FACULTÉ
DEMÉDECINE
ET DEPHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1902-1903 Ho 23
MASQUE ÉLÉPHANTIASIQUE
CONSÉCUTIF A
L'ÉRYSIPÈLE DE LA FACE A RÉPÉTITION
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenue publiquement le 28
Novembre 1902
PAR
I=>ie:i?r*e-.]VEeir,ie—Joseph DUPOUY
Né à Coudures (Landes), le 10 juillet
1875.
!MM.
VERGELYFERRÉ professeur professeur....) Fréstd
MONGOUR agrégé
J •>«««
BENEGH agrégé
)
Le Candidat répondra aux questions
qui lui
serontfaites
surles
diverses parties de l'Enseignement
médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI — PAUL
GASSIGNOL
91 — RUE PORTE-DIJEAUX — 91 1902
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. DE NABIAS, doyen — M. PITRES, doyen honoraire.
PROFESSEURS
MM. MICÉ 1
DUPUY MOUSSOUS.
Professeurs honoraires.
Clinique interne Clinique externe Pathologie et théra¬
peutique générales.
Thérapeutique Médecine opératoire.
Clinique d'accouche¬
ments
Anatomie pathologi¬
que Anatomie
Anatomie générale et histologie
Physiologie Hygiène Médecine légale Physiquebiologique et
électricité médicale
MM.
PICOT.
PITRES.
DEMONS.
LANELONGUE.
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CANNIEU VIAULT.
JOLYET.
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Chimie
Histoirenaturelle ...
Pharmacie
Matièremédicale....
Médecine expérimen¬
tale
Clinique ophtalmolo¬
gique
Clinique des maladies chirurgicales de! en¬
fants
Clinique gynécologique Cliniquemédicale des
maladiesdesenfants Chimiebiologique...
Physiquepharmaceu¬
tique
Pathologie exotique.
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FIGUIER.
de NABIAS FERRÉ.
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AGRÉGÉS EN EXERCICE :
section de médecine(Pathologie interne etMédecine légale.)
MM. CASSAET. j MM. MONGOUR.
SABRAZÈS. | CABANNES.
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Pathologieexterne
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section des sciences anat0m1ques etphysiologiques
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CAYALIÉ. I Histoirenaturelle BEILLE.
section dessciencesphysiques
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DUPOUY.
COURS COHPLÉIIENTAI RUS :
Clinique desmaladies cutanées etsyphilitiques
MM. DUBREU1LH.
Clinique desmaladies des voies urinaires
Maladies du larynx, des oreilles etdu nez Maladies mentales
Pathologie interne Pathologieexterne Accouchements
Physiologie Embryologie Ophtalmologie
HydrologieetMinéralogie
Le Secrétaire de la Faculté:
POUSSON.
MOURE.
REGIS.
RONDOT.
DENUCÉ.
ANDÉRODIAS.
PACHON.
PRINCETEAU LAGRANGE.
CARLES.
LEMA1RE.
Pardélibération du5 août 1879, laFaculté aarrêté que les opinions émises
dans les
Thèsesqui luisontprésentées doiventêtreconsidérées commepropres à leurs
auteurs,
qu'elle n'entendleurdonner niapprobation niimprobation.
A LA
MÉMOIRE
DEMON PÈRE
A MA
MÈRE
A MES
FRÈRE
ETSŒUR
A tousceux
qui m'ont porté quelque intérêt
A MONSIEUR LE DOCTEUR SA
BRAZÈS
MÉDECIN DES HOPITAUX
PROFESSEUR AGRÉGÉ A DA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX CHEF DU LABORATOIRE DES CLINIQUES
OFFICIER D'ACADÉMIE
Témoignage de
profonde
gratitude.A.mon Président deThèse
MONSIEUR LE
DOCTEUR FERRÉ
PROFESSEUR DE MÉDECINE EXPÉRIMENTALE A LA
FACULTÉ
DEMÉpECINE
DE BORDEAUX
DIRECTEUR TECHNIQUE DE i/lNSTITUT PASTEUR DE LA VILLE
DE BORDEAUX
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
Témoignage de
profonde
reconnaissance.
INTRODUCTION
Nombre d'auteursontdéjà
étudié l'érysipèle à répétition et
cet œdème dur, cette sorte
d'éléphantiasis qui le complique
très souvent. Cesont les lésions
pachydermiques des mem¬
bres qu'ils ont
le plus fréquemment signalées. Ces lésions
peuvent
aussi
seretrouver sur la face sous la forme d'un
masque
particulier,
masquequi n'est pas très rare, sans
doute, mais qui
n'a jamais été bien décrit. Les quelques
auteurs qui en
ont publié des observations n'ont fait que le
signalersous
le
nomgénéral d'œdème dur de la face.
Cet œdème se retrouve
surtout
surles régions le plus
fréquemment
affectées
parl'érysipèle à répétition. Or il est à
remarquer que
de toutes les parties du corps, la face est le
plus souvent
atteinte. Cette prédilection a été constatée par
de nombreuses observations.
Elle peut s'expliquer par le
vulnérabilité, la finesse
et la riche vascularisation de la
peau, par le
voisinage de cavités naturelles hébergeant des
streptocoques,
etc.
La femme est plus
sujette
quel'homme aux érysipèles à
répétition de la
face;
on aattribué la principale influence
pathogénique à
la menstruation, soit parce qu'elle s'accom¬
pagne souvent
d'une éruption herpétique ou acnéique des
lèvresou desnarines, soitparce
qu'elle produit des troubles
d'ordre varié qui
peuvent mettre l'organisme dans un état
d'infériorité vis-à-vis de
l'infection.
Le froid, les émotions
sont des facteurs dont il faut égale¬
menttenir compte.
- 8 -
Ces
érysipèles
àrépétition
peuventlaisser après
euxdes
lésions qui, d'abord peu
accentuées,
augmententà chaque
poussée nouvelle jusqu'àdéfigurer
ceuxqui
en sontatteints.
On se trouve alors en présence
d'une
sorte de «faciès de
nègre »(Sabrazès), moins la pigmentation, qui donne
aux malades un aspect hideux.C'est l'observation de deux cas de ce masque qui fait
le
principal objet de notrethèse.
M. le Prof,agrégé Sabrazès,
qui a observé ces deux cas etnous les acommuniqués,
nousa inspiré l'idéede ce travail et a bien voulu nous en tracer les points principaux, nousfacilitant ainsi
considérablement
notre tâche. Noussommes heureux de trouver ici l'occasion de lui enexprimer toute notre gratitude et notre
reconnais¬
sance.
Qu'il nous soitpermis d'adresser nos remerciements
à
nos maîtres de la Faculté et de l'Hôpital, et à ceux enparticulier
qui, en des circonstances difficiles, furent pour nousde la
plus grande bienveillance.Nous remercions également M. le D1' Claoué,
professeur
libre de clinique
oto-rhino-laryngologique
pourle
concours qu'il nous a prêté dansl'achèvement
de cetravail.
Que M. le Prof. Ferré veuille bien être persuadé que nous ressentons vivement tout le prix de l'honneur qu'il nous
fait
en acceptant la présidence de notre
thèse.
Voici comment nous avons divisé notre sujet.
Dans le premier chapitre nous étudions rapidement
le
microbe de l'érysipèle.
Le second chapitre est consacré à l'étude de
l'érysipèle à répétition
de la faceet descausesqui peuvent provoquerson apparition.Dans lechapitre suivant, après une
étude
surl'éléphan-
tiasis, nous examinons les rapports de
l'érysipèle à répéti-
- 9 -
tion de la face avec
les lésions éléphantiasiques de cette
région
qui
ensont la conséquence.
Nos observations font
l'objet d'un quatrième chapitre.
Ces observations
sont ensuite résumées dans une sorte de
statistique.
Enfin viennent les
conclusions,
CHAPITRE PREMIER
On sait à l'heure actuelle que
l'érysipèle est déterminé
par la présence
dans les téguments d'un streptocoque décou¬
vert par
Fehleisen. Mais tandis
queles uns assimilent ce
microbe au streptocoque
pyogène du phlegmon, les autres
en font un microbe à part,
bien spécifique de l'érysipèle.
Pour que cette
spécificité
nepuisse être mise en doute, il
fallait que ce
microbe fût le même dans tous les cas d'érysr
pèle et que sa
culture, toujours identique sur un même
milieu, inoculée à des animaux,
reproduisît la maladie pri¬
mitive avec sestraitscaractéristiques. Or,
d'après les recher¬
ches de Verneuil etcle Clado, il
résultait
quele streptocoque
de
l'érysipèle donnait naissance aussi bien à de la lymphan¬
gitequ'à de
l'érysipèle
; cequi permit à Widal de conclure
que ni le streptocoque
du
pusni celui de l'érysipèle ne
possédaient les
caractères spécifiques qu'on leur prêtait tout
d'abord.Denucé, en 1885,par
l'observation de deux cas d'éry-
sipèle,l'undû au
streptocoque
purqui guérit sans complica¬
tions, l'autre, où cestreptocoque
était associé, au streptocoque
pyogène, qui se
termina
parla suppuration, conclut « que
le streptococcus
est le seul organisme constant qu'on
retrouve sous
l'érysipèle, et même
quedans l'érysipèle franc
on n'en rencontre pas
d'autres.
»Rosenbach,cependant,
identifiait ces deux bactéries ; mais
tandis que la
bactérie érysipélateuse ne mesure que 0 p 1 à
0p5, le streptocoque
pyogène mesure 0 p 7. Les cultures
également diffèrent beaucoup
entre elles. De plus, celui-ci,
- 12 —
parinoculation auxsouris,donneunesuppuration ennappe, cequi n'arrivejamais avecle coccus erysipelas. Desorteque
« l'identité du phlegmonetde
l'érysipèle,
soulevéepar Rosen- bach, doit être résolue parla négative »(Denucé).
Non content del'observation, Denucé s'est adresséà l'expé¬
rimentation. Il a inoculé des cultures pures de streptocoque
érysipélateux
aux animaux et à l'homme, et il affirme caté¬goriquement que le « streptococcus est non seulement la
cause réelle, mais encore la seulecause del'érysipèle». Voici du reste quelles sont les conclusions auxquelles il aboutit:
«L'érysipèle estunemaladie infectieuse due à l'introduction dans l'organisme d'une bactérie spéciale, le streptococcus erysipelatus. Cette bactériese propage par les voies lympha¬
tiques et aussi par le courant sanguin. Les manifestations secondaires de
l'érysipèle
sont sous la dépendance de cette même bactérie. De même quel'érysipèle
cutané franc ne suppure pas, les manifestations secondaires de la maladie pourront revêtir les formes congestive, œdémateuse, exsuda- tive, etc. Elles ne suppureront que si l'érysipèle est compli¬qué d'une affection étrangère. »
L'opinion généralement admise aujourd'hui est que le streptocoque représente un microbe pouvant donner des accidents variés: suivant son degré de virulence, il est capable de provoquer un abcès, de la lymphangite, un érysi- pèle, une
septicémie.
CHAPITRE II
«Tout individu qui a
été mis dans des circonstances où le
microbe de
Pérysipèle
a pul'impressionner, dit Verneuil,
pourra porter sur
lui le
germede la maladie toujours prêt à
se réveiller, à saisir
l'occasion d'une porte d'entrée ouverte
sur un malade
prédisposé.
»L'érysipèle,
eneffet, peut récidiver, et récidiver même un
nombre infini de fois. Aussi,
quand
unindividu
aété atteint
par un
grand nombre d'érysipèles de la même région, l'esprit
est
porté
àrechercher l'existence d'un foyer streptococcique
dans levoisinage decette
région. Car il est peu probable que
ces atteintes successives
résultent simplement d'une prédis¬
position aux
érysipèles, comme le croit Schottmuller qui
n'admet pas
d'une façon durable l'existence d'un foyer
streptococcique.
C'est pour
expliquer cette tendance aux récidives que
Verneuil a créé sa théorie du
microbisme latent.
«Les mi¬
crobes
érysipélateux, dit-il, peuvent après une première
atteinteséjourner
dans les follicules pileux ou au niveau des
cils surles
paupières,
pourenvahir de là les parties voisines
aun moment donné ». Dès lors
donc
quel'occasion se pré¬
sente, dès qu'une
érosion,
unléger trauma lui permet de se
développer, le microbe
seréveille, et l'érysipèle est de nou¬
veau constitué.
Besnierlui aussi diten
parlant du streptocoque de Fehlei-
sen: « Pénétrant dans lestissus une
première fois, il y susci¬
tera l'éclosion de l'accès aigu.
Parasite tenace, il restera à
demeure dans la région où il a faitson apparition ». Et ilcite
en
témoignage
les observationsd'Achaline qui a trouvé, deux mois aprèsla fin d'un érysipèle, des vaisseaux lymphatiquesde la région atteinte oblitéréspar des amas de streptocoques.
«Il vit là, à l'état latent, avec une virulence très atténuée et n'attendant que l'occasion de se réveiller pour provoquer un nouvel accès. »
Il est incontestablesans doute qu'on trouve des streptoco¬
ques dans la sérosité ou le sang pris par piqûre sur une
plaque
d'érysipèle; mais ce qui est moins certain, c'est del'y
trouver dans la période intercalaire des accès. Chez les deux sujets de nos observations ils ont étévainement cher¬chés par M. Sabrazès. Du moins pour la face, siège préféré
de
l'érysipèle
à répétition, on peut admettre que le microbe réside dans les cavités naturelles et les cavités accessoires.L'étude de l'inflammation des muqueuses sinusiennes est de date récente,et avant 1886 lesrhinologistes soupçonnaient
à peine
l'empyème
latent, qui passaitpour une rareté. Depuisque l'attention a été attiréesur les empyèmes des cavités accessoires, des recherches furent faites dece côté et l'on découvrit que les sinusites de ces cavités étaient plus fré¬
quentes qu'on nele croyait.
Harke, sur 400 autopsies a trouvé 116 sinusites.
Frœnkel, sur 146 cas signale 63 empyèmes.
Lapalle et Martin ontexaminé 169 individus et ont trouvé 55 sinusites.
Les recherches de Lichtwitz à ce sujet ont porté surdes vivants ; sur 12.000cas il a trouvé 243 sinusites.
D'après ces chiffres, on voit que la sinusite est constatée 15 fois plus souvent sur le cadavre que sur le vivant. « La
cause d'une telle disproportion, dit Martin, est due à ce qu'on a rarement l'occasion de
diagnostiquer
une sinusitesur levivant. Il fautajouter en outre la difficulté matérielle du diagnostic des empyèmes des sinus autres que
les
sinus maxillaires ». L'empyème latent de l'antre d'Highmore
est donc très fréquent ; cette affection ne se manifestesou-
— 15 —
vent que par un
seul symptôme : l'hypersécrétion nasale,
fétide ou non. La cause
principale, souvent unique, de
l'empyème de l'antre est, d'après Frœnkel, Krieg, etc., le
mauvais état des dents ;
tandis
que pourd'autres, Zucker-
kandl, Krause,
etc., c'est cet état des dents qui est l'effet et
non la cause ;
l'empyème provient alors de la propagation
d'une inflammation
de la
muqueusenasale ;
«toujours est-
il, qu'on trouve
très souvent malades les dents du côté du
maxillaire affecté»
(Lichtwitz). L'une de nos deux malades
présente
des signes de rhinite chronique, avec gonflement
moyen des
cornets inférieurs et hypersécrétion nasale abon¬
dante. La
translumination de la face permet de constater
une obscurité
complète des sinus maxillaires. Les signes
firent d'abord penser
à
unempyème de ces cavités. Les
paroissont
très épaisses et très dures ; mais la ponction est
resténégative.
Chez cette malade la dentition est fort mau¬
vaise; il existe
de la pyorrhée alvéolaire.
Le malade de
l'observation de Delbanco avait un empyème
du sinusmaxillaire. La
ponction exploratrice de cet empyème
amena du pus,
dont l'ensemencement donna du staphylo-
coccus aureus etun
bâtonnet. Mais l'auteur pense que le
staphylocoque a pu
étouffer dans la culture ou tout au
moins masquer
le streptocoque; ou que la ponction n'a pu
atteindre le foyer
streptococcique ; ou bien encore que le pus
lui-même ne contenant
peut-être
pasde microbes, la culture
positive
résulte d'une souillure accidentelle pendant la
récolte du pusou
rensemencement.
Il faut aussi signaler
les otites comme point de départ
fréquent de
l'érysipèle.
De la fréquence
de
cesaffections et de leur coexistence
avec
l'érysipèle à répétition de la face dans un grand nom¬
bre d'observations, on
peut déduire que c'est là, le plus sou¬
vent, la cause
probable de
cesérysipèles. Si à cela on ajoute
la finesse de la peau
et
savascularité, conditions éminem¬
ment favorable à
l'infection
;si l'on considère en outre que
la face estplus que
toute autre région exposée aux influen-
ces extérieures et en même temps le
siège
habituel des éruptionsd'herpès et d'acné,
onn'aura plus à s'étonner de
la haute
prédilection de l'érysipèle à répétition
pourcette
partie du corps.Nous avons remarqué que si
l'érysipèle à répétition de la
face peut frapper les
deux
sexes,la femme
yest beaucoup
plus sujette quel'homme. Plusieurs auteurs ont incriminé
la menstruation et ontvoulu faire de cet
érysipèle
unérysi-
pèle menstruel. Chez nosdeux malades, la crise
atoujours
apparu au moment
des règles, qui, chez l'une d'elles, étaient
plus abondantes quede
coutume ;l'autre, quelques jours
avant la
première apparition de la maladie, avait
euprès de
la commissure des lèvres, à droite, un bouton qui
avait
suppuré.Maiss'il y a coexistence
fréquente entre l'érysipèle et la
menstruation, cette coexistence n'existe pas toujours.
Et
Widal dit, dans le Traité de
médecine
: « Chezcertaines
malades, chaque périodemenstruelle s'accompagne d'une poussée érysipélateuse
;mais le rapport entre l'érysipèle
et la menstruation est loin d'être aussi constant. De nom¬
breuses
périodes cataméniales peuvent
sesuccéder
sansle
retour de
l'érysipèle
qui, par contre,peut
rompre avecla
loi de coïncidence et survenirendehors de la menstruation.
L'érysipèle
cataménial
nesurvient
passeulement pendant
les règles; il peut
apparaître périodiquement, après la méno¬
pause, ou, chezla femme jeune,
remplacer les règles.
» Cachera cite le cas d'unejeune fille quiétait
atteinte tousles mois d'un érysipèle de la face; ces
érysipèles disparu¬
rent au moment de rétablissement des règles. M. Behier
relate le cas d'une femme, âgée de cinquante-quatre ans, chez laquelle, au moment
où s'établit la ménopause, les
règles furent, à des époques exactement
correspondantes,
remplacéespar des érysipèles dela face.
Dans les cas où la menstruation est accompagnée
d'érysi-
pèle, on s'est demandé quelle était sonaction. Verneuil veut
que ce soiten provoquant
l'apparition de vésicules herpéti-
— 17 —
que ou acnéiques qui ouvrent une porte d'entrée
périodique
au streptocoque, ou tout au moins à des agents d'infection qui peuvent exalter la virulence du microbe
déjà
contenudansl'organisme ou qui y a pénétré à
l'occasion d'un
pre¬mier
érysipèle
contracté par contagion; le microbe pourra contaminer la femme chaque mois si le flux cataménialramène une éruption d'herpès ou d'acné. Tourneux cite le
cas typique d'une femme de vingt-cinq ans
qui,
deux joursavant l'apparition de ses règles, voyait survenir
régulière¬
ment un petit bouton situéle plus souvent sur
la lèvre
supé¬rieure, près de l'aile du nez. Elle avait constaté que, lors
d'une grossesse et de la suppression des règles,son bouton reparaissait chaque fois que les règles auraient dû revenir,
au moins pendant les premiers mois.
Elle
futatteinte d'un
érysipèle de la face, et la piqûre de cette régionlaissa
écou¬lerun peu de sérosité dans laquelle on trouvait
des cocci
en chaînettes.Ces éruptions sont fréquentes sans doute,
mais
non cons¬tantes. Les recherches de Vasfi lui font attribuer la princi¬
pale influence sur l'apparition
d'une nouvelle crise à cet état
psychique particulier auxépoques.
Eneffet, la plupart des
états émotifs auxquels la femme est si
sujette, colère, cha¬
grin, frayeur, entrentpour une
grande
partdans l'étiologie
de
l'érysipèle.
Salvy, à sontour, aboutit à des conclusions
analogues. Il
a observé 487cas
d'érysipèle,
dont57 à répétition. Sur les 340casqui
restent,lOseulementconcernentla menstruation;
7 fois la menstruation peut être
seule incriminée; les
3 autres fois une autre cause occasionnelle s'est montrée
en même temps qu'elle (froid,
colère, coryza). Sur les 57 réci¬
dives, 6 seulement sont dues à la menstruation qui,
trois
fois, a été accompagnée d'une causeconcomitante. Cet
auteur conclut que
«l'érysipèle menstruel est beaucoup plus
rare qu'on ne l'a écrit; que
l'érysipèle n'a
pasd'action bien
notablesur la durée ou la quantité des
règles;
quela
mens¬truationparaît agiren
modifiant le terrain
parl'état nerveux
quil'accompagne.
»D. 2
— 18 -
Mais l'on est encore à se demander quel estle mode d'ac¬
tion de ces états psychiques:
est-ce
enaugmentant la viru¬
lencedu microbe,ou bien est-ce en diminuant
la vitalité
etla résistancedes tissus ?
CHAPITRE III
L'érysipèle à répétition laisse le plus souvent après lui un
œdèmedur, une sorte
d'éléphantiasis de la région qui est
leursiège
habituel.
Le mot
éléphantiasis, paehydermie de certains auteurs,
désigne simplement un
développement exagéré d'une partie
du corps avec état
plus
oumoins
rugueuxde la peau. Bes-
nier
{Traité pratique de dermatologie) la définit: «Une affec¬
tion dont les conditions
pathogéniques sont multiples, mais
dont la condition instrumentale est une
irritation localisée
et une obstruction du système
lymphatico-veineux d'une
région du corps, et la
lésion
unœdème inflammatoire avec hypertrophie,
à paroxysmessuccessifs et à marche lente et
chronique.
»Sous lenom d'éléphantiasis,
l'on réunit primitivement une
fouled'affections cependant
fort distinctes produisant une
augmentation considérable de
volume des organes atteints.
C'est ainsi que les
médecins
grecsdécrivaient sous cette
dénomination une des manifestations de
la lèpre, tandis que
les médecins arabes avaient
parfaitement
reconnucet état
particulierauquel est
attaché aujourd'hui le nom d'éléphan¬
tiasis. Aussi distingua-t-on
bien vite Péléphantiasis des
Grecs et Péléphantiasis
vrai
oudes Arabes. Mais ces deux
termes n'en désignaient pas
moins deux maladies fort dis¬
tinctes, malgré une
certaine analogie, caractérisée par
un développement
plus
oumoins exagéré de certaines
régions du corps. D'où longtemps
cette confusion regrettable
- 20 -
qui fait reléguer dans les léproseries tant
de malheureux et
inoffensifs
éléphantiasiques.
L'éléphantiasis vrai
affecte
surtoutles habitants des cli¬
matschauds et humides. On a penséqu'il
était dû à la filaire
du sang qui,pénétrant dans l'organisme,
soit
par unesolu¬
tion de continuité de l'épiderme, soitpar les voies
digestives,
allait obstruer les lymphatiques et faire ainsi
obstacle à
l'écoulement de la lymphe, d'où production de
l'œdème.
C'est encore l'opinion de beaucoup d'auteurs.
Guillemain, dans sa thèse sur l'éléphantiasis des pays chauds, combat cette origine filarienne qui présente contre
elle des faits bienobservés où il a été impossible de trouver soit dans la circulation générale, soit dans la circulation
locale des embryons parasites. Et il se demande si
l'éléphan¬
tiasis des pays chauds n'est pas identique au point de vue pathogéniquecomme il l'est au point de vue clinique avec l'éléphantiasis des climatstempérés où la fllarioseest incon¬
nue, avecl'éléphantiasis nostras. Ici, l'agentirritant« est un être sans nul doute microbien, dit Sabouraud, dont la pullu-
lation cause une lymphangite
à récidives,
lesquelleslym¬
phangites successives causent une pachydermie
éléphantia-
sique», une hypertrophie du derme et du tissucellulaire
sous-cutané. Il pourrait en être de même pour
l'éléphan¬
tiasis des Arabes. Dans les deux années qu'il a
passées à la
Guyane, M. Le Dantec a observé de nombreux cas d'élé- phantiasis et n'a jamais rencontré dans l'organismede
ceux qui en étaient atteints des embryons de filaire. M.
Tri-
bondeau a fait des recherchessur ce sujet, et il en
résulte
que si la fllariose peutquelquefois être incriminée, il est
des
cas certains où cet agent n'a rien à voir. Voici du reste quelles sont ses conclusions: Lafilaire, inconnue dans l'élé¬
phantiasisnostras, est inconstante dans
l'éléphantiasis des
pays chauds; on ne la trouve en moyenne que 3 fois sur 10 cas. «Singulier agent pathogène qui manque dans
la
plupart des cas. Il ne saurait pourtant passer inaperçu vuson volume et sa mobilité ». On ne peut objecter que
le
- 21 -
parasite
disparaît
pourfaire place
aux germesinfectieux
dont il aurait favorisé la pénétration.
L'auteur
a puassister
à l'invasion de certains territoires où l'absence de filaire avait étéconstatée préalablementet
où
ceparasite
nefut
pas davantage trouvé pendant ouaprès la première poussée. Le
parasite ne sedissimule
pas nonplus dans la profondeur
des troncs ou des ganglions
lymphatiques,
car on nel'a
trouvé ni dans la sérosité recueillie dans la profondeur du
tissu cellulaire sous-cutané, ni dans les ganglions. Les filaires existent plus souvent et en
plus grande quantité
dans le sang recueilli à la pulpe
des doigts et des orteils
que dans la lymphe et le sangdes lésions pachydermiques. Enfin
certains individus atteints de filariose n'ont aucune lésion éléphantiasique. Et
pourquoi la lésion est-elle limitée à
un membreou deux, alors quelesembryons de filaire circulent
partout?
Quoi qu'il en soit, pour
produire
unœdème inflammatoire
avec prolifération
conjonctive, il est nécessaire qu'il
yait
encirculation un agent irritant ou
infectieux. Delbanco cite le
cas d'unalcoolique âgé de
soixante
ans,atteint de cirrhose hépatique
et d'ascite avecœdème des deux jambes. La gau¬
cheest informe,
éléphantiasique,
cequi est dù, dit-il, à un
énorme ulcère pouvant
être
uneporte d'entrée à l'agent
irritant de l'extrémité œdémateuse.
Sabouraud, recherchantl'étiologie
parasitaire de l'éléphan-
tiasis, a fréquemment
retrouvé dans les commémoratifs
fournispar les
malades soit
unérysipèle de la face, soit des
lésions des membres atteints. Nous-même avons
observé
un malade atteint d'une énormeéléphantiasis des deux jambes
etqui n'accusait d'autre
maladie qu'un érysipèle de la face
survenu quelques années
auparavant. Ses jambes, dont l'une
était ulcérée, étaient recouvertes
de
grossesverrucosités
brunes qui leur
formaient
comme uneécorce épaisse et
rugueuse. Detemps en temps
il avait des poussées de lym¬
phangite.
L'agent microbienest-il
toujours le même? Les expériences
— 22 —
de Sabouraud semblentle démontrer. Sur des
malades dont
les membres sontdéformés par
l'éléphantiasisil attend l'éclo-
sion de l'accès aigu typique.
Il recueille alors dans
une pipettele
sangobtenu
pardes scarifications des téguments
enflammés ; il obtient alors par
culture
enbouillon le strep¬
tocoque de
Fehleisen,
Cependant
M. Le Dantec, dans
un casd'éléphantiasis des
pays
chauds,
atrouvé
unstreptocoque particulier. M. Sabra-
zès, dans un cas
d'éléphantiasis nostras du membre supé¬
rieur, a toujours trouvé du
staphylocoque blanc. M. Tribon-
deau , par
ensemencement du
sangpris dans la profondeur
du tissu cellulaireinfiltré de deux malades
atteints d'élé¬
phantiasis du membre supérieur,
aobtenu des cultures de
staphylocoque blanc
pur ; cequi lui fait
penserque la mala¬
die n'est pas
forcément streptococcique et qu'elle peut aussi
succéderà uneinfection
staphylococcique. C'est
cequi expli¬
querait,
d'après lui, pourquoi la poussée inflammatoire pré¬
senteplus souvent
les caractères de la lymphangite que ceux
de
l'érysipèle.
Il résulte desexpériences
de Gars
quela lymphangite et l'érysipèle ont
unagent pathogène
commun,le streptococ-
cus
erysipelas.
Chassaignac en
1856, Blot, Marjolin, etc., faisaient de la
lymphangite
etde l'érysipèle deux entités morbides bien dis¬
tinctes, localisées : la
première dans les vaisseaux lymphati¬
ques,
la seconde dans les vaisseaux capillaires sanguins.
D'autres, Blandin,Nélaton en 1857,
Després, Trélat, etc., iden¬
tifient les deux maladies.
Verneuil distingue trois sortes
de lymphangites suivant
que
l'affection siège
surles ganglions, les troncs ou les
réseaux ; il
identifie cette dernière classe à l'érysipèle. En
effet, dans les deux cas il y a
engorgement des ganglions ;
d'un autre côté, le bourrelet
périphérique, la teinte jaunâtre
de la peau,
l'éruption phlycténoïde peuvent
ne pasexister
dans
l'érysipèle.
Maurice Raynaud
(.Dictionnaire de Jaccoud) dit de son
— 23 —
côté : « L'angioleucite
des vaisseaux capillaires lymphati¬
ques ne
s'accuse
que pardes modifications inflammatoires
dela
superficie cutanée
;léger gonflement, douleur,chaleur,
étendue en nappe. Que
reste-t-il
pourétablir la différence
avec
l'érysipèle ? Ceci uniquement
:uniformité peut-être un
peu
moindre de la plaque inflammatoire ; absence de liséré
circonférentiel ; ce
sont-là des différences qu'il est souvent
bien difficile desaisir dans la pratique.
Pour
mapart, plus
j'observe, plus
j'acquiers la conviction que le fameux liséré
dont on a voulu faire la pierre
de touche de l'érysipèle peut
se rencontrer dans quelques
angioleucites, et
que,par con¬
séquent, il y a
des
casoù il est à peu près impossible,
d'après les
seuls caractères objectifs, de décider si on a
affaire à une angioleucite ou
à
unérysipèle. Cela tient à ce
que l'érysipèle
est lui-même
uneangioleucite ». Dans les
deux cas, le début est
soudain, marqué
parde la fièvre et
l'engorgementdes
ganglions
;la rougeur et la tuméfaction
peuvent seules
faire distinguer la lymphangite de l'érysipèle
dans lescas bien tranchés, ensiégeant sur
les troncs
oubien
surles réseaux. Bref, les signes
cliniques sont les mêmes
dans les deux maladies.
On n'objectera pas
le
peude contagiosité de la lymphangite
tandis que
l'érysipèle est extrêmement contagieux. Mais on
connaît descas
d'épidémie de lymphangite; cescas de conta¬
gion sonttrès rares, il
est vrai
;cela tient peut-être, d'après
Gars, au siège plus
profond du microbe ; ou encore au
milieu dans lequel
il vit
:troncs pour la lymphangite,
réseaux pour
l'érysipèle
; onsait, en effet, qu'une bactérie
peutperdre ses
propriétés suivant le milieu dans lequel elle
a été cultivée. De plus,
il existe des lymphangites à répéti¬
tion, comme
il
yades érysipèles à répétition.
Gars base ses conclusions sur
des expériences bactériolo¬
giques et dit : « Le
streptocoque de l'érysipèle se trouve, à
l'exclusionde tout autre, dans
les
castypes de suppuration
lymphangitique ainsi
quedans l'érysipèle ; pris dans le pus
des
lymphangites, il donne par inoculation à l'oreille du
lapin l'érysipèle typique des animaux. »
Dans la lymphangite proprement dite, l'inflammation atteint les troncs ;
l'érysipèle
n'est autre chose que la lym¬phangite des réseaux. L'une et l'autre provoquentun œdème inflammatoire avec
hypertrophie
plus ou moins considérable des éléments du derme et du tissu cellulaire sous-cutané.Par suite,en effet, de l'obstacle apporté à l'écoulement de la lymphe, celle-ci s'accumule dans les vaisseauxqui se gon¬
flent et la laissent transsuder à travers leurs parois pour envahir le derme. La peau augmente d'épaisseur et le tissu cellulaire est œdématié ; le pannicule graisseux sous- cutané est envahi par l'inflammation. « Si l'inflammation est vive, ou encore de longue durée, il en résulte une infiltra¬
tion embryonnaire, en même temps que les gouttelettes graisseuses se résorbent. Le tissu adipeux et la peau se con¬
fondent en une seule masse de tissu jeune où la disposition
aréolaire disparaît. »
Ce processusest
fréquentlà
oùl'érysipèle
affecte uneforme récidivante, là où il devient « chronique », suivant l'heureuse expression du docteur Achalme, ou, si l'on aime mieux, là où une dermite chronique succèdeà unedermite aiguë.L'éléphantiasis
n'est pas constituée du premiercoup; maiscet œdème résultant d'une dermite
hypertrophique érysipé-
lateuse
prédispose
à de nouvelles poussées, d'autant mieux que ces tissus infiltrés, de vitalitémoindre,« paraissent par¬faitementdisposés pour la culture etla repullulation
rapide
du streptocoque ». Alors, par suite de ces récidives, l'exsu- dat ne subitplus qu'une résorption incomplète et il s'établit
une
hypertrophie
définitive qui s'accentue à chaque crisenouvelle et qui présente tous les signes cliniques et histolo-
giques
del'éléphantiasis.
A première vue, cet œdème pourrait être pris pour un œdème veineux ; il endiffère cependant par plus d'un point;
tandis, en effet, que dans l'œdème veineux les parties lésées
sont molles et dépressibles, dans l'œdème
lymphatique,
au contraire, on éprouve au toucher la sensation de masses dures etélastiques
; là, le godet formé par la pression du— 25 —
doigt
persiste
uncertain temps
;ici cette dépression est aus¬
sitôteffacée ;
celui-ci est inflammatoire, occasionné par la
présence dans les tissus d'un agent infectieux ; celui-là est
du à une stase dans les vaisseaux
sanguins.
Toutefois, l'œdème
inflammatoire s'accompagne toujours
d'unestase sanguine. Il
semblerait même qu'elle fût néces¬
saire, carLudwig et ses
élèves auraient démontré qu'il ne se produit jamais d'œdôme
parsimple occlusion des voies lym¬
phatiques.
Ceslésions donnent aux malades
sujets à l'érysipèle à
répétition un
aspect caractéristique tel qu'il est difficile de
s'y
méprendre et dont
nousempruntons les principaux traits
aux deuxobservations de M.
Sabrazès.
Les joues ont
considérablement augmenté d'épaisseur et
sont saillantes; lenez
paraît être aplati même dans les cas où
il n'est lui-même atteint d'aucune
lésion.
Leslèvres sont épaisses
et projetées
enavant, de sorte
qu'une
grande partie de la muqueuse labiale est à découvert,
ce qui donne aux
malades
unaspect qui ne manque pas de
ressemblance avec le « facièsde nègre».
Quelquefois, l'obli¬
tération de l'orifice buccal est
incomplète, laissant écouler-
la salive qui
généralement est très abondante.
Le revêtement cutané estdur et
rigide, tendu
surles par¬
ties sous-jacentes
auxquelles il adhère intimement. Outre
ces modifications générales,
il subit des changements dans
sa coloration et dans sa texture. La peau
est pigmentée; elle
est brune, ou le plus
souvent violacée, suivant des stries ou
des taches disposées
d'une façon irrégulière, et tranchant
plus ou moins sur la
couleur des parties restées saines. Le
grain de la peau peut
avoir disparu
;elle est lisse et brillante ;
ou bien les plissont
exagérés et elle paraît être chagrinée ;
ces plisdisparaissent par
la traction, et la peau redevient
alors lisse et brillante.
Les traits du visage ont
perdu leur mobilité, et les malades
ontun regard
impassible et
unaspect renfrogné ; on dirait
qu'ils ont revêtu un « masque
d'empereur romain » (Sabra¬
zès).
CHAPITRE IV
Il ne faudrait pas croire que tout érysipèle de la face à répétition
s'accompagne, ipso facto, d'éléphantiasis
de cette région. Voici des exemples où cette complication nes'estpas produite.Observation I Résumée(inThèse Achalme).
Justine P...,trente-sept ans, entre à l'hôpital Laënnecle24 décembre 1890, le deuxièmejour de
Térysipèle.
Elle a été atteinte sept fois dans six ans, sans cause bien déterminée. Il n'y a aucun rapport avec la menstruation.ObservationII (inThèseVasti).
Marie C...,
vingt-cinq
ans, lingère. Pasd'antécédents héréditaires.A douze ans, elle eut un érysipèle de la face ayant débuté sur une cicatrice d'adénite cervicale. Deux ans après, nouvelérysipèle au même
niveau que le premier, et depuisce moment l'érysipèle reparaît chaque fois qu'elle s'exposeau froid.
L'apparition del'érysipèlen'est pas en rapportavec les règles; il sur¬
vient d'unefaçon irrégulière.
Le 9janvier 1895elle entre à FHôtel-Dieu, avec un érysipèle de la
face déclaré unjouravant, à la suite d'unséjourprolongédans la neige; elle en guérit aubout de sixjours.
Elledit avoirquelquefois des poussées passagères qui ne l'obligent
pas à s'aliter.
— 27 —
Observation III (in Thèse
Salvy).
M. G..., employée,
âgée de trente
ans,entre le 25 juillet 1895. Elle
aeu denombreux
érysipèles de la face; le premier au mois de juin
1893; il duradeux
mois. Pendant
un an,depuis cette époque, elle eut
un érysipèle
chaque mois, survenant régulièrement du 10 au 15 et
duranttroissemaines. Trois fois
seulement il
y a eucoïncidence avec
lesrègles.
Le25juillet
1895 elle est reprise de nouveau sans cause apparente;
il y acoexistence avec
les règles. Pas de complications.
Observation IV
(Salvy).
B. P..., ménagère,
quarante-quatre
ans,entre le 27 mai 1895. Pneu¬
monie àl'âge de huit ans;
réglée à dix-sept ans. Premier érysipèle à
douzeanssurla face et le cou.
Second érysipèle à vingt-quatre ans,
jouegauche.
Troisième érysipèle à trente ans, joue droite. Ces trois
atteintes vinrenten dehorsdes règles.
Le 23 mai 1895, apparition
des règles et
enmême temps d'un érysi¬
pèle de toutela
face. La veille elle s'était violemment disputée et avait
remarquéquelques
petits boutons
surla narine gauche. Les règles ces¬
sentle 26 mai;le 6juin
elle
sortguérie.
Observation V
(Salvy).
G. F..., marchande,
quarante-neuf
ans,entre le 30 mai 1895. Réglée
à seizeans; lors deses
premières règles elle fut atteinte d'un érysipèle
de lafacequi la
retint six mois
aulit. La ménopause s'établit il y a
quatre ans.
Il y a dix-huit
mois, légère réapparition des règles et aussi d'un
érysipèle de toute
la figure
;elle resta un mois au lit.
Depuisun mois elle avaitun fortcoryza avec des croûtes dans le nez, lorsque, le 27 mai,survint un troisièmeérysipèle bénincette fois. Sortie le 9juin.
Observation YI
(Salvy).
M. M..., ménagère, trente-trois ans, entre au bastion 29, le 29 août 1895.
Réglée à douze ans et assez régulièrement. Nombreux érysipèles antérieurs, dont le premier à l'âge de treizeans et le second à seizeans;
celui-ci durasix semaines environ.
Trois mois après, nouvel érysipèle qui dura trois semaines. Tous les mois ensuite, pendant six mois, elle eutun érysipèle bénin. Ellen'a pas
remarqué si l'érysipèle coïncidait avec lesrègles.
A dix-huit ans, nouvelle poussée qui la tint près de trois semaines,
et fut suivie d'une autre le moissuivant.
Elle eut encore un érysipèle à dix-neufans.
Le 27 août 1895, elle a été atteinte de nouveau, au moment des règles. Pas de complications.
Observation VII
(Rapportée parForgetà la Société de chirurgie.)
Il s'agit d'unejeunefille qui, pendant quatre ans que dura chez elle l'établissement définitifdes règles, a présenté trois ouquatre fois par
an un érysipèle siégeant le plus souventsur la face, avec une durée de douzeà vingtjours.
Observation VIII {inThèse
Cachera).
Unejeune fille de dix-huit ans, qui souffre d'unérysipèle de la face,
semontrant pour la septième fois depuis six mois et revenant périodi-
- 29 —
quementà
chaque époque menstruelle. Les règles ont tantôt manqué
complètement,
tantôt notablement diminué.
Observation IX
(Cachera).
X..., âgée de vingt ans.
Enmai 1889, étant enceinte de sept
mois, elle eut
unérysipèle qui
débuta par le nezet
dura quinze jours,
avec uneréaction intense.
Le mois suivant, l'érysipèle reparut et
détermina l'accouchement
prématuré àhuit mois.
Depuis cette époque, toutes les trois semaines
environ, apparaît une
nouvelle poussée qui débute toujours par le nez
etenvahit peu àpeu toute
la figure. Les règles sont très abondantes et,
commençant en même tempsquela
maladie,
necessent qu'après elle.
Achaque récidive, la
réaction
esttrès faible et la malade n'en est
presque pas
incommodée. On
remarquedes croûtes saignantes au niveau
del'aile du nez; c'est par làque débute
l'exanthème.
Observation X {inThèse
Salvy).
M. B...,vingt-quatre ans,entre
le 30 janvier 1895. Réglée à treize
ansassezrégulièrement,elle a eu un
grand nombre d'érysipèles ; le
premier àquinzeans, qui
coïncida
avecles règles et dura trois semai¬
nes; le second à dix-sept ans,
coïncida également
avecles règles ;
nouvelérysipèle tous les
mois pendant les six mois suivants.
Adix-neuf ans, nouvelle apparition
de la maladie deux mois de
suiteau moment des règles.
Le30janvier 18955
nouvel érysipèle bénin qui évolue rapidement;
elleavaiteu ses règles du25 au 28
janvier.
Observation XI
(Salvy).
A. F..., domestique, âgée
de trente-quatre ans. Réglée à douze ans
assez régulièrement.
— 30 —
Cinq jours après la cessation de sespremièresrègles, elleeut un éry- sipèle de la face qui dura dix jours.
Cinq jours avant l'apparition des règles suivantes, nouvel érysipèle
assez bénin;jusqu'à l'âge de vingt ans, quatreou cinq jours avant les règles, elle eut tous les mois une nouvelle poussée siégeant sur les pommettes et surle nez.
Le25 décembre 1894, pendant sesrègles, elle fut atteinte de nouveau et futmalade pendant quinze jours.
Le 7 février 1894, étant réglée, elle alla aulavoir où elle eut froid.
Le 10février, l'érysipèle faisaitde nouveau son apparition.
Observation XII Résumée(in Thèse
Cachera).
A. C..., cinquante-trois ans, a eu à onze ans une scarlatine suivie
d'un érysipèle qui débuta par la face et envahit tout le corps. Depuis,
tous lesmois, nouvel érysipèle limité à la face. Dèsl'apparition
des
règles, à quinzeans, les érysipèles disparurent. Mariée, elleeutplusieursenfantsen bonne santé; elle-même était bien portante lorsque, à lasuite
d'un refroidissement, elle eut un érysipèle de la face qui débutapar l'angle interne de l'oeiletqui reparut tous les mois avecles règles.
Les
poussées furent de moinsen moins intenses àmesurequ'elles seprodui¬
saient.
i
Observation XIII
(Cliniques de Behier 1867, in Thèse Tourneux.)
Femme de vingt-huit ans, mère de troisenfants ; elle avait
éprouvé
pendant son dernier accouchement une émotion violente. Depuis cette couche, elle étaitprise à chaque époque menstruelle(toujours régulièresd'ailleurs)
d'un érysipèle occupantle plus souvent laface. Une couche nouvelle, àterme, n'a rien modifié à l'état de la malade ; elleatoujoursvu revenir sesérysipèles à chacune de ses époques. C'est une femme
d'un tempérament nerveuxet un peulymphatique.