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Circuits courts alimentaires et transition agro-écologique
Yuna Chiffoleau
To cite this version:
Yuna Chiffoleau. Circuits courts alimentaires et transition agro-écologique. Conférence annuelle de la Chaire Développement Durable, ”Pratiques collaboratives : quel rôle dans la transition écologique ?”, Sciences Po. Paris, FRA., Oct 2014, Paris, France. �hal-02740194�
Introduction
Par Daniel Boy, directeur de recherche au Cevipof/Sciences Po et conseiller de la Chaire Développement durable de Sciences Po et Damien Demailly, coordinateur du programme Nouvelle Prospérité à l’Iddri (l’Institut du développement durable et des relations internationales).
Daniel Boy introduit cette conférence en posant trois questions concernant les pratiques collaboratives :
Quelles en sont les frontières ? Quels critères désignent une pratique comme collaborative ?
Qu’est‐ce que ces pratiques apportent à la transition écologique ? Quel est leur bilan ? Seraient‐elles le trait d’union qui permettrait de faire changer les comportements vers plus de sobriété ?
Comment fonctionne le changement d’échelle ? Cela a‐t‐il même un sens de parler de changement d’échelle ? Peut‐on évaluer un ordre de grandeur de ce que ces pratiques arrivent à faire ?
Damien Demailly rappelle ensuite brièvement les difficultés de nos modèles de production
et d’échange à se transformer suffisamment rapidement pour faire face aux défis écologiques. Ces difficultés sont liées à l’organisation économique, soutenue par des entreprises intéressées à la pérennité du modèle actuel. Pour aller au‐delà de ce constat, cette conférence s’intéresse aux pratiques qui proposent des modes d’organisation alternatifs. Ceux‐ci sont porteurs de promesses de durabilité, de lien social et de transformation radicale de modèle de développement. Aujourd’hui, la plupart de ces pratiques restent des niches, mais les niches ont toujours un rôle précurseur à jouer dans la transformation d’un modèle. Les entreprises sont incitées, contraintes ou inspirées pour transformer leur modèle d’affaires. Damien Demailly propose trois objectifs pour cette journée :
Identifier ceux qui portent ces pratiques. Se limitent‐elles aux « bobos », ou concernent‐elles également des personnes en situation de précarité ?
Comprendre comment ces pratiques tendent à transformer le modèle de développement actuel. Comment les grandes entreprises les perçoivent ? Ces niches ont‐elles des stratégies pour influencer les acteurs ?
Déterminer le rôle des pouvoirs publics par rapport à ces pratiques. Comment peuvent‐ils les soutenir et les orienter sans les étouffer ?
Pour répondre à ces objectifs, cette conférence s’organise autour de trois fonctions ou besoins : l’alimentation, l’accès aux biens matériels et la mobilité.
Les intervenants sont des personnes qui soutiennent ces pratiques, mais également des représentants d’entreprises conventionnelles qui cherchent à transformer leurs activités ou encore des représentants publics.
Cette journée a pour but de permettre aux participants de discuter et d’échanger, afin de gagner de l’intelligence collective sur ces pratiques.
Table‐ronde 1 : Alimentation
Avec : Animateur : Sébastien Treyer, directeur des programmes, Iddri. Guilhem Chéron, co‐fondateur et dirigeant, La Ruche Qui Dit Oui ! Yuna Chiffoleau, chargée de recherches, INRA ; Gérald Godreuil, directeur, Artisans du Monde ; Jean‐Philippe Puig, directeur général, Sofiprotéol ; Interventions Sébastien Treyer, directeur des programmes, Iddri Sur les questions alimentaires, le débat touche à la question agricole mais, se pose surtout à l’échelle du système alimentaire, pour lequel de nombreux acteurs soulignent que les tendances en cours posent des problèmes de durabilité, à la fois économique, sociale et environnementale.Une question se pose donc pour cette table ronde : Comment les pratiques émergentes innovantes, parfois collaboratives, qui émergent dans le champ de l’alimentation, peuvent nous aider à penser des transitions vers d’autres modèles d’affaires et de modes de consommation ?
Yuna Chiffoleau, sociologue à l’Institut National de la Recherche Agronomique
(INRA)
Par ses recherches, elle s’intéresse au renouvellement ou à l’émergence de l’agriculture et au renouveau des circuits courts alimentaires. Ce sont des formes anciennes qui se renouvellent voir innovent depuis la fin des années 1990 et qui génèrent de nouvelles relations entre producteurs et consommateurs mais aussi entre eux. L’une d’elle concerne les AMAP (Associations pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne). Une AMAP est une association entre un groupe de consommateurs et un producteur qui a pour but le soutien d’une agriculture durable et sociale, dans une logique d’entraide. La proximité permet aux consommateurs d’être rassurés de l’origine et de la qualité des produits. Cependant ces premiers modèles posent deux questions :
Ce système est‐il élitiste, aussi bien concernant les consommateurs que les producteurs ?
N’y a‐t‐il pas derrière ces modèles de nouveaux rapports de domination, aussi bien entre producteurs et consommateurs qu’entre consommateurs ?
Le suivi des dynamiques collectives autour des circuits courts montre qu’ils permettent de nouveaux liens entre producteurs, favorisant une écologisation des pratiques chez les producteurs qui se mettent au circuit court d’abord par souci économique. Il se joue, dans les circuits courts, la construction d’une « démocratie alimentaire », permettant une
délibération autour de l’agriculture, qui redonne un rôle plus actif aux producteurs et aux consommateurs.
Enfin, le changement d’échelle ne se joue pas par une expansion de la taille, mais par un essaimage et une médiatisation permettant de faire progresser des idées nouvelles. Le résultat est plutôt prometteur : 42% des français consomment en circuit court, et ils sont issus de catégories sociales moins élevées qu’auparavant. Guilhem Cheron, entrepreneur innovant, co‐fondateur et dirigeant de La Ruche Qui Dit Oui !
Commencé il y a 4 ans, ce projet comprenait dès le départ l’ambition de changement d’échelle (permettre au plus grand nombre d’avoir accès à la consommation en circuit court), et Internet est l’outil qui a permis d’accélérer l’action.
Le fonctionnement de La Ruche Qui Dit Oui ! est le suivant : une vente en ligne, organisée par une ruche, qui est un point de distribution local de proximité, est ouverte pendant 5 jours. Deux jours après la fin des ventes, les producteurs livrent les produits pré‐payés sur le lieu de distribution. Ce système fait exprimer une demande importante, qui tire une agriculture relocalisée, paysanne, de proximité et agro‐écologique.
Un troisième acteur intervient dans une vente, il s’agit du responsable de ruche. Celui‐ci décide d’ouvrir une ruche, trouve le lieu, et sélectionne les offres des producteurs. La rémunération des responsables de ruches constitue pour eux un revenu complémentaire, voir un revenu complet pour les personnes qui ouvrent 2 ou 3 ruches. Le modèle de la Ruche Qui Dit Oui ! est donc aussi un modèle de développement entrepreneurial.
Avec La Ruche Qui Dit Oui !, l’engagement militant est moins fort que dans les AMAP, mais il y a une recherche de potentiel de développement économique. Il en résulte une grande diversité sociale du réseau. On trouve des ruches aussi bien en milieu rural, que dans les grandes villes, en périurbain, ou dans des centres sociaux. Les producteurs fixent librement les prix, ainsi chaque ruche est un petit système économique où les prix se fixent en fonction de la population. Ce système a permis d’ouvrir les circuits courts et d’enregistrer l’intensité de la demande : La Ruche Qui Dit Oui ! compte 1500 nouveaux membres par jour. Il y a eu cette année 3500 demandes d’ouverture de ruche, mais seules 350 vont être ouvertes car l’agriculture n’est pas organisée pour pouvoir fournir une telle demande de la part des citoyens. Pour que l’entreprise dure, il faut accompagner la transition agricole. Gérald Godreuil, directeur d’Artisans du Monde
Artisans du Monde existe depuis 40 ans, c’est une fédération de 150 associations en France, dont la centrale d’achat est Solidarmonde, et réalise un chiffre d’affaire cumulé de 10 millions d’euros par an, avec ses 125 boutiques associatives. L’objectif est de promouvoir un développement durable par le commerce équitable, en permettant à des organisations de producteurs « marginalisés » de vivre plus dignement de leur travail, et dans le respect de l’environnement, ainsi que de renforcer leur organisation pour être acteurs de leur propre développement. Il s’agit également de faire changer les pratiques et les fonctionnements du commerce international. Pour traduire ces objectifs en actions, Artisans de Monde a défini trois piliers : Permettre à des producteurs d’avoir des débouchés, grâce à un réseau de boutiques associatives. Eduquer les consommateurs à la citoyenneté et à la solidarité internationale en leur permettant de comprendre les mécanismes du commerce international.
Faire des campagnes d’opinion et de plaidoyer afin de sensibiliser le public et de mobiliser les citoyens pour agir sur les causes des inégalités.
Dans les années 1990, Artisans du Monde a refusé d’entrer dans la grande distribution, notamment au regard des conditions de travail chez les sous‐traitants. Ce choix est également économique : être fournisseur de la grande distribution implique des coûts financiers et logistiques importants dus au changement d’échelle. Artisans du Monde garde une logique d’ONG, le commerce n’est qu’un outil. Pour influencer les règles du commerce international, les acteurs du commerce équitable ont un bureau de plaidoyer (qui refuse l’étiquette de « lobby ») qui agit auprès des députés européens afin de les inciter à soutenir des pratiques plus vertueuses.
Le commerce équitable a des impacts au Sud et au Nord. Des études d’impact, menées depuis une vingtaine d’année, ont montré qu’il permet d’améliorer les conditions de vie au Sud en produisant un effet levier.
En conclusion, le commerce équitable est un modèle abouti de régulation du commerce international et de responsabilité sociale qui a contribué à l’émergence d’une consommation responsable.
Jean‐ Philippe Puig, directeur général de Sofiprotéol
Le modèle économique de Sofiprotéol est intéressant, bien qu’elle ne soit pas un organisme collectif mais une société anonyme. Il y a une trentaine d’années le milieu agricole a réfléchi au développement des huiles et des protéines en France, et a décidé de mettre en place une cotisation volontaire pour créer une société chargée de développer l’ensemble de la filière et de créer de la valeur pour celle‐ci. Ce modèle est atypique car malgré l’arrêt de cet apport de cotisations, le monde agricole a décidé de ne pas demander de dividendes. La société a réinvesti l’ensemble dans la filière, devenant ainsi un des premiers acteurs à suivre un modèle d’une économie circulaire financière.
L’une des exigences de ce modèle est de mettre le milieu agricole au sein de la gouvernance. Une fondation destinée à le faire connaître va être créée. La société a aussi mis en place une démarche visant à faire davantage participer les salariés.
Jean‐Philippe Puig cite quelques exemples de démarches mises en place par Sofiprotéol. Pour répondre à une demande de la part du client, les agriculteurs respectent un cahier des charges permettant une traçabilité des producteurs pour l’huile de colza (plus de 1000 agriculteurs sont aujourd’hui fédérés dans ce cahier des charges). Le monde agricole a essayé de pallier au manque de protéines en France avec les biocarburants, ce qui a été possible en développant le colza. Cette démarche de progrès concerne 10 000 agriculteurs qui sont engagés pour diminuer les gaz à effet de serre. Sofiprotéol soutient également l’innovation dans la recherche pour développer l’oléochimie en France. La société aide à la création d’un centre de recherche qui sera situé au nord de Paris, en lien avec l’État, la région et d’autres entreprises. Une somme a été allouée par l’État pour financer ce centre de recherche où les chercheurs garderont la propriété de leurs inventions.
Réactions et questions de la salle
Pour Yuna Chiffoleau, il ne faut pas véhiculer l’image d’agriculteurs fragilisés, car ceux‐ci arrivent souvent dans les circuits courts à développer des modèles viables, sans subventions. Elle souligne également qu’il existe une différence de performance de 1 à 4
dans l’agriculture en circuit court, il y a donc des choix politiques stratégiques à faire pour investir pour une agriculture de proximité.
Il y a également un mouvement de diversification des acteurs, les agriculteurs innovent pour reprendre la main sur la distribution. Pour Jean‐Philippe Puig, il ne faut pas opposer les modèles. Les modèles novateurs, très en avance, sont capables de luire plus que des modèles établis, mais il est important de noter la dynamique agricole existante. Il faut un certain nombre d’outils de transformation, mais ce n’est pas la politique publique qui est responsable de la fermeture de certains sites, qui sont voués à disparaître s’ils ne sont pas rentables économiquement. Il y a une question de taille qui se pose : Comment un circuit court peut‐il se développer suffisamment rapidement pour subvenir à la nutrition du plus grande nombre ? Il faut compter davantage sur la société que sur la politique publique pour créer des modèles innovants, qui in fine seront repris dans les politiques publiques.
Selon Guilem Chéron, plusieurs modèles agricoles ne peuvent pas coexister. Le modèle agricole actuel est historiquement lié à une période de plein emploi et d’énergie bon marché. Aujourd’hui le chômage est massif et l’énergie est chère, les modèles agricoles ont donc besoin d’être changés. Une transition doit se faire vers des modèles moins mécanisés, avec une logique plus systémique, basées sur la biodiversité des espèces, des pratiques culturelles, et la biodiversité économique.
Selon Gérald Godreuil, dans le monde entier, les deux tiers des agricultures qui nourrissent la planète sont des agricultures familiales. Développer massivement l’agriculture à l’aide d’intrants chimiques n’est pas la bonne réponse, il faut développer l’accès à la nourriture (revenu, transports, …), permettre aux populations rurales de rester dans les campagnes. Il dénonce également l’industrialisation des alternatives par des grandes entreprises qui est en réalité un dévoiement des pratiques et crée de la confusion chez les consommateurs. Sans éducation des consommateurs, il n’y a pas de changement de société possible. Mais il faut également faire changer la société par le politique, et passer des démarches volontaires à des engagements contraignants pour les entreprises pour les obliger à respecter les droits humains.
Table‐ronde 2 : L’accès aux biens matériels
Avec : Animateur : Damien Demailly, responsable du programme Nouvelle Prospérité, Iddri Flore Berlingen, co‐fondatrice, Ouishare; Marion Carrette, fondatrice, Zilok; Dominique Roux, professeure des universités en sciences de gestion/marketing, Université Paris Sud); Eric Vidalenc, économiste et animateur de la prospective, ADEME. Interventions Damien Demailly, responsable du programme Nouvelle Prospérité, IddriL’ouverture de cette table ronde débute avec un retour sur l’absence d’un représentant d’une entreprise traditionnelle parmi les intervenants. Certains, parmi les groupes sollicités, ont manifesté leurs doutes concernant le bilan environnemental de ces pratiques. Les pratiques collaboratives perdent‐elles leurs bénéfices environnementaux avec le changement d’échelle ? Dominique Roux, professeure en sciences de gestion/marketing Elle explique que seules certaines pratiques ont été étudiées pour le moment de manière approfondie, et séparément les unes des autres. Il est donc difficile de faire des conclusions généralisables aux pratiques similaires.
Dominique Roux distingue les études des recherches : les études sont rapides, avec des questions peu élaborées, tandis que les recherches sont plus longues, approfondies et robustes. Elles présentent toutefois parfois des conclusions divergentes sur une même pratique. Par ailleurs, il serait souhaitable que la recherche élargisse le nombre des pratiques collaboratives étudiées tout en les confrontant à d’autres pratiques plus conventionnelles, en les analysant sur la base des attitudes, intentions, motivations, etc., des individus.
Dominique Roux a participé à la réalisation d’une étude avec Valérie Guillard sur le glanage pour l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) qui a montré que le discours construit par ceux qui déposent des objets dans la rue ramène leur acte de dépôt à du don. De même, les glaneurs ne conçoivent pas que les objets déposés dans la rue puissent être volontairement jetés, mais considèrent aussi qu’il s’agit d’un don. Or le discours des mairies sur les encombrants insiste sur le fait que c’est un service coûteux, et qu’il faut essayer de donner avant de déposer les objets sur le trottoir. Cette pratique très discrète renferme une circularité que l’on ne soupçonnait pas. En outre les glaneurs ne sont pas uniquement des personnes en situation de précarité. Marion Carrette, fondatrice de Zilok Zilok est un site Internet qui permet aux particuliers et aux professionnels de se louer des outils à proximité. La première motivation des utilisateurs de Zilok est financière, l’aspect environnemental est secondaire, et c’est ce qui fait la force des modèles collaboratifs. Zilok
fabriquée pour fonctionner des milliers d’heures, n’est utilisée que 12 minutes dans sa vie en moyenne. Zilok incite à acheter des outils de meilleure qualité, conçus pour durer plus longtemps et qui seront mieux rentabilisés par leurs propriétaires. Un outil de qualité médiocre a très peu de chances d’être loué sur Zilok. Certains utilisateurs de Zilok sont aussi des professionnels, ou même des particuliers qui ont décidé de faire de la location d’objets pour compléter leurs revenus. Zilok ne fait pas acheter plus d’objets mais favorise une meilleure qualité, les échanges se font à proximité, entre voisins, cela ne génère donc pas plus de transport. Dès le début, Zilok a choisi d’avoir à la fois des loueurs particuliers et professionnels afin de permettre l’accès à la totalité des objets à louer. Aujourd’hui, particuliers et professionnels sont présents en proportions égales sur le site. Quant à la relation avec les entreprises traditionnelles, on se trouve aujourd’hui dans un changement de paradigme. Nous avons un partenariat avec Leroy Merlin, grâce auquel les consommateurs peuvent louer des outils en magasin. Pour Leroy Merlin, le bénéfice de cette pratique est de générer deux passages en magasin.
Flore Berlingen, co‐fondatrice, Ouishare;
OuiShare est une plateforme de réflexion autour de l’économie collaborative. Créée il y a environ trois ans, Ouishare regroupe aujourd’hui des passionnés dans de nombreuses grandes villes d’Europe, et va plus loin en organisant des événements et en publiant un média. Si la plateforme a une approche positive par rapport à l’économie collaborative, son but est d’avoir un esprit critique.
Les différentes formes que peut prendre la consommation collaborative dans le champ des biens matériels sont :
La location ;
Le prêt, avec des plateformes comme ShareVoisins (France), ou encore Toolpool (Norvège) qui met à disposition gratuitement tous les outils de bricolage. Cette pratique est néanmoins loin d’avoir atteint la masse critique atteinte par Zilok ; Le don, illustré en France avec des sites comme freecycle.org ou donnons.org ; La vente et la revente de biens d’occasion entre particuliers.
leboncoin.fr est le deuxième site sur lequel les français passent le plus de temps après Facebook ;
Le troc organisé et géré par des sites comme myrecyclestuff.com, mais qui émerge également dans l’espace physique avec des projets comme « Borne de Presse » ; La mutualisation, dès l’achat ou dans l’usage ;
La plateforme de revente associée à un acte de don, nouveau concept proposé notamment par le site lebonesprit.fr.
Le discours des promoteurs de l’économie collaborative a au départ surtout mis l’accent sur le lien social, plus que sur l’aspect environnemental.
Pour Flore Berlingen, le partage de la connaissance autour des biens est une pratique encore plus intéressante que la consommation collaborative. Elle souhaiterait que l’analyse soit étendue aux initiatives pour la réparation des objets par exemple, comme le guide contributif et collaboratif en ligne ifixit.com. Ce type de projet est vraiment motivé par des préoccupations environnementales.
Eric Vidalenc, économiste et animateur de la prospective à l’ADEME
L’ADEME s’intéresse à ces nouvelles pratiques depuis plusieurs années, et cherche à vérifier l’intuition selon laquelle partager et collaborer est meilleur pour l’environnement. En 2013, l’agence a conduit une première étude afin de connaître les motivations, intérêts, et attentes des individus sur six pratiques collaboratives. S’il est très difficile de tirer des généralités de cette étude, il semblerait que les personnes concernées soient un peu plus jeunes et plus actives que la moyenne. L’ADEME cherche aussi à travailler en dynamique et en prospective, mais il est pour le moment difficile de conclure et de poser les pratiques collaboratives comme une clé de la soutenabilité dans les scénarios. Par ailleurs les modèles économiques concernés ne fonctionnent pas avec les mêmes règles que les modèles économiques traditionnels, on ne peut donc pas porter un discours sur ce que les pouvoirs publics devraient faire aujourd’hui.
Quelques jalons peuvent cependant être posés concernant le bilan environnemental : • La logique de mutualisation est à penser sur la phase du produit qui est la plus impactante. Par exemple, 80% de l’impact environnemental d’une voiture est lié à son usage. Il vaut donc mieux partager l’usage de la voiture que la voiture en elle‐même. • Il faut construire des biens plus durables pour être partagés. Les biens que l’on partage aujourd’hui, dans certains cas, peuvent durer moins longtemps. Au final, sans durabilité supplémentaire des biens et donc avec une usure prématurée liée à un usage plus intensif, cela revient à consommer la même quantité de biens sur une période donnée.
• Une approche centrée sur les individus plutôt que sur les pratiques montre que de plus en plus de pratiques transforment la manière de consommer (ex : lorsque je partage une voiture, je vais modifier l’ensemble de mes pratiques de mobilité – source : Etude ADEME‐6T). Réactions et questions de la salle Flore Berlingen, co‐fondatrice, Ouishare Elle revient sur la question de la destruction des emplois et de l’entrave à la croissance qui est très souvent soulevée. Mais selon elle, les pratiques collaboratives ne s’interprètent pas en termes de destruction d’emplois mais plutôt en termes de changement profond de la structure du travail et de la création de valeur. Une question se pose cependant : comment faire pour que les personnes qui accumulent des revenus avec l’économie collaborative aient quand même une protection sociale ?
Au sujet de la fiscalité, on ne peut pas parler de vide juridique pour les pratiques collaboratives. Les commissions que prennent les plateformes en ligne sont fiscalisées. En ce qui concerne les revenus des particuliers, deux cas de figure existent. Soit l’argent collecté n’est pas considéré comme un revenu mais comme une compensation, c’est le cas pour le covoiturage par exemple. On considère que les utilisateurs n’en font pas une activité principale ou lucrative. Soit l’argent collecté n’est pas considéré comme une compensation, et les revenus générés doivent être déclarés comme les autres revenus. Mais si la règle existe, il n’y a pas forcément de contrôle.
Eric Vidalenc, économiste et animateur de la prospective, ADEME Certaines plateformes ne sont pas localisées dans le pays où elles opèrent. Cependant, la plupart de ces transactions est basée sur des échanges numériques donc laissent une trace. Si l’on choisit de s’y attaquer politiquement, on est en mesure d’avoir l’accès à l’ensemble des transactions qui ont lieu. Marion Carrette, , fondatrice, Zilok;
L’argent économisé grâce aux pratiques collaboratives est réinvesti dans l’économie. En outre la consommation permet aux individus de se prendre en main, et donc de réintégrer des personnes marginalisées dans l’économie, dans une société où il y a beaucoup d’assistanat.
Eric Vidalenc, économiste et animateur de la prospective, ADEME
Le PIB augmente lorsque les échanges monétaires croissent, mais pas nécessairement lorsque la consommation de matière augmente. La consommation collaborative, dans certaines formes, peut permettre de découpler consommation de matière et échanges marchands. C’est ainsi une voie à explorer pour réduire l’impact environnemental du système marchand.
Dominique Roux, professeure des universités en sciences de gestion/marketing,
Université Paris Sud)
Elle insiste aussi sur les effets pervers que peut produire l’économie collaborative : par exemple, des personnes peuvent se faire payer très peu pour un travail, ce qui amène des questionnements sur le droit du travail et les acquis sociaux notamment.
Table‐ronde 3 : Mobilité
Avec : Animateur : Mathieu Saujot, chercheur au sein du programme Fabrique urbaine, Iddri Paulin Dementhon, fondateur et PDG, Drivy; Eric Lemerle, responsable des études sur la mobilité, Renault; Jean‐Louis Jourdan, chargé de mission COP21, SNCF; Gabriel Plassat, ingénieur Transports & Mobilités, ADEME. Interventions Mathieu Saujot, chercheur au sein du programme Fabrique urbaine, Iddri Il ouvre cette troisième table ronde, pour laquelle il propose quatre grands objectifs : Comprendre comment ces initiatives nouvelles émergent ; Questionner les impacts environnementaux directs et indirects ; Comprendre l’évolution des modèles économiques et déterminer si les modèles des acteurs classiques peuvent s’hybrider ; Déterminer la place que peuvent avoir les pouvoirs publics dans cette dynamique ;
Paulin Dementhon, fondateur et PDG, Drivy;
Drivy est un service de location de voitures entre particuliers permettant à des propriétaires de voitures de créer une annonce de location. Un utilisateur a donc la possibilité de faire une recherche, comparer les voitures, et louer facilement, et à proximité de chez lui, un véhicule. La pierre angulaire de ce système est une assurance qui prend le relais sur l’assurance du propriétaire pendant le temps de la location. Drivy compte aujourd’hui 20 000 voitures à louer, 350 000 inscrits, et croît de 8% par mois.
Face aux acteurs traditionnels de la location de voitures, Drivy est attractif par le prix, la fluidité du système et la proximité. Cependant l’entreprise reste peu présente sur le marché du tourisme et des aéroports. Il y a forcément un peu de chevauchement avec les acteurs traditionnels, mais il n’est pas logique que la location soit un mode d’usage de la voiture aussi faible.
Le remplacement de la propriété vers l’usage est très lent, mais commence à s’accélérer, notamment grâce à la combinaison des autres services de transports (vélo, autolib’, covoiturage, etc.). Des systèmes comme Drivy peuvent conduire à transformer le cahier des charges de la fabrication d’une voiture vers plus de voitures spécialisées. Il n’y a pas de limite au nombre d’utilisateurs car plus une place de marché est utilisée, plus elle est utile. Eric Lemerle, responsable des études sur la mobilité chez Renault, Le constructeur automobile a quelques difficultés à appréhender ces nouvelles évolutions, notamment pour des raisons organisationnelles. Contrairement à ce qu’on peut penser, l’optimisation de l’usage des véhicules dans une société est indispensable aussi pour le constructeur, si l’on veut que l’automobile conserve son attrait et son efficacité. On assiste à une baisse du taux d’équipement dans l’OCDE depuis 10 ans dans la plupart des grandes agglomérations, il n’y a simplement pas assez de place pour une croissance mondiale de la production automobile prévue sur les 25 ou 30 années à venir, en tout cas en zone urbaine. L’enjeu principal de la mobilité est une contradiction : c’est une liberté mais avant tout une efficacité collective (cf dernier paragraphe). La voiture permet aux gens et aux activités d’être beaucoup plus efficace jusqu’à un point, au‐delà duquel il y a une perte d’efficacité. Par exemple à Paris, 40% des voitures qui roulent cherchent une place. Ceci conduit pour l’industrie automobile à une perte de valeur sur l’objet. A cela s’ajoute les enjeux de congestion, de rareté des ressources, de pollution auxquels la voiture électrique est une solution locale (mais pas globale).
De plus, les usages collectifs sont en train de basculer dans la société internet, il faut donc faire de la régulation intelligente. Ainsi l’usage de la voiture ne doit pas être complètement dissocié des transports publics. Le constructeur peut par exemple penser une voiture connectée, également conçue pour être partagée. Il ne s’agit donc pas tant de faire des véhicules partagés et de créer des systèmes de partage, ce qui pourrait s’avérer très compliqué pour un industriel, mais faire des véhicules partageables que des partenaires ou de simples usagers s’approprieront.
Le paradoxe de la mobilité est que son engorgement et ses désagréments (effets pollution, stress, etc.) pèsent d’un coût très lourd sur l’efficacité économique et l’attractivité des villes, mais que la brider est aussi dangereux car elle est un support indispensable de la liberté individuelle et de l’activité économique et sociale. De ce point de vue les pratiques
Jean‐Louis Jourdan, chargé de mission COP21 à la SNCF,
Il souligne d’abord l’importance des enjeux territoriaux, les attentes en termes de mobilité sont différentes d’un territoire à un autre. Il faut affecter le continuum des modes de transport de façon pertinente sur les territoires. On assiste également à l’émergence de multiples parties prenantes dans les nouvelles mobilités, avec une création de valeur différente selon les acteurs. Un opérateur de transport cherche à sauvegarder ou maximiser sa marge opérationnelle, tandis que les citoyens veulent minimiser les sommes d’argent qu’ils engagent et que les collectivités veulent maximiser l’attractivité de leur territoire. Néanmoins évaluer les nouvelles mobilités ne doit pas se faire uniquement en termes financiers, mais également en termes de lien social, de qualité de vie et de lien intergénérationnel.
Les mobilités collaboratives ont vu leur explosion grâce aux technologies de l’information. Chacun peut avoir accès de manière aisée à une place de marché voir contribuer à l’évaluation des services et donc au fléchage des offres. Il faut éviter la désintermédiation. Il prend l’exemple de l’hôtellerie qui a perdu 17% de sa marge, et souhaite que cela n’arrive pas pour la mobilité. Le modèle contributif a également permis une retéritorialisation du débat, en créant de valeur à l’échelle humaine, qui échappe à des échanges lointains. Dans le domaine du transport, à la relation contractuelle entre deux personnes morales, se substitue donc quelque chose de beaucoup plus compliqué : une économie plurielle du monde dans laquelle les personnes sont à la fois producteurs et utilisateurs. Gabriel Plassat, ingénieur Transports et Mobilités à l’ADEME Ce changement d’échelle passera par l’invention d’une nouvelle filière industrielle, comme ça a été le cas pour le passage de la calèche à l’automobile. Si l’on n’a pas fait évoluer le cheval, on ne fera pas évoluer l’automobile simplement en y ajoutant du numérique. Blablacar comptabilise 20 000 nouveaux inscrits par jour. En Russie, le covoiturage est beaucoup plus efficace que le train. Il y a à la fois intégration, et simplification pour l’usager. De plus, il y a des échanges permanents entre notre assistant de mobilité et des bases de connaissances qui s’enrichissent de l’usage des individus sur la plateforme. Il y a une complexification des plateformes et des systèmes de transports avec l’intégration de nouveaux modes et le numérique qui permet de mieux partager. Les start‐ups sont structurellement conçues pour explorer l’innovation dans le monde actuel, chaotique et instable. Des grands groupes cherchent donc à héberger des start‐ups, tout en essayant de ne pas tuer leur processus d’innovation. La ville de Rio a fait un partenariat avec 3 start‐ ups pour récolter les traces numériques des citoyens. Elle a ainsi accès à la totalité des flux de personnes circulant sur son territoire. En contrepartie, elle donne des informations sur les transports publics, les travaux prévus, etc. De la même façon, Blablacar est capable de prévoir le trafic avec une grande précision car il gère le transport de deux millions de personnes. Aujourd’hui le site décide de conserver ces données, mais pourrait bien dans l’avenir les échanger avec un opérateur public. Réactions et questions de la salle Gabriel Plassat, ingénieur Transports & Mobilités, ADEME.
Il remarque que de plus en plus de gens sont prêts à expérimenter et à tester, mais que ces systèmes ne sont pas réflexifs. Il plaide pour un système qui permettrait à l’usager de connaître immédiatement les bénéfices associés à un choix de mobilité, qui passerait par exemple par un partage en open data, et de façon anonymisée pour construire des données au sens du bien commun.
Jean‐Louis Jourdan, chargé de mission COP21, SNCF;
L’intensité capitalistique de ces données est faible. La valeur réside dans les bases de données clients qui sont hébergées. Il n’est pas possible que ces bases de données soient accessibles à tout le monde et à la fois génèrent de la valeur. Eric Lemerle, responsable des études sur la mobilité, Renault; La voiture reste le moyen de transport le plus efficace, et si l’automobile est actuellement contestée, c’est d’abord parce qu’elle est victime de son succès. D’ailleurs les individus les plus multimodaux ne sont pas tant des gens qui n’ont pas de voiture, mais les urbains, qui ont simplement plus de possibilités, et les nouvelles pratiques de mobilités concernent surtout de nouveaux usages de l’automobile ! La voiture électrique a potentiellement un rôle d’efficacité et d’échange. Elle utilise un type d’énergie neutre car déjà transformé, l’enjeu restant est lié à la façon dont on produit l’électricité.
Elle reste donc une solution avec un réel potentiel d’efficacité environnementale, d’abord parce qu’elle émet très peu de polluants & particules au plan local, que ce n’est plus la voiture qui pollue mais éventuellement l’électricité qu’elle utilise, avec une part renouvelable de la production l’électricité qui ira croissant, et parce qu’enfin elle peut aussi échanger son électricité stockée (quand elle ne sert pas) pour d’autres usages résidentiels. Jean‐Louis Jourdan, chargé de mission COP21, SNCF; L’investissement dans les lignes de train crée beaucoup de valeur, et pas seulement en ce qui concerne le prix du billet. La France a des réseaux de qualité, qui dynamisent les régions, rapprochent des familles éclatées, et sont un investissement de long terme favorable pour l’avenir.
Paulin Dementhon, fondateur et PDG, Drivy;
Il reconnaît qu’il existe des loueurs déguisés sur Drivy, ce sont des personnes qui en font un revenu et se professionnalisent, comme c’est le cas pour toutes les nouvelles places de marché. Ce qui compte est de définir la limite.
Concernant le succès du système dans différentes régions, il rappelle l’importance d’atteindre une masse critique. Pour cette raison, Drivy marche mieux dans les grandes agglomérations, et surtout en banlieue.
Eric Lemerle, responsable des études sur la mobilité, Renault;
Il revient sur l’avantage de la voiture lié à l’absence de rupture de charge, qui n’est pas assurée par les autres modes de transport. Cet avantage est peut être négligeable pour un jeune, mais devient plus important au cours des étapes de la vie, surtout à l’arrivée du(des)
Conclusions
Par Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Environnement et eurodéputée, présidente du Rassemblement citoyen et Sébastien Treyer, directeur des programmes, Iddri.Pour Sébastien Treyer, nous sommes dans une phase de maturité : il devient courant de parler de la fonction mobilité plutôt que de la voiture, de la fonction alimentation plutôt que de l’agriculture. Cette maturité se manifeste aussi dans un questionnement plus dur, une volonté de faire la distinction entre les pratiques innovantes pour la transition écologique et celle dont l’impact positif n’est pas aussi évident. Une reconfiguration de notre modèle est déjà en place et change la forme des filières. Des questions demeurent au sujet de la nouvelle création de valeur, de la concurrence, des rapports de pouvoir. En outre, il est nécessaire d’être dans une économie d’échelle. Cette journée a permis à des acteurs n’ayant pas la même vision de la transformation de discuter ensemble, c’est bien dans cet horizon que Sciences Po doit continuer de se situer.
Le discours a beaucoup tourné autour de la confiance, de la maîtrise de l’univers dans lequel on vit, de la reconstruction du lien social, de promesses de délibération collective et d’échanges de connaissances. Ces hypothèses un peu utopiques proviennent d’acteurs qui essaient de refaire société dans un univers pessimiste et permettent d’entrevoir des organisations qui pourraient revivifier notre démocratie.
Selon Corinne Lepage, le changement ne vient pas du politique, mais de la société. Les citoyens sont motivés à la fois par l’aspect économique et environnemental, et aussi par le partage et l’expérimentation. Nous sommes en train d’assister à une transformation qui n’est pas virtuelle. On voit naître de l’innovation au‐delà du rapport marchand. Les changements qui prennent place donnent envie d’être optimiste. Aujourd’hui, la société tire la politique.
Nous avons, en France, un modèle jacobin, mais en Europe, la majorité est limitée. Il faut apprendre à écouter les autres et savoir faire des compromis pour arriver au meilleur texte possible. Le drame du parlement européen et des institutions communautaires est le poids des pressions et des lobbys. Il est difficile de défendre l’intérêt général quand des milliards d’euros sont dépensés pour aller dans le sens contraire. Mais si ce monde ancien est encore celui qui tire les ficelles, son pouvoir décroît. Un monde nouveau est en progression, mais ne pèse pas encore suffisamment dans le rapport de force. Il est important de conduire une réflexion sur ce rapport de force, sur l’organisation de ce nouveau monde et son appui sur la société civile. Les français qui optent pour ces pratiques collaboratives veulent changer le modèle de consommation pour lui donner du sens. Corinne Lepage est donc assez optimiste au regard de ce qui se passe à la base, mais sceptique face à la capacité de freinage en France et en Europe. Ce débat a une importance considérable sur le plan démocratique, la crise que nous traversons est une crise de confiance. Si l’on offre à nos concitoyens des solutions concrètes, promues par des personnes honnêtes, une évolution de la société est possible, et les solutions politiques redeviennent audibles.