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Durée de traitement et évolution clinique en psychothérapie: enjeux de la relation dose-effet

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Summary

Ambresin G, Zimmermann G, de Roten Y, Despland J-N. [Length of treatment and patient clinical change in psychotherapy: the dose-effect relationship issue.]

Schweiz Arch Neurol Psychiatr. 2009;160:20–6.

In the last years, reflecting political concerns about allocation of financial resources, clinical research has addressed the question of the relation between number of sessions of psychotherapy (dose) and patient clinical evolution (effect). Howard et al.

(1986) conceptualised the path of patient im- provement as a negatively accelerating function of treatment length. Barkham et al. (1996) re ported a similar dose-effect relationship. More recently, change has been evaluated on a session-by-session basis to overcome the pitfalls of the previous pre- post study designs (Kadera et al. 1996, Anderson and Lambert 2001, Hansen and Lambert 2003). The rate of improvement might vary depending on the characteristics of the symptoms (Kadera et al. 1996, Anderson and Lambert 2001). Kopta et al. (1994) showed that the effective dose varied across dif- ferent types of symptoms. Fewer sessions were required for improvement in distress (acute) symp- toms, and more sessions for characterological symptoms. Patient characteristics might also be important. Psychiatric outpatients were shown to recover or improve more slowly than patients consulting for adjustment problems (Hansen and Lambert 2003). Finally, treatment characte - ristics might influence patient evolution (Bark- ham et al. 1996). Methodological issues are also at stake. Defining the primary outcome measure as improvement (Howard et al. 1986, Anderson and Lambert 2001, Hansen and Lambert 2003)

or as recovery (Anderson and Lambert 2001, Hansen and Lambert 2003) changed the dose- effect curve.

Barkham et al. (1996) observed that session-by- session plots of improvement looked more or less linear. On an individual basis, treatment takes a given number of sessions to reach a good enough level (GEL), at which point the patient and thera- pist either redeploy therapeutic efforts to other problems or discontinue therapy (Barkham et al.

2006). This endpoint depends on process variables that cannot be apprehended by the data aggre gated on the dose-effect curves. They define general pro- files for particular populations of patients benefit- ing from various treatments. They do not predict the evolution of a single patient during his or her treatment.

Clinical thinking, type of disorder, its gravity and its clinical characteristics, as well as patient expectations and motivations can still be regarded as actual indications of treatment length. In Switzerland, studies on the dose-effect relation- ship are needed. Future research should address this issue at a regional or national level.

Keywords: psychotherapy; dose-effect relation- ship; clinical significance; good enough level

Introduction

Courbe dose-effet: définition

L’évaluation de la quantité de traitement néces - saire à l’amélioration clinique d’un patient est une question classique en médecine. Dans une période où les traitements médicaux sont amenés à démon - trer leur efficacité et où les politiques s’inter rogent sur une répartition adéquate des ressources finan- cières, cette question est devenue essentielle dans le champ de la recherche en psychothérapie.

Récemment, l’application de la nouvelle or- donnance fédérale concernant le remboursement de la psychothérapie dans le cadre de l’assurance de base (OPAS, art. 2 et 3) a relancé l’intérêt porté à cette question dans la recherche en psychothéra-

Durée de traitement et évolution clinique

en psychothérapie: enjeux de la relation dose-effet

n G. Ambresina, G. Zimmermanna, b, Y. de Rotena, J.-N. Desplanda

aInstitut Universitaire de Psychothérapie, Dépar tement de Psychiatrie, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois et Université de Lausanne

bInstitut de Psychologie, Université de Lausanne

Correspondance:

Dr méd. Gilles Ambresin

Institut Universitaire de Psychothérapie, DP-CHUV Site de Cer y

Bâtiment les Cèdres CH-1008 Prilly

e-mail: gilles.ambresin@chuv.ch

Revue générale

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pie. L’Allemagne et les Etats-Unis, entre autres, mènent ou ont menés la même réflexion (p. ex.

[1, 2]). Quel modèle adopter pour répartir les ressources en fonction des besoins? Quels sont, par exemple, les paramètres qui permettent de définir les critères fondamentaux établissant les quantités de traitement nécessaire et d’alimenter le débat sur l’allocation des ressources? En l’ab- sence de critères scientifiques un risque de coupes linéaires existe. L’existence de données sur le sujet n’élimine pas ce risque puisqu’elles nécessitent une lecture éclairée afin d’en éviter leur utilisation abusive. L’objectif de cet article est de faire le point sur les données existantes et sur les limitations inhérentes à la méthodologie qui les a générées.

Dans les années 50–60, plusieurs études ont examiné le lien entre le nombre de séances de psy- chothérapie et les résultats thérapeutiques. Elles ont montré que plus le nombre de séances était important, plus le patient bénéficiait des effets de la thérapie [3–5].

Inspirés par les études pharmacologiques, Hor- ward et al. [6] furent les premiers à modéliser une relation positive entre le nombre de séances de psychothérapie (dose) et le pourcentage de pa- tients améliorés (effet). Elle est caractérisée par une courbe négativement accélérée (negatively accelerated curve) (fig. 1), communément dénom-

mée courbe dose-effet. Autrement dit, plus il y a de séances de psychothérapie, plus la probabilité d’amélioration est importante. Cependant, le «ren- dement» décroît avec l’augmentation du nombre de séances [7].

Le modèle dose-effet permet de conceptualiser la trajectoire de l’amélioration des patients en psychothérapie et met en évidence une relation linéaire entre le logarithme du nombre de séances et la probabilité normalisée d’amélioration chez les patients [6]. Cette relation de type log-normal est fréquente dans le domaine de la psychothéra- pie et pourrait indiquer que de plus en plus d’ef- forts (e.g. séances, essais, doses de médicaments) sont nécessaires pour produire des changements supplémentaires dans la réponse désirée [8].

Le modèle des phases

Partant du modèle dose-effet, Howard et al. [9]

font l’hypothèse d’un changement en trois phases en psychothérapie. Dans un premier temps, il s’agi- rait d’une phase de remoralisation au cours de laquelle le patient se sent mieux, réalise qu’il ou elle n’est pas seul(e) face à ses difficultés, et re- prend espoir. Pour la plupart des patients, ces bénéfices arrivent relativement rapidement (après 2 à 4 séances) et peuvent être conçus comme les bénéfices immédiats d’être traité.

Ensuite, on parle de phase de remédiation au cours de laquelle il y a une amélioration sympto- matique. Pendant cette seconde phase, le théra- peute aide le patient à reconnaître ses symptômes, à évaluer leur sévérité et leur impact ainsi qu’à mieux y faire face. La rémission des symptômes est plus graduelle et nécessite entre 6 mois et une année de traitement au minimum (en fonction, notamment, de la sévérité des symptômes; [7]).

Enfin, au cours des mois et des années qui suivent, le gain se poursuit, même s’il est moins spectaculaire et plus ardu: c’est la phase de réhabi- litation. Cette dénomination est impropre puisque cette troisième phase correspond à un travail cu- ratif, étio-pathogénique sur les facteurs psycho - pathologiques qui sont à l’origine ou qui entre- tiennent le trouble psychiatrique. Il s’agit dans cette phase de se centrer sur les modes de fonction - nement problématiques, inadaptés et persistants.

L’objectif de cette phase est la guérison, ou tout du moins le maintien dans un mode de fonction- nement le moins symptomatique possible, ainsi que la prévention de la rechute [8, 9].

Figure 1 Relation entre le nombre de séances de psychothérapie et le pourcentage de patients améliorés (reproduit avec permission de Howard et al., 1986 [6]).

pourcentage de patients améliorés

nombre de séances 100

90 80 70 60 50 40 30 20 10

2 8 26 52 104

Note: La ligne pleine représente les cotations faites par des juges externes en fin de traitement, les traits-tillés représentent les cotations des patients à chaque séance. © American Psychological Association.

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Problèmes méthodologiques

Malgré l’intérêt et l’originalité de l’approche pro- posée par Howard et ses collaborateurs [6], ce travail initial n’est pas exempt de limites inhérentes à la méthodologie de recherche utilisée. Dans leur modèle, Howard et al. [6] donnent des pour- centages de «répondeurs» à la psychothérapie en fonction du nombre de séances, en suggérant, par exemple, que 75% des patients se sont améliorés après 26 séances (fig. 1). Aussi intéressants soient- ils, ces résultats ne donnent aucune information sur un changement cliniquement fiable et signifi- catif chez ces patients [10]. D’autre part, l’étude d’Howard et al. [6] repose uniquement sur une estimation pré-post traitement de l’amélioration du patient, et non pas sur une évaluation séance par séance. Ceci rend difficile l’estimation exacte du temps nécessaire au rétablissement pour chaque patient [11].

Amélioration versus changement cliniquement significatif

Les limitations de l’étude d’Howard et al. [6]

évoquées ci-dessus font apparaître que la réponse ou l’amélioration reste loin des effets cliniquement intéressants, comme peuvent l’être la rémission ou la guérison. Ainsi, des chercheurs ont examiné les changements fiables cliniquement significatifs (reliable and clinically significant change – RCSC) séance après séance chez un échantillon de patients consultant une clinique ambulatoire universitaire [11, 12]. Le changement est reconnu cliniquement significatif lorsque le patient qui a un fonction - nement qualifié de dysfonctionnel selon l’instru- ment de mesure utilisé au début de son traitement retrouve un fonctionnement comparable à la population générale au terme de celui-ci. Ce chan- gement est fiable lorsqu’il est supérieur à l’erreur de mesure statistique de l’instrument [13].

Les résultats de ces études suggèrent que les résultats d’Howard et al. [6] étaient probablement trop optimistes. Elles indiquent qu’entre 11 et 16 séances sont nécessaires pour obtenir un chan- gement cliniquement significatif chez 50% des clients et qu’au minimum 25 séances sont néces- saires pour obtenir un tel résultat chez 75% des clients [12, 14]. Anderson et Lambert [14] relèvent également que plus le niveau de détresse initial est élevé plus le nombre de séances nécessaire au rétablissement est important.

Poursuivant ces travaux avec un projet de grande envergure comprenant 6072 patients suivis dans différents contextes (pratiques privées, ser-

vices de consultation universitaires, centres psycho- sociaux, programmes nationaux d’assistance aux employés), Lambert et al. [11] estiment qu’au moins 21 séances de psychothérapie sont nécessaires pour que 50% des patients obtiennent un changement cliniquement significatif; il faut au moins doubler le nombre de séances (>45) pour que 75% des patients atteignent ce critère. Si par contre, on choisit l’amé- lioration comme critère de succès thérapeutique, 50 et 75% des patients sont améliorés après res- pectivement 7 et 14 séan ces. L’amélioration est un critère de succès thé ra peu tique moins sélectif puisqu’il est défini par une réponse significative au traitement, sans retour à un fonctionnement comparable à la population générale.

Ces résultats mettent bien en évidence que la relation dose-effet dépend du critère sélectionné pour définir le succès thérapeutique. Cette relation dépend également du type et de la sévérité initiale du trouble du patient ainsi que du contexte dans lequel se déroule la thérapie. Il serait donc utile en vue d’estimer la relation dose-effet de pouvoir disposer, par exemple, de courbes en fonction des diagnostics.

Courbe dose-effet et paramètres cliniques

En 1994, Kopta et al. proposaient déjà des résul- tats qui distinguaient des groupes de patients en fonction de leurs symptômes (aigus, chroniques ou «caractérologiques» – characterological symp- toms). Leurs résultats indiquent qu’il faut en moyenne 10 séances pour que la moitié des patients aigus soient en rémission (avec 52 séances, entre 68 et 95% de ces patients seraient en rémission), 14 séances pour une issue similaire chez des patients chroniques (avec 52 séances, entre 60 et 86% de ces patients seraient en rémission), alors que moins de 59% des patients avec un trouble de caractère peuvent être considérés en rémission après plus de 52 séances [7].

Dans une étude similaire, Maling et al. [15] ont examiné l’évolution des problèmes interpersonnels au cours de la thérapie. Les résultats indiquent, à l’instar de ceux de Kopta et al. [7] concernant la symptomatologie, que différents aspects des pro- blèmes interpersonnels réagissent de manière dif- férente à la psychothérapie. Les problèmes de contrôle (p. ex. manipuler autrui, être agressif, se montrer autoritaire) sont sensibles à la psychothé- rapie et s’améliorent progressivement au fil des séances, alors que les problèmes de retrait (p. ex.

peur du rejet, effacement au profit d’autrui, souci de décevoir, etc.) montrent une très faible évolu- tion sur la durée de l’étude (38 séances).

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Enfin, les résultats d’une étude naturaliste d’en- vergure (N = 4761, [16]) mettent en évidence que les patients consultant avec une problématique psychiatrique avérée répondent à la psychothé - rapie de manière beaucoup plus lente que des individus bénéficiant d’une psychothérapie dans d’autres contextes (consultation pour étudiants, programmes d’assistance aux employés, HMO).

Leurs données indiquent notamment qu’après 16 séances, moins de 20% des patients évalués dans les centres psychiatriques peuvent être considérés comme rétablis.

Courbe dose-effet et good enough level

A partir des données basées sur l’agrégation de nombreux patients, comment peut-on évaluer la quantité de traitement individuel nécessaire (nombre de séances pour un patient donné)? Cela relance le problème éminemment clinique de l’indication ainsi que la question économique (éthique?) de l’application de l’OPAS (nombre de séances).

Il existe plusieurs études dédiées à la question de l’évolution des patients en cours de traitement construite de manière relativement rigoureuse.

Récemment, Clarkin et al. [17] ont comparé trois traitements d’une année (thérapie cognitivo-dia- lectique, thérapie centrée sur le transfert, thérapie de soutien psychodynamique) pour des patients ambulatoires souffrant d’un trouble de la person- nalité. L’évolution des patients a pu être évaluée

par des courbes individuelles qui se sont révélées être des fonctions linéaires de changement déter- minées par une pente et une ordonnée à l’origine.

L’analyse de ces courbes individuelles d’évolution indique un changement positif significatif chez les patients des trois groupes en ce qui concerne les niveaux de dépression, d’anxiété, de fonctionne- ment global et d’ajustement social. Les différents traitements ont également des effets différen- ciés par exemple sur l’irritabilité, la suicidalité, la colère ou l’impulsivité. Relevons que les résultats sont donnés en termes de changements significatifs, mais ne sont pas qualifiés en termes de retour à un fonctionnement comparable à la population générale.

Il y a plus de dix ans déjà, les résultats d’une étude sur des patients dépressifs attribués aléatoi- rement à une psychothérapie en 8 ou 16 séances mettaient en évidence que l’amélioration des pa- tients était linéaire [18].

En bref, l’amélioration individuelle d’un patient au cours de son traitement progresse de manière linéaire, ce qui ne correspond pas à une courbe négativement accélérée (dégressive). L’accéléra- tion négative de la courbe est un artefact du fait de considérer l’évolution d’un groupe d’individus au lieu de l’évolution individuelle au fil des séances [18]. Dans leur article princeps, Howard et al. [6]

faisaient du reste déjà la différence entre l’évolu- tion mesurée individuel lement et celle déterminée sur l’ensemble d’un groupe.

La même étude [18] montre que les individus du groupe qui reçoit 8 séances présentent une ré- duction symptomatique plus importante que ceux qui bénéficient de 16 séances au milieu de leur prise en charge (cf. fig. 2). Howard et al. [6] sou - lignaient déjà que la similitude entre l’évolution d’un patient au terme d’une thérapie de durée limitée et son évolution après le même nombre de séances dans une thérapie de durée indéterminée restait à être démontrée. Barkham et ses collègues [18] montrent que les patients qui bénéficient de 16 séances continuent à s’améliorer au cours des dernières séances, et ce au-delà des améliorations obtenues à la fin de l’intervention dans le groupe dont la durée de traitement est limitée à 8 séances.

Il semble donc qu’un traitement de durée plus courte permet une amélioration plus rapide, mais qu’il prive les patients d’améliorations de leur état de santé qui surviennent avec un traitement plus long.

Une autre étude s’est intéressée à l’évolution individuelle et à son rapport à la courbe dose-effet.

Barkham et al. [19] ont fait l’hypothèse que, pour un patient donné, le traitement se poursuit jusqu’au moment où le patient et le thérapeute envisagent

Figure 2 Evolution symptomatique des patients bénéficiant de 8 ou de 16 séances (adapté de Barkham et al. 1996 [18]).

pourcentage de patients améliorés

séances 60

50

40

30

20

10

0

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16

8 séances (n = 98) 16 séances (n = 94)

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d’interrompre la thérapie ou de redéployer les efforts thérapeutiques vers d’autres probléma- tiques que celles ayant motivés la demande de psychothérapie. Le nombre de séances qui ont eu lieu jusqu’à ce moment précis définit la quantité

«suffisamment bonne» de traitement individuel (good enough level, GEL). L’étude a porté sur 1868 patients bénéficiant d’une à 12 séances dans une clinique de premier recours en santé mentale.

Le bien-être subjectif, les symptômes (anxiété, dépression, problèmes physiques et traumatisme), le fonctionnement ainsi que le risque pour soi et les autres ont été mesurés. L’évolution a été évaluée avec l’indice RCSC; les auteurs considé- rant cet indice comme représentatif du GEL (i.e.

lorsque le patient s’est amélioré de façon clinique- ment fiable et significative, il a bénéficié d’une quantité suffisante de prise en charge psychothé- rapeutique). A chaque séance, un certain nombre de patients décident d’interrompre le traitement.

Les résultats sont exprimés en pourcentage de patient ayant atteint un changement fiable clini- quement significatif (RCSC) au moment de l’arrêt de leur traitement. Par exemple, 87% des patients qui mettent un terme à la prise en charge psycho- thérapeutique après une seule séance ont atteint le RCSC. Jusqu’à la quatrième séance, ce taux se maintient autour de 80%. Pour les séances sui- vantes, ce taux varie entre 62 et 72%.

Que ce taux de patients montrant une amé - lioration cliniquement fiable et significative reste constant ou diminue en fonction du nombre de séances soutient l’hypothèse que les patients ten- dent à terminer la thérapie lorsqu’un niveau satis- faisant de gains a été atteint. Ces résultats suggè- rent donc que les premières recherches démontrant une courbe dose-effet négativement accélérées refléteraient des effets dus aux patients rapidement améliorés qui quittaient l’échantillon. Ainsi, la partie «plus plate» de la courbe dose-effet ne représente pas une diminution de l’efficacité des dernières séances, mais plutôt que les patients faciles à traiter répondent rapidement alors que dans les séances suivantes restent uniquement les patients difficiles à traiter ou résistants.

Discussion

La courbe dose-effet

Les connaissances scientifiques actuelles qui per- mettraient de déterminer la durée optimale d’un traitement psychothérapeutique sont en plein essor, mais restent lacunaires. Les études portant sur la courbe dose-effet cherchent à répondre à

cette question. Elles sont très utiles pour évaluer le profil général de la relation entre la durée des traitements effectués et l’évolution clinique d’une population donnée au cours de la psychothérapie.

Les premières générations d’études, en psychothé- rapie comme en pharmacologie, visaient à établir si les patients répondaient à un traitement (pour une revue, [20]) et non à la question de sa durée pour traiter une proportion donnée de sujets avec une vraisemblance suffisante. Les études plus récentes ont introduit le concept, encore peu ré- pandu, de changement fiable cliniquement signi - ficatif (reliable and clinically significant change, RCSC) qui permet d’évaluer le résultat en terme de retour à un niveau de fonctionnement compa- rable à la population générale plutôt qu’en terme de simple amélioration.

Malgré ces progrès empiriques, la plupart des études se contentent, d’un point de vue méthodo- logique, d’un seul instrument de mesure, souvent simple, de manière à ce que l’on puisse en faire une utilisation de routine. Cependant, les patients peuvent évidemment s’améliorer sur un plan et rester dysfonctionnel sur un autre plan. Toutefois, très peu d’études requièrent que l’amélioration obéisse à plusieurs critères, et pour des raisons de politique éditoriale bien compréhensibles (dif- ficulté de voir accepter des résultats négatifs dans des revues scientifiques) c’est le critère avec les meilleurs résultats qui fait le plus fréquemment l’objet de publications. D’autre part, ces instru- ments ne sont pas assez spécifiques sur le plan diagnostic. Enfin, de nombreux facteurs cliniques et sociaux non directement liés au diagnostic n’apparaissent pas dans les modèles empiriques dose-effet (e.g. la sévérité du trouble, les vulné - rabilités biologiques, psychologiques et sociales, les ressources personnelles et contextuelles, etc.);

facteurs qui influencent clairement l’efficacité d’un traitement, comme en médecine somatique.

Par ailleurs, pour des raisons de coût, les études sont en général courtes et ne permettent pas de considérer la question de la quantité nécessaire de traitement pour traiter un certain nombre de patients.

Du point de vue clinique, de nombreux para- mètres ont un impact majeur sur les profils éta- blis et influencent la durée des traitements. Par exemple, les patients qui consultent des centres psychiatriques nécessitent des traitements plus longs que les patients des consultations psycho - logiques. Le profil varie également selon que l’on se contente d’une réponse au traitement (im- provement) ou que l’on exige que le patient soit complètement amendé sur le plan symptomatique (recovery). Enfin, il est bien démontré que le type

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de population traitée (plus ou moins gravement atteinte), le type de symptômes et le diagnostic, l’aspect aigu ou chronique du trouble, ainsi que la dimension caractérologique modulent la pente générale de ces courbes.

De la courbe dose-effet au cas singulier

La durée et le moment de la fin d’une psycho - thérapie pour un patient donné (cas singulier) dépendent de variables processuelles propres à la dynamique de la psychothérapie. Ils ne peuvent pas être estimés sur la base des études examinant la courbe dose-effet qui fournissent des informations statistiques sur de grands collectifs. En effet, l’évo- lution individuelle au cours du traitement ne suit pas le même profil que la courbe dose-effet: pente à accélération négative pour la courbe dose-effet, linéaire voire à accélération positive pour l’évolu- tion du patient en cours de traitement. Pour cette raison, interrompre une psychothérapie sans tenir compte des variables processuelles peut avoir un effet délétère sur le résultat (phénomène déjà mis en évidence par la Consumer Reports study, [2]).

La durée prévue du traitement semble influ - encer la vitesse à laquelle l’amélioration se déve- loppe. Ainsi, prévoir un traitement d’une durée définie maximise le nombre de patients qui y ré- pondent mais empêche les patients qui restent malades de poursuivre leur amélioration. Finale- ment, aucune des recherches menées n’a évalué les raisons pour lesquelles, au sein d’un profil donné, certains patients évoluent rapidement et d’autres beaucoup plus lentement. De plus, pour l’ensemble de ces courbes, il reste toujours entre 30 et 50% de sujets qui nécessiteront une psychothérapie plus longue.

Par ailleurs, le modèle des phases développé par Howard et al. [9] suggère que le type de change- ment qui survient à court terme, après plusieurs séances ou à long terme, n’est pas le même: amé- lioration non spécifique dans un premier temps, résolution symptomatique ensuite, et changement de fonctionnement enfin. Si l’amélioration non spécifique peut paraître substantielle sur un plan subjectif, il n’est pas certain qu’elle persiste, voire qu’elle empêche une rechute ou une récidive à court ou moyen terme.

Conclusion

Ni les études consacrées à la courbe dose-effet, ni les études randomisées et contrôlées ne permet- tent d’anticiper l’évolution spécifique d’un patient

au cours d’un traitement psychothérapeutique.

Elles sont au mieux utiles pour apprécier la distri- bution du nombre de séances dans une population donnée en fonction de quelques paramètres enre- gistrés. Pour le moment, seule l’expérience clinique et des critères descriptifs comme le type de trouble, sa gravité et ses caractéristiques cliniques, ainsi que l’évaluation des attentes et motivations du patient, peuvent être considérés comme des paramètres appropriés pour émettre un pronostic sur la durée du traitement. Les psychiatres psychothérapeutes traitent simultanément un nombre limité de cas.

Si l’on se réfère à la notion de «good enough level»

(GEL), il suffit de peu de cas complexes, nécessi- tant un traitement de longue durée, pour prolon- ger de manière conséquente la durée moyenne de traitement et donc le coût moyen par cas d’un professionnel. Ainsi, la durée et le coût moyens d’une psychothérapie constituent de très mauvais indicateurs des soins dispensés.

Avec les enfants et les adolescents, les hypo- thèses sur la durée du traitement sont encore plus aléatoires qu’avec des adultes. En effet, le lien entre diagnostic et durée est plus ténu. Le caractère développemental de ces périodes et de nombreux facteurs extérieurs influencent le pro- cessus thérapeutique; les ressources internes et familiales permettent parfois des reprises évolu- tives inespérées. Les objectifs du traitement doi- vent être fixés de façon suffisamment généreuse de manière à tenir compte de ces aspects dévelop- pementaux et de la fluidité de la symptomatologie durant ces périodes.

Les études cherchant à explorer la relation entre le nombre de séances de psychothérapie et l’évolution des patients nécessitent d’être déve- loppées et conduites sur une large échelle. Les données dont nous disposons en Suisse romande, très partielles malheureusement (e.g. [21]), tendent à confirmer que les psychothérapies effectuées dans un centre de consultation psychiatrique am- bulatoire obéissent strictement aux mêmes profils.

Il serait très intéressant que des travaux futurs effectuent le même type de mesure à plus large échelle en Suisse romande ou dans l’ensemble de la Suisse.

Remerciements: Mme L. Ammon, M. R. Comtesse, Dr D. Page, Dr Ch. Perler, Dr G. Winterhalter pour leur investissement dans le groupe de travail sur l’application de la nouvelle ordonnance concernant le remboursement de la psychothé- rapie dans le cadre de l’assurance de base (OPAS, art. 2 et 3).

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Références

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