Découverte d’une plante-hôte de Bruchidius mulsanti (Brisout de Barneville, 1863) (Coleoptera, Chrysomelidae, Bruchinae)

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Découverte d’une plante-hôte de Bruchidius mulsanti (Brisout de Barneville, 1863) (Coleoptera, Chrysomelidae, Bruchinae)

par Alex D

^elobel¹

& Jean-David C

^hapelin

-V

^isCarDi²

1 47 avenue Paul-Langevin, F – 92260 Fontenay-aux-Roses <delobel.alex@aliceadsl.fr>

2 Laboratoire d’Éco-Entomologie, 5 rue Antoine-Mariotte, F – 45000 Orléans

<chapelinviscardi@laboratoireecoentomologie.com>

Résumé. – Bruchidius mulsanti (Brisout de Barneville, 1863) a été découvert dans l’ouest de la France dans un stock de semences de colza non triées. Les graines infestées se sont révélées être celles de Geranium dissectum L., mélangées aux graines de colza. Cette information est intéressante à double titre : la plante-hôte de B. mulsanti était jusqu’alors inconnue ; il s’agit de la première preuve du développement d’une Bruche dans des graines de Geraniaceae.

Abstract. – Identification of a host plant of Bruchidius mulsanti (Brisout de Barneville, 1863) (Coleoptera, Chrysomelidae, Bruchinae). Specimens of Bruchidius mulsanti (Brisout de Barneville, 1863) were found in Western France in an unsorted stock of canola seeds. Seeds from which adults had emerged were found to be those of Geranium dissectum L. that were scattered among canola seeds. This information is of interest because no host plant of B. mulsanti was known so far, and also because this is the first report of a member of the family Geraniaceae allowing the development of a seed beetle.

Keywords. – Geranium dissectum, Geraniaceae, host plant, seed beetle, France.

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L’un de nous (JDCV) a été sollicité pour analyser un stock de semences de colza (Brassica napus L.) non triées dans lequel un insecte a été découvert en grand nombre (300 individus au minimum pour 75 g de graines). Les semences de colza étaient stockées à Saint-Mathurin-sur- Loire (Maine-et-Loire) et provenaient de diverses parcelles de la commune de Sainte-Hermine (Vendée). La détection de l’insecte dans le stock de semences a eu lieu en juillet 2014. Ce stock a été placé en salle d’isolement en attendant plus d’informations sur l’insecte en présence. Il convient de préciser que les stocks de ce type sont systématiquement triés et nettoyés pour éviter de véhiculer des insectes ou des graines de plantes adventices.

Après analyse, il apparaît que l’insecte est une Bruche, et précisément Bruchidius mulsanti (Brisout de Barneville, 1863). Il s’agit d’une espèce de taille réduite (environ 2 mm), de forme presque hémisphérique, entièrement noire en dehors des quatre ou cinq articles basaux des antennes et des quatre pattes antérieures, plus ou moins marqués d’orange. Le revêtement élytral est constitué de soies peu denses, mais allongées, de couleur blanc-gris et jaunâtre.

Afin d’identifier la source de contamination, nous avons inspecté les graines. Il est apparu que les graines infestées n’étaient pas des graines de colza mais des graines de géranium (Geranium dissectum L.) (fig. 1-2) mélangées aux semences de la plante cultivée. L’identification des graines a été réalisée sur photographie par deux carpologues (G. Leis, comm pers.). Cette plante est une adventice que l’on trouve notamment dans les champs de colza. La présence de graines de géranium en mélange avec des graines de colza n’est donc pas surprenante.

Position systématique. – Selon b^orowieC (1988), B. mulsanti appartient au groupe d’espèces de Bruchidius seminarius (Linné, 1767), ce que confirme anton (1998), qui fournit un dessin de l’édéage et une redescription de la morphologie imaginale. Delobel & Delobel (2006) associent B. mulsanti à B. villosus (Fabricius, 1792) et B. lividimanus (Gyllenhal, 1833) au sein du groupe de Bruchidius villosus, strictement inféodé aux graines de Genisteae. La validité du groupe villosus est corroborée par l’analyse moléculaire (K^ergoat et al., 2008), mais l’appar- Bulletin de la Société entomologique de France, 120 (4), 2015 : 441-443.

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tenance de B. mulsanti à ce groupe d’espèces nécessite confirmation en raison de particularités morphologiques notables : corps beaucoup plus trapu et convexe que les deux autres espèces du groupe, valve ventrale très allongée, triangulaire. En outre, le fait qu’une de ses plantes- hôtes soit une Geraniaceae constitue un élément nouveau à prendre en compte pour le position- nement phylogénétique correct de l’espèce.

Distribution géographique. – Les données bibliographiques (anton et al., 1997 ; anton, 2010) montrent une distribution géographique limitée à l’ouest et au sud par les rives nord de la Méditerranée (y compris le Portugal et de nombreuses îles : Corse, Sicile, Sardaigne, Chypre), s’étendant vers l’est jusqu’en Jordanie et au Tadjikistan ; au nord, l’espèce est signalée en Ukraine (luKjanoVitCh & ter-Minassian, 1957), en Hongrie (borowieC, 1985) et en Slovaquie (Strejček, 2012). Pour la France, B. mulsanti a longtemps été considéré comme une espèce rare, très méridionale (hoffMann, 1945), plus commune en Corse ou dans le Var, mais des récoltes plus récentes montrent son extension jusque dans la région parisienne. C’est ainsi que nous avons pu observer des spécimens en provenance du Cher (Dun-sur-Auron, VI.2012, coll. J. Fleury), de Seine-et-Marne (Vernou-la-Celle-sur-Seine, VI.2009, coll. C. Chauvelier) et d’Essonne (Bonvilliers, La Pointe-Dieu, IX.2009, coll. C. Chauvelier).

Éléments de biologie. – Selon luKjanoVitCh & ter-Minassian (1957), B. mulsanti aurait été capturé “sur Cytisus proliferus et ? Oxytropis pilosa”. Il s’agit clairement de plantes sur lesquelles des adultes de l’espèce furent collectés et non de plantes consommées par les larves ; pour une discussion de la distinction entre plante-hôte larvaire et plante servant d’abri ou de nourriture à l’adulte chez les auteurs russes, voir Delobel & Delobel (2003). ZaMpetti &

riCCi (2012) citent, sans autre précision, “Cytisus proliferus ? et Oxytropis pilosa” en tant que plantes-hôtes de l’espèce, et Cistus albidus L. comme plante fréquentée par l’adulte. Les informations sur les plantes-hôtes semblent ici provenir d’une retranscription maladroite du travail de luKjanoVitCh & ter-Minassian (1957).

Dans le but d’identifier une des plantes-hôtes de B. mulsanti, plusieurs échantillons de Cytisus proliferus L. furent collectés en zone méditerranéenne, en France comme dans d’autres pays européens, mais aucun n’a permis d’obtenir cette espèce (A. Delobel & B. Delobel, non publié). Aucune plante permettant le développement larvaire de B. mulsanti n’était donc vérita- blement connue jusqu’ici (D^elobel, 2014).

Fig. 1-2. – 1, Une graine de Geranium dissectum L. (au centre) parmi les graines de colza. – 2, Graines infestées de Geranium dissectum. On distingue l’orifice d’émergence circulaire, ainsi qu’un chorion vide de Bruchidius mulsanti (Brisout de Barneville), bien visible en bas à gauche.

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Dans notre cas, les insectes ont été trouvés vivants dans le stock (G. Leis, comm. pers.).

D’autre part, la présence de chorions de bruches vides sur des graines de géranium ayant donné lieu à l’émergence d’adultes (voir fig. 2) pourrait indiquer que des pontes ont eu lieu au sein du stock de graines, après la récolte du colza. La capacité de l’espèce à se reproduire dans des graines mûres, après leur dissémination, reste cependant hypothétique.

Discussion. – On sait, en particulier depuis le travail de johnson (1981), que les plantes-hôtes des Bruches ne se limitent pas aux familles-hôtes les plus courantes (Arecaceae, Convolvulaceae, Fabaceae et Malvaceae représentent 95 % des hôtes de Bruches dans le monde) : une trentaine de familles botaniques sont susceptibles d’héberger des bruches. Cependant, à notre connaissance, aucun membre de la sous-famille des Bruchinae n’a jamais été obtenu de graines de Geraniaceae.

La présente découverte constitue donc un élément susceptible d’améliorer notre compréhension des relations entre spécialisation alimentaire et processus évolutifs chez les Bruches, et plus généralement chez les Insectes phytophages. À l’avenir, il serait intéressant d’approfondir les recherches sur cette espèce, en réalisant des mises en élevages de graines de diverses espèces de Geraniaceae, afin de bien cerner la gamme des plantes-hôtes de Bruchidius mulsanti.

reMerCieMents. – Nous remercions Günter Leis pour les informations utiles qu’il nous a fournies et pour avoir sollicité son réseau de carpologues qui ont permis d’identifier le végétal infesté. Nos remerciements vont également à Julien Fleury, Claude Chauvelier et Daniel Rougon pour la communication de spécimens de B. mulsanti ou l’aide bibliographique apportée.

a^uteurs^Cités

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