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Le rapport à l'autre dans l'ancienne France

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-03131018

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03131018

Submitted on 4 Feb 2021

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

To cite this version:

Joël Fouilleron. Le rapport à l’autre dans l’ancienne France : Croyances, cultures, identités collectives (XVIe - XIXe siècle). Presses universitaires de la Méditerranée, 2014, Histoire et sociétés, Daniel Le Blévec, 978-2-36781-042-3. �hal-03131018�

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Le rapport à l’autre dans l’ancienne France

Croyances, cultures, identités collectives

(- siècle)

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« Histoire et sociétés » Directeur de collection

Daniel L B

Comité scientifique

Christian A, Geneviève G-F, Carol I, Daniel L B

La collection « Histoire et sociétés » est le reflet des objectifs scientifiques des équipes des historiens montpelliérains médiévistes, modernistes et contemporanéistes et de la diver- sité actuelle de leurs champs de recherche. Les liens noués avec de nombreux chercheurs d’universités françaises et étrangères justifient également la publication, dans la collection, d’ouvrages de qualité rédigés par des historiens extérieurs à l’établissement, retenus en raison de l’originalité de leur démarche et de la nouveauté des sujets qu’ils traitent.

La série « Sem — Études juives et hébraïques », fondée et dirigée par Carol Iancu, a pour objectif la publication de travaux scientifiques dont le principal domaine de recherches concerne l’histoire des Juifs et de la civilisation d’Israël.

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Collection « Histoire et sociétés »

Joël F

Le rapport à l’autre dans l’ancienne France

Croyances, cultures, identités collectives (- siècle)

Préface de Daniel R



P    M

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Illustration de couverture :Topographia Galliae[...], Francforti, , pars , pl. -.

Mots-clés : Clergé, réformes, livre, Éducation, identités collectives.

Tous droits réservés, PULM, .

ISBN ----

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Remerciements

À Henri Michel revient l’idée première de ce recueil. Il en a accompagné l’élabora- tion, des préliminaires à l’achèvement et, sans ses soins attentifs et constants, cet ourage n’aurait pas paru.

L’auteur est aussi redevable à MM. Albert Arion (†), Christian Carrié, Jean-Luc Lacan, à qui sont dus les cartes et les dessins figurant dans le olume, et, pour son minis- tère technique empressé et efficace, à M. Jérôme omas, l’équipe CRISES de l’unier- sité de Montpellier .

J. F.

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Sommaire

Préface. Un historien de qualité (par Daniel Roche) 

Le service de Dieu

Légendaire et histoire. Les cloches monstres dans la psychologie

collective 

Une « France italienne ». Les Bonsi et la Réforme catholique

dans le diocèse de Béziers 

« Donnez-nous des prêtres, de saints prêtres. » La formation du clergé dans le diocèse de Nîmes aux 

et  siècles 

Dissidences

La montagne et les morsures des déviances religieuses. Au fort de

l’Auvergne, - siècle 

La foi gardée. Destin d’une minorité huguenote dans les hautes

terres d’Auvergne 

La mémoire des mots. Sur le vocabulaire de l’exclusion religieuse 

Du couvent au monde. L’éveil d’une curiosité (L’abbé Dulaurens

vers ) 

Passeurs de savoir

Une arme de combat : les petites écoles. Oratoriens et jésuites

dans le diocèse d’Arras 

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 S

Les jésuites chassés de la cité. Violences pour un retour (Mauriac,

- septembre ) 

Le livre : un paramètre du déclin « monastique » ? L’exemple du Languedoc d’après les inventaires révolutionnaires 

Le jeune chrétien et le livre. La leçon à succès d’un pédagogue

(- siècle) 

Premiers et seconds rôles

Du bon usage des illustres. Gerbert d’Aurillac et les passions

urbaines dans le Cantal 

Culte et images d’un saint fondateur. Odilon de Mercœur et les

origines de Saint-Flour 

Fabre d’Églantine et les chemins du théâtre 

Et s’il était Auvergnat ? Jacques-Paul Migne (-) 

Jalons biographiques 

Références bibliographiques 

Abréviations 

Table des figures 

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Préface

Un historien de qualité

L’Université française, le monde académique partout, fonctionnent et pro- gressent parce qu’ils sont capables d’abriter et de faire travailler ensemble deux types de professeurs. Ce sont tous à des titres divers des enseignants et des chercheurs, car ils ne peut être question de former des étudiants voués à des destins divers sans dif- fuser les éléments novateurs de la science et pour cela sans que les uns et les autres n’aient peu ou prou mis la main à la pâte. Toutefois, il y a plusieurs façons de faire et de s’intégrer à ce concert. Il y a ceux qui courent la poste des publications lan- çant sur le marché livres et idées admises ou non, publications et présence média- tique étant de plus en plus associées pour le meilleur et pour le pire. Il y a ceux qui pèsent leurs mots, expérimentent leurs idées, discutent avec les étudiants en ensei- gnant avec patience. Plus souvent qu’on ne pense, ces deux figures de la pédagogie de l’enseignement supérieur sont inséparables et beaucoup d’enseignants chercheurs pratiquent les deux registres d’intervention dont, cependant, la visibilité n’est pas la même. Pour en découvrir l’importance, la chance se mérite souvent au gré de la lecture. Voilà avec le recueil de Joël Fouilleron une occasion généreusement offerte.

Une quinzaine d’articles pesés au trébuchet de la précision, de la réflexion critique mesurée, de l’intérêt pour le métier d’historien, nous sont donnés à découvrir et à redécouvrir. Ils illustrent un parcours, de Lille à Montpellier, mais solidement ancré dans la France méridionale de Languedoc et d’Auvergne, des horizons montueux des Puys et des Plombs jusqu’aux planèzes et aux tréfonds des Monts de la Margeride et du Gévaudan. Joël Fouilleron qui a été longtemps le conservateur d’un musée d’art et anthropologie à Saint-Flour, qui vit encore dans cette cité typique à bien des égards de l’ancien réseau urbain des villes sonnantes et notables d’autrefois, qui a enseigné à Montpellier, connaît la richesse du pays. Il faut jauger la mosaïque des coutumes et des apports que chacun a donnés à l’ensemble, la valeur des échanges et des mobilités, du Nord au Sud, du Midi au Septentrion d’un Massif central ouvert sur la France et le monde, par le flux des migrants, le mouvements des touristes, les

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 L   ’  ’ F

allées et venues des étudiants venus de partout à Montpellier dans une Université depuis longtemps prestigieuse et attractive. Ses travaux illustrent cette capacité à faire voir et à comprendre la nécessaire diversité des terroirs dans leur agrégation à l’ensemble national. Il est significatif que la quasi-totalité des textes ici retenus dans une collection plus large que montre la bibliographie jointe, ont été l’objet d’une diffusion générale à l’occasion de colloques importants et ouverts et dans des revues nationales reconnues.

Cependant Joël Fouilleron n’est pas un historien régionaliste, c’est un historien qui utilise les matériaux régionaux pour tisser une histoire en résonance constante avec les problèmes et les méthodes de l’histoire en train de se faire. Historien du terroir, qui en a parcouru les points de vue et les routes, qui sait que n’est pas, et n’a jamais été, Sanflorain qui veut, et qu’il y a Auvergnat et Auvergnat, il n’a pas élaboré son travail et mené à bien une œuvre en vivant provincialement toute sa vie. D’un colloque à l’autre, d’un séminaire à l’autre, d’un travail collectif à l’autre, c’est un monde ancien, en partie oublié, jamais totalement fermé sur lui-même qui nous est découvert à travers de multiples lieux, des objets divers, des acteurs variés, des espaces sociaux et intellectuels nombreux, tous éclairant à leur façon des ques- tions qui mobilisent une génération, celle des disciples et des élèves de Labrousse et Braudel, celle des auditeurs d’Alphonse Dupront et Jean Boisset : l’index des auteurs cités prouverait l’esprit solidaire et le sens de la communication qui est à l’œuvre dans ses analyses. Minorité protestante, monde du clergé des réguliers aux sécu- liers, des évêques aux curés, des théologiens aux fidèles, sociétés des élites urbaines, acteurs, auteurs, lecteurs, illustres et modestes, c’est le prisme entier d’une société ancienne mais appréhendée sans rupture avec notre temps qui est donné à com- prendre. Les études sont en majorité centrées sur l’Ancien Régime, de sa construc- tion réelle à son explosion, de son apogée à sa survie dans la réalité des pratiques et des idées, entre les  et  siècles. De même, si le local est central, car pro- ducteur d’archives et comme moyen d’interroger les certitudes acceptées ailleurs et généralisées, il ne domine jamais la problématique permanente des enquêtes, sur chaque objet, car il n’est qu’un foyer dans un éclairage plus étendu, avec un prin- cipe de méthode à entendre « pourquoi ne pas préférer aux réponses qui ferment les interrogations qui ouvrent ? » Pour cela, il faut une vigilance particulière et être capable d’associer à une culture historique particulièrement riche l’élégance démonstrative.

Avec raison, Joël Fouilleron est un historien fidèle aux notes informatives et nécessaires. Dans son grand article sur Migne, soixante-douze pages éclairantes sur l’une des figures majeures de l’édition religieuse et du renouveau patristique du

 siècle, un Cantalien devenu Parisien à l’instar de tant d’autres, mais plus origi- nal, un prêtre devenu éditeur industriel, il nous laisse à regret sur notre faim érudite :

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U    

Plus de cinq cents notes accompagnaient un article trop long. Elles n’ont pu être reproduites. Je pense être utile au lecteur en lui indiquant les lectures d’archives que j’ai faites.

Suivent les citations d’une dizaine de dépôts où l’auteur a puisé les bases de ce qui est le portrait socio-culturel d’un personnage emblématique de cette relation attentive entre le local et le centre, Paris et la province, les origines intellectuelles et culturelles et les réappropriations globales dont celles, essentielles pour les hommes de foi, les capacités de l’Église à faire face à l’intelligence critique.

Cet intérêt pour les archives qui entraîne une dispersion harassante pour le cher- cheur peut surprendre à notre époque de rapidité, il peut aussi expliquer l’élabo- ration lente d’une œuvre qui repose sur le dialogue entre les questions lancées sur le marché des idées historiques et la capacité d’y répondre en dépit des biais de la conservation des sources. Connaître l’état de la question, le confronter à celui des documents locaux, interpréter la comparaison, justifie le temps engagé pour chaque étude. On en jugera en prenant connaissance de l’article consacré au vocabulaire de l’exclusion religieuse, à la mémoire des mots, en s’arrêtant à l’étude sur la formation du clergé en France et dans le diocèse de Nîmes qui est une propédeutique clari- fiante pour une histoire renouvelée du séminaire moderne, ou encore, à la lecture de celle vouée aux lectures monastiques vues d’après les inventaires révolutionnaires.

C’est un exemple type d’une manière d’écrire l’histoire.

Joël Fouilleron admet les résultats obtenus par les premières grandes études sta- tistiques d’histoire du livre élaborées après , elles donnent les grands équilibres qui autorisent comme l’avait bien compris Alphonse Dupront la mesure des pro- blèmes posés par la novation des Lumières. Il les confronte à une autre série d’hypo- thèses qui sont devenues les fondements de l’histoire de la lecture entendue comme phénomène d’appropriation collective et individuelle. L’idée principale aux yeux de l’auteur est d’interroger la notion même de déclin, de remettre en cause les images reçues et les leçons admises. Il faut pour cela faire parler les documents, leurs auteurs et les raisons de leur intervention, la contextualisation matérielle et intellectuelle de leur mise en forme. Ainsi doit-on comprendre ce qui a été un grand phéno- mène de crise spirituelle et de transfert en acceptant d’admettre que la parcimo- nie des constants, le vague des descriptions, leurs biais orientés, traduisent l’incom- préhension, voire l’inculture des experts et nuancent la possibilité d’une statistique culturelle fine. Cependant, l’ensemble livre d’autres équilibres valables, et des répar- titions convaincantes car correspondant à la nature des lieux, et à l’état des collec- tions. L’arsenal technique des clercs se dévoile dans un désordre utilitaire, un déla- brement usuel, un chauvinisme conventuel qui oppose les congrégations les unes aux autres, le choix, l’intention dissimulatrice et le camouflage se révèlent dans les

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 L   ’  ’ F

usages personnels rarement mis en valeur dans les études habituelles. Au total, des vieux livres vénérés, une « sénescence assumée » (magnifique formule) prouvent une fidélité d’un autre âge, confrontée à une autre culture montante, la transforma- tion d’un clergé grand liseur au  siècle, acteur vif des controverses doctrinales en un milieu méfiant sur la défensive, vieilli, localiste, mais capable parfois d’ouver- ture. Le déclin monastique révélé par le livre, c’est le lieu de la rencontre entre ce que les religieux veulent bien montrer au terme d’une évolution qui a vu leur capa- cité en hommes et en fonds se réduire, et, ce que les commissaires révolutionnaires veulent bien voir, quant à la lumière d’un ordre nouveau, ils sélectionnent ce qui les intéresse ; « ils trient autant qu’ils énumèrent faisant d’une collection de livres réelle une bibliothèque idéale, telle qu’ils voudraient qu’elle soit, mutilée, réduite à la part utile au public [...] ».

Manière de faire, manière de dire et d’écrire ne sont pas séparables ici, et, s’il fal- lait citer un autre exemple de cette virtuosité acribique, il faudrait s’arrêter à l’ana- lyse des procédures concernant les émotions provoquées, à Mauriac, par l’expulsion des pères jésuites du collège en septembre . Magistrats et enquêtés attestent du caractère populaire du soulèvement, mais la réaction du procureur d’Aurillac exa- gère le danger répondant au souci d’ordre d’un homme du roi et aux intérêts de sa ville, alors que les rapports et les interrogatoires du lieutenant général criminel per- mettent une interprétation plus juste. Elle confère à la sédition haut-auvergnate son originalité et à l’action des notables urbains sa portée politique réelle aux confins locaux et dans le contexte général des affaires du royaume.

Trois axes principaux orientent les intérêts ici présentés, celui de l’histoire reli- gieuse, celui de l’histoire sociale, celui de l’histoire de la culture intellectuelle et sen- sible. Toutefois, à relire communications et articles, on se rend vite compte de la manière générale dont les trois termes du programme, qui a été inscrit dans l’agenda desAnnaleset de nombreux chercheurs, sont associés et utilisés. L’histoire religieuse de Joël Fouilleron est d’abord en rupture avec les habitudes anciennes intéressées avant tout par les institutions, les idées et les spiritualités, les acteurs principaux. Elle inverse dans ces champs divers les intérêts et les priorités qui montrent que pour lui la religion n’est pas un monde clos, que la société religieuse ne vit pas dans l’indépen- dance et que les idées religieuses ne tombent pas uniquement du ciel. Ce qui retient l’attention, c’est au premier chef de comprendre le rapport des orthodoxies et des déviances et au-delà, la géographie sociale des comportements religieux, les moyens de leur maintien ou de leur évolution. Ainsi l’histoire de la minorité protestante des hautes terres d’Auvergne interroge un stéréotype historiographique imposé, celui de l’orthodoxie montagnarde, citadelle fidèle à l’Église catholique romaine. Or la chro- nologie précoce d’une diffusion, sa sociologie confèrent au protestantisme auver- gnat, celui des champs et celui des villes, une force méconnue. Sa ruralisation et sa proscription sont l’affaire d’un choix politique et le résultat des difficultés accumu-

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U    

lées par la rigueur montagnarde, l’amenuisement est imposé par la double érosion de l’exil et de l’abjuration. D’une façon comparable, la déviation des fidèles de la Petite Église anti-concordaire va, jusqu’au  siècle, bénéficier de la protection d’un abri et d’un isolement qui l’accueille et réduit son impact sans autre détermi- nisme que celui des forces familiales et sociales, causes de liberté ou capables d’aban- don. L’histoire des désignations des fidèles de la Petite Église montre partout le rôle des clercs et de la puissance sacerdotale et le dialogue qui s’établit entre ceux qui parlent et nomment, ceux qui sont nommés et témoignent. Les foyers d’insou- mission unifiés, comme pour le protestantisme, par une analyse générale ont tous une valeur spécifique et particulière tissée par des rapports culturels et sociaux à dominante régionale. On comprend alors les pages consacrées à l’action des évêques de la Réforme catholique en terre languedocienne, leur rôle dans la construction d’une frontière de catholicité, leur borroméisme et leurs manières de transposer en Auvergne ou en Gévaudan la démesure baroque de Rome, mais aussi leur choix des moyens ; choix des prêtres ; choix des livres ; choix des notables encouragés. On a là des pages importantes sur la tridentinisation de l’Église de France, et sur ses limites dans le contexte des forces urbaines. L’histoire des séminaires nîmois, celle des ora- toriens d’Arras, celle des jésuites de Mauriac, convergent pour montrer difficultés et vigueur de l’action enseignante dans leur double confrontation avec la société séculière et avec l’action spirituelle voire la conception terrestre du salut. uand les églises locales ont besoin de modèles, elles les choisissent pour leur valeur propre, mais aussi par référence à leurs besoins que mettent en valeur débats et combats sur le rôle d’un Gerbert ou d’un Odilon de Mercœur. Le prestige local de Migne, issu d’un diocèse fournisseur de prêtres, n’est pas démenti par sa position, discutée sinon marginalisée, au sein du clergé.

C’est cette polyvalence des références qui assure aussi dans le temps le succès et la survie, du  au  siècle, d’un livre comme celui de Gobinet qui confère à la pédagogie des collèges parisiens une capacité de conquête largement européenne.

Dans ces dimensions multiples de la vie religieuse, Joël Fouilleron a l’art de nous montrer les moments décisifs, retenons pour illustrer la certitude, l’accomplisse- ment d’une vocation religieuse avec le choix de Migne à dix-sept ans, quittant Saint- Flour et son collège tranquille pour Orléans et l’ouverture d’une capitale provinciale pour le service de Dieu. Il n’est pas seul, il suit un professeur engagé, avec une dou- zaine de camarades. L’engagement du collégien, acte du for privé, ne se sépare pas de l’intérieur qui, de par son prestige donne force et évidence à un déchiffrement balbutiant. Voilà une vocation qui ne peut se séparer de la force de la mobilité, de la tentation du départ à l’œuvre dans la société traditionnelle. À l’inverse, avec le théa- tin Dulaurens, devenu un illustre dans la bohème des Lumières. C’est l’incertitude et la vocation de rupture qui sont données à voir. Tout enracine dans une capitale de la Contre-Réforme, le jeune Douaisien doué, fils d’une bourgeoisie acculturée mais

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 L   ’  ’ F

la contrainte spontanée, par pesée insensible, donne à choisir entre l’image idéale et l’image réelle de la société ecclésiastique. L’air du sentiment captif, la raison répri- mée, font l’appel à la liberté du monde. Sur tous les plans, c’est certainement une des leçons qui nous est transmise pour comprendre la relation des forces spirituelles et des forces sociales. C’est peut-être aussi pour les historiens une invitation à relire Durkheim qui est cité dans l’article sur les oratoriens et les jésuites dans le diocèse d’Arras, comment la conception du salut déborde le cercle étroit des théologiens de l’élite pour atteindre la société toute entière, autrement dit jusqu’où s’impose la capacité des médiateurs, des intermédiaires culturels entre le libre choix, l’offre et la contrainte.

C’est un pas important vers une sociologie qui pouvait suivre les impératifs de la doxa des années -, retrouver les masses silencieuses et les archives dor- mantes qui les laissent entrevoir, peser les équilibres du haut en bas du monde pay- sans et urbains, et mettre en valeur les forces productives et leur écho. Rien de tout cela n’échappe à Joël Fouilleron en ce qui concerne la société auvergnate, ce qui aurait pu donner l’équivalent en terre montagnarde de ces études de bailliages ou de ces villes qui fleurissent à l’horizon universitaire. Or, certainement ce qui entraîne l’analyse des religions sur des pistes à ce moment encore peu fréquentées ou à peine ouvertes, provoque chez lui une inflexion comparable dans le domaine du social.

La part de l’instabilité et de la mobilité, du marginal et du périphérique, des phéno- mènes d’échange et des moyens d’enracinement, œuvrent dans le sens d’une histoire sensible aux relations concrètes plus qu’aux traditions catégorielles plus ou moins efficaces pour faire comprendre la vie fragile des pauvres et la satisfaction des élites, des notables. Tous les acteurs sont là quand il s’agit de comprendre l’extension, puis le recul de la Réforme auvergnate, les gentilshommes catholiques et protestants, les bourgeois et les robins. Les ruraux embrenés des paroisses et les gens de métiers des bourgs. La conversion et le détachement sont alors à peser en regard des conditions de chacun, des contraintes qui poussent à la solidarité ou qui la déchire. Le rallie- ment à l’orthodoxie des seigneurs de paroisse est un phénomène rencontré ailleurs, mais en Haute-Auvergne, il est catalysé par l’ambivalence du milieu, quand l’incom- patibilité du lieu s’affirme et que les religionnaires privés de seigneurs, privés des pas- teurs se voient livrés à eux-mêmes. Les bien-pensants des cités entraînés par le clergé et les commissaires du roi rejettent dans une montagne-réserve les mal-pensants, les condamne à l’isolement social, à la pauvreté matérielle, à la disette spirituelle, voire à l’exil qui permet de diviser les risques, mais peut affaiblir autant que sauver.

Une place à part est faite à la famille, cellule, sociale de base. Dans le flux et le reflux des déviances, elle joue un rôle décisif. Elle sert de relais défensif quand les protections sociales naturelles et traditionnelles s’effondrent. C’est l’oustauet son espace intergénérationnel qui transmet et entretient les forces spirituelles, qui reprend l’enseignement quand les pasteurs ont lâché pied, qui s’abrite der-

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U    

rière la dispersion, l’isolement, la distance, assurant les liaisons avec ceux qui sont partis. uand le père et la mère cèdent, le détricotage de la fidélité s’amorce, l’identité protestante se dissout comme se détruira celle des fidèles de la Petite Église. Bien plus que l’improbable déterminisme montagnard ou l’isolement tou- jours relatif, c’est ce qui explique la survie des déviants, mais aussi leur faiblesse et leur amenuisement avec le temps, le dépérissement retardé.

Ailleurs, cette sensibilité se laisse voir dans d’autres dimensions, celle de la pres- sion des familles pour le choix des moyens d’études, pour l’orientation d’un jeune clerc, pour la gestion des fortunes ecclésiastiques des grands représentants de l’Église réformée tridentine, avec le jeu des transmissionsad faorempratiquées par les pré- lats italiens du Midi. Exemplaire pour illustrer l’histoire des familles urbaines appa- raît le cas des Migne, dans son évolution géographique, démographique, sociolo- gique. Nouveaux venus, de la Margeride à Saint-Flour, consolidés dans la cité par une alliance entre le commerce de quartier et la mobilité d’un négoce rural, à la seconde et à la troisième génération encore ils sont assez forts pour ouvrir leur patri- moine placé à « l’enseigne du commerce et [de] la passion de la terre », à l’imitation au  siècle des modèles économiques et des conduites nobiliaires. L’histoire par- ticulière des Migne montre le fonctionnement des attaches locales, l’élargissement des relations, la capacité du dialogue. L’étude de la correspondance de la famille avec l’exilé parisien est un exemple fascinant qui dissipe l’illusion des séparations et montre les composantes des relations nouées pendant un quart de siècle entre les origines et l’attachement pérenne d’une part, la vie différente et la capacité d’accueil d’autre part. Les lettres unissent les rapports dictés par le sang avec la parenté et ceux de la responsabilité locale. Soutien financier et complicités affectives, invitation au ressourcement et protection éducative, connivence fondamentale et mésentente se mêlent dans ses lettres avec tout un bazar d’entraide familiale, de menus services spirituels et matériels. Il situe à sa juste place une dimension majeure de l’histoire sociale pour les catégories intermédiaires, celle de la solidarité, humaine, commer- ciale, pécuniaire d’une parenté, les fonctions d’intercesseur que jouent depuis long- temps les Parisiens plus ou moins illustres, voire une des liaisons qui unit la province et la capitale. « L’Auvergne fournit les hommes, Paris les enrichit. » La formule illustre bien l’effet d’un mirage où le succès de quelques-uns grégarise les autres, et les entraîne vers un inconnu apprivoisé. La distance a certainement amplifié le sentiment familial et le rapport au pays réel ou imaginé.

C’est ici qu’on aborde un autre apport des travaux de Joël Fouilleron qui appa- raît dans plusieurs études et qui est lié à la possibilité d’une sociologie des poli- tiques urbaines, de la capacité d’existence d’une opinion à l’âge de la représentation avant l’affirmation de l’espace public. C’est d’abord une série de témoignages qui marque l’importance des notabilités dans le ralliement confessionnel, c’est ensuite l’attachement analysé des cités et de leurs élites aux moyens de la formation et aux

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 L   ’  ’ F

conditions de leur survie, c’est enfin la façon dont les grandes figures symboliques, les illustres, fournissent les éléments d’une politique locale qui peut se retrouver dans d’autres manifestations patrimoniales. L’histoire des célébrations locales, le culte des grands Auvergnats, Gerbert d’Aurillac, Ribeyre de Saint-Flour, Odilon de Mercœur, sortent peu à peu des livres, des conflits érudits, des confrontations doc- trinales plus ou moins assurées, des interprétations fabuleuses pour participer à la construction d’un solide patriotisme citadin. Le local, porté par le besoin d’authenti- fier sa fondation, le provincial, étoffé par l’ostentation des célébrations, le national comptable des richesses de l’un et de l’autre construisent dans les dimensions reli- gieuses et civiques, l’histoire et la légende d’un même mouvement, le panthéon des grands provinciaux, prolongé jusqu’à nos jours. Dans l’histoire des cloches monstres de Mende et de Saint-Flour, c’est la rivalité des villes qui mobilisent les consciences, soulignant les défis, la résistance et la défaite, la fidélité et la rupture. L’aventure cam- panaire est propice à cette construction de la fable et à sa remise en cause critique.

De fait, l’espace du vandalisme religieux et révolutionnaire, la « clochophobie », révèlent les harmoniques, symboliques et anthropomorphiques, utilitaires, sociales et pastorales des cloches, et, leur fonction qui dicte l’attachement des populations à leur présence. Dans les combats religieux du  siècle, c’est aussi une leçon pour le peuple catholique que proposent les érudits : la piété engendre les grosses cloches, l’impiété les détruit, et, l’imaginaire, l’irrationnel s’unissent dans l’érudition locale pour faire de la légende une arme politique apologétique et susceptible pour faire regretter une harmonie enfuie.

Avec les émeutes de Mauriac, on avance encore d’un degré dans la compréhension de l’élaboration sociale d’une culture politique locale. L’étoffement des réactions face à un phénomène général, le plus souvent vu de Paris qui masque les réactions profondes des provinces, se joue ville par ville, collège par collège. Son étude reste à faire à l’instar de ce que révèle la comparaison des réactions locales des cours sou- veraines. À Mauriac, cité prospère pour et grâce aux jésuites depuis le  siècle, la nouvelle de l’expulsion a provoqué la mobilisation des élites représentées dans les tribunaux et les corps municipaux. La ville soutient alors les jésuites qui lui ont fourni une mince prospérité mais surtout un prestige qualifiant par rapport aux autres cités. LeMémoire des habitantsdu  janvier  que conserve dans ses dos- siers le président Rolland, traduit une unanimité des peuples aux notables dans la reconnaissance et la fidélité. uand l’affaire se précise à Paris, la prudence s’impose et le repli sur l’essentiel : il faut sauver le collège même avec d’autres maîtres. Voilà une politique de défense des intérêts supérieurs de la cité qui s’énonce peu à peu.

Avec l’expulsion et la mise en vente des biens meubles des bons pères, c’est l’incident et deux jours d’agitation notable. Elles se lisent à plusieurs niveaux d’interprétation : l’attachement à la survie du collège rendue improbable par le déménagement du mobilier, l’hostilité aux étrangers venus s’enrichir sur le dos des habitants, l’exaspé-

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U    

ration du monde de la boutique et de l’atelier, marchands et cabaretiers encadrent la piétaille, hommes, femmes, d’origines diverses, écoliers. L’attroupement et le pillage peuvent se lire également comme l’expression d’une aspiration politique citadine dont l’enjeu est que Mauriac ne peut pas vivre sans les jésuites et sans collège. C’est alors pour le marchand Rixain et à moindre titre pour le cabaretier Matheuf l’occa- sion d’exposer une critique du gouvernement et de la personne du roi, comme on l’a entendue à Paris dès . On y écoute l’écho des conflits de l’époque ligueuse, l’appel au Dauphin, la conscience d’une tyrannie, les rancœurs contre les étrangers dont la cible principale est le riche marquis de Lur-Saluces, seigneur de Drugeac, connu, redouté, jalousé, et surtout l’effervescence préparée dans le milieu des repré- sentants organiques et habituels du pouvoir urbain que la procédure qui retint le menu peuple ignore pour l’essentiel. Finalement, cette autorité légale, celles des juges et des corps reprend l’initiative et redonne à la ville une unité cimentée par l’espoir de conserver le collège enlevé à Aurillac, et plus encore une réputation blan- chie des ombres jésuites abhorrées par les lettrés de province et de Paris dans le vent.

L’esprit de clocher dans ses variations fait partie de la proto-opinion publique, celle de l’espace de la représentation. C’est un des aspects de l’apprentissage du politique entre les liens anciens qui se dénouent et les audaces novatrices des élites qui judi- ciarisent, laïcisent la monarchie, l’Église. L’émotion de Mauriac traduit brièvement aussi une détérioration des rapports de fidélité sans anticiper totalement la lézarde de l’ancien régime social, la possibilité d’une fracture entre les élites reconnues et peuple.

C’est ici que se rejoignent les interrogations culturelles perceptibles dans tous les travaux rassemblés. Il ne s’agit pas de gravir ou de descendre les degrés d’une échelle des niveaux de réalité, mais de comprendre l’interaction des médiations culturelles avec les positions sociales ou dans le cadre des manifestations religieuses, spirituelles, intellectuelles, civiques. Les moyens de la pression urbaine comme ceux des relations sociales s’y complètent. Les forces de l’éducation familiale et scolaire, le rôle des livres sont naturellement à comprendre pour appréhender une dynamique globale des changements historiques, l’histoire des mots permet de contextualiser combats, origines sociales des déviances.

On a vu l’importance attachée à la scolarisation des clercs que montre la com- plexité des séminaires d’autrefois et celle de la notion d’enseignement : maison de formation pour les jeunes formés à la dévotion et à la piété plus qu’à la culture, mai- son de recyclage temporaire pour resserrer la formalisation des pratiques. Le sémi- naire est aussi lieu d’accueil pour les prêtres âgés et alors une occasion d’échange d’expériences. On a vu l’attachement des populations urbaines au collège, aux petites écoles, qui les intéresse comme manifestation d’une fidélité à l’ordre urbain organiciste autant que comme filière de transmissions spirituelles. Avec Gobinet, le collège s’exprime comme filtre d’un ordre social, instrument de protection contre

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 L   ’  ’ F

les mauvaises lectures et les dangers du monde. La leçon du succès d’un pédagogue chrétien enseigne la force du livre dans l’éducation religieuse et bien au-delà. C’est le compagnon des doctes, des illustres, des aventuriers comme Dulaurens ou Fabre d’Églantine. La familiarité de la lecture instrumentale et habituelle dans les contro- verses qui agitent le monde des érudits et des théologiens est décisive pour la jeu- nesse et ses choix intellectuels. « Le commencement d’un auteur est aussi le portrait d’un lecteur », et les lectures faites à l’âge de la plus grande perméabilité révèlent l’empreinte subtile du livre. Une histoire de la lecture se construit dans les exemples éducatifs de la modernité où se confrontent, parfois se complètent, les arts de lire.

Lecture méditée ou impatiente, choix restrictif ou boulimie, transmission d’héri- tage ou vecteur de novation, les manières de lire sont à l’œuvre dans les exemples institutionnels ou individuels. On le voit avec Dulaurens qui lit ce que lit sa ville et ses élites, mais en révélant un caractère personnel, un choix autre et un mode de voir autrement, une curiosité qui a devancé l’élan général. La vertu de l’imprimé trans- met l’autorité des classiques qui ouvrent aux leçons des modernes, poètes lyriques anciens et libertins, poétiques de la crise de la conscience se font écho.

De façon différente, la trajectoire de l’Instruction pour la jeunesse en la piétéde Gobinet, la vie d’un livre et son contenu lu par rapport aux espaces de sa diffu- sion, montrent l’articulation du lire, sur les usages sociaux et un type de code d’ap- propriation de l’imprimé : comment se forge à force de répétitions disciplinaires, d’inculcation d’une orthodoxie de l’accès aux textes lus, un habitus collectif de lec- ture qui ne se limite pas aux frontières du religieux et qui fait passer pour naturelle une façon de lire prescrite. On entend là comment comprendre l’excellence pasto- rale de l’imprimé et comment situer le débat entre la lecture intensive et la liberté divagante qui est autorisée par la multiplication de l’imprimé. Point de lecture trop libre, mais une sélection des titres ; un ou deux titres choisis et surtout une façon de lire contenues, une lectio modesta et attenta, brève, modérée, attentive, impli- quant relecture et réflexion. Ainsi Gobinet promeut la religion sérieuse et vétéro- testamentaire des Salésiens, l’émergence de l’individualité, l’affirmation d’un laïcat dévot et la lecture privée, solitaire, silencieuse et discrète. Il ouvre ainsi la route, dis- crètement, à une certaine laïcisation du livre. uant au  siècle et après, la Révo- lution, des mains diverses rajeunissent l’ouvrage, ainsi, celle d’Humbert, le public s’élargit et le florilège — de lecteurs — accueille des textes susceptibles d’assurer une meilleure appropriation populaire, générale, du livre bien au-delà de la jeunesse.

Joël Fouilleron confirme ici l’interprétation désormais admise de la réception de la littérature de colportage par toutes sortes de personnes. En même temps, l’apologé- tique, la lutte contre les mauvais livres, se durcit. Le décalage avec les grands succès des Lumières au temps du Romantisme ne fait que s’accentuer dans la pédagogie ecclésiale.

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U    

Si dans l’histoire de la lecture Joël Fouilleron s’inscrit dans une évolution géné- rale mais en soulignant l’originalité forte des lectures pieuses, dans le domaine de l’histoire des mots, il a lancé des interrogations qui mériteraient d’être reprises. Les mots et la culture constituent à mes yeux un article pionnier écrit et pensé au début des années quatre-vingt-dix, présenté dans l’hommage à Arlette Jouanna. Ce texte s’inscrit au terme d’une évolution qui avait vu se mobiliser les historiens pour l’uti- lisation des méthodes lexicologiques, il évoque Lucien Febvre partisan de l’histoire des mots, Alphonse Dupront et son intérêt pour la sémantique historique, mais l’on doit songer aussi aux tentatives linguistiques de Régine Robin ou aux inven- taires lexicologiques, littéraires ou politiques ceux de Michel Launay ou de Michel Tournier. Ici l’objet est l’analyse du vocabulaire foisonnant qui désigne les insoumis de la Petite Église. À chaque foyer d’insoumission correspond un nom et l’ensemble national décourage le classement et l’exhaustivité. L’inventaire peut renvoyer au lieu, à l’animateur principal du mouvement, à un trait matériel de reconnaissance, cou- leur ou choix vestimentaire, à une valorisation morale. Aucune de ces désignations n’est strictement localisées et elles peuvent correspondre à plusieurs régions comme, à l’inverse dans une aire géographique les appellations se superposent. L’histoire des mots est alors plus que jamais une gageure, mais la tenter n’est pas impossible si der- rière le mot on en retrouve la polysémie et l’ambivalence dans le contexte et le long terme de leur usage. Avec l’enfarinéqui désigne en Rouergue l’adhérent de la Petite Église, avec l’illuminéqu’on retrouve aussi en Aveyron, et en Cantal, Joël Fouilleron démonte les accumulations simultanées de sens et leur aveu culturel.Enfarinépart du regard que la majorité orthodoxe jette sur la minorité déviante qui par se retrou- ver dans le vocable évocateur d’un ancien régime capillaire, poudré, disparu et redou- blé par la valorisation politique voire symbolique de la couleur blanche, sans doute l’attachement à une Église réfractaire, et pour les adversaires le fanatisme des noms jureurs. Avecilluminés, c’est le vocabulaire de la pathologie du sacré qui l’emporte, le sectarisme confus, la séduction créatrice de désordre de quelques clercs dissidents.

Circulant dans le registre de la langue officielle, celle de la hiérarchie ecclésiale, celle de la police et de l’administration, des maires au préfet, le vocabulaire vise l’obstina- tion et l’ensauvagement que peuvent nourrir des références anciennes, les condam- nations protestantes de Dieu de farine au  siècle, des réminiscences jansénistes au  siècle, l’écho desallumbradoset des illuminés de Picardie, et le relais fana- tique des convulsionnaires. Laïcisés et politisés, les mots de la dissonance religieuse deviennent instruments de l’exclusion, repris par les clercs dans le fond commun de l’oralité populaire. Loin des réalités qui les ont fait naître, ils ne signifient pas une transmission claire et continue de l’hétérodoxie, des hérésies, mais la capacité de faire jouer la mémoire des faits anciens pour désigner l’obstination, l’égarement, en reprenant les « étiquettes vestigielles », comme quoi un présent peut toujours cacher un passé. À l’heure de la mémorialité érigée en principe et de la recherche

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 L   ’  ’ F

des racines proclamée comme nécessité quotidienne, la leçon est à entendre pour éviter les amalgames et les identités reconstruits, pour être capable d’entendre sans contresens l’altérité.

Les chemins du savoir empruntés par Joël Fouilleron se croisent en permanence dans l’interaction des constituants de la civilisation et des relations sociales, les pra- tiques religieuses et intellectuelles de l’acculturation et de l’appropriation. Ce qui relève du religieux, de l’échange interclassique, de la culture sont inséparables. C’est par ses objets un historien qui a contribué à la construction d’une nouvelle histoire, c’est par sa culture personnelle et par sa méthode, ses façons de faire, de travailler un thème, l’un d’entre nous qui a certainement travaillé sans répit et non sans succès à en maintenir l’ambition. Depuis son mémoire de maîtrise sur lesAspects de la condi- tion de la femme à Douai au  sièclejusqu’à ses plus récentes prestations collec- tives et personnelles, il faut aussi le suivre dans ses activités d’enseignant, sa direction de nombreux mémoires de maîtrise, son engagement dans les jurys et la préparation des concours, dans l’organisation de colloques, dans le réseau de multiples revues, associations, organismes régionaux et locaux, expositions, pour comprendre que la décentralisation réfléchie a été pour lui plus qu’un moteur, un ferment intellectuel et un principe d’action. Le florilège que l’on doit à l’amitié d’Henri Michel et de ses collègues de l’université de Montpellier va, nous l’espérons, le faire connaître et entendre bien au-delà des limites régionales. Depuis plus de quarante ans, ce qu’il pense et ce qu’il fait comptent pour moi très intensément, car c’est une manière de comprendre l’amitié et la façon dont s’établissent les réputations. À l’instar de celui des illustres auvergnats qu’il affectionne, de Gerbert d’Aurillac à Georges Pompi- dou, son parcours est exemplaire et sa fidélité impressionne. C’est un historien du bon usage des faits, de l’interprétation subtile et riche, de la discussion raisonnable et tolérant, un historien de métier, un historien de qualité.

Daniel R

Collège de France

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Le service de Dieu

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Légendaire et histoire

Les cloches monstres dans la psychologie collective

Chemins battus de l’histoire locale, les grosses cloches de Mende et de Saint- Flour appellent-elles une attention nouvelle ? Célèbres et démesurées, secrètes et attirantes, on les croit, on les veut singulières. Singularité mendoise à Mende, san- floraine à Saint-Flour, les cinq cents quintaux de Marie-érèse appartiennent à l’ordre des certitudes tranquilles. Entre ces deux grosses cloches, les identités ne manquent pas : même prénom, même poids fabuleux, même prosopopée où la cloche interpelle le sceptique et, péremptoire, le défie¹:

Je m’appelle Marie-érèse cinq cents quintaux je pèse

. uelques variantes de forme séparent les versions mendoises de la sanfloraine. Variantes qui ne portent pas sur les deux premiers vers (l’identité de la cloche : le nom et le poids), mais sur les deux ou trois suivants (la formulation du défi).

Version Pourcher, (Pierre P,Merle et seize cents prêtres massacrés, Saint-Martin-de- Boubaux, Chez l’auteur, , p. ) :

«ui nevoudrapas me croire me pèseetrepèse etqu’ilmeremette à mon aise. »

Version anonyme, (La Semaine religieuse du diocèse de Mende,  a., n ,  octobre , p. ) :

Ma langue en pèse seize Si on en doute, qu’onme pèse

u’onme repèse

Etqu’onmeremette à mon aise.

Le troisième vers de la version anonyme de  donne une précision supplémentaire : le poids du battant (seize quintaux).

Version Costecalde,  (Léon C, « Monographie illustrée de la cathédrale de Mende »,Bulletin de la Société des lettres, sciences et arts de la Lozère, Chroniques et mélanges, t. III,

-, p. ) :

ui nevoudrapaslecroire, me pèse Etme repèse

Etqu’ilmeremette à mon aise.

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 L   ’  ’ F

qui ne veut pas me croire me pèse me repèse et me mette à mon aise¹.

Et pourtant, Mende ignore la cloche sanfloraine et Saint-Flour la cloche mendoise.

Où, d’Auvergne en Gévaudan, la géographie enseigne de courtes distances, l’histoire découvre des espaces presque infranchissables.

ue la Marie-érèse mendoise rencontre la Marie-érèse sanfloraine renverse le préjugé de la cloche phénomène qui n’a pas de pareille. De l’unicité à la plu- ralité. L’une à l’autre révélées, les cloches-monstres libèrent une double interroga- tion. Limitée, grande ou parfaite, la ressemblance dépasse-t-elle les similitudes de nom et de poids ? Comme dans l’ordre biologique, proclame-t-elle une unité d’ori- gine, un lien de parenté indubitable ou n’est-elle que pure coïncidence dénuée de signification ?

Un siècle sépare la fonte des cloches jumelles. L’histoire des grosses cloches, objet de fierté et d’ostentation des villes, est moins anecdotique qu’elle ne paraît. La déme- sure des cloches pose le problème des techniques de fabrication², des prix de revient, des hiérarchies urbaines. D’ostentations en vanités rivales, la monstruosité campa- naire culmine au  siècle³. Cloches géantes, statues géantes, canons géants : la métallurgie du bronze opère des prouesses⁴. Entraînement à l’extraordinaire, conta- gion du gigantisme, la grosse cloche de Mende participe d’un climat que circons- crivent, du moins pour les cloches, les dates de  et de ⁵.

Une première démesure en appelle une autre : spectaculaire asymétrie, le grand clocher de la cathédrale de Mende, achevé autour de ⁶, sollicite l’imagination, la générosité et le zèle pastoral de l’évêque de Mende, François de La Rovère. Pour ce grand clocher, il conçoit une grande cloche qui, par son extraordinaire surpasse-

. Version Chazelles, (Paul  C, art. « Saint-Flour », dans Déribier  C-

,Dictionnaire statistique, ou Histoire, description et statistique du département du Cantal, t. III, Aurillac, Impr. V Picut et Bonnet, , p. ).

. Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, t. III, Paris, , p. -

 etRecueil de planches sur les sciences, les arts et les métiers, t. V, Paris,  (fonte des cloches,  pl.).

Jacques N, « Fabrication de cloches fondues. Permanence des techniques »,Ethnologie an- çaise, t. I, n -, , p. -. Bernard H,Des métiers et des hommes au village, Paris, Éd. du Seuil, , p. -.

. Jean-Daniel B,La cloche. Études sur son histoire et sur ses rapports avec la société aux différents âges, Genève, Gosset et Trembley, , p. .

. José Federico F,Forteresses de la France médiévale. Construction, attaque, défense,  éd. revue, Paris, A. et J. Picard, , p. .

.  : fonte de Georges d’Amboise, Rouen (poids :   livres) ;  : fonte de Marie, Stras- bourg (poids :   livres ; diamètre : , pieds).

. Charles P, « Notice sur la construction de la cathédrale de Mende »,Bulletin archéolo- gique du Comité des travaux historiques et scientifiques, , p. - (p. ). Louis B, « La cathé- drale de Mende et ses clochers »,Congrès archéologique de France, XXIV session (Mende, Valence, Grenoble), , p. .

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L  . L  ... 

rait la cloche de Rouen, libéralité fastueuse de son archevêque, Georges d’Amboise¹.

Cet exploit campanaire, l’achat à Lyon en  de six cents quintaux de métal « pour fere troys cloches ou campanes en son église de Mendes » le prépare². Cent quatre- vingts mulets « ou environ » acheminent le « métail » de Lyon à Mende³. Les détails, hélas, manquent sur la fonte de la grosse cloche : quel maître du feu réus- sit, en , la coulée des cinq cents quintaux du monstre d’airain⁴? Le charpentier Antoine Bérault monte, en , six cloches au « clochier dernier faict⁵» ; la grosse cloche est-elle du nombre ?

Disparité fastueuse dans une petite ville, la grosse cloche domine et écrase Mende.

Son ampleur inusitée publie la puissance du seigneur féodal⁶, grandit le prestige et l’autorité du prélat. Gloire présente et gloire immortelle. Par l’apologiste de bronze oscillant au grand clocher, François de La Rovère défie l’oubli et la mort. Mais le mécénat campanaire de l’évêque, s’il affiche la munificence d’un mortel, conjugue l’ostentation et la piété, l’hommage à Dieu et la propagande religieuse. La cloche, par l’immense de sa grosseur, étonne et éblouit, reflet de la magnificence plus grande encore de l’autre monde. L’ascendance de l’évêque de Mende complète et étaie cette interprétation de la démesure. Depuis , les Della Rovere et les Riarii, leurs parents, tiennent comme en apanage le siège de Mende⁷. À Pierre Riario, neveu du pape Sixte IV⁸, succède après un interrègne de quatre ans, un autre neveu de Sixte IV, Julien de La Rovère, pape en  sous le nom de Jules II, et à Jules II, ses

. Georges d’Amboise, archevêque de Rouen de  à .

. Arch. dép. Lozère, G . Passeport portant franchise des droits de péage accordée par François de Rohan, archevêque de Lyon, en faveur de François de La Rovère pour le port de  quintaux de métal,  novembre . Ferdinand A,Annuaire administratif, statistique, historique et agricole du département de la Lozère,  a., , p. -. Joseph B, « uelques anciens documents campanaires de la Lozère et du Gard »,Bulletin mensuel de l’Académie des sciences et des lettres de Montpellier, avril , p. - (« Opuscules campanaires », fasc. ).

. Arch. dép. Lozère, G . Lettres de François de La Rovère aux receveurs des droits de péage de Lyon à Mende. Ferdinand A, « Notice sur les cloches du diocèse de Mende »,Annuaire[...]

de la Lozère,  a., , p. .

. Le  juin, d’après P. P,Merle[...], Saint-Martin-de-Boubaux, , p. .

. Arch. dép. Lozère, G , fol.  v., uittance donnée à Antoine Bérault d’une somme de

 livres,  février  (v. st.). F. A,Annuaire[...] de la Lozère, , p. -. C. P,

« Notice [...] »,Bull. archéologique[...], , p. .Archives gévaudanaises, t. IV,Études d’histoire et d’archéologie sur le Gévaudan, Mende, Impr. A. Privat, , p. .

. Seigneur de Mende, comte de Gévaudan.

. Entre autres successions de prélats italiens : à Viviers de  à  (Georges G s.j.,Après les guerres de religion. Saint François Régis, -, Paris, Éd. Spes, , p.  et ) ; à Béziers de

 à  (Gérard C, « Le legs religieux de l’Ancien Régime au département de l’Hérault », Annales du Midi, t. LXXXV, n , juillet-septembre , p. -).

. Sur Sixte IV (-) et ses neveux, Ludwig von P,Histoire des papes depuis la fin du Moyen Âge[...], Furcy-Maxime R (trad.), t. IV, Paris, Plon, Nourrit et C, ,  p.

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 L   ’  ’ F

neveux Clément et François¹. La même passion de la grandeur anime Jules II et François, l’oncle et le neveu, le pape et l’évêque². Par la fonte de la grosse cloche, Francesco Delle Rovere, neveu et petit-neveu de pape, transplante en Gévaudan un peu de grandiose de la démesure de la Rome de la Renaissance³. À l’église dressée sur le tombeau de Pierre et voulue incomparable par Jules II répond la cloche sans pareille de Mende⁴.

La cloche géante de François de La Rovère, faite pour braver l’éternité, ne dépasse pas soixante-trois ans, le cours d’une vie humaine. Mende en  : une ville en deuil, inquiète, où tout annonce « la tristesse et la mort⁵». Harcelée par la peste et la guerre, la ville épiscopale dont « deppendoit entièrement la perte de tout le reste du diocèse » attend, défiante, l’attaque de Merle⁶qui guette Mende « incessam- ment de nuict et de jour⁷» : l’accalmie pour combien de temps ? Pèse encore sur les esprits une prophétie de Nostradamus annonciatrice, pour une date proche, de malheur :

Ol toc de la campano Mendé malo sepmano⁸.

Pour attendue qu’elle soit des cassandres locales, l’irruption de Merle surprend les Mendois. Ultime habileté du capitaine huguenot : le choix du jour et de l’heure.

Profitant de l’allégresse de la nuit de Noël, Merle et sa bande, partis le  décembre de Marvejols, approchent de Mende. À une heure après minuit, au moment où la

. Pierre Riario (-), Julien de La Rovère (-), Clément de La Rovère (-), François de La Rovère (-). Francesco Della Rovere meurt au château épisccopal de Balsièges, le  mai  ( Jean-Baptiste P,Gabalum christianum, ou Recherches historico-critiques sur l’Église de Mende, Paris, Dumoulin, , p. -).

. La finalité du mécénat de Jules II (-) : un art de la grandeur, signe tangible de la gloire de Dieu et de la puissance du pontife (L. von P,Histoire des papes[...], t. VI, Paris, Plon, Nourrit et C, , p. -. Emmanuel R,Le pontificat de Jules II, -, Paris, Hachette,

).

. Jean D,Vie économique et sociale de Rome dans la deuxième moitié du  siècle, Paris, E. de Boccard, , t. I, p. -.

. Supériorité que Jules II en  justifie par la primauté de Pierre : « De même que le bienheureux Pierre a été établi au dessus des autres apôtres, de même son église doit l’emporter sur toutes celles de la ville et du monde » ( J. D,Vie économique et sociale de Rome[...], Paris, , t. I, p. ).

. Arch. dép. Hérault, B , . Arch. dép. Lozère, G .

. Sur Mathieu Merle (vers -vers ), la biographie ancienne d’Amédée de Pontbriant (A. de P,Le capitaine Merle, baron de La Gorce, et ses descendants, Paris, A. Picard, ,  p.) et la somme, en deux volumes, de Georges Amiaud-Bellavaud (G. A-B,Un chef huguenot : le capitaine Merle, ses ascendants et descendants et les guerres de religion notamment en Auvergne, Gévaudan et Vivarais,  éd. revue et complétée, Uzès, Impr. H. Peladan, ,  p. ; Quelques documents attardés. Un chef huguenot : le capitaine Merle, Uzès, Impr. H. Peladan, ,  p., index).

. Arch. dép. Hérault, B , .

. Arch. dép. Lozère, G , Relation de la prise de Mende (« uand la cloche sonnera/ Mende mauvaise semaine aura »).

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L  . L  ... 

grosse cloche « sonnant à grande force » précipite sur la ville un bruit assourdis- sant, par les remparts échelés jaillissent les assaillants¹. Maisons désertes, rues vides, peu ou pas de résistance : les Mendois fêtent à la cathédrale la naissance du Sau- veur. La ville est prise non sans les habituelles violences : hommes assommés et tués, lieux saints forcés², et, après deux mois d’occupation huguenote, la grosse cloche bri- sée. En février , Merle abolit par le feu la résistance de l’airain rebelle aux gros marteaux et marres³: « Il feist fère, raconte un témoin, ung grand feu dessoulz et ez environ et la feist eschauffer de telle sorte, qu’après on la rompist aisément⁴. » Le retentissement des forfaits inouïs de Merle, le bris de la cloche et autres cruau- tés, passe les portes de Mende, les montagnes du Gévaudan. La nouvelle émeut le proche Vivarais⁵. À Toulouse, en février , les catholiques courent en représailles

« sus aux huguenots⁶». Le bouche à oreille porte, jusqu’à la capitale, la nouvelle des crimes réciproques de Mende et de Toulouse⁷.

À Charles de Noailles, évêque de Saint-Flour de la première moitié du

 siècle⁸, la Gallia christiana⁹, son informateur dom Boyer¹⁰ et Dulaure¹¹

. Mathieu de G,Les exploits de guerre de Mathieu Merle, baron de Salaas de  à .

Guerres du Vivarais, , éd., Louis L  L P (éd.), Montpellier, Impr. Firmin et Cabirou, , p. . La nuit, l’exubérance des sonneries : autant d’opportunités d’après Christophe de Chavagnac. « Ils se rendent à Mende sur l’heure de minuit que l’on commençait à sonner les cloches qui faisaient un tel tintamarre qu’ils pausent leurs échelles que la sentinelle ne s’en apperçut oncques qu’ils furent sur la muraille et quelque alarme qu’il donnast ne pût bonnement jamais être oui qui fust cause qu’ils entrèrent aisément » (Arch. dép. Lozère, G , lettre de Chavagnac à son frère,  jan- vier ). Religieuse ou profane, la fête désarme (Yves-Marie B,Fête et réolte. Des mentalités populaires du  au  siècle, Paris, Hachette, , p. ).

. Arch. dép. Lozère, G .

. Arch. dép. Lozère, G . Dépositions de Jean de Fontunie, bourgeois de la ville de Saugues ( juin ) et de M Jean Des Estreichz, notaire à Mende ( juin ). Ferdinand A (éd.), Documents relatifs à l’histoire du Gévaudan,  partie [III²],Documents historiques et inédits sur les guerres de religion en Gévaudan, t. II, Mende, Impr. de C. Privat, , p.  et .

. Arch. dép. Lozère, G , Déposition de Jean Des Estreichz,  juin .

. D’après une lettre du receveur Froment au syndic de Leyris publiée par Albin Mazon (G. A-B,Un chef huguenot[...], Uzès, , p. ).

. Journal de L’Estoile pour le règne de Henri III (-), Louis-Raymond L (éd.), Paris, Gallimard, , p. .

. Jusqu’à la ville (Pierre de L’Estoile), et jusqu’à la Cour.

. Évêque de Saint-Flour de  à .

. Gallia christiana[...], t. II, Lutetiæ Parisiorum [Paris], Apud viduam Edmundi Pepingué, , col. .

. Jacques B o.s.b., « Journal de voyage (-) », Antoine V (éd.),Mémoires de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Clermont-Ferrand, [ s.], t. XXVI, , p.  ( sep- tembre ).

Dom Boyer (-), bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, chargé de recueillir, dans les provinces ecclésiastiques de Bourges et de Bordeaux, des matériaux pour laGallia christiana(DHGE, t. X, , col. -).

. Jacques-Antoine D,Description des principaux lieux de la France,  partie, Paris, Chez Lejay, , p. .

(31)

 L   ’  ’ F

attribuent la paternité de la grosse cloche sanfloraine. La consécration de la cathé- drale, le  décembre , marque l’achèvement du gros œuvre, non la fin des tra- vaux. Une première campagne, sous les épiscopats successifs des oncle et neveu Joyeuse¹, élève la tour nord. Au terme d’une interruption de près d’un siècle, au lendemain du règne réparateur de Henri IV, Charles de Noailles achève la grande tour et dote la cathédrale d’une grosse cloche². Évêque de l’Église post-tridentine, Noailles prend à cœur ses devoirs épiscopaux, réside, visite le diocèse de l’Allier à la Jordanne, institue des conférences pour pallier l’ignorance du clergé³. uelle sûreté d’aveu dans le zèle pastoral et réformateur de l’évêque. Marque d’extraordinaire, la grosse cloche magnifie Dieu et séduit les âmes insoumises. De la cloche ostentatoire procèdent joie, puissance et gloire qui travaillent l’âme populaire, la fascinent et aiguillonnent sa dévotion. Avec les retables, avec les autres signes religieux de l’église et de la rue, la cloche de Noailles participe à une insinuante pédagogie, visuelle et sonore, qui ouvre les âmes à l’émotion⁴.

À travers deux siècles, la grosse cloche de Saint-Flour clame et répète le même message. Voix familière, monument reconnu, elle accède à la célébrité. Disciple de Mabillon, dom Boyer séjourne à Saint-Flour du  au  septembre . Il consacre aux archives l’essentiel de ses journées. La démesure de la cloche l’alarme- t-il ? Soupçonne-t-il une imposture ? La tératologie délasse-t-elle l’érudit ? Il veut voir et mesurer la « curiosité⁵». L’année même de la Révolution, Dulaure la signale aux amateurs de pittoresque⁶, mais l’échéance approche.

Déportée vers la tyrannie par l’effort même déployé pour la réduire, la Révolu- tion renonce à la liberté pour les ennemis de la liberté et organise selon la formule de Marat, « le despotisme de la liberté pour écraser le despotisme des rois⁷». L’ac- célération du processus révolutionnaire, les outrances des sans-culottes, les menaces qui pèsent sur la propriété inquiètent Saint-Flour ou plutôt les notables qui la

. Charles de Joyeuse (-), Louis de Joyeuse (-).

. Joël F,La cathédrale de Saint-Flour, Paris, NEL, , p. -. Plan visuel de Saint- Flour, , et façade de l’église cathédrale de Saint-Flour par Chauliaguet,  janvier  (Arch. nat., F ). Plan visuel de Saint-Flour,  (Arch. dép. Cantal,  G ).

. P. de C, art. « Saint-Flour », dansDictionnaire statistique[...]du Cantal, t. III, Aurillac, , p. .

. Source méconnue d’une histoire de la sensibilité religieuse, les cloches requièrent une étude sérielle. Les épigraphes (scripturaires ou naïves, latines ou françaises, catholiques ou protestantes), les noms et les parrainages, les pouvoirs des cloches (tutélaires, divinatoires) sont autant de directions de recherche ( Joël F,De la campanographie à l’histoire, communication inédite présentée au séminaire de Pierre Chaunu, université de Paris IV — Sorbonne).

. J. B, « Journal de voyage [...] »,Mémoires de l’Académie[...]de Clermont-Ferrand, , p.  ( septembre ).

. J.-A. D,Description[...],  partie, Paris, , p. .

. Marat cité par Albert S,Précis d’histoire de la Réolution ançaise, Paris, Éditions sociales, , p. .

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