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Circuits courts alimentaires et transition agro-écologique

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-02740194

https://hal.inrae.fr/hal-02740194

Submitted on 2 Jun 2020

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Circuits courts alimentaires et transition agro-écologique

Yuna Chiffoleau

To cite this version:

Yuna Chiffoleau. Circuits courts alimentaires et transition agro-écologique. Conférence annuelle de la Chaire Développement Durable, ”Pratiques collaboratives : quel rôle dans la transition écologique ?”, Sciences Po. Paris, FRA., Oct 2014, Paris, France. �hal-02740194�

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Introduction

Par  Daniel  Boy,  directeur  de  recherche  au  Cevipof/Sciences  Po  et  conseiller  de  la  Chaire  Développement durable de Sciences Po et Damien Demailly, coordinateur du programme  Nouvelle  Prospérité  à  l’Iddri  (l’Institut  du  développement  durable  et  des  relations  internationales). 

 

Daniel  Boy  introduit  cette  conférence  en  posant  trois  questions  concernant  les  pratiques  collaboratives :  

 

 Quelles  en  sont  les  frontières ?  Quels  critères  désignent  une  pratique  comme  collaborative ?   

 Qu’est‐ce que ces pratiques apportent à la transition écologique ? Quel est leur  bilan  ?  Seraient‐elles  le  trait  d’union  qui  permettrait  de  faire  changer  les  comportements vers plus de sobriété ?  

 Comment  fonctionne  le  changement  d’échelle ?  Cela  a‐t‐il  même  un  sens  de  parler  de  changement  d’échelle ?  Peut‐on  évaluer  un  ordre  de  grandeur  de  ce  que ces pratiques arrivent à faire ? 

 

Damien Demailly rappelle ensuite brièvement les difficultés de nos modèles de production 

et  d’échange  à  se  transformer  suffisamment  rapidement  pour  faire  face  aux  défis  écologiques.  Ces  difficultés  sont  liées  à  l’organisation  économique,  soutenue  par  des  entreprises intéressées à la pérennité du modèle actuel.   Pour aller au‐delà de ce constat, cette conférence s’intéresse aux pratiques qui proposent  des modes d’organisation alternatifs. Ceux‐ci sont porteurs de promesses de durabilité, de  lien social et de transformation radicale de modèle de développement.   Aujourd’hui, la plupart de ces pratiques restent des niches, mais les niches ont toujours un  rôle précurseur à jouer dans la transformation d’un modèle. Les entreprises sont incitées,  contraintes ou inspirées pour transformer leur modèle d’affaires.     Damien Demailly propose trois objectifs pour cette journée :  

 Identifier  ceux  qui  portent  ces  pratiques.  Se  limitent‐elles  aux  « bobos »,  ou  concernent‐elles  également  des  personnes  en  situation  de  précarité ?   

 Comprendre  comment  ces  pratiques  tendent  à  transformer  le  modèle  de  développement  actuel.  Comment  les  grandes  entreprises  les  perçoivent ?  Ces  niches  ont‐elles  des  stratégies  pour  influencer  les  acteurs  ?   

 Déterminer  le  rôle  des  pouvoirs  publics  par  rapport  à  ces  pratiques.  Comment  peuvent‐ils les soutenir et les orienter sans les étouffer ? 

 

Pour  répondre  à  ces  objectifs,  cette  conférence  s’organise  autour  de  trois  fonctions  ou  besoins : l’alimentation, l’accès aux biens matériels et la mobilité. 

Les  intervenants  sont  des  personnes  qui  soutiennent  ces  pratiques,  mais  également  des  représentants  d’entreprises  conventionnelles  qui  cherchent  à  transformer  leurs  activités  ou encore des représentants publics.  

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  Cette journée a pour but de permettre aux participants de discuter et d’échanger, afin de   gagner de l’intelligence collective sur ces pratiques.   

Table‐ronde 1 : Alimentation

Avec : Animateur : Sébastien Treyer, directeur des programmes, Iddri. Guilhem Chéron, co‐fondateur et dirigeant, La Ruche Qui Dit Oui ! Yuna Chiffoleau, chargée de recherches, INRA ; Gérald Godreuil, directeur, Artisans du Monde ; Jean‐Philippe Puig, directeur général, Sofiprotéol ;   Interventions Sébastien Treyer, directeur des programmes, Iddri   Sur les questions alimentaires, le débat touche à la question agricole mais, se pose surtout  à  l’échelle  du  système  alimentaire,  pour  lequel  de  nombreux  acteurs  soulignent  que  les  tendances  en  cours  posent  des  problèmes  de  durabilité,  à  la  fois  économique,  sociale  et  environnementale.  

Une  question  se  pose  donc  pour  cette  table  ronde :  Comment  les  pratiques  émergentes  innovantes, parfois collaboratives, qui émergent dans le champ de l’alimentation, peuvent  nous  aider  à  penser  des  transitions  vers  d’autres  modèles d’affaires  et  de  modes  de  consommation ?  

 

Yuna Chiffoleau, sociologue à l’Institut National de la Recherche Agronomique

(INRA)  

Par ses recherches, elle s’intéresse au renouvellement ou à l’émergence de l’agriculture et  au  renouveau  des  circuits  courts  alimentaires.  Ce  sont  des  formes  anciennes  qui  se  renouvellent  voir  innovent  depuis  la  fin  des  années  1990  et  qui  génèrent  de  nouvelles  relations  entre  producteurs  et  consommateurs  mais  aussi  entre  eux.   L’une d’elle concerne les AMAP (Associations pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne).  Une AMAP est une association entre un groupe de consommateurs et un producteur qui a  pour  but  le  soutien  d’une  agriculture  durable  et  sociale,  dans  une  logique  d’entraide.  La  proximité  permet  aux  consommateurs  d’être  rassurés  de  l’origine  et  de  la  qualité  des  produits. Cependant ces premiers modèles posent deux questions : 

 Ce  système  est‐il  élitiste,  aussi  bien  concernant  les  consommateurs  que  les  producteurs ?  

 N’y a‐t‐il pas derrière ces modèles de nouveaux rapports de domination, aussi bien  entre producteurs et consommateurs qu’entre consommateurs ?  

 

Le suivi des dynamiques collectives autour des circuits courts montre qu’ils permettent de  nouveaux  liens  entre  producteurs,  favorisant  une  écologisation  des  pratiques  chez  les  producteurs qui se mettent au circuit court d’abord par souci économique. Il se joue, dans  les  circuits  courts,  la  construction  d’une  « démocratie  alimentaire »,  permettant  une 

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délibération autour de l’agriculture, qui redonne un rôle plus actif aux producteurs et aux  consommateurs. 

Enfin, le changement d’échelle ne se joue pas par une expansion de la taille, mais par un  essaimage  et  une  médiatisation  permettant  de  faire  progresser  des  idées  nouvelles.  Le  résultat est plutôt prometteur : 42% des français consomment en circuit court, et ils sont  issus de catégories sociales moins élevées qu’auparavant.     Guilhem Cheron, entrepreneur innovant, co‐fondateur et dirigeant de La Ruche Qui Dit Oui !

Commencé  il  y  a  4  ans,  ce  projet  comprenait  dès  le  départ  l’ambition  de  changement  d’échelle  (permettre  au  plus  grand  nombre  d’avoir  accès  à  la  consommation  en  circuit  court), et Internet est l’outil qui a permis d’accélérer l’action.  

Le fonctionnement de La Ruche Qui Dit Oui ! est le suivant : une vente en ligne, organisée  par une ruche, qui est un point de distribution local de proximité, est ouverte pendant  5  jours. Deux jours après la fin des ventes, les producteurs livrent les produits pré‐payés sur  le  lieu  de  distribution.  Ce  système  fait  exprimer  une  demande  importante,  qui  tire  une  agriculture relocalisée, paysanne, de proximité et agro‐écologique.  

Un  troisième  acteur  intervient  dans  une  vente,  il  s’agit  du  responsable  de  ruche.  Celui‐ci  décide  d’ouvrir  une  ruche,  trouve  le  lieu,  et  sélectionne  les  offres  des  producteurs.  La  rémunération des responsables de ruches constitue pour eux un revenu complémentaire,  voir  un  revenu  complet  pour  les  personnes  qui  ouvrent  2  ou  3  ruches.  Le  modèle  de  la  Ruche Qui Dit Oui ! est donc aussi un modèle de développement entrepreneurial.  

Avec La Ruche Qui Dit Oui !, l’engagement militant est moins fort que dans les AMAP, mais  il y a une recherche de potentiel de développement économique. Il en résulte une grande  diversité sociale du réseau. On trouve des ruches aussi bien en milieu rural, que dans les  grandes villes, en périurbain, ou dans des centres sociaux. Les producteurs fixent librement  les  prix,  ainsi  chaque  ruche  est  un  petit  système  économique  où  les  prix  se  fixent  en  fonction de la population. Ce système a permis d’ouvrir les circuits courts et d’enregistrer  l’intensité  de  la  demande :  La  Ruche  Qui  Dit  Oui !  compte  1500  nouveaux  membres  par  jour. Il y a eu cette année 3500 demandes d’ouverture de ruche, mais seules 350 vont être  ouvertes car l’agriculture n’est pas organisée pour pouvoir fournir une telle demande de la  part des citoyens. Pour que l’entreprise dure, il faut accompagner la transition agricole.    Gérald Godreuil, directeur d’Artisans du Monde  

Artisans  du  Monde  existe  depuis  40  ans,  c’est  une  fédération  de  150  associations  en  France, dont la centrale d’achat est Solidarmonde, et réalise un chiffre d’affaire cumulé de  10  millions  d’euros  par  an,  avec  ses  125  boutiques  associatives.  L’objectif  est  de  promouvoir  un  développement  durable  par  le  commerce  équitable,  en  permettant  à  des  organisations  de  producteurs  « marginalisés »  de  vivre  plus  dignement  de  leur  travail,  et  dans  le  respect  de  l’environnement,  ainsi  que  de  renforcer  leur  organisation  pour  être  acteurs de leur propre développement. Il s’agit également de faire changer les pratiques et  les fonctionnements du commerce international.   Pour traduire ces objectifs en actions, Artisans de Monde a défini trois piliers :   Permettre à des producteurs d’avoir des débouchés, grâce à un réseau de boutiques  associatives.    Eduquer les consommateurs à la citoyenneté et à la solidarité internationale en leur  permettant de comprendre les mécanismes du commerce international.  

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Faire des campagnes d’opinion et de plaidoyer afin de sensibiliser le public et de mobiliser  les citoyens pour agir sur les causes des inégalités. 

 

Dans  les  années  1990,  Artisans  du  Monde  a  refusé  d’entrer  dans  la  grande  distribution,  notamment  au  regard  des  conditions  de  travail  chez  les  sous‐traitants.  Ce  choix  est  également  économique :  être  fournisseur  de  la  grande  distribution  implique  des  coûts  financiers et logistiques importants dus au changement d’échelle. Artisans du Monde garde  une logique d’ONG, le commerce n’est qu’un outil. Pour influencer les règles du commerce  international,  les  acteurs  du  commerce  équitable  ont  un  bureau  de  plaidoyer  (qui  refuse  l’étiquette  de  « lobby »)  qui  agit  auprès  des  députés  européens  afin  de  les  inciter  à  soutenir des pratiques plus vertueuses.  

Le  commerce  équitable  a  des  impacts  au  Sud  et  au  Nord.  Des  études  d’impact,  menées  depuis une vingtaine d’année, ont montré qu’il permet d’améliorer les conditions de vie au  Sud en produisant un effet levier.   

En  conclusion,  le  commerce  équitable  est  un  modèle  abouti  de  régulation  du  commerce  international  et  de  responsabilité  sociale  qui  a  contribué  à  l’émergence  d’une  consommation responsable.  

 

Jean‐ Philippe Puig, directeur général de Sofiprotéol

 

Le  modèle  économique  de  Sofiprotéol  est  intéressant,  bien  qu’elle  ne  soit  pas  un  organisme  collectif  mais  une  société  anonyme.  Il  y  a  une  trentaine  d’années  le  milieu  agricole a réfléchi au développement des huiles et des protéines en France, et a décidé de  mettre  en  place  une  cotisation  volontaire  pour  créer  une  société  chargée  de  développer  l’ensemble  de  la  filière et  de  créer de  la  valeur  pour  celle‐ci.  Ce  modèle  est  atypique  car  malgré l’arrêt de cet apport de cotisations, le monde agricole a décidé de ne pas demander  de  dividendes.  La  société  a  réinvesti  l’ensemble  dans  la  filière,  devenant  ainsi  un  des  premiers acteurs à suivre un modèle d’une économie circulaire financière.  

L’une  des  exigences  de  ce  modèle  est  de  mettre  le  milieu  agricole  au  sein  de  la  gouvernance. Une fondation destinée à le faire connaître va être créée. La société a aussi  mis en place une démarche visant à faire davantage participer les salariés.  

Jean‐Philippe Puig cite quelques exemples de démarches mises en place par Sofiprotéol.  Pour répondre à une demande de la part du client, les agriculteurs respectent un cahier des  charges  permettant  une  traçabilité  des  producteurs  pour  l’huile  de  colza  (plus  de  1000  agriculteurs  sont  aujourd’hui  fédérés  dans  ce  cahier  des  charges).  Le  monde  agricole  a  essayé  de  pallier  au  manque  de  protéines  en  France  avec  les  biocarburants,  ce  qui  a  été  possible en développant le colza. Cette démarche de progrès concerne 10 000 agriculteurs  qui  sont  engagés  pour  diminuer  les  gaz  à  effet  de  serre.  Sofiprotéol  soutient  également  l’innovation dans la recherche pour développer l’oléochimie en France. La société aide à la  création  d’un  centre  de  recherche  qui  sera  situé  au  nord  de  Paris,  en  lien  avec  l’État,  la  région et d’autres entreprises. Une somme a été allouée par l’État pour financer ce centre  de recherche où les chercheurs garderont la propriété de leurs inventions.  

 

Réactions et questions de la salle

Pour  Yuna  Chiffoleau, il  ne  faut  pas  véhiculer  l’image  d’agriculteurs  fragilisés,  car  ceux‐ci  arrivent  souvent  dans  les  circuits  courts  à  développer  des  modèles  viables,  sans  subventions. Elle souligne également qu’il existe une différence de performance de 1 à  4 

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dans l’agriculture en circuit court, il y a donc des choix politiques stratégiques à faire pour  investir pour une agriculture de proximité. 

Il  y  a  également  un  mouvement  de  diversification  des  acteurs,  les  agriculteurs  innovent  pour reprendre la main sur la distribution.     Pour Jean‐Philippe Puig, il ne faut pas opposer les modèles. Les modèles novateurs, très en  avance, sont capables de luire plus que des modèles établis, mais il est important de noter  la dynamique agricole existante. Il faut un certain nombre d’outils de transformation, mais  ce n’est pas la politique publique qui est responsable de la fermeture de certains sites, qui  sont voués à disparaître s’ils ne sont pas rentables économiquement. Il y a une question de  taille qui  se  pose :  Comment  un  circuit  court  peut‐il  se  développer  suffisamment  rapidement pour subvenir à la nutrition du plus grande nombre ? Il faut compter davantage  sur la société que sur la politique publique pour créer des modèles innovants, qui  in fine  seront repris dans les politiques publiques.  

 

Selon  Guilem  Chéron,  plusieurs  modèles  agricoles  ne  peuvent  pas  coexister.  Le  modèle  agricole  actuel  est  historiquement  lié  à  une  période  de  plein  emploi  et  d’énergie  bon  marché.  Aujourd’hui  le  chômage  est  massif  et  l’énergie  est  chère,    les  modèles  agricoles  ont  donc  besoin  d’être  changés.  Une  transition  doit  se  faire  vers  des  modèles  moins  mécanisés, avec une logique plus systémique, basées sur la biodiversité des espèces, des  pratiques culturelles, et la biodiversité économique. 

Selon Gérald Godreuil, dans le monde entier, les deux tiers des agricultures qui nourrissent  la  planète  sont  des  agricultures  familiales.  Développer  massivement  l’agriculture  à  l’aide  d’intrants chimiques n’est pas la bonne réponse, il faut développer l’accès à la nourriture  (revenu, transports, …), permettre aux populations rurales de rester dans les campagnes.   Il dénonce également l’industrialisation des alternatives par des grandes entreprises qui est  en réalité un dévoiement des pratiques et crée de la confusion chez les consommateurs.  Sans éducation des consommateurs, il n’y a pas de changement de société possible. Mais il  faut  également  faire  changer  la  société  par  le  politique,  et  passer  des  démarches  volontaires  à  des  engagements  contraignants  pour  les  entreprises  pour  les  obliger  à  respecter les droits humains. 

 

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Table‐ronde 2 : L’accès aux biens matériels

Avec : Animateur : Damien Demailly, responsable du programme Nouvelle Prospérité, Iddri Flore Berlingen, co‐fondatrice, Ouishare; Marion Carrette, fondatrice, Zilok; Dominique Roux, professeure des universités en sciences de gestion/marketing, Université Paris Sud); Eric Vidalenc, économiste et animateur de la prospective, ADEME. Interventions   Damien Demailly, responsable du programme Nouvelle Prospérité, Iddri

L’ouverture  de  cette  table  ronde  débute  avec  un  retour  sur  l’absence  d’un  représentant  d’une  entreprise  traditionnelle  parmi  les  intervenants.  Certains,  parmi  les  groupes  sollicités,  ont  manifesté  leurs  doutes  concernant  le  bilan  environnemental  de  ces  pratiques.  Les  pratiques  collaboratives  perdent‐elles  leurs  bénéfices  environnementaux  avec le changement d’échelle ?    Dominique Roux, professeure en sciences de gestion/marketing   Elle explique que seules certaines pratiques ont été étudiées pour le moment de manière  approfondie, et séparément les unes des autres. Il est donc difficile de faire des conclusions  généralisables aux pratiques similaires.  

Dominique  Roux  distingue  les  études  des  recherches :  les  études  sont  rapides,  avec  des  questions  peu  élaborées,  tandis  que  les  recherches  sont  plus  longues,  approfondies  et  robustes.  Elles  présentent  toutefois  parfois  des  conclusions  divergentes  sur  une  même  pratique.  Par  ailleurs,  il  serait  souhaitable  que  la  recherche  élargisse  le  nombre  des  pratiques  collaboratives  étudiées  tout  en  les  confrontant  à  d’autres  pratiques  plus  conventionnelles, en les analysant sur la base des attitudes, intentions, motivations, etc.,  des individus.  

Dominique Roux a participé à la réalisation d’une étude avec Valérie Guillard sur le glanage  pour l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) qui a montré que  le  discours  construit  par  ceux  qui  déposent  des  objets  dans  la  rue  ramène  leur  acte  de  dépôt à du don. De même, les glaneurs ne conçoivent pas que les objets déposés dans la  rue puissent être volontairement jetés, mais considèrent aussi qu’il s’agit d’un don. Or le  discours des mairies sur les encombrants insiste sur le fait que c’est un service coûteux, et  qu’il faut essayer de donner avant de déposer les objets sur le trottoir. Cette pratique très  discrète  renferme  une  circularité  que  l’on  ne  soupçonnait  pas.  En  outre  les  glaneurs  ne  sont pas uniquement des personnes en situation de précarité.      Marion Carrette, fondatrice de Zilok Zilok est un site Internet qui permet aux particuliers et aux professionnels de se louer des  outils à proximité. La première motivation des utilisateurs de Zilok est financière, l’aspect  environnemental est secondaire, et c’est ce qui fait la force des modèles collaboratifs. Zilok 

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fabriquée pour fonctionner des milliers d’heures, n’est utilisée que 12 minutes dans sa vie  en moyenne. Zilok incite à acheter des outils de meilleure qualité, conçus pour durer plus  longtemps  et  qui  seront  mieux  rentabilisés  par  leurs  propriétaires.  Un  outil  de  qualité  médiocre  a  très  peu  de  chances  d’être  loué  sur  Zilok.  Certains  utilisateurs  de  Zilok  sont  aussi  des  professionnels,  ou  même  des  particuliers  qui  ont  décidé  de  faire  de  la  location  d’objets pour compléter leurs revenus. Zilok ne fait pas acheter plus d’objets mais favorise  une meilleure qualité, les échanges se font à proximité, entre voisins, cela ne génère donc   pas plus de transport. Dès le début, Zilok a choisi d’avoir à la fois des loueurs particuliers et  professionnels  afin  de  permettre  l’accès  à  la  totalité  des  objets  à  louer.  Aujourd’hui,  particuliers  et  professionnels  sont  présents  en  proportions  égales  sur  le  site.  Quant  à  la  relation avec les entreprises traditionnelles, on se trouve aujourd’hui dans un changement  de  paradigme.  Nous  avons  un  partenariat  avec  Leroy  Merlin,  grâce  auquel  les  consommateurs  peuvent  louer  des  outils  en  magasin.  Pour  Leroy  Merlin,  le  bénéfice  de  cette pratique  est de générer deux passages en magasin. 

 

Flore Berlingen, co‐fondatrice, Ouishare;

OuiShare est une plateforme de réflexion autour de l’économie collaborative. Créée il y a  environ  trois  ans,  Ouishare  regroupe  aujourd’hui  des  passionnés  dans  de  nombreuses  grandes  villes  d’Europe,  et  va  plus  loin  en  organisant  des  événements  et  en  publiant  un  média. Si la plateforme a une approche positive par rapport à l’économie collaborative, son  but est d’avoir un esprit critique. 

Les différentes formes que peut prendre la consommation collaborative dans le champ des  biens matériels sont :  

 La location ; 

 Le  prêt,  avec  des  plateformes  comme  ShareVoisins  (France),  ou  encore  Toolpool  (Norvège)  qui  met  à  disposition  gratuitement  tous  les  outils  de  bricolage.  Cette  pratique est néanmoins loin d’avoir atteint la masse critique atteinte par Zilok ;   Le don, illustré en France avec des sites comme freecycle.org ou donnons.org ;   La  vente  et  la  revente  de  biens  d’occasion  entre  particuliers.  

leboncoin.fr  est  le  deuxième  site  sur  lequel  les  français  passent  le  plus  de  temps  après Facebook ; 

 Le troc organisé et géré par des sites comme myrecyclestuff.com, mais qui émerge  également dans l’espace physique avec des projets comme « Borne de Presse » ;    La mutualisation, dès l’achat ou dans l’usage ; 

 La  plateforme  de  revente  associée  à  un  acte  de  don,  nouveau  concept  proposé  notamment par le site lebonesprit.fr. 

 

Le  discours  des  promoteurs  de  l’économie  collaborative  a  au  départ  surtout  mis  l’accent  sur le lien social, plus que sur l’aspect environnemental. 

 

Pour  Flore  Berlingen,  le  partage  de  la  connaissance  autour  des  biens  est  une  pratique  encore plus intéressante que la consommation collaborative. Elle souhaiterait que l’analyse  soit  étendue  aux  initiatives  pour  la  réparation  des  objets  par  exemple,  comme  le  guide  contributif et collaboratif en ligne ifixit.com. Ce type de projet est vraiment motivé par des  préoccupations environnementales.  

Eric Vidalenc, économiste et animateur de la prospective à l’ADEME

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L’ADEME  s’intéresse  à  ces  nouvelles  pratiques  depuis  plusieurs  années,  et  cherche  à  vérifier l’intuition selon laquelle partager et collaborer est meilleur pour l’environnement.  En 2013, l’agence a conduit une première étude afin de connaître les motivations, intérêts,  et  attentes  des  individus  sur  six  pratiques  collaboratives.  S’il  est  très  difficile  de  tirer  des  généralités de cette étude, il semblerait que les personnes concernées soient un peu plus  jeunes et plus actives que la moyenne. L’ADEME cherche aussi à travailler en dynamique et  en prospective, mais il est pour le moment difficile de conclure et de poser les pratiques  collaboratives  comme  une  clé  de  la  soutenabilité  dans  les  scénarios.  Par  ailleurs  les  modèles  économiques  concernés  ne  fonctionnent  pas  avec  les  mêmes  règles  que  les  modèles économiques traditionnels, on ne peut donc pas porter un discours sur ce que les  pouvoirs publics devraient faire aujourd’hui. 

Quelques jalons peuvent cependant être posés concernant le bilan environnemental :   •  La  logique  de  mutualisation  est  à  penser  sur  la  phase  du  produit  qui  est  la  plus  impactante.  Par  exemple,  80%  de  l’impact  environnemental  d’une  voiture  est  lié  à  son  usage. Il vaut donc mieux partager l’usage de la voiture que la voiture en elle‐même.   •  Il  faut  construire  des  biens  plus  durables  pour  être  partagés.  Les  biens  que  l’on  partage  aujourd’hui,  dans  certains  cas,  peuvent  durer  moins  longtemps.  Au  final,  sans  durabilité  supplémentaire  des  biens  et  donc  avec  une  usure  prématurée  liée  à  un  usage  plus  intensif,  cela  revient  à  consommer  la  même  quantité  de  biens  sur  une  période  donnée.  

•  Une  approche  centrée sur  les  individus  plutôt  que  sur  les  pratiques  montre  que  de  plus en plus de pratiques transforment la manière de consommer (ex : lorsque je partage  une  voiture,  je  vais  modifier  l’ensemble  de  mes  pratiques  de  mobilité  –  source  :  Etude  ADEME‐6T).    Réactions et questions de la salle   Flore Berlingen, co‐fondatrice, Ouishare Elle revient sur la question de la destruction des emplois et de l’entrave à la croissance qui  est très souvent soulevée. Mais selon elle, les pratiques collaboratives ne s’interprètent pas  en  termes  de  destruction  d’emplois  mais  plutôt  en  termes de  changement  profond  de  la  structure du travail et de la création de valeur. Une question se pose cependant : comment  faire  pour  que  les  personnes  qui  accumulent  des  revenus  avec  l’économie  collaborative  aient quand même une protection sociale ?  

Au  sujet  de  la  fiscalité,  on  ne  peut  pas  parler  de  vide  juridique  pour  les  pratiques  collaboratives. Les commissions que prennent les plateformes en ligne sont fiscalisées. En  ce  qui  concerne  les  revenus  des  particuliers,  deux  cas  de  figure  existent.  Soit  l’argent  collecté n’est pas considéré comme un revenu mais comme une compensation, c’est le cas  pour  le  covoiturage  par  exemple.  On  considère  que  les  utilisateurs  n’en  font  pas  une  activité  principale  ou  lucrative.  Soit  l’argent  collecté  n’est  pas  considéré  comme  une  compensation,  et  les  revenus  générés  doivent  être  déclarés  comme  les  autres  revenus.  Mais si la règle existe, il n’y a pas forcément de contrôle.  

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Eric Vidalenc, économiste et animateur de la prospective, ADEME Certaines plateformes ne sont pas localisées dans le pays où elles opèrent. Cependant, la  plupart de ces transactions est basée sur des échanges numériques donc laissent une trace.  Si l’on choisit de s’y attaquer politiquement, on est en mesure d’avoir l’accès à l’ensemble  des transactions qui ont lieu.     Marion Carrette, , fondatrice, Zilok;  

L’argent  économisé  grâce  aux  pratiques  collaboratives  est  réinvesti  dans  l’économie.  En  outre la consommation permet aux individus de se prendre en main, et donc de réintégrer  des  personnes  marginalisées  dans  l’économie,  dans  une  société  où  il  y  a  beaucoup  d’assistanat.  

 

Eric Vidalenc, économiste et animateur de la prospective, ADEME

 

Le  PIB  augmente  lorsque  les  échanges  monétaires  croissent,  mais  pas  nécessairement  lorsque  la  consommation  de  matière  augmente.  La  consommation  collaborative,  dans  certaines  formes,  peut  permettre  de  découpler  consommation  de  matière  et  échanges  marchands.  C’est  ainsi  une  voie  à  explorer  pour  réduire  l’impact  environnemental  du  système marchand.

 

Dominique Roux, professeure des universités en sciences de gestion/marketing,

Université Paris Sud)

Elle  insiste  aussi  sur  les  effets  pervers  que  peut  produire  l’économie  collaborative :  par  exemple, des personnes peuvent se faire payer très peu pour un travail, ce qui amène des  questionnements sur le droit du travail et les acquis sociaux notamment. 

Table‐ronde 3 : Mobilité

Avec : Animateur : Mathieu Saujot, chercheur au sein du programme Fabrique urbaine, Iddri Paulin Dementhon, fondateur et PDG, Drivy; Eric Lemerle, responsable des études sur la mobilité, Renault; Jean‐Louis Jourdan, chargé de mission COP21, SNCF; Gabriel Plassat, ingénieur Transports & Mobilités, ADEME. Interventions Mathieu Saujot, chercheur au sein du programme Fabrique urbaine, Iddri Il ouvre cette troisième table ronde, pour laquelle il propose quatre grands objectifs :    Comprendre comment ces initiatives nouvelles émergent ;   Questionner les impacts environnementaux directs et indirects ;   Comprendre l’évolution des modèles économiques et déterminer si les modèles des  acteurs classiques peuvent s’hybrider ; 

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 Déterminer la place que peuvent avoir les pouvoirs publics dans cette dynamique ; 

Paulin Dementhon, fondateur et PDG, Drivy; 

 

Drivy  est  un  service  de  location  de  voitures  entre  particuliers  permettant  à  des  propriétaires  de  voitures  de  créer  une  annonce  de  location.  Un  utilisateur  a  donc  la  possibilité de faire une recherche, comparer les voitures, et louer facilement, et à proximité  de chez lui, un véhicule. La pierre angulaire de ce système est une assurance qui prend le  relais  sur  l’assurance  du  propriétaire  pendant  le  temps  de  la  location.  Drivy  compte  aujourd’hui 20 000 voitures à louer, 350 000 inscrits, et croît de 8% par mois.  

Face  aux  acteurs  traditionnels  de  la  location  de  voitures,  Drivy  est  attractif  par  le  prix,  la  fluidité  du  système  et  la  proximité.  Cependant  l’entreprise  reste  peu  présente  sur  le  marché du tourisme et des aéroports.  Il y a forcément un peu de chevauchement avec les  acteurs traditionnels, mais il n’est pas logique que la location soit un mode d’usage de la  voiture aussi faible. 

Le remplacement de la propriété vers l’usage est très lent, mais commence à s’accélérer,  notamment  grâce  à  la  combinaison  des  autres  services  de  transports  (vélo,  autolib’,  covoiturage,  etc.).  Des  systèmes  comme  Drivy  peuvent  conduire  à  transformer  le  cahier  des charges de la fabrication d’une voiture vers plus de voitures spécialisées. Il n’y a pas de  limite au nombre d’utilisateurs car plus une place de marché est utilisée, plus elle est utile.     Eric Lemerle, responsable des études sur la mobilité chez Renault,   Le constructeur automobile a quelques difficultés à appréhender ces nouvelles évolutions,  notamment  pour  des  raisons  organisationnelles.  Contrairement  à  ce  qu’on  peut  penser,  l’optimisation  de  l’usage  des  véhicules  dans  une  société  est  indispensable  aussi  pour  le  constructeur, si l’on veut que l’automobile conserve son attrait et son efficacité. On assiste  à une baisse du taux d’équipement dans l’OCDE depuis 10 ans dans la plupart des grandes  agglomérations, il n’y a simplement pas assez de place pour une croissance mondiale de la  production automobile prévue sur les 25 ou 30 années à venir, en tout cas en zone urbaine.  L’enjeu principal de la mobilité est une contradiction : c’est une liberté mais avant tout une  efficacité collective (cf dernier paragraphe).   La voiture permet aux gens et aux activités d’être beaucoup plus efficace jusqu’à un point,  au‐delà  duquel  il  y  a  une  perte  d’efficacité.  Par  exemple  à  Paris,  40%  des  voitures  qui  roulent  cherchent  une  place.  Ceci  conduit  pour  l’industrie  automobile  à  une  perte  de  valeur  sur  l’objet.  A  cela  s’ajoute  les  enjeux  de  congestion,  de  rareté  des  ressources,  de  pollution auxquels la voiture électrique est une solution locale (mais pas globale).  

De plus, les usages collectifs sont en train de basculer dans la société internet, il faut donc  faire de la régulation intelligente. Ainsi l’usage de la voiture ne doit pas être complètement  dissocié  des  transports  publics.  Le  constructeur  peut  par  exemple  penser  une  voiture  connectée,  également  conçue  pour  être  partagée.  Il  ne  s’agit  donc  pas  tant  de  faire  des  véhicules  partagés  et  de  créer  des  systèmes  de  partage,  ce  qui  pourrait  s’avérer  très  compliqué pour un industriel, mais faire des véhicules partageables que des partenaires ou  de simples usagers s’approprieront.  

Le paradoxe de la mobilité est que son engorgement et ses désagréments (effets pollution,  stress,  etc.)  pèsent  d’un  coût  très  lourd  sur  l’efficacité  économique  et  l’attractivité  des  villes,  mais  que  la  brider  est  aussi  dangereux  car  elle  est  un  support  indispensable  de  la  liberté individuelle et de l’activité économique et sociale. De ce point de vue les pratiques 

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Jean‐Louis Jourdan, chargé de mission COP21 à la SNCF,

 

Il souligne d’abord l’importance des enjeux territoriaux, les attentes en termes de mobilité  sont  différentes  d’un  territoire  à  un  autre.  Il  faut  affecter  le  continuum  des  modes  de  transport  de  façon  pertinente  sur  les  territoires.  On  assiste  également  à  l’émergence  de  multiples  parties  prenantes  dans  les  nouvelles  mobilités,  avec  une  création  de  valeur  différente  selon  les  acteurs.  Un  opérateur  de  transport  cherche  à  sauvegarder  ou  maximiser sa marge opérationnelle, tandis que les citoyens veulent minimiser les sommes  d’argent  qu’ils  engagent  et  que  les  collectivités  veulent  maximiser  l’attractivité  de  leur  territoire.  Néanmoins  évaluer  les  nouvelles  mobilités ne  doit  pas  se  faire  uniquement  en  termes  financiers,  mais  également  en  termes  de  lien  social,  de  qualité  de  vie  et  de  lien  intergénérationnel.  

Les mobilités collaboratives ont vu leur explosion grâce aux technologies de l’information.  Chacun  peut  avoir  accès  de  manière  aisée  à  une  place  de  marché  voir  contribuer  à  l’évaluation des services et donc au fléchage des offres. Il faut éviter la désintermédiation.  Il prend l’exemple de l’hôtellerie qui a perdu 17% de sa marge, et souhaite que cela n’arrive  pas pour la  mobilité. Le modèle contributif a également permis une retéritorialisation du  débat, en créant de valeur à l’échelle humaine, qui échappe à des échanges lointains. Dans  le  domaine  du  transport,  à  la  relation  contractuelle  entre  deux  personnes  morales,  se  substitue  donc  quelque  chose  de  beaucoup  plus  compliqué :  une  économie  plurielle  du  monde dans laquelle les personnes sont à la fois producteurs et utilisateurs.    Gabriel Plassat, ingénieur Transports et Mobilités à l’ADEME   Ce changement d’échelle passera  par l’invention d’une nouvelle filière industrielle, comme  ça a été le cas pour le passage de la calèche à l’automobile. Si l’on n’a pas fait évoluer le  cheval, on ne fera pas évoluer l’automobile simplement en y ajoutant du numérique.  Blablacar  comptabilise  20  000  nouveaux  inscrits  par  jour.  En  Russie,  le  covoiturage  est  beaucoup  plus  efficace  que  le  train.  Il  y  a  à  la  fois  intégration,  et  simplification  pour  l’usager. De plus, il y a des échanges permanents entre notre assistant de mobilité et des  bases de connaissances qui s’enrichissent de l’usage des individus sur la plateforme. Il y a  une complexification des plateformes et des systèmes de transports avec l’intégration de  nouveaux  modes  et  le  numérique  qui  permet  de  mieux  partager.  Les  start‐ups  sont  structurellement  conçues  pour  explorer  l’innovation  dans  le  monde  actuel,  chaotique  et  instable. Des grands groupes cherchent donc à héberger des start‐ups, tout en essayant de  ne pas tuer leur processus d’innovation. La ville  de Rio a fait un partenariat avec 3 start‐ ups pour récolter les traces numériques des citoyens. Elle a ainsi accès à la totalité des flux  de personnes circulant sur son territoire. En contrepartie, elle donne des informations sur  les transports publics, les travaux prévus, etc.   De la même façon, Blablacar est capable de prévoir le trafic avec une grande précision car il  gère  le  transport  de  deux  millions  de  personnes.  Aujourd’hui  le  site  décide  de  conserver  ces données, mais pourrait bien dans l’avenir les échanger avec un opérateur public.     Réactions et questions de la salle   Gabriel Plassat, ingénieur Transports & Mobilités, ADEME.  

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Il remarque que de plus en plus de gens sont prêts à expérimenter et à tester, mais que ces  systèmes  ne  sont  pas  réflexifs.  Il  plaide  pour  un  système  qui  permettrait  à  l’usager  de  connaître immédiatement les bénéfices associés à un choix de mobilité, qui passerait par  exemple  par  un  partage  en  open  data,  et  de  façon  anonymisée  pour  construire  des  données au sens du bien commun. 

 

Jean‐Louis Jourdan, chargé de mission COP21, SNCF;

 

L’intensité  capitalistique  de  ces  données  est  faible.  La  valeur  réside  dans  les  bases  de  données clients qui sont hébergées. Il n’est pas possible que ces bases de données soient  accessibles à tout le monde et à la fois génèrent de la valeur.     Eric Lemerle, responsable des études sur la mobilité, Renault;   La voiture reste le moyen de transport le plus efficace, et si l’automobile est actuellement  contestée, c’est d’abord parce qu’elle est victime de son succès. D’ailleurs les individus les  plus multimodaux ne sont pas tant des gens qui n’ont pas de voiture, mais les urbains, qui  ont  simplement  plus  de  possibilités,  et  les  nouvelles  pratiques  de  mobilités  concernent  surtout de  nouveaux usages de l’automobile ! La voiture  électrique a potentiellement un  rôle  d’efficacité  et  d’échange.  Elle  utilise  un  type  d’énergie  neutre  car  déjà  transformé,  l’enjeu restant est lié à la façon dont on produit l’électricité. 

Elle reste donc une solution avec un réel potentiel d’efficacité environnementale, d’abord  parce  qu’elle  émet  très  peu  de  polluants  &  particules  au  plan  local,  que  ce  n’est  plus  la  voiture  qui  pollue  mais  éventuellement  l’électricité  qu’elle  utilise,  avec  une  part  renouvelable de la production l’électricité qui ira croissant, et parce qu’enfin elle peut aussi  échanger son électricité stockée (quand elle ne sert pas) pour d’autres usages résidentiels.    Jean‐Louis Jourdan, chargé de mission COP21, SNCF;    L’investissement dans les lignes de train crée beaucoup de valeur, et pas seulement en ce  qui  concerne  le  prix  du  billet.  La  France  a  des  réseaux  de  qualité,  qui  dynamisent  les  régions,  rapprochent  des  familles  éclatées,  et  sont  un  investissement  de  long  terme  favorable pour l’avenir. 

 

Paulin Dementhon, fondateur et PDG, Drivy;

 

Il reconnaît qu’il existe des loueurs déguisés sur Drivy, ce sont des personnes qui en font un  revenu  et  se  professionnalisent,  comme  c’est  le  cas  pour  toutes  les  nouvelles  places  de  marché. Ce qui compte est de définir la limite.  

Concernant  le  succès  du  système  dans  différentes  régions,  il  rappelle  l’importance  d’atteindre  une  masse  critique.  Pour  cette  raison,  Drivy  marche  mieux  dans  les  grandes  agglomérations, et surtout en banlieue.  

 

Eric Lemerle, responsable des études sur la mobilité, Renault;

Il  revient  sur  l’avantage  de  la  voiture  lié  à  l’absence  de  rupture  de  charge,  qui  n’est  pas  assurée par les autres modes de transport. Cet avantage est peut être négligeable pour un  jeune, mais devient plus important au cours des étapes de la vie, surtout à l’arrivée du(des) 

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Conclusions

Par Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Environnement et eurodéputée, présidente du  Rassemblement citoyen et Sébastien Treyer, directeur des programmes, Iddri.   

Pour  Sébastien  Treyer,  nous  sommes  dans  une  phase  de  maturité :  il  devient  courant  de  parler de la fonction mobilité plutôt que de la voiture, de la fonction alimentation plutôt  que de l’agriculture. Cette maturité se manifeste aussi dans un questionnement plus dur,  une  volonté  de  faire  la  distinction  entre  les  pratiques  innovantes  pour  la  transition  écologique  et  celle  dont  l’impact  positif  n’est  pas  aussi  évident.  Une  reconfiguration  de  notre modèle est déjà en place et change la forme des filières. Des questions demeurent au  sujet  de  la  nouvelle  création  de  valeur,  de  la  concurrence,  des  rapports  de  pouvoir.  En  outre, il est nécessaire d’être dans une économie d’échelle. Cette journée a permis à des  acteurs n’ayant pas la même vision de la transformation de discuter ensemble, c’est bien  dans cet horizon que Sciences Po doit continuer de se situer. 

Le  discours  a  beaucoup  tourné  autour  de  la  confiance,  de  la  maîtrise  de  l’univers  dans  lequel on vit, de la reconstruction du lien social, de promesses de délibération collective et  d’échanges de connaissances. Ces hypothèses un peu utopiques proviennent d’acteurs qui  essaient  de  refaire  société  dans  un  univers  pessimiste  et  permettent  d’entrevoir  des  organisations qui pourraient revivifier notre démocratie.  

 

Selon  Corinne  Lepage,  le  changement  ne  vient  pas  du  politique,  mais  de  la  société.  Les  citoyens sont motivés à la fois par l’aspect économique et environnemental, et aussi par le  partage  et  l’expérimentation.  Nous  sommes  en  train  d’assister  à  une  transformation  qui  n’est  pas  virtuelle.  On  voit  naître  de  l’innovation  au‐delà  du  rapport  marchand.  Les  changements  qui  prennent  place  donnent  envie  d’être  optimiste.  Aujourd’hui,  la  société  tire la politique.  

Nous avons, en France, un modèle jacobin, mais en Europe, la majorité est limitée. Il faut  apprendre à écouter les autres et savoir faire des compromis pour arriver au meilleur texte  possible. Le drame du parlement européen et des institutions communautaires est le poids  des pressions et des lobbys. Il est difficile de défendre l’intérêt général quand des milliards  d’euros  sont  dépensés  pour  aller  dans  le  sens  contraire.  Mais  si  ce  monde  ancien  est  encore  celui  qui  tire  les  ficelles,  son  pouvoir  décroît.  Un  monde  nouveau  est  en  progression,  mais  ne  pèse  pas  encore  suffisamment  dans  le  rapport  de  force.  Il  est  important  de  conduire  une  réflexion  sur  ce  rapport  de  force,  sur  l’organisation  de  ce  nouveau monde et son appui sur la société civile. Les français qui optent pour ces pratiques  collaboratives  veulent  changer  le  modèle  de  consommation  pour  lui  donner  du  sens.  Corinne  Lepage  est  donc  assez  optimiste  au  regard  de  ce  qui  se  passe  à  la  base,  mais  sceptique face à la capacité de freinage en France et en Europe. Ce débat a une importance  considérable  sur  le  plan  démocratique,  la  crise  que  nous  traversons est  une  crise  de  confiance.  Si  l’on  offre  à  nos  concitoyens  des  solutions  concrètes,  promues  par  des  personnes  honnêtes,  une  évolution  de  la  société  est  possible,  et  les  solutions  politiques  redeviennent audibles.  

Références

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