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Maladie de Crohn. Circonstances du diagnostic. Épidémiologie. Physiopathologie. Chapitre S12-P05-C09 0

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Chapitre S12-P05-C09 0090

Maladie de Crohn

C09P05-S12-

CAROLINE PRIEUX-KLOTZ ET VERED ABITBOL

La maladie de Crohn est une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI), pouvant affecter tout le tube digestif, de la bouche à l’anus. Son atteinte est transmurale, se définissant par une atteinte muqueuse pouvant s’étendre à toutes les couches de la paroi. Son diag- nostic repose sur un faisceau d’arguments cliniques, biologiques, endoscopiques et histologiques, notamment sur la présence, en histo- logie, d’un granulome épithélioïde et gigantocellulaire. Elle évolue par poussées entrecoupées de rémissions et peut se compliquer de sténoses, d’abcès et de fistules. Le but du traitement est de cicatriser les lésions avant la survenue de complications irréversibles.

Épidémiologie

La maladie de Crohn a une prévalence élevée dans les pays dévelop- pés, avec un gradient décroissant du nord vers le sud. Elle touche 80 000 sujets en France. Son incidence est de 6 à 8 nouveaux cas pour 100 000 habitants par an. Elle touche plus volontiers les femmes, avec un sex-ratio de 1,2. Le pic de fréquence se situe entre 20 et 30 ans, mais elle peut survenir à tout âge (notamment chez l’enfant et le sujet âgé).

Physiopathologie

La maladie de Crohn est liée à une dysrégulation de la réponse immunitaire intestinale, contre des éléments de la flore intestinale, sur- venant chez des patients génétiquement prédisposés et dans un contexte environnemental favorisant. Sa physiopathologie est com- plexe et imparfaitement connue.

Le rôle du tabac est primordial dans l’histoire de la maladie de Crohn, qui survient plus fréquemment chez les fumeurs, avec un risque relatif deux fois plus important que chez les non-fumeurs.

L’arrêt du tabac s’associe rapidement, dès la première année, à une diminution de la fréquence et de la gravité des poussées.

L’appendicectomie n’a pas de rôle protecteur contre la survenue d’une maladie de Crohn. L’antécédent d’appendicectomie est fréquent dans la maladie de Crohn iléocæcale (syndrome pseudo-appendiculaire).

Des facteurs génétiques sont impliqués dans la survenue de la maladie de Crohn. Dès 1934, le docteur Burill B. Crohn décrivait des formes familiales de la maladie. Actuellement, 8 à 10 % des patients atteints ont un ou plusieurs parents atteints. Lorsqu’un parent est atteint, le risque de transmission est d’environ 5,6 % pour ses apparentés au premier degré. Si les deux parents sont atteints, ce risque s’élève à 36 %. Le gène CARD 15/NOD2 sur le chromosome 16 a un rôle dans le développe- ment de la maladie de Crohn. Lorsqu’il est muté, une dysrégulation de la réponse de l’hôte aux bactéries du microbiote apparaît. Ce gène est muté chez seulement 50 % des malades, et dans 20 % des cas chez le sujet sain. Les études réalisées sur des jumeaux monozygotes montrent que dans 20 à 62 % des cas, le jumeau non atteint ne développe pas la maladie, ce qui implique l’existence d’autres facteurs favorisants.

Le microbiote intestinal correspond à l’ensemble des micro- organismes présents dans le tube digestif (bactéries, phages, champi- gnons, archæa). Il se constitue au cours de la vie en fonction de l’envi- ronnement et de facteurs liés à l’hôte. Il influe dans l’orientation de la réponse immune, dans la prolifération épithéliale.

Au cours des MICI, il a été observé une dysbiose, un déséquilibre entre les bactéries protectrices et délétères.

Circonstances du diagnostic

Modes de révélation clinique

Le tableau clinique le plus classique est celui du syndrome pseudo- appendiculaire. Il peut révéler une atteinte iléocæcale de la maladie de Crohn, qui est la plus fréquente. Le diagnostic peut être fait sur la tomodensitométrie aux urgences, retrouvant un épaississement de la dernière anse iléale, parfois associée à un épaississement du cæcum et des adénopathies mésentériques. Il peut aussi être évoqué en per opé- ratoire, lors d’une « appendicectomie blanche », ou par l’anatomopa- thologiste en cas de granulome épithélioïde gigantocellulaire sans nécrose caséeuse retrouvé sur la pièce d’appendicectomie.

Lors du diagnostic, on trouve classiquement à l’interrogatoire une symptomatologie digestive chronique préalable avec douleurs abdomi- nales plus ou moins associées à une diarrhée, surtout s’il existe une atteinte colique. Une altération de l’état général, de la fièvre ou une malabsorption peuvent étayer le diagnostic.

Des lésions anopérinéales (fissures, pseudo-marisque inflammatoire, fistules, abcès) sont présentes chez 10 à 15 % des patients au diagnostic (Figure S12-P05-C09-1).

Des manifestations extradigestives sont parfois observées au cours des MICI. Elles sont le plus souvent contemporaines de l’atteinte digestive :

– manifestations cutanées : érythème noueux, pyoderma gangreno- sum ;

– manifestations muqueuses : aphtes vulgaires, lésions anopérinéales ;

Figure S12-P05-C09-1 Examen proctologique montrant une ulcération anale au cours de la maladie de Crohn. (Collection L. Siproudhis.)

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– manifestations ophtalmologiques : sclérites, épisclérites, uvéites, kératites ;

– manifestations ostéo-articulaires : spondylarthropathies avec atteinte axiale, oligo-arthrite, ostéoporose ;

– manifestations vasculaires avec risque thrombo-embolique majoré dans les MICI ;

– manifestations hépatobiliaires : cholangite sclérosante primitive.

Examens complémentaires endoscopiques

Le diagnostic est confirmé lors de l’endoscopie. Une endoscopie œsogastroduodénale et une iléo-coloscopie sont réalisées au diagnostic.

Des lésions iléales ou coliques sont retrouvées dans près de 80 % des cas. Des biopsies étagées systématiques doivent être réalisées en zone macroscopiquement saine et en zone pathologique.

La muqueuse iléale et/ou colorectale est ulcérée avec typiquement des intervalles de muqueuse saine, mais les lésions peuvent être conti- nues dans les formes sévères et étendues. On observe une disparition de la trame vasculaire, un érythème, des érosions, des ulcérations aph- toïdes ou linéaires et parfois creusantes (Figure S12-P05-C09-2). La présence de pseudo-polypes inflammatoires est un reflet d’une maladie ancienne. L’atteinte endoscopique du tractus digestif haut est rare, mais doit être évoquée devant des ulcérations œsophagiennes, gastriques ou duodénales. Le score de sévérité endoscopique doit être détaillé (score CDEIS) [1].

L’analyse histologique des biopsies permet le plus souvent de confir- mer le diagnostic devant la présence d’un infiltrat diffus transmuqueux lymphoplasmocytaire associé à des ulcérations larges et fissuraires, des cryptites et abcès cryptiques, des lymphangiectasies et une inflamma- tion périvasculaire. La présence d’une plasmocytose basale a une bonne valeur prédictive positive de MICI à la phase précoce. L’élément histo- logique pathognomonique de la maladie de Crohn est la présence de granulome épithélioïde et gigantocellulaire sans nécrose caséeuse. Ce granulome n’est jamais présent au cours de la RCH et pose définitive- ment le diagnostic de maladie de Crohn (Figure S12-P05-C09-3).

La vidéocapsule endoscopique du grêle trouve sa place chez des malades présentant un tableau clinicobiologique suspect de maladie de Crohn avec gastroscopie et iléocoloscopie normales. Elle peut per- mettre le diagnostic d’une maladie de Crohn du grêle (ulcérations aph- toïdes ou plus creusantes) et d’en réaliser la cartographie.

Biologie

Un syndrome inflammatoire avec augmentation de la protéine C réactive (CRP) est observé au moment des poussées mais la CRP peut rester normale chez certains patients. L’anémie est fréquente, de mécanisme inflammatoire et/ou carentiel martial, en vitamine B12 ou en folates. Une hypoalbuminémie peut s’observer chez des patients dénutris et/ou très inflammatoires. Des stigmates biologiques de malabsorption peuvent être associés en cas d’atteinte étendue du grêle.

Le dosage des anticorps anti-Saccharomyces cerevisiæ (ASCA) n’est utile qu’en cas de colite inclassée (p-ANCA positifs chez 65 % des patients atteints de RCH).

Le dosage de la calprotectine fécale, marqueur d’inflammation muqueuse, n’est pas utile au diagnostic, mais pour le suivi dans l’éva- luation de la réponse au traitement.

Un diagnostic différentiel infectieux est nécessaire au moment du diagnostic. Une coproculture avec recherche de toxine du Clostri- dium difficile et un examen parasitologique des selles sont réalisés sys- tématiquement. Une recherche de cytomégalovirus par PCR (polymerase chain reaction) est réalisée chez des malades immunodé- primés, une colite à cytomégalovirus pouvant mimer une colite inflammatoire. Devant une iléite isolée, une infection par Yersinia enterocolitica et Campylobacter jejuni, voire une tuberculose doivent être éliminées.

Examens radiologiques

Dans la maladie de Crohn révélée par des douleurs abdominales, un scanner abdomino-pelvien a souvent été réalisé en première intention.

Il évoque le diagnostic devant un épaississement pariétal digestif, des adénomégalies inflammatoires, une infiltration mésentérique (signe dit « du peigne »). Il permet de diagnostiquer des complications aiguës : perforations, fistules, abcès.

L’entéro-IRM est devenue un outil de qualité et central dans la prise en charge de la maladie de Crohn. Elle est réalisée dans le bilan d’extension initial pour rechercher une atteinte du grêle, analyser l’inflammation transmurale et péri-intestinale, mesurer l’extension de l’atteinte, rechercher des complications telles que des sténoses, fistules et abcès. Elle est également utile pour le suivi des atteintes du grêle.

Traitement

L’objectif thérapeutique classique est le contrôle des symptômes.

Avec l’arrivée des biothérapies, ces dix dernières années ont vu émerger Figure S12-P05-C09-2 Endoscopie iléale montrant une iléite ulcérée. (Col-

lection V. Abitbol.)

Figure S12-P05-C09-3 Examen histologique d’une biopsie colique montrant une inflammation transmurale (1), des cryptites (2) et un granulome épithé- lioïde et gigantocellulaire (3). (Collection F. Beuvon.)

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le concept de cicatrisation muqueuse qui apparaît désormais comme le nouvel objectif à atteindre. La cicatrisation muqueuse est plus facile à obtenir dans les maladies récentes ; elle est associée à un meilleur pro- nostic avec une diminution des complications. Les immunosuppres- seurs associés à une biothérapie (combothérapie) en augmentent l’efficacité [2]. La tendance actuelle est de démarrer précocement une combothérapie chez les patients à risque d’évolution péjorative (âge jeune, nécessité d’une corticothérapie initiale, lésions anopérinéales, formes fistulisantes, atteinte étendue du grêle) [7]. L’efficacité du trai- tement est évaluée par l’évolution clinicobiologique (Crohn disease activity index [CDAI], ou score de Harvey-Bradshaw) et muqueuse (calprotectine fécale, endoscopie, entéro-IRM).

Traitements disponibles Dérivés salicylés

Les dérivés salicylés ont des indications limitées dans la maladie de Crohn. Ils peuvent être prescrits en chimioprévention du cancer colorectal chez les patients à risque.

Corticothérapie

La corticothérapie est le traitement de première intention des pous- sées modérées à sévères, devant être utilisée à doses progressivement régressives sur 1 mois. La corticothérapie est inefficace pour maintenir une rémission clinique. Une cortico-résistance est rencontrée dans 20 % des cas et un tiers des patients sont cortico-dépendants. Le budé- sonide est un corticoïde ayant un faible passage systémique, qui est effi- cace dans les formes iléo-coliques droites légères à modérées.

L’azathioprine, la 6-mercaptopurine et le méthotrexate sont des immunosuppresseurs indiqués dans la maladie de Crohn cortico- dépendante pour le maintien de la rémission. Ils sont de plus en plus prescrits en association avec une biothérapie car ils en augmentent l’efficacité (prévention de l’immunisation contre les anti-TNF-α). Les thiopurines ont un long délai d’action (3 mois environ). Les doses recommandées se situent entre 2 et 2,5 mg/kg/j pour l’azathioprine et 1 à 1,5 mg/kg/j pour la 6-mercaptopurine. Le méthotrexate est prescrit à la dose de 25 mg par semaine de préférence par voie injectable (sous- cutanée ou intramusculaire). Il a un délai d’action plus court que les thiopurines (environ 40 % de rémission sans corticoïdes à 4 semaines).

Une supplémentation orale systématique en acide folique à la dose de 10 à 15 mg est associée 24 à 48 heures après la prise du méthotrexate afin d’améliorer la tolérance.

Biothérapies

Les biothérapies ont révolutionné la prise en charge des MICI. Les anti-TNF-α permettent une épargne en corticoïdes et un moindre recours à la chirurgie grâce à la diminution des complications irréver- sibles (sténoses, fistules). Les anti-TNF-α sont plus efficaces lorsqu’ils sont introduits tôt dans l’histoire de la maladie. Ils sont aussi plus effi- caces en association avec un immunosuppresseur qu’en monothéra- pie [2]. Ils peuvent être utilisés en première intention en cas de cortico- dépendance ou de cortico-résistance, en traitement d’attaque d’une poussée et en maintien de la rémission. Les anti-TNF-α ayant obtenu l’AMM dans la maladie de Crohn sont l’infliximab et l’adalimumab.

L’infliximab est administré en perfusion intraveineuse à la dose de 5 mg/kg renouvelée à 2 et à 6 semaines pour l’induction, et toutes les 8 semaines en entretien. L’adalimumab est administré par voie sous- cutanée, à 160 mg initialement, à 80 mg 2 semaines plus tard, puis à 40 mg toutes les 2 semaines en traitement d’entretien.

Un bilan pré-thérapeutique infectieux (recherche de tuberculose, sérologies virales) et une mise à jour du calendrier vaccinal doivent être réalisés avant la mise sous anti-TNF-α.

L’ustekinumab est un anti interleukine (anti IL12 et IL 23) indiqué dans la maladie de Crohn active modérée à sévère chez les adultes qui ont eu une réponse insuffisante, une perte de réponse ou une intolé-

rance à un traitement conventionnel après au moins un anti TNF-α [3]. Il s’administre avec une dose d’induction par voie intraveineuse à 6 mg/kg puis traitement d’entretien à débuter 8 semaines après par voie sous cutané à 90 mg, poursuivie toutes les 8 à 12 semaines.

Le vedolizumab est un traitement anti intégrine indiqué dans la maladie de Crohn modérée à sévère active chez les adultes ayant eu une réponse insuffisante, une perte de réponse ou une intolérance à un traitement conventionnel avec au moins un anti TNF α (4). Il s’administre à la dose de 300mg par voie intraveineuse avec une induction à 2 et 6 semaines puis toutes les 8 semaines. En cas de réponse insuffisante une dose supplémentaire pourra être adminis- trée à la 10e semaine.

Avant l’utilisation de ces biothérapies il est nécessaire de vérifier l’absence d’infection active ou chronique latente et l’absence d’abcès profond.

Nutrition entérale exclusive

La nutrition entérale exclusive est un traitement efficace dans les atteintes du grêle. Elle est utilisée en monothérapie chez l’enfant. Elle peut être utilisée en association à l’antibiothérapie dans la prise en charge médicale initiale des abcès du grêle.

Antibiotiques

Les antibiotiques (métronidazole, ciprofloxacine) ont une efficacité limitée en prévention de la récidive post-opératoire et dans certaines complications de la maladie (lésions anopérinéales, abcès non drai- nables) en attendant d’autres possibilités thérapeutiques.

Chirurgie

La chirurgie est réservée aux maladies résistantes au traitement médi- cal et aux complications de la maladie. Les chirurgies intestinales itéra- tives exposent au risque de syndrome de l’intestin court. Certaines iléites limitées peuvent bénéficier d’une résection iléo-cæcale parfois précoce dans l’évolution de la MICI, permettant de « blanchir » de la maladie et d’obtenir une rémission pendant plusieurs années. Une pre- mière coloscopie faite 6 mois après l’intervention chirurgicale permet de dépister la récidive en mettant en évidence des ulcérations iléales dont le nombre (score de Rutgeerts [1]) indique la reprise d’un traite- ment médical.

Traitement des poussées de maladie de Crohn

Une poussée est suspectée devant des symptômes et un syndrome inflammatoire. Elle est confirmée en endoscopie (ou par une augmen- tation de la calprotectine fécale) et/ou en imagerie pour les atteintes intestinales. Un scanner abdomino-pelvien, ou, au mieux, une entéro- IRM permettent d’apprécier l’extension d’une atteinte intestinale et de rechercher une complication (abcès, fistule ou sténose). La sévérité de la poussée doit être évaluée (état général, score clinicobiologique, sévé- rité des lésions en endoscopie). En cas de pancolite, l’évaluation de la gravité par le score de Lichtiger permet de poser le diagnostic de colite aiguë grave lorsqu’il est supérieur à 10 (voir Chapitre S12-P05-C10).

Lors de la prise en charge d’une poussée de maladie de Crohn, il est nécessaire de rechercher une surinfection (coproculture à la recherche de toxine de Clostridium difficile, PCR sérique du cytomégalovirus) ou une complication nécessitant un traitement spécifique : abcès périnéal ou intra-abdominal. Une prophylaxie des complications veineuses thrombo-emboliques doit être systématique.

Conduite à tenir devant une première poussée de maladie de Crohn

Dans les localisations iléocoliques droites en poussée modérée, le budésonide peut être utilisé en première intention à la dose de 9 mg pendant 4 à 6 semaines, puis à doses progressivement décroissantes.

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Son utilisation permet d’éviter les effets indésirables d’une corticothé- rapie systémique. En cas d’échec et dans les autres localisations, une corticothérapie par voie orale est prescrite à la dose 40 mg/j ou de 0,8 à 1 mg/kg d’équivalent prednisone pendant 4 semaines, puis à doses progressivement décroissantes et relais par un traitement de fond (immunosuppresseur et/ou anti-TNF-α).

Complications

Formes sténosantes

Les formes sténosantes sont le plus souvent observées dans les atteintes iléales, après une longue évolution inflammatoire. En cas d’atteinte iléale, le phénotype sténosant est observé dans 15 % des cas au diagnostic et dans 43 % au bout de 10 ans d’évolution. Les anastomoses chirurgi- cales se compliquent volontiers de sténoses (sténose anastomotique).

Cliniquement, les patients présentent des épisodes subocclusifs (syn- drome de König), et au maximum un tableau occlusif. Les sténoses de la maladie de Crohn associent inflammation et fibrose dans des propor- tions variables. Les sténoses inflammatoires se traitent en première inten- tion comme une poussée de la maladie (corticoïdes, anti-TNF) afin de lever l’obstacle en traitant l’inflammation. Les sténoses fibreuses cicatri- cielles courtes de moins de 5 cm, surtout si elles sont anastomotiques, peuvent être traitées par dilatation endoscopique au ballonnet. Dans les sténoses fibreuses de plus de 5 cm et non accessibles à une dilatation endoscopique, un traitement par résection chirurgicale est proposé. Des sténoses courtes étagées du grêle peuvent bénéficier de stricturoplasties épargnant les fonctions de l’intestin grêle.

Formes fistulisantes

La survenue d’une forme fistulisante résulte de l’inflammation transmu- rale de la maladie de Crohn et complique une forme sténosante dans près de 90 % des cas. Les formes fistulisantes sont plus fréquentes en cas d’atteinte du grêle (iléon). Elles sont le plus souvent mises en évidence à l’entéro-IRM. Les fistules peuvent être entéro-entérales, entérocoliques, entérocutanées, entérovésicales, entéro-abdominales, entérogynécolo- giques. Le traitement chirurgical est indiqué dans les formes symptoma- tiques ou associées à un abcès. L’utilisation des anti-TNF-α peut permettre une fermeture des fistules en traitant l’inflammation sous-jacente [5, 9].

Abcès

Les abcès intra-abdominaux ou pelviens surviennent chez 10 à 30 % des patients suivis pour une maladie de Crohn. Un abcès est suspecté devant toute douleur abdominale fébrile, ou associée à un syndrome inflammatoire biologique intense (CRP > 100 mg/l). Il est mis en évi- dence par la tomodensitométrie abdominopelvienne fait en urgence.

Tout abcès périnéal doit être drainé en urgence. Les abcès intra- abdominaux accessibles à un drainage doivent l’être au mieux sous contrôle radiologique. Les formes abcédées non drainées sont une contre-indication absolue à l’utilisation des anti-TNF-α. Pour les abcès de petite taille ou inaccessibles, l’antibiothérapie seule est parfois suffi- sante. Une antibiothérapie à large spectre (céphalosporine de troisième génération associée à du métronidazole généralement) est prescrite pendant 2 à 3 semaines. La persistance de l’abcès au contrôle radiolo- gique (tomodensitométrie ou IRM) est une indication au traitement chirurgical. Plusieurs études rétrospectives suggèrent que l’utilisation d’anti-TNF-α, après disparition de l’abcès, est efficace et permet d’évi- ter un geste chirurgical. Des études prospectives sont en cours [6].

Lésions anopérinéales

Plus d’un tiers des malades atteints de maladie de Crohn ont une lésion anopérinéale au cours du suivi, et 10 % des malades au diagnostic.

Les lésions anopérinéales sont d’autant plus fréquentes que l’atteinte digestive se situe bas dans l’intestin. Elles sont associées à 15 % des formes iléocoliques droites et 50 % des formes rectales et coliques gauches. Une rectite est associée aux lésions anopérinéales dans 75 % des cas. Elles constituent un facteur de mauvais pronostic de la maladie de Crohn. Ces lésions ont un impact considérable sur la qualité de vie et sont souvent sous-déclarées par les malades. L’examen proctologique doit être attentif tout au long du suivi. L’examen proctologique com- prend l’examen cutané (fissures, pseudo-marisques inflammatoires, ori- fices fistuleux) et l’examen du canal anal (ulcérations, fistules, fissures, sténoses, abcès). Les ulcérations témoignent de l’évolutivité de la mala- die. Tout abcès périnéal doit être drainé en urgence. Les fistules sont sou- vent complexes et multiples. L’IRM pelvienne est l’examen de choix pour identifier leur nombre et leur trajet. Elles doivent être drainées par la pose de setons avant la mise en route d’un traitement par anti-TNF-α de préférence en combothérapie [5, 10, 11].

Le but du traitement médical est d’éviter la proctectomie et les chirurgies délabrantes. Le traitement des sténoses anorectales est déli- cat. Il doit être celui des lésions anopérinéales associées. En cas de sté- nose symptomatique, des dilatations peuvent être réalisées. Une apparition de carcinome épidermoïde du canal anal est possible sur les lésions anopérinéales chroniques.

Risque de cancer colorectal

Comme dans la RCH, le risque de cancer colorectal au cours des maladies de Crohn coliques augmente avec leur durée d’évolution, leur étendue, et l’existence d’antécédents familiaux de cancer colorectal (voir Chapitre S12-P05-C10). L’inflammation muqueuse chronique fait le lit du cancer colorectal avec une séquence inflammation-dyspla- sie-cancer. Actuellement, on observe une réduction du risque de can- cer colorectal [8] probablement en relation avec un meilleur contrôle de l’inflammation et à une meilleure surveillance. Une coloscopie avec chromo-endoscopie et biopsies étagées est recommandée à partir de 8 ans d’évolution pour dépister une dysplasie précédant le cancer. En cas de cholangite sclérosante, une coloscopie annuelle est recomman- dée, quelles que soient la durée d’évolution ou l’extension de la MICI.

Procréation, grossesse et maladie de Crohn

La fertilité est réduite chez les patients atteints de maladie de Crohn active, mais n’est pas altérée en cas de maladie de Crohn contrôlée. Les patientes multi-opérées sont à risque de développer un dysfonctionne- ment tubaire. Les patientes atteintes de lésions anopérinéales peuvent développer une dyspareunie. Des troubles de l’érection peuvent surve- nir chez des patients après proctectomie. Les troubles de la fertilité post-opératoires sont réduits dans les interventions sous cœlioscopie.

La grossesse n’influence pas l’évolution de la maladie de Crohn si elle survient dans un contexte de rémission clinique. En cas de maladie active au cours de la conception, deux tiers des malades gardent une maladie active qui s’aggrave au cours de la grossesse. Le statut nutritionnel influence également le déroulement de la grossesse. La maladie de Crohn est un facteur de risque de petit poids de naissance et de prématurité [12].

Toute grossesse au cours des maladies inflammatoires chroniques intes- tinales doit être préparée et prise en charge de manière multidisciplinaire.

Concernant le mode de délivrance, l’indication obstétricale prime pour toutes les grossesses. En cas de lésions anopérinéales ou de rectite sévères, une césarienne est préférée. L’épisiotomie doit être évitée. L’anastomose iléo-anale est une indication à la césarienne. L’iléostomie et la colostomie ne sont pas une contre-indication à l’accouchement par voie basse.

La décision de maintien du traitement de fond tient compte du pro- fil évolutif de la MICI et des bénéfices d’une maladie contrôlée. Tous les traitements de fond de la maladie de Crohn peuvent être poursuivis

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durant la grossesse, sauf le méthotrexate qui est formellement contre- indiqué au cours de la procréation et de la grossesse. La dose des dérivés salicylés doit être réduite à 2 g ou moins par jour. Les anti-TNF-α (infliximab, adalimumab) sont, si la maladie le permet, évités au cours du troisième trimestre. Les vaccins vivants sont contre-indiqués chez le nouveau-né pendant la première année de vie si les biothérapies ont été poursuivies toute la grossesse.

La prise de dérivés salicylés, de thiopurines, d’anti-TNF-α ne contre- indique pas l’allaitement [12].

Bibliographie

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Toute référence à cet article doit porter la mention : Prieux-Klotz C, Abitbol V. Maladie de Crohn. In : L Guillevin, L Mouthon, H Lévesque. Traité de médecine, 5e éd. Paris, TdM Éditions, 2019-S12-P05-C09 : 1-5.

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