconvénients que présente le rouissage
tel qu'il se pratique dans la Sarthe.
INTRODUCTION
Lors de mon séjour au Mans, en
qualité d'interne à l'Hôpital,
j'aiété frappé, à l'époque
du rouissage du chanvre, de la mau¬
vaise odeurrépandue sur toute
la ville et dans la campagne.
Les eaux des deux rivières, la Sarthe et
l'Huisne, qui ordinai¬
rement sont claires et limpides, étaient
alors jaunâtres et bour¬
beuses.
Jen'ignorais pas que
la ville tirait de
cesdeux rivières son
eau destinée à l'alimentation publique.
C'est alors que l'idée me
vint
que ces eauxainsi souillées
pouvaient causer de graves
préjudices à la salubrité publique,
et je me demandai s'il ne
serait
paspossible d'éviter les
causes de cette souillure.
Cette idée me poursuivant, je
résolus d'en faire
mathèse. Il
était peut-être téméraire
d'entreprendre
unepareille question,
car c'était me priver des excellents
conseils qu'auraient
pu medonner sur tout autre sujet mes maîtres de Bordeaux.
— 14 —
Cependant
persuadé
quemalgré tout il
yavait quelque chose
à faire, je me suis laissé
entraîner dans
unbut louable, et c'est
pour cette
raison
queje viens réclamer l'indulgence de mes
juges, pour un
travail qui, s'il n'a
pasl'autorité d'une œuvre
compétente,possède
aumoins le mérite d'être personnel.
Je n'ai pas la prétention
d'avoir tranché
unequestion qui
depuis 1828 occupe
la municipalité du Mans et le Conseil d'hy¬
giène de la Sarthe,
mais je serais trop heureux, si seulement
cettethèse pouvaitindiquer une
voie nouvelle à des recherches
qui permettraient à
la coquette ville du Mans, d'être plus
embaumée et plus saine pendant la
récolte et surtout pendant
le rouissage du chanvre.
1
LE CHANVRE (CANNABIS
SATIVA)
Lesindustries textiles datent
de l'origine même des sociétés,
c'est-à-dire de l'époque
où l'homme à demi-sauvage, à demi-
civilisé cessa de se
revêtir exclusivement de peaux d'animaux
qu'il
avait tués
pourleur substituer les produits obtenus par le
tissage des
fibres végétales. Leurs procédés pour les obtenir
étaient desplus
simples
etil faut
avouerqu'ils sont restés encore
tels de nos jours. Nous verrons en
effet que les procédés de
rouissage qui se
pratiquent actuellement, ne diffèrent en rien
de ceux que les
Gaulois employaient avant l'invasion romaine.
D'après ce que nous
rapporte l'histoire, les Scythes sont les
premières
peuplades qui aient connu le chanvre, mais ils n'en
fabriquaientpas
de la toile, ils s'en servaient seulement pour la
confection des cordages.
Il faut arriver jusqu'au xvii0
siècle
pourvoir les fibres du
chanvre employées à
la fabrication des toiles.
Actuellement il ya en France
près de 300 usines qui travail¬
lent le chanvre, et malgré les
quantités cultivées, la production
nationale est loin d'égalernos
besoins; ainsi voyons-nous qu'en
1887ilyapour
18 millions d'importation et 1 million seulement
d'exportation.
Botanique. — Le
chanvre (Cannabis) plante de la famille des
Urticées,dugenre
Cannabis,
aété, jusqu'à ces dernières époques,
divisé enCannabis sativa, qui est
celui de
nos payset en Canna¬
bisindica, quiest
cultivé
enOrient, et d'où l'on retire le haschich.
Cesdeuxsortessontuneseule et
même espèce, comme le démon¬
trent et l'analyse chimique
et les effets physiologiques, et si
— 16 -
l'action du Cannabis indica est plus active, cela tient seulement
au climatet au genre de culture.
D'après Personne, les principes actifssontunehuile essentielle, plus légère que l'eau, d'une couleurambrée, à odeurdechanvre
caractéristique, c'est le Cannabène, etune matièrerésineuse : la Cannabine.
Actionphysiologique. — Les émanations qui se dégagentdes plantations de chanvre provoquent du vertige et une sorte d'exhilarance. Ces phénomènes sont dus au principe volatil : au
Cannabène, et la chaleur du soleil favorisant son évaporation,
fait qu'ils sont plus intenses pendant les grandes chaleurs.
Les principes actifs convenablement préparés, lorsqu'ils sont ingérés, produisent les mêmes phénomènes que le haschich. En effet, les expériences de P. Albert sur lui-même (thèse de Stras¬
bourg, 1859), démontrent que chaque fois qu'il a absorbé des
teintures faitesavec le chanvreindigène,il aressentiune période
d'excitation pendant laquelle il riait, dansait sans raison, cette
période était suivie d'une seconde, pendant laquelle il était plongé dans un étatcomateux.
Or voici, d'après M. Richet, les phénomènes ressentis après l'absorption d'une certaine quantité de haschich :
« Quand onn'est pas prévenu, les premiers effets du haschich passentinaperçus, c'est une certaine excitabilité motrice et sen-
sitive de la moelle épinière...; on s'agite, on sepromène... on est pris d'un rire inextinguible..., puis à cette gaieté exubé¬
rante fait suite un état de dépression très grand ».
On voit que les effets sont les mêmes, seulement, pour les obtenir, il faut une quantité trois ou quatre fois plus grande
avec notre chanvre qu'avecle chanvreindien.
De même que si comme substance médicinale, le chanvre indigène a moins d'effet que dans les pays chauds, il en a de moins en moins à mesure que l'on s'élève vers le Nord, et les chanvres de la Suède, d'après Bergins, sont complètement dépourvus de propriétés enivrantes.
Aussi peut-on s'expliquer que les habitants de ces pays peu¬
vent faire servir sans inconvénient à leur alimentation les
graines de chènevis
soit pilées, soit grillées, alors qu'en 1860,
Michaud a rapporté à
l'Académie de Médecine le
casd'intoxica¬
tion d'un enfant qui avait mangé une assez
grande quantité de
ces graines.
Le chanvre est la plante
commerciale la plus répandue
en Europe.Cela tientnon seulement àla simplicité de sa
culture
et àla
possibilité de lafaire venir indéfiniment
surle même sol, mais
encore et surtout à un principe qui
conduisait l'ancien cultiva¬
teur à produire par
lui-même tout
cequ'il consommait.
Grâce à sa rusticité et à la courte durée de sa
végétation, le
chanvre peut être
cultivé
sous presquetoutes les latitudes de
notre continent.
On le trouve depuis les environs
d'Arkangel, jusque dans les
plaines de la
Grenade.
Le chanvre, bien qu'ayant comme
le lin
pourproduit princi¬
pal une matière
ternaire, la filasse, est cependant
unerécolte
des plus épuisantes
de la culture européenne. C'est là
unedes
raisons qui font désirer de
voir substituer
aurouissage ordi¬
naire un mode de préparationpermettant
de rendre à la terre la
grande quantité de
matières azotées et minérales
querenfer¬
ment les tiges et les feuilles de cette
plante et qui sont souvent
perdues.
Exercée avecintelligence, la culture du
chanvre est
unedes
plus productives connues.
On peut obtenir
eneffet.,
parhectare,
1,500 kilog. de filasse et 20
hectolitres de graines oléagineuses.
En France, les régions où le chanvre
donne les meilleurs
résultats, sont la Sarthe, l'Anjou,
la Picardie.
Les chanvres de Ferrare,de Bologne,en Italie,atteignent une
grande hauteur et sont
très estimés
pourla fabrication des
cor¬dages.
Le chanvre, tel qu'onle livre au commerce,
est l'écorce de la
plante qui nous occupe.
Nous savons que les écorces
des plantes ligneuses
ouherba¬
cées se composent de fibres
superposées, plus
oumoins fines,
plus ou moins
courtes, retenues entre elles, et agglutinées
parDori/.ON t
des matières résino-gommeuses plusou
moins abondantes, et de
nature différente, suivantla plante qui les
produit.
Etude de lafibre. —
Vues
aumicroscope, les fibres du chan¬
vre se présentent sous
des aspects très divers.
Pour étudier le chanvre, on peut très
utilement employer
un microscope grossissantde 300 diamètres.
L'examen au microscope doitêtre
précédé d'une ébullition de
quelques
minutes dans
unesolution de carbonate de soude, pour
nettoyer lesfibres
qu'on désire regarder.
Après enavoir
mis quelques fragments dans
unegoutte de
glycérine, on voit que
les fibres
seprésentent sous la forme de
tubes vasculaires à interstices articulés. Si on les
inclut dans la
paraffine pour enfaire des
coupes, ondistingue deux zones net¬
tement différenciées par laforme de leurs
cellules. Le diamètre
varie entre 1/20 et 1/30 de
millimètre.
Les fibres elles-mêmes ne diffèrent des cellules végétales que
par leur forme
allongée et peuvent être considérées (Fremy),
une foisdébarrasséesdes matièresgrasses et résineuses,comme composées de fibrose pure.
L'acide sulfurique les dissout sans
se colorer. Insolubles dans la potasse,
l'acide azotique et les
hypochlorites alcalins,elles
sontattaquées immédiatement par
le réactifammoniaco-cuprique.
Etude chimique desfibres. —Les
fibres textiles végétales sont
réunies entre elles pardu pectate de chaux,
de la pectose et des
membranes azotées, des matières gommeuses qui
agglutinent
les fibres entre elles.
A côté des substances cellulosiques qui forment
principale¬
ment les cellules et les fibres des végétaux, se trouve une
série
de corps découverts par M. Fremyet
qui jouent
ungrand rôle
dans la préparation des fibres
textiles
engénéral,
car cesont
eux quisoudent et relient entre elles
les fibres et les cellules.
Ces cimentsvégétaux sont constitués parla
vasculose, la cutose,
la pectose et ses dérivés.
Comme ces éléments sont ceux qui sont principalement atta¬
qués parle rouissage, nousallons
dire quelques mots d£ chacun
d'eux.
— 19 -
Vasculose. — La vasculose associée à la cutose relie entre elles les fibres du chanvre et leur donne la rigidité et la dureté.
Elle se dissout par l'action des savons alcalins.
Cutose. — La cutose, par sa composition et ses caractères, se
rapproche des corps gras ; en effetpar uneébullition prolongée,
lapotasse,la baryteet la chauxchangent lacutoseendeux acides,
l'un solide, l'autre liquide, comparables aux acides gras.
Substances gélatineuses. — Les substances gélatineuses qui
forment en partie le ciment végétal qui relie entre elles les
fibres et les cellules sont la pectose, la pectine, la parapectine,
l'acidepectosique,l'acidepectique,l'acide parapectique etl'acide métapectique.
Pectose. — Cette substance, insoluble dans l'alcool et dans l'éther, s'altère très facilement soitpar l'action des bases alca~
linesou alcalino-terreuses, soitpar l'action de certains ferments.
Pectine. —La pectine est le premier dérivé delapectose, elle
est soluble dans l'eau, elle se modifie parl'action des alcalis, et parcelle des ferments.
Or dans les tissus qui renferment de la pectose, il existe en même temps un ferment spécial nommé pectase, qui change la pectose en pectine, et celle-ci, qui est soluble, en une série
d'acides gélatineux : l'acide pectique et ses dérivés — appelés
acides métapectiques.
Elimination cles corps qui relient entre elles les fibres et les
cellules. — Après avoir constaté que les fibres et les cellules
étaient reliéesentre elles parlapectose,lacutose etla vasculose,
M. Fremy a reconnu qu'en faisant entrer ces trois corps en dis¬
solution, les cellules et les fibres étaient mises enliberté.
Pour obtenir les fibres pures on n'a donc plus qu'à faire agir
sur l'écorce les agents chimiques qui désorganisent ou dissol¬
vent les ciments organiques.
Ces ciments sont différemment attaqués par les réactifs chi¬
miques et exigent, pour leur désagrégation, des agents dont la
force varie avec la nature du ciment que l'on veutdétruire.
Le ciment quiest le plus attaquable est celui quiest à base
de pectose.
— 20 —
Cette substance se change en
pectine soluble clans l'eau, par
l'actiondes acides et par
celle des ferments.
Elle se dissout également
dans les liqueurs alcalines bouillan¬
tes quine
contiennent
quedes traces de carbonate de soude.
Pour la cutose, il fautavoirrecours
à
unagent plus énergique ;
on peut
employer
unedissolution bouillante de soude caustique.
Nous avons tenu à faire
précéder l'étude du rouissage du
chanvredecette courte
analyse chimique, espérant qu'elle pour¬
raitavoir une importance
considérable dans la recherche d'un
procédé
de rouissage chimique. Car ceux qui jusqu'à ce jour
ontété essayés n'ont pas
donné tous les résultats qu'on atten¬
dait d'eux.
Culture du chanvre. —Le
chanvre est
uneplante annuelle et
dioïque.
Le chanvre mâle est plus
petit et moins fort que le chan¬
vre femelle, il est aussi en
moins grande quantité. On compte
environ deux ou trois pieds
femelles
pour unpied mâle. Dans
les campagnes,
les pieds femelles sont appelés mâles, et les
mâles femelles. Cette confusion
vient probablement de l'habi¬
tude qu'a le paysan
de voir le mâle l'emporter en taille et en
grosseur sur
la femelle.
Le chanvre se sème en
avril-mai
etdemande
unbon terrain,
et de nature argileuse de
préférence, à
causede l'humidité qui
s'y conserve plus
longtemps.
Dans nos paysoùle
chanvre
secultive pour ses fibres textiles,
il faut quela semence
soit répandue
enquantité suffisante, afin
que les tiges
de la plante soient assez rapprochées pour ne pas
prendre un trop
grand développement en grosseur, et par là
éviter lespattes
qui
seproduisent lorsqu'elles sont trop distan¬
cées.
EnAsie, la culture est
différente puisqu'on le cultive surtout
pour en
recueillir la résine destinée à préparer le haschich des
Arabes, le churrus des
Indiens, le junga qu'ils fument et enfin
les infusions connues sous lenom de
bhang et subjee.
Or, pour faciliter
le développement de cette résine, il faut
que la plante
soit librement exposée au soleil et à l'air.
— 21 —
Aussiles Indiens espacent-ils les pieds
de chanvre de 3 mètres
environles uns des autres. L'action del'air, de la lumière, de la
chaleurmodifie les fibres. Elles se lignifient, deviennentraides,
dures et cassantes. La résine, seul produit recherché par eux, est très abondante.
Sa récolte se faiten deux fois à des époques qui ne sont pas les mêmes partout.
Dans la Sarthe, la récolte despieds nulles sefait dans
les
pre¬miersjours d'août, c'est-à-dire
lorsque la fécondation
a eulieu,
et celle despiedsfemellesdans le courant
du mois de septembre.
On enlève les brins un à un, on enfait de petites bottes.
Larécolte des pieds femelles se
fait de la même façon.
Au moyen de pieux enfoncés en terre, on
fixe des perches à
un mètre environ du sol, et ces perches servent à
soutenir de
chaque côtéles bottesde
chanvre, qui sont inclinées à la manière
d'un toit.
Lorsque les tigesfemelles
(mâles des paysans) sont arrivées à
un degré de dessiccation
convenable,
onbat les sommités dans
une futaille pour retirer la graine.
On bottelle ensuite lespaquets destinés à être
rouis prompte-
ment.
II
ROUISSAGE
Définition. —Le
rouissage (du haut allemand Rozzen, pourrir,
faire pourrir) est, comme on
le sait, l'opération qui a pour but
la séparation de la
fibre textile du chanvre de la partie ligneuse
appelée chenevotte.
Cette fibre adhère en effet au ligneux par une
gomme-résine
que le rouissage
fait fermenter. Cette gomme-résine, qui main¬
tient l'adhérence des fibres entre elles, s'oppose à
leur subdivi¬
sion en brindilles plus ténues,
ainsi qu'à la blancheur et à la
durée des tissus. Cette gommeforme
ordinairement le 3 0/0 du
poids total du
chanvre, proportion naturellement variable sui¬
vant l'état de siccité de laplante.
Les beaux travaux de MM. VanTieghenetIxolb, ont
jeté
une grande lumière surla théorie du rouissage.
M. Van Tieghen a démontré, en
effet,
quedans le rouissage
les amvlobactères (bacillus amylobacter)
dévorent
en sedéve¬
loppant le tissu
cellulosique qui relie les faisceaux fibreux, et
les meten liberté. La cellulose est attaquée : elle est
d'abord
dissoute,à l'aide d'une diastase secrétéepar
la bactérie; puis le
produit
soluble, 1a. granulose, subit la fermentation butyrique.
M. Kolb (d'Amiens) aprouvé,
de plus,
quedans le rouissage il
se produisait en outre une
fermentation
«la fermentation pec-
tique ». M. Kolb a
retrouvé
eneffet, dans les
eauxdu rouis¬
sage, des quantités
considérables d'acide métapectique qui est
un dérivéde la pectose, comme nous
l'avons dit dans le premier
chapitre.
Il est très important d'obtenir la
dissolution de la
gommeavant que lamacération
n'ait endommagé les fibres. Le hanvre
— 23 —
qui est roui plus rapidement
donne
unemeilleure fdasse, des
fils plus élastiques, plus forts,
plus durables.
Il faut en conclure que moins le chanvre aura passé
de
temps dans l'eau, mieux
il vaudra. Donc, plus le mode de
rouissage s'éloigne de la fermentation, plus
les fibres textiles
conservent de qualité.
C'est sur cette théorie que sont fondées les diveres
tentatives
que l'on afaites pour
améliorer
ousupprimer le rouissage.
Le mot de rouissage éveille ordinairement l'idée de macéra¬
tion dansl'eau, de putréfaction. Cette acception
vulgaire
se res¬sent de l'origine étymologique du mot « rozzen pourrir, mace- razione en Italien », elle fait pressentir à quel point elle inté¬
resse l'hygiène.
Mais l'humidité, la chaleur, la fermentation putride qui en résultentne sont paslesseulsmoyensde décomposeret
d'éliminer
lasubstance visqueuse qui englobe les fibres: le même
résultat
peut être obtenu par l'action des
dissolvants chimiques.
Ona même tenté d'enlever cette gomme sous forme de pous¬
sière, par simple action mécanique, en broyant la
tige
toutentière entre descylindres cannelés.
Toutes ces méthodes doivent être comprises sous le nom com¬
mun de rouissage. Toutes intéressent à divers degrés
l'hygiène,
la salubrité publique et la police médicale.
11 est doncnécessaire de faire précéder cetteétude d'une des¬
cription technologique sommaire, afin
d'apprécier la valeur
hygiénique de chaque procédé, et d'indiquer les mesures à prendre afin d'éviter leur influencenuisible.
Mais au point de vue de l'hygiène, ces différentsprocédés de rouissage peuvent déjà être divisés en deux grandes classes,
nous basant sur le rangqu'ils occupent dans le classementdes
établissementsinsalubres: 1° Le rouissage en grand du chanvre
et du lin par leur séjour dans l'eau, placé dans la première
classe (Décrets des 15 octobre 1810, 14 janvier 1815, 5 novem¬
bre 1826, 31 décembre 1866, 3 mai 1886).
Causes de nuisances: Emanations fétides provenant de la fer¬
mentation putride du chanvre et du lin.
— 24 —
Corruption des eaux par
la macération et la décomposition
des matières organiques,
surtout dans le rouissage à eau dor¬
mante.
2° Rouissage engrand
du chanvre et du lin par l'action des
acides, de l'eau
chaude
etde la
vapeur,placé dans la deuxième
classe, les 31 décembre
1866 et 3 mai 1886.
Causes de nuisances : Emanations
fétides provenant de la dé¬
composition
putride du chanvre et du lin dans les bacs ou cuves
àfermentation. Odeur infecte
dégagée pendant la dessiccation
des gerbes.
Formation et écoulement d'eaux
acides et
corrompuesémi¬
nemment fermentescibles.
A lapremière
classe correspond le rouissage rural ou agri¬
cole, tel qu'il se
pratique dans la Sarthe, et la plupart des dé¬
partements en
France.
A laseconde correspond le
rouissage manufacturier
ouindus¬
triel, telqu'il se
pratique dans de grands centres, dans le nord
de laFrance principalement.
Rouissage ruralou
agricole.
—Le rouissage agricole, tel que
le pratique le
cultivateur lui-même, doit se diviser en plusieurs
procédés.
1° Rouissage àl'air, surterre,
à la rosée,
rosage,sereinage.
—Ceprocédé,fort peu
employé dans le département de la Sarthe,
consiste à, étendre sur le sol, ordinairement
pendant les mois
d'août et de septembre, la
dernière récolte. On la répand en
couches minces appelées «
ondins
» surdes prairies
oudes trè¬
fles. Le chanvre est ainsi exposé
alternativement
àla pluie, à la
lumière, au soleil. Il faut de 30 à
60 jours
pourquele rouissage
soit suffisant. Aupoint de vue
de l'hygiène il n'y
aà considérer
ici que les
émanations fétides qui
sedégagent. Elles produisent
des céphalalgies, des
étourdissements,
en unmot les phénomè¬
nes qui s'observent avec
le chanvre
surpied.
Mais ce procédé ne peut être
recommandé,
carla fdasse est *
ordinairement de mauvaise qualité.
2° Viennent les deux procédés employés
dans la Sarthe
:le
rouissage à eau dormante et
le rouissage à
eaucourante.
f
Les eaux qui sont les
plus favorables
aurouissage sont celles
qui sont à la
température de l'atmosphère, et même un peu
plus chaudes :
aussi celles des routoirs sont-elles préférables à
celles des étangs, celles des étangs aux eaux
de rivières, et ces
dernières à celles des fontaines et des
puits.
La composition de
l'eau est également importante : il ne la
faut pas
ferrugineuse,
cardans
ce caselle colore la filasse. 11 ne
la faut pas nonplus trop
calcaire,
carles sels de chaux décom¬
poséspar
l'ammoniaque qui
sedégage pendant le rouissage, se
précipitent sur
la filasse à l'état de carbonates de chaux, y
adhérent, ce qui la rend
sèche et cassante.
Rouissage à l'eau stagnante ou
dormante.
—C'est le procédé
le plus ancien, les
Scythes et les Germains l'employaient. On
utilise à cet usage tous les bas
fonds, marais, tourbières, même
jusqu'aux a fosses »
qui
setrouvent dans les cours des fermes
et où viennent en temps ordinaire
boire les animaux.
Lorsque la nature ne
produit
pasde ces routoirs artificiels,
oncreuse dans un pré ou un
champ
untrou variable en lon¬
gueur et en largeur
et d'une profondeur de 1 mètre à 1 m. 50,
et quiest remplipar un
ruisseau quelconque.
Unequinzaine de jours
après l'arrachage, lorsque le chanvre
est assez sec, on le dépose en
couches régulières
aufond des
routoirs. On couvre ensuite le taspar de
la
terre oude
grosses pierres afin detenir les bottes submergées.
La plante reste
ainsi de huit à dix jours; ce temps est extrê¬
mement variable suivant la température,
la saison, la qualité
de l'eau. Toutefois, c'estune
opération délicate,
carsi
onlaisse
la fermentation aller trop loin, tout
le chanvre contenu dans le
routoir peut être perdu.
On retire le chanvrelorsque, dans les
couches
moyennes,la
filasse se détache facilement et sur toute la longueur
de la ché-
nevotte.
Dansla Sarthe, onétend le chanvre tout
englué et souillé de
matières organiques sur un pré,
dans les
coursde ferme et
même jusque sur les
bords des routes, malgré l'odeur
repous¬sante quise dégage.
— 26 —
La même eaudans le routoir peut servirà deuxou trois rouis¬
sages successifs.
Rouissage à eau courante. —
Dans
cerouissage, le chanvre
est directement mis dans le lit de la rivière au fond de laquelle
on a planté des pieuxpour
éviter
quele chanvre
nesoit entraîné
parle courant; mais
si
le courant esttrop fort
oula profondeur
trop grande, on fait dériver un
filet d'eau qui retourne à la
rivière après avoir traversé un routoir creusé auprès.
Ces deux genres s'observent dans l'Huisne et dans
la Sarthe.
Dans le rouissage à eau courante, les phénomènes sont les
mêmes que dans les routoirs à eau stagnante,
mais le rouissage
est plus long.
Dans le rouissage àeau courante dans un routoir isolé, une partie de l'eau est renouvelée par
le
courant, unepartie est
stagnante.
Lerouissage se fait plus lentement que dans l'eau stagnante
et d'autantplus lentement que la portion d'eau
renouvelée
par le courant est plus grande.De tous les procédés, ce dernier est incontestablement le plus
avantageux au point de vue industriel, en raison de la qualité
des produits, mais il est incontestablement aussi le plus nuisible
au point de vue de l'hygiène publique.
Il infecte l'air presque autant que le procédé à eau stagnante
et souille de plus le cours d'eau auquel il emprunte l'eau etcela jusqu'à une très grande distance.
C'est à ce procédé que M. Proust, professeur d'hygiène à la
Faculté de médecine de Paris, propose quelques modifications
que nous exposons ici, afin de les rendre plus claires :
« Pour ce procédé avantageux au point de vueindustriel et si
nuisible pourl'hygiène, dit M. Proust, des modifications seraient possibles.
»Elles consisteraient dans l'établissement de bassins étanches dont le fond se trouverait d'au moins un mètre supérieur à la
surface du cours d'eau destiné àson alimentation, laquelle s'ef¬
fectuerait à l'aide d'un barrage ou à défaut au moyen d'une
machine élévatoire.
— 27 —
» L'eauquiservirait à
la macération des plantes textiles conte¬
nues clans le bassin y arriverait par
la partie supérieure,
pararrosage de la masse et
s'écoulerait
parle bas de manière à
former un courant plutôt
intermittent
quecontinu.
» L'eau contaminée par la
fermentation émergerait dans
uneciterne contiguë où elle
serait traitée et désinfectée
avecdu lait
de chaux.
»Après quelque temps
de
repos,cette
eaus'étantéclaircie plus
ou moins complètement
serait employée à l'irrigation des prai¬
ries environnantes ou rendue au cours dont
elle provient
enlui
faisant parcourir un
trajet d'une certaine longueur à l'aide
d'une rigole creusée dans
le terrain où elle achèverait de
se purifier.»Lesdépôtsdu
routoir
et ceuxdu bassin d'épuration mélangés
formeraient untrès bonengrais, d'unemploi
facile,
peucoûteux
et presqu'inoffensifpour ceux
qui seraient chargés de l'enlever.
»Lesroutoirs,pendant
l'opération, devraient être couverts
pardes panneaux
mobiles, bien adaptés, afin
nonseulement d'em¬
pêcher
l'exhalation
etla dispersion des
•vapeurs infectes et
méphitiques provenant
de la fermentation, mais encore de
s'opposer à la
diminution de la température du routoir, qu'il
seraitbon, pour le même
motif, d'encastrer dans des
mursde
terre, caril estdeprincipe que
l'opération marche d'autant plus
vite, que la température est
plus élevée
»(Proust, Traité d'hy¬
giène, 1891).
Phénomènes physico-chimiques
qui
se passentdans les
rou¬toirs. — Ces phénomènes seront
naturellement plus frappants
dans le rouissage à eau stagnante.
Quelques heures après
l'immersion,
onvoit quelques bulles
qui viennentcrever à la
surface,
cesont des bulles d'air, chas¬
sées par l'eau qui pénètre
dans les interstices. Ce dégagement
d'airatmosphérique dure plusou
moins longtemps, suivant l'état
de sécheresse de la plante.Ordinairement, au
troisième
ou qua¬trièmejour,l'air estremplacéparde
l'acide carbonique. Ce n'est
que vers lecinquièmeou
le sixième jour
quele nombre des bulles
augmente et qu'elles prennent
leur odeur caractéristique, il
y a— 28 —
alors avec l'acide carbonique de
l'hydrogène sulfuré, de l'oxyde
de carbone. C'est à ce moment qu'agissent
les amylobactères et
qu'alieu lafermentation pectique dont il
adéjà été parlé.
Le trouble de l'eau dont la couleur est noirâtre est
produit
par des
matières
ensuspension et
pardes matières dissoutes.
Toutes ces matières éprouvent peu à peu, sous
l'influence de
l'oxygène
atmosphérique dissous dans l'eau, des dédoublements
successifs dont les derniers termes sont l'oxyde
de carbone et
l'acide carbonique. 11 en résulte que
plus il
y aurade matières
organiques, moins l'eau
contiendra d'oxygène
endissolution.
Lorsque l'eau des
routoirs
eststagnante
ousimplement
qu'elle se renouvelle lentement,
elle
netient plus
endissolution
aucune quantité d'oxygène, même
l'eau des rivières peut n'en
contenir plus que detrès
petites quantités,
commele prouvent
les analyses de l'eaude rivière au
Mans, pendant le rouissage.
Ces analyses, nous les devons à notre
ami Paul Huguet, chi¬
miste au laboratoire municipal du Mans,
qui
nousles
a gra¬cieusement communiquées : Avantle rouissage.
Acidecarbonique 13 0/00
Oxygène 7,8
Azote 15
et deux analyses pendantle rouissage.
Acidecarbonique. . . 22,5 Acide carbonique. . . 19,5 0/00
Oxygène 0,3 Oxygène 3,2
Azote 16 Azote 15,5
Or, les eaux potables contiennent
ordinairement de 8 à 9
cen¬timètrescubes d'oxygènepour un litre d'eau.
La quantité d'oxy¬
gène contenue seradonc uncaractèretrès
important dans l'ana¬
lyse des eaux derouissage, leur
salubrité
sera eneffet
engrande
partie mesurée par le chiffre de l'oxygène en
solution,
carsi
l'oxygène n'est pas absolument
indispensable
pourqu'une
eaune soit pas malsaine, sa présence indiqué
toujours
quel'eau
necontient pas de matière organique
décomposable.
— 29 —
L'analyse suivante peut
donner
uneidée de la composition
moyennede
l'extrait des
eauxde rouissage évaporées à 100 cen¬
tigrades.
Carbone 20,69
Hydrogène 4,24
Oxygène 20,80
Azote 2,24
Cendres 43,03
100,00
Quant auxcendres, on a
trouvé dans
uneanalyse les nombres
suivants :
Potasse 9,70
Soude 9,82
Chaux 12,33
Magnésie 7,79
Alumine 6,08
Silice 21,35
Acidephosphorique 10,84
Chlore 2,41
Acidecarbonique 16,95
Acidesuliurique 2,65
100,00
Pour la quantité de
matières organiques dissoutes, il a été
trouvé dans cette même rivière au Mans,
pendant le milieu de
lapériode de
rouissage à quelques mètres en aval des routoirs :
4 gr. 880 de résidupar litre.
0gr.0710 dematièresorganiques dissoutes.
0 gr.2792 de matières minérales.
Influence du
rouissage
surla santé publique.
—Si encore de
nosjours régnent
certaines
croyances surla trop grande insa¬
lubrité des eaux de rouissage, il ne
faudrait
pastomber dans
l'extrême contraire et proclamerleur
innocuité absolue.
Les croyances populaires
sont généralement empiriques, il
est certain que souvent elles
exagèrent dans l'interprétation des
faits, mais on peut dire que presque
toujours il
y aquelque
chose defondé dans des opinions
qui durent depuis des siè-
— 30T —
cles, non que nous
approuvions
sansréserves
ces croyances qui existent encore,telles
quela
presquecertitude de contracter
les fièvres intermittentes en se baignant dans les eauxde rouis¬
sage.
Mais avant d'exposer les idées qui, à notreépoque,
ont géné¬
ralement cours sur cette question, nous allons en
faire l'histo¬
rique en quelques lignes.
Historique. — Coutumes de
Normandie (chap. 9, art. 209)
:Rotours ou rotouers ne peuvent être faits en eau courante,
si
aucun veutdétourner pour en faire, il doit vider
l'eau dudit
ro¬tours, en sorte qu'ellene puisse retourner
dans la rivière.
Coutume d'Amiens (t. XI, art. 243) : Défense de rouir dans
rivières ou marais publics sans le congé du
seigneur
et sansencourir l'amende de soixante sols Parisis.
Celles du Hainaut (chap. 103, art. 16), de Mons
(chap. 53,
art. 6) défendent également le rouissage en eau courante;
de
même parjugement en dernier ressort pour le comte
de Saint-
Fargeau contre les habitants de Saint-Fargeau, en datedu
26juillet 1557.
Ordonnance du roi d'Espagne (juillet 1627) pour les rivières
de Flandre :
Art. 4. Que personne ne s'ingère d'y faire rouir... à
peine de
forfaitures et chaque fois la somme de vingt florins.
La défense de faire rouir le lin et le chanvre en eau cou¬
rante est réitérée en France, par les arrêts du Conseil 1702, 1719, et28 décembre 1756.
Ces mesures commentées dans Baudrillart (Eaux et Forêts, 1834) sont expliquées par l'auteur « par la décomposition du
lin et du chanvre qui corrompt l'eau et qui fait mourir lepois¬
son et occasionne des maladies aux bestiaux quiy vont boire et
même auxhabitants ».
Dans ce même traitéontrouve : « Quelquefois mais rarement,
les ouvriers occupés à arracher le chanvre sont pris d'éblouis-
sements, demaux detêteviolents et tombent sans connaissance.
» Il faut arriver à l'Encyclopédie du xvme siècle pour trouver
un peu moins d'affirmation surles délits attribués au rouissage :