L’an prochain, en 2021, j’aurai atteint mes vingt printemps. Il y a encore quelque temps, quelques semaines seulement, je jubilais à l’idée d’avoir vingt ans. Mais depuis peu sur cette joie se profile une ombre : beaucoup trop de monde est aujourd’hui obnubilé par ce fameux Covid. Cet insidieux virus s’étend, efface, masque les sourires, vide rues et places, quais, ports et bord de mer, parcs, étangs... jusqu’aux jardins d’enfants.
C’est pourtant le printemps. Eh oui ! quand bien même à Paris le Champs de Mars se réduit à un curieux désert, le jour, lui aussi, chaque jour s’étend un peu plus ; sortant de l’hiver, il s’étire ; l’heure est au réveil, au renouveau ; le bourgeon tend à pousser sa fleur et le petit oiseau pépie, semblant moquer le rare passant qui prétend tuer le temps d’un pas nonchalant. Moi, je ne veux pas tuer le temps ; au contraire, j’entends l’embrasser à pleine bouche, croquer la vie à pleines dents, glaner le moindre instant, comme les blés en été, pour en faire, non du bon pain, mais du bon temps ; demain, s’entend, ou après-demain, ou peut-être un peu plus loin. Comprenez, j’attends mes vingt printemps fiévreusement. A vingt ans, à peine ! comment pourrais-je tuer le temps ? Durant ces dernières semaines de confinement, où penser aura été mon passe-temps le plus
fécond, j’aurai appris au moins une chose : le temps que la vie nous offre est trop précieux, pourquoi le dilapider ? quand il suffit simplement de savoir le perdre avec les gens qu’on aime.
Mars 2020.